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QU’EST-CE QUE LA PAIX ? CONSTRUIRE LA PAIX !
La paix est, avec l’environnement, le sujet sur lequel j’ai le plus écrit (une trentaine
d’articles et surtout quatre ouvrages « Construire la paix » en deux volumes,
« Droit international du désarmement », « Relations internationales », (voir 2nd
partie de la « biographie » sur ce site),le sujet sur lequel je suis le plus
intervenu(cours et conférences),c’est aussi celui que j’ai souvent retrouvé
dans le milieu associatif(voir 3ème partie de la « biographie » sur ce site).
La paix n’est pas seulement un « sujet, un thème », c’est une immense chance pour
les populations et c’est un ensemble d’éléments à construire. Ses contraires, la
guerre mais aussi de multiples formes de violences, sont avant tout des drames et
des menaces, synonymes de souffrances pour de nombreuses personnes et de
nombreux peuples sur la Terre.
A 27 ans, en 1973, donc assez tardivement, dans des associations « tiers monde »,
j’ai pris conscience que des jeunes de mon âge n’avaient connu, en trois
décennies, que la guerre dans leur vie ou leur survie. C’est, entre autres, ce qui
m’a amené à essayer de contribuer à penser la paix et à agir en ce sens. En même
temps, peu à peu, je me suis rendu compte des liens théoriques et pratiques étroits
existant entre la paix et la démocratie, la justice, l’environnement.
Bref : c’est avec une motivation très forte que j’ai essayé de faire cette synthèse
relative à la paix.
La réflexion est longue (37 pages), elle peut être facilement lue en plusieurs fois,
les 8 développements ont une certaine autonomie même si leurs interdépendances
sont ici et là expliquées. J’ai essayé de faire une synthèse comme chercheur ce
qui appelait la rigueur, comme enseignant ce qui appelait la pédagogie, comme
militant ce qui appelait des convictions (mais pas de discours vérité).
L’objectif essentiel de cet article ? Entrer dans une vision globale de la paix .
Parmi les nombreux sites sur la paix nous vous invitons à consulter celui du
Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits(CDRPC) de
Lyon, directeur Patrice Bouveret, « obsarm.org / », et le blog de Ben Cramer,
journaliste-polémologue, « athena21.org/ », sans oublier, dans un tout autre genre,
«graines-de-paix.org » .D’autres sites, en particulier de centres de recherches et d’
ONG , seront indiqués dans cet article.
Introduction
Dans cette introduction nous proposons de partir de quelques citations
symboliques, d’un rappel étymologique et mythologique, enfin nous
déterminerons une démarche.
1) Quelques citations symboliques relatives à la paix
Ecoutons d’abord des paroles de victimes de la guerre :
Jean-Louis Cros, mot trouvé près de ce soldat tué le 16 avril
1917 : « Chère femme, chers parents, chers tous, élève bien les enfants
chère Lucie. J’ai une cuisse broyée, je suis seul dans un trou d’obus. Ma
dernière pensée va vers vous. »
Mizukawa, écrivain, survivant de l’horreur nucléaire d’Hiroshima : « Une
mère aveugle serrant contre elle son enfant mort, des larmes ruisselant
de ses yeux détruits. C’était dans mon enfance. Ma mère me tenait par
la main, vision de cauchemar inoubliable. »
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Maïda, quinze ans, dans la guerre de l’ex Yougoslavie : « Guerre est le
mot le plus triste qui sort de mes lèvres tremblantes. Elle remplit les murs
de sang et fait du monde un enfer. »
Rappelons ensuite trois citations de dénonciation de la guerre
Fénelon : « Toutes les guerres sont civiles, c’est toujours l’homme qui
répand son propre sang, qui déchire ses propres entrailles. »
Montaigne : « La guerre est le témoignage de notre imbécilité. »
Jean Rostand : « Equilibrer les terreurs c’est préparer la paix, non pas
celle des vivants mais celle des tombeaux. »
Enfin mettons en avant des conceptions globales de la paix, ici celles
de deuxgrands juristes
René Cassin : « La paix c’est un état où les droits de l’homme sont
d’abord connus et ensuite respectés mais, réciproquement, c’est une
chimère de croire que l’on peut respecter les droits de l’homme dans un
monde où la guerre, c’est à dire la négation même de l’existence de
l’homme, est affirmée tous les jours. »
René-Jean Dupuy : « Il y a un lien, une dialectique, une triade : paix,
développement, droits de l’homme. La paix sans laquelle le
développement est impossible, le développement sans lequel les droits
de l’homme sont illusoires, les droits de l’homme sans lesquels la paix
est violence. »
2) Un rappel étymologique et mythologique du mot
« paix »
a) Etymologiquementau sens grec eiréné vient de eiro : s’engager, tenir
parole. Au sens latin pax vient de pangere : fixer, enfoncer, établir solidement,
s’engager et promettre. Ainsi le mot paix signifiait « conclure un pacte » et
traduisait la volonté d’écarter ou d’arrêter la guerre.
Le dictionnaire met en valeur cette même idée, celle de rapports réguliers,
calmes, sans violence, d’un Etat avec un autre. Pax est donc synonyme de
calme, de tranquillité.
b) Dans la mythologie grecque les Heures, divisions non pas du jour mais de
l’année, étaient filles de Zeus(Jupiter) (dieu suprême) et de Thémis (justice) :
Eunomie (le Bon Ordre), Diccé(la justice) et Irène(la Paix).P.Commelin, dans sa
« Mythologie grecque et romaine »(pocket,1994) raconte que Homère les
appelait « les portières du ciel qui ouvraient et fermaient les portes éternelles
de l’Olympe. » On ajouta ensuite une quatrième saison, l’automne, Carpo. Sur
les monuments les trois Heures sont couronnées de feuilles de palmier. La Paix
chez les athéniens avait son temple et ses statues, chez les romains elle avait à
Rome le temple le plus grand et le plus beau. Cette déesse tenait dans une
main une branche d’olivier et dans l’autre une corne d’abondance. Les
sacrifices qu’on lui faisait étaient pacifiques, il n’y avait pas de sang versé
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3) Une démarche proposée pour penser la paix
La démarche proposée se veut globale, critique, créatrice. Les articles
et ouvrages sur la paix sont souvent critiques, quelquefois créateurs,
très rarement globaux. Une certaine globalité est pourtant une exigence
et une chance. Si l’on veut mieux comprendre la paix, ne faut-il pas la
regarder de nombreux points de vue, sans prétendre bien sûr à
l’exhaustivité ?
Nous synthétiserons donc les paroles et les actes d’un grand
nombre d’acteurs. Au fur et à mesure nous repèrerons des points
communs, des différences, des oppositions .Enfin, reprenant divers
points et en rajoutant de nouveaux, nous proposerons une conception
de la paix (dans le dernier et huitième point.)
Partons du plus grand nombre de personnes, de ce que l’on peut
appeler « le sens commun », la paix est vécue avant tout comme
l’absence de guerre (I),
elle est donc aussi chantée, par exemple par des poètes et d’autres
auteurs pour ses bienfaits (II),
existent également, dans des philosophies, des religions, des
civilisations, des cultures, souvent exprimées quatre séries
d’approches (III),
des pratiques de paix sont ici et là défendues par des militant(e)s
d’ONG (IV),
des scientifiques mettent en avant des recherches sur la paix(V),
la paix est également pensée à travers le concept de sécurité, en
particulier par les représentants des Etats et par ceux des
organisations internationales (VI),
elle est pour une part organisée par le droit, principalement par le droit
international (VII),
elle est combattue à travers de nombreuses logiques. Pour qu’elle soit
véritablement construite quelles contre-logiques, quels moyens mettre
en avant , autrement dit quelle conception concrète proposer de la
paix (VIII) ?
I- La paix vécue avant tout comme l’absence de la
guerre
La paix se pose en s’opposant à son terrible contraire , la guerre(A),mais
la paix est-elle uniquement l’absence de la guerre ? (B).
A- La paix se pose en s’opposant à son terrible contraire : la guerre
1-La guerre et sa présence dans l’histoire
Il est probable que la guerre n’a pas toujours existé, elle apparait à la
suite de trois séries de causes (climatiques, économiques,
démographiques) (voir sur ce site « Analyses des causes des
violences »).
a) Cependant les guerres sont omniprésentes dans l’histoire : guerres
préhistoriques, guerres des empires, guerres des sociétés féodales,
guerres coloniales, guerres révolutionnaires, guerres de décolonisation,
guerres de libération, et bien sûr les guerres mondiales de 1914-1918 et
de 1939-1945.De nos jours les guerres civiles sont les plus
nombreuses,souvent plus ou moins internationalisées,des guerres
interétatiques sont encore présentes.
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b) De 1945 à nos jours, en près de sept décennies (1945-avril 2014)
quel a été le nombre de conflits armés ? Il y a eu de l’ordre de cinq
cents vingt conflits armés. Ainsi par exemple, de façon plus précise, de
1945 à 1968 cent conflits armés (Annuaire SIPRI, 1968-69), sur la
période 2001-2011 soixante treize conflits étatiques, deux cents vingt
deux non étatiques (SIPRI, Yearbook 2013)…
Les conflits inter étatiques depuis 1945 sont moins nombreux, neuf
conflits armés sur dix sont intra étatiques et de plus en plus ont une
portée internationale dans la mesure où plusieurs Etats soutiennent les
parties internes au conflit.
2-La paix c’est d’abord l’absence d’un immense malheur, la guerre
Selon le sens commun la paix est presque toujours définie par référence à la
guerre, la paix c’est la situation d’un pays qui n’est pas en guerre avec d’autres
Etats ou en guerre civile (avec ou sans portée régionale ou internationale).
C’est un intervalle entre deux guerres, entre deux grands malheurs.
a) Il faut penser à l’immense contenu de ce mot paix avec tout ce qu’il
représente comme absence des grandes souffrances entrainées par la guerre.
Ecoutons Jean Rostand : « ( …) il faut avoir toujours présent à l’esprit l’immense
contenu négatif du mot « paix », et tout ce qu’il signifie de non-souffrance, de
non-détresse, de non-désolation ; voir obstinément, en toute guerre, la
gigantesque erreur judiciaire que fait la somme des peines capitales infligées à
tant d’innocents. »(discours aux Assises pour la paix, 26 avril 1968).
b) Les malheurs entrainés par les guerres ce sont d’abord les victimes, ainsi la
guerre de 1914-1918 est à l’origine de 18,6 millions de morts. Ce nombre
comprend 9,7 millions de morts pour les militaires (on cite d’ailleurs souvent
cette donnée de 10 millions de pertes humaines pour la Grande Guerre) et 8,9
millions pour les civils, celle de 1939-1945 est à l’origine de cinquante cinq
millions de morts, militaires et civils.
Pour de multiples raisons (difficultés d’établir les données, massacres cachés,
prises en compte de dates différentes quant au début et à la fin des conflits,
effets mortifères de certaines armes longtemps après la cessation de la guerre,
surestimations ou sous-estimations volontaires des parties au conflit,
réévaluations d’historiens…), par exemple dans la Seconde Guerre mondiale
comme dans d’autres, une incertitude existe puisque le nombre des victimes,
selon les sources, va de quarante à soixante millions de pertes humaines.
Depuis 1945 les conflits armés pendant près de sept décennies ont été à
l’origine d’au moins dix à quinze millions de victimes. Il faut souligner
l’incertitude de ce total puisque on avance parfois, au plus, l’équivalent de la
Seconde Guerre mondiale soit cinquante cinq millions de morts.
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Depuis 1945 la guerre du Vietnam (seconde guerre d’Indochine) a été l’une des
plus meurtrières. Elle opposait d’une part le Nord Vietnam procommuniste,
soutenu militairement par la Chine et l’Union soviétique et d’autre part le Sud
Vietnam, soutenu militairement par les Etats-Unis. Cette guerre va de 1964 à
1973, elle continue entre les deux Vietnam de 1973 à 1975, elle est synonyme
de souffrances gigantesques .Les victimes du côté vietnamien sont au moins de
1 million de combattants et de 4 millions de civils, du côté des Etats-Unis
58.000 militaires.
En nombre de victimes une autre guerre a été particulièrement gigantesque
quant aux pertes humaines puisque de 1986 à 1996 en RDC (République
Démocratique du Congo) il y a eu au moins 4 millions de victimes.
Ecoutons un témoignage, celui de Roland Dorgelès (Les Croix de bois, Paris,
Albin Michel, 1925) relatif aux cadavres d’un champ de bataille des tranchées
de 1914-1918: « Sans regarder, on sauta dans la tranchée. En touchant du pied
ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en arrière, épouvanté. C’était un
entassement infâme, une exhumation monstrueuse de Bavarois cireux sur
d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie,
tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eût dit dévissés,
les pieds et les genoux complètement retournés, et, pour les veiller tous, un
seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un monstre sans tête. (…)
On hésitait encore à fouler ce dallage qui s’enfonçait, puis, poussés par les
autres, on avança sans regarder, pataugeant dans la Mort… »
c) Les malheurs des guerres ce sont aussi des souffrances physiques,
morales, souvent à vie, des combattants et des populations. La Grande
Guerre fit 20 millions de blessés dont de nombreux invalides à vie, et des
millions de veuves et d’orphelins.
Evoquer cette grande boucherie de 1914-1918 c’est penser à la survie dans les
tranchées : attaques, mitrailleuses, obus, explosions de surface et souterraines,
gaz de combat, combats à la baïonnette et au couteau, cadavres, cris plaintes
et souffrances des blessés, peurs de mourir, lassitudes, crises de folie, suicides,
exécutions pour en appeler à la « combativité » , prises de conscience des
abattoirs programmés par les folies et les erreurs du commandement,
manques de sommeil, de nourriture et d’eau, puanteurs multiples, conditions
sanitaires catastrophiques, noyades, froid, pluie, boue, poux, rats, vermine
…(Voir en particulier la terrifiante et remarquable série
documentaire « Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale »).
Les malheurs des guerres ce sont aussi les destructions matérielles (villes,
villages, routes, voies ferrées, ponts …) et les destructions
environnementales(faune, flore, forêts, paysages, air, sol, eau, étendues
agricoles, monuments…), la guerre est destructrice non seulement des êtres
humains mais aussi de l’environnement(voir article de l’auteur de ce site, JML,
Droit de la guerre, droit de l’environnement, colloque OMIJ Limoges, 15 et 16
décembre 2008. Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre,
Dalloz, 2009), dans cet article est proposée au départ une synthèse des effets
nombreux et catastrophiques de la préparation de la guerre, du conflit et de
l’après-conflit sur l’environnement, c’est une vision globale terrible.
Mais si la paix est d’abord l’absence de la guerre n’est-elle pas également
autre chose ?
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B- La paix vécue aussi comme l’état de sociétés humainement viables
1 La paix n’est pas seulement l’absence de la guerre
S’en tenir à l’absence de la guerre c’est avoir une vision incomplète de
la paix pour trois raisons.
D’abord il existe la fausse paix, c’est-à-dire celle « enceinte d’une
guerre qui se prépare » (expression du polémologue Gaston Bouthoul), il
s’agit d’une guerre précédente dont le règlement n’a pas supprimé les
causes ou en a fait apparaitre de nouvelles, il s’agit d’une situation de
plus en plus conflictuelle face à laquelle des moyens pacifiques de
règlement échouent.
Ensuite la guerre n’est pas la seule forme de violence, existent aussi
les génocides, les régimes autoritaires, les violences économiques…
(voir sur ce site « les manifestations des violences »), ces formes de
violences et beaucoup d’autres ne correspondent pas bien entendu à
des situations de paix.
Enfin la paix suppose une construction en marche, elle n’est pas
seulement une situation d’attente, ou une situation passive. Elle est
synonyme de volontés. Emile Chartier, dit Alain, l’exprimait fort bien :« Il
y a croire et croire, cette différence paraît dans les mots croyance et foi.
Croire à la paix c’est foi, il faut ici vouloir, la foi va devant, la foi est
courage. Au contraire croire à la guerre c’est croyance, c’est pensée
agenouillée et bientôt couchée, c’est répéter ce qui a été dit et redit, c’est
penser mécaniquement. »
2 La véritable paix synonyme d’une construction globale
L’exigence et la cohérence de cette construction c’est sa globalité.
Cette globalité doit s’exprimer dans l’ensemble des activités. Penser et mettre
en oeuvre des moyens pacifiques conformes à des fins pacifiques, telle peut
être la construction d’une véritable paix. Des moyens spécifiques à la paix et
aussi des moyens liés à la démocratie, à la justice et à l’environnement.
Cette globalité ne concerne pas que les domaines d’activités, elle vise
également tous les niveaux géographiques, locaux, nationaux, continentaux,
internationaux, autrement dit l’ensemble des acteurs. La paix doit se
construire à travers des sociétés humainement viables, cela sur l’ensemble de
la planète, on en est souvent loin.
Et pourtant de combien de bienfaits la paix n’est-elle pas porteuse ?
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II- La paix chantée pour ses bienfaits
Parmi les nombreux auteurs qui ont chanté la paix proposons quelques
passages de merveilleux poèmes (A), également trois textes d’autres
auteurs(B):
A- Des paroles de poètes qui chantent la paix
Voici par exemple La Fontaine, Aragon, Eluard, poème aussi dans un Almanach
de la Paix puis un poème iroquois, enfin un texte d’un théologien.
Paix, source de tout bien,
Viens enrichir cette terre(…),
Et que nous passions nos jours
Etendus sur l’herbe tendre
Prêts à conter nos amours
A qui voudra les entendre. Jean de La Fontaine
Je dis la paix pâle et soudaine
Comme un bonheur longtemps rêvé
Comme un bonheur qu’on croit à peine
Avoir trouvé (…)
Je dis la paix cette fenêtre
Qui battit l’air un beau matin
Et le monde ne semblait être
Qu’odeur du thym (…)
Je dis la paix aux jeux d’enfance
On court on saute on crie on rit
On perd le fil de ce qu’on pense
Dans la prairie (…) Louis Aragon
(…)
Le jour est proche ô mes soeurs de grandeur
Où nous rirons des mots guerre et misère.
Rien ne tiendra de ce qui fut douleur
Chaque visage aura droit aux caresses. Paul Eluard
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Plus d’armes, citoyens !
Rompez vos bataillons !
Chantez, chantons
Et que la Paix
Féconde nos sillons ! La Marseillaise de la paix, Almanach de la
Paix, 1892
Nous déracinerons le plus haut des sapins
Dans la fosse ainsi creusée
Nous jetterons toutes les armes de guerre
Dans les profondeurs du sol
Dans les entrailles de la terre
Nous jetterons toutes les armes de guerre
Nous les ferons disparaitre à jamais
Puis nous replanterons l’arbre
Et ce sera le règne de la Grande Paix Poème iroquois
On retrouve ces poèmes et beaucoup d’autres par exemple dans « Cent
poèmes pour la paix », Appel des Cent, Le Cherche Midi éditeur, choisis
par René Maltête , préface de Bernard Clavel,1987.
Pour terminer voici un texte qui en appelle aux changements
personnels et collectifs :
Si tu crois qu’un sourire est plus fort qu’une arme, Si tu crois à la puissance d’une main offerte, Si
tu crois que ce qui rassemble les hommes est plus important que ce qui les divise, Si tu crois
qu’être différent est une richesse et non pas un danger, Si tu sais regarder l’autre avec un brin
d’amour. Si tu sais préférer l’espérance au soupçon…. Alors, la paix viendra
Si tu estimes que c’est à toi de faire le premier pas plutôt qu’à l’autre, Si le regard d’un enfant
parvient encore à désarmer ton coeur, Si tu peux te réjouir de la joie de ton voisin. Si l’injustice
qui frappe les autres te révolte autant que celle que tu subis, Si pour toi l’étranger est un frère qui
t’es proposé, Si tu sais donner gratuitement un peu de ton temps par amour. Si tu sais accepter
qu’un autre te rende service, Si tu partages ton pain et que tu saches y joindre un morceau de
ton coeur Si tu crois qu’un pardon va plus loin qu’une vengeance… Alors, la paix viendra
Si tu sais chanter le bonheur des autres et danser leur allégresse, Si tu peux écouter le
malheureux que te fait perdre ton temps et lui garder ton sourire, Si tu sais accepter la critique et
en faire ton profit sans la renvoyer et te défendre. Si tu sais accueillir et adopter un avis différent
du tien… Alors, la paix viendra
Si tu refuses de battre ta coulpe sur la poitrine des autres, Si pour toi l’autre est d’abord un frère,
Si la colère est pour toi une faiblesse, non une preuve de force, Si tu préfères être lésé plutôt que
de faire tort à quelqu’un, Si tu refuses qu’après toi ce soit le déluge, Si tu te ranges du côté du
pauvre et de l’opprimé sans te prendre pour un héros, Si tu crois que l’amour est la seule force
de persuasion, Si tu crois que la paix est possible Alors la paix viendra
Pierre Guilbert
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B Les paroles d’autres auteurs qui en appellent à la paix
Ainsi Luther King, Rostand, Camus…
«( …) Je fais le rêve que les hommes un jour se lèveront et
comprendront qu’ils sont faits pour vivre ensemble comme des frères.
Je fais le rêve qu’un jour chaque noir de ce pays, chaque homme de
couleur dans le monde entier sera jugé sur sa valeur personnelle plutôt
que sa couleur de peau.
Je fais le rêve qu’un jour les ventres vides seront remplis, que la
fraternité sera plus que quelques mots à la fin d’une prière.
Je fais le rêve qu’un jour la guerre prendra fin, que les hommes
transformeront leurs épées en socs de charrues, que les nations ne
s’élèveront plus les unes contre les autres et qu’elles n’envisageront plus
jamais la guerre.
Avec cette foi nous saurons tailler une pierre d’espoir dans la montagne
du désespoir. »
Martin Luther King, passage du discours du 28 août 1963
« A vrai dire, il me semble que le pacifisme ne se laisse pas définir d’une
façon rigide : il est moins un engagement doctrinal qu’une certaine
manière profonde, viscérale, d’être et de se sentir.
Pour moi, être pacifiste, ce n’est pas forcément être toujours prêt à tout
sacrifier à la paix, mais c’est quand même être capable de lui sacrifier
quelque chose, et à quoi l’on tient.
Etre pacifiste, c’est ne prêter qu’une oreille méfiante à ceux qui,
aujourd’hui, recommandent le massacre sous prétexte qu’il doit en
prévenir un plus copieux, demain; c’est, sans méconnaître les droits de
l’avenir, donner la priorité à la vie des vivants; c’est vouloir la paix même
si elle n’a pas tout à fait la couleur qu’on préfère, c’est lui rendre grâce
même si toutes nos passions n’y trouvent pas leur compte ; c’est
admettre que l’intérêt de la paix peut ne pas coïncider avec celui de
notre patrie ou de notre idéologie ; c’est oublier cette affreuse vérité que
« le sang sèche vite » ; c’est avoir toujours présent à l’esprit l’immense
contenu négatif du mot « paix », et tout ce qu’il signifie de nonsouffrance,
de non-détresse, de non-désolation ; c’est voir obstinément,
en toute guerre, la gigantesque erreur judiciaire que fait la somme des
peines capitales infligées à tant d’innocents ; c’est ne pas consentir aux
grossières simplifications et falsifications que diffusent les propagandes
pour entretenir la haine ; c’est refuser d’égrener le chapelet des slogans
de commande et des calomnies de consigne ; c’est ne pas clamer qu’on
veut la paix quand on fait le jeu des fanatismes qui la rendent
impossible; c’est dénoncer sans relâche l’horreur de la guerre, l’atrocité
de la guerre, l’ignominie de la guerre, mais se garder d’imputer à l’un des
belligérants des atrocités hors série; c’est condamner, dans tous les
camps, les intransigeances et les jusqu’auboutismes ; c’est s’affliger
quand, pour quelque cause que ce soit, on voit un fusil entre les mains
d’un enfant; c’est préférer que les réconciliations devancent les
charniers; c’est n’être jamais tout-à-fait sûr d’avoir raison quand on
donne son assentiment à la mort des autres…
Une vraie politique de paix ne pourrait être menée que par des hommes
ayant au coeur ce pacifisme là. »
Jean Rostand, discours du 26 avril 1968
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« (…) En attendant il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à
célébrer ainsi une découverte qui se met d’abord au service de la plus
formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des
siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence,
incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur
des hommes, la science se consacre au meurtre organisé ,personne
sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en
étonner…(…)Devant tant de perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à
l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul
combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière mais un ordre qui
doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir
définitivement entre l’enfer et la raison. »
Albert Camus, passage de l’article dans le journal Combat, le 8 août
1945, deux jours après le bombardement atomique d’Hiroshima.
III-La paix souvent exprimée à travers quatre
approches
La paix est alors synonyme d’un âge d’or perdu, ou d’un avenir
lointain(A), d’ordre établi (B) de paix intérieure et d’actes de paix (C), de
culture de paix(D). On retrouve ici en particulier des religions, des
philosophies, des civilisations, des cultures différentes …
A- La paix synonyme d’ époque lointaine du passé ou de l’avenir
1 – La paix, un âge d’or dans le passé lointain
On parle de l’Age d’or, d’une sorte de paix originelle, de paradis terrestre
lieu de liberté, d’innocence, de bonheur.
C’est par exemple Adam et Eve qui sont heureux au milieu du jardin
d’Eden dans la Bible. C’est la vie près des dieux, sans souffrances,
dans la tradition gréco-romaine. C’est la croyance en l’existence d’une
sorte de communisme primitif dans une certaine pensée philosophique
et politique. C’est la mise en avant de l’harmonie de certaines sociétés
primitives à travers des recherches ethnologiques autour des causes
de l’apparition ensuite des chefs, des hiérarchies, de la propriété, de la
domination mâle…
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2- La paix, un paradis dans le futur historique ou après la mort
Cette idée de paix lointaine est envisagée de trois façons,
a) Soit la paix se présente comme une sorte d’idéal historique qui serait
atteint un jour, d’une situation paradisiaque, d’un en-avant terrestre. L’histoire
trouverait là un sens dans une libération des êtres humains et des peuples.
b) Soit la paix se présente comme celle qui arrive après la mort, dans l’audelà.
Ainsi, selon les religions, sous la forme d’une immortalité de l’âme et
aussi d’une résurrection des corps, ou bien sous la forme d’une existence
individuelle qui disparait laissant la place à la grande vie cosmique, à la fusion
dans le Grand-Tout.
c) Soit la paix se présente en une synthèse impressionnante comme celle de
Pierre Teilhard de Chardin (voir par exemple « Le phénomène humain »,
éditions du Seuil, 1956, ou Points, poche, 2007)scientifique paléontologue
défendant l’évolutionnisme, « cosmo-mystique ».Il annonce un ultra-humain,
sorte de dépassement de la collectivité par elle-même, une arrivée vers le
point Oméga, point de convergence de l’humanité, « parousie »,c’est-à-dire
« retour du Christ en gloire. »
La paix peut être synonyme également d’ordre : lequel, pour qui ?
B- La paix synonyme d’ordre
1- La paix ordre des dominants
a) La paix peut évoquer un ordre que l’on voudrait imposer ou que l’impose.
C’est l’idée d’un projet ou d’un état de fait présenté comme un bon ordre,
voire « le seul » auquel il faut se soumettre. Cet ordre est celui des dominants
d’un lieu donné à une période donnée.
b) La paix a la couleur des dominants : on la qualifiait de romaine (Pax
Romana, aux 1er et 2ème siècles), puis de 1945 à 1989 dans chaque camp à
« l’Est, camp anti impérialiste » et à « l’Ouest, camp du monde libre. »
c) Les civilisations peuvent amener différentes formes de dominations par
exemple culturelles, cet ordre peut être plus ou moins conflictuel. Ces
dominations peuvent aller jusqu’à l’acculturation, ou même l’ethnocide
Par contre des dialogues entre les civilisations ne devraient-ils pas être
porteurs d’une protection de biens communs et d’une expression des
diversités synonymes d’un certain « ordre » plus juste, plus respectueux des
différences ? Pour rendre vivants ces dialogues on entre alors en résistances
face à cette « l’uniformité uniformisante » (magnifiquement dénoncée par
exemple par Kostas Axelos), face aussi à ce « clash »entre civilisations souhaité
et attisé par certains, face enfin à ces murs (la « murologie » écrit Régis Debray)
qui s’élèvent, ceux des miradors, ceux de l’argent porteur d’apartheid
planétaire à travers de multiples exclusions. L’histoire symbolique de cette
citadelle est connue, plus que parlante elle est hurlante : on attend l’ennemi
derrière les murailles, on ne voit pas que le sol intérieur de la citadelle
s’effondre. N’est-il pas encore temps que les périls communs nous
fraternisent ?
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2- La paix, ordre tranquille
a) Une définition relativement célèbre affirme que « la paix c’est l’ordre dans
la tranquillité » (Saint Augustin, IVème siècle).Cette conception rassemble
plusieurs des précédentes, elle signifie à la fois un certain ordre à instaurer,
une tranquillité qui résulterait de tout cela, en fait au sens surtout d’absence
de troubles. Cette définition, qui satisfait certains, laisse cependant des
questions ouvertes et apparait dangereuse.
b) Les questions qu’elle laisse volontairement de côté sont les suivantes : de
quel ordre s’agit-il ? Au profit de qui et contre qui ? Un ordre assuré par quels
moyens, acceptables ou inacceptables voire criminels ? Quels espaces de
libertés et d’égalités dans cet ordre « tranquille » ?
c) L’aspect dangereux de la définition est non seulement relatif au soutien
idéologique des dominants mais aussi à une définition appelant au silence, à la
résignation des dominés. La tranquillité existe, ne venez pas la troubler.
Or, lorsque dans un pays les conflits ne peuvent s’exprimer et ne peuvent
être gérés : où est la liberté ? C’est une forme de fausse paix qui, un jour ou
l’autre, explose sous formes de drames. Jean Cardonnel écrivait : «La fausse
paix n’est que le camouflage des contradictions qui poursuivent leur chemin
souterrain pour, tout à coup, éclater en haines sauvages, en cruautés
délirantes. Seuls les conflits reconnus, les contradictions avouées sont la moelle
d’un amour enfin historiquement, massivement incarné. »
Dernières formes d’expressions fréquentes : paix intérieure et actes de paix.
C- La paix synonyme de paix intérieure et d’actes de paix
Ces conceptions se retrouvent dans des philosophies, des religions, des
civilisations, des cultures…
1-La paix, celle d’un lac tranquille ou celle des tempêtes ?
a) Nombre de philosophies de vie et d’analyses psychologiques
insistent sur la paix intérieure, celle du lac tranquille, celle d’une
certaine sérénité, de calme, d’entente avec soi-même. « Auprès de mon
arbre je vivais heureux, j’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre… »
chante Brassens. Certains ont des formules exigeantes, tel par exemple
un romancier comme Henri Bosco « On n’atteint la paix du coeur, si elle
est de ce monde, que par le travail inlassable, la déception fréquente, et
le sentiment d’une juste humilité. »
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b) D’autres insistent plutôt non pas sur la paix d’un lac tranquille, mais sur la
paix des tempêtes. Etre en paix avec soi-même signifie aussi être en luttes
contre des injustices, contre des autoritarismes, des violences, des atteintes à
l’environnement. « Inventer le monde c’est ne jamais se reposer devant le
scandale. »(Roberto Matta)
2-La paix selon le stoïcisme, la non-violence, le bouddhisme, le christianisme
a) Ainsi les stoïciens pensaient que la paix reposait en particulier sur une
maitrise intérieure qui consiste à distinguer les choses qui dépendent de nous
et sur lesquelles il faut agir, des choses qui ne dépendent pas de nous et qui en
appellent au courage de l’acceptation, le problème étant de distinguer les unes
des autres.
b) Ainsi ce mélange de force intérieure et de combat pour la justice est
proche en particulier des attitudes non-violentes. Gandhi écrivait « La
non-violence n’est pas une vertu monacale destinée à procurer la paix
intérieure et à garantir le salut individuel. C’est une règle de conduite
nécessaire pour vivre en société parce qu’elle assure le respect de la
dignité humaine. »
c) Ainsi la paix intérieure du bouddhisme est connue. Si l’on prend un ouvrage
comme « L’art du bonheur » du dalaï-lama (entretiens avec Howard Cutler,
Robert Laffont, 1999) on approche l’essentiel déjà à partir des titres des
parties de ce livre : « exercer l’esprit au bonheur, les effets bénéfiques de la
compassion, la transformation de la souffrance, surmonter les obstacles face à
la peur, la colère, l’angoisse. » Le Centre de Méditation Kadampa France écrit
« Sans paix intérieure, la paix extérieure est impossible. Si notre esprit n’est
pas en paix, nous ne sommes pas heureux même lorsque les conditions
extérieures sont excellentes, mais si par contre notre esprit est en paix, nous
sommes heureux, même lorsque les conditions extérieures sont mauvaises. »
d) Ainsi par exemple une religion telle que le christianisme met en avant trois
éléments : d’abord la paix est considérée comme un don de Dieu qui a créé
l’homme pour vivre cette paix. Ensuite « Heureux les artisans de paix » c’est-àdire
les faiseurs de paix. Enfin Jésus a cette parole « C’est la paix que je vous
laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde
que je vous la donne », autrement dit cette paix veut dépasser le silence des
armes ou la simple tranquillité, la véritable paix c’est en particulier la
recherche de la justice. En ce sens il dira aussi « Je ne suis pas venu apporter la
paix mais l’épée » (il ne dit pas la guerre), c’est-à-dire le tranchant de paroles et
d’actes qui permettent à la vie de jaillir, ne pas être des tièdes dans la
recherche de cette justice porteuse de paix.
D- La paix synonyme de culture de paix
1-La gestation internationale de la culture de paix
a) Le terme culture de la paix vient entre particulier de l’initiative Cultura
de paz lancée au Pérou en 1986 et de la Déclaration de Séville sur la
violence, élaborée en 1986 par une vingtaine de scientifiques reconnus
de différentes disciplines qui affirmaient que la guerre n’est pas
déterminée par les gènes, par la nature humaine ou par l’instinct, mais
qu’elle est surtout le produit de la socio-culture. « Nous proclamons
que la guerre et la violence ne sont pas une fatalité biologique. La
même espèce qui a inventé la guerre est également capable
d’inventer la paix. Nous pouvons inventer la paix. Nous avons tous,
chacun à notre place, notre rôle à jouer. »
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b) Le concept de culture de la paix a été ensuite formulé par le Congrès
international sur « la paix dans l’esprit des hommes » (Yamoussoukro,
Côte d’Ivoire, 1989). Dans sa Déclaration finale, le Congrès
recommandait à l’UNESCO de « (…) contribuer à la construction d’une
nouvelle vision de la paix par le développement d’une culture de la
paix. »
En 1995 la Conférence générale de l’UNESCO a décidé de consacrer la
stratégie à moyen terme de l’Organisation pour les années 1996-2001 à
une culture de la paix. La Conférence générale a déclaré que« le défi
majeur, en cette fin du XXe siècle, est d’amorcer la transition d’une
culture de la guerre vers une culture de la paix ». L’UNESCO a alors
établi un projet transdisciplinaire dans le cadre duquel divers secteurs,
l’éducation, la culture, la communication et les sciences sociales,
contribuaient à relever ce défi. Le Conseil Exécutif de l’UNESCO a en
novembre 1998 adopté la Déclaration de Tachkent pour la culture de la
paix et défini les actions de l’UNESCO dans les Etats Membres.
c) A l’appel des Prix Nobel de la paix, le 10 novembre 1998 l’Assemblée
Générale des Nations Unies a proclamé les années 2001 à 2010
« Décennie internationale de la promotion d’une culture de la nonviolence
et de la paix au profit des enfants du monde. »
2-La Déclaration et le Programme d’action des Nations Unies
a) La Déclaration sur une culture de la paix (A.G, Nations Unies,
53ème session, 6 octobre 1999) comprend neuf articles, le premier
définit cette culture :
« La culture de la paix peut être définie comme l’ensemble des
valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et des
modes de vie fondés sur:
a) Le respect de la vie, le rejet de la violence et la promotion et la
pratique de la non-violence par l’éducation, le dialogue et la
coopération;
b) Le respect des principes de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et
de l’indépendance politique des États et de la non-intervention dans les
questions qui relèvent essentiellement de la juridiction nationale de tout
État quel qu’il soit, conformément à la Charte des Nations Unies et au
droit international;
c) Le respect de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés
fondamentales et leur promotion;
d) L’engagement de régler pacifiquement les conflits;
e) Les efforts déployés pour répondre aux besoins des générations
actuelles et futures en matière de développement et
d’environnement;
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et futures en matière de développement et
d’environnement;
f) Le respect et la promotion du droit au développement;
g) Le respect et la promotion de l’égalité des droits et des chances
pour les femmes et les hommes;
h) Le respect et la promotion du droit de chacun à la liberté
d’expression, d’opinion. »
A la lecture du b) on ne peut s’empêcher de regretter que les
souverainetés étatiques se croyaient obligées d’affirmer leur présence
sous cette forme…
b) Le Programme d’action qui accompagne cette Déclaration pour la
Décennie, adopté lui aussi par l’A.G des Nations Unies le 6 octobre
1999, énumère une série de mesures pour « Renforcer les activités de
tous les acteurs aux niveaux national, régional, international »,63
mesures pour :
« renforcer une culture de la paix par l’éducation
promouvoir le développement économique et socialdurable
promouvoir le respect de tous les droits de l’homme
assurer l’égalité entre les femmes et les hommes
favoriser la participation démocratique
développer la compréhension, la tolérance et la solidarité
soutenir la communication participative et la libre circulation de
l’information et des connaissances
promouvoir la paix et la sécurité internationales. »
Le 29 novembre 2000 cette même Assemblée générale a chargé l’
UNESCO de la coordination « des activités des organismes des
Nations unies visant à promouvoir une culture de la paix et d’assurer la
liaison avec les autres organisations intéressées ».Des ONG ont
d’ailleurs participé à cette mise en oeuvre de la culture de paix. Leurs
actions sont cependant souvent plus larges, lesquelles ?
IV- La paix défendue par des ONG
Au sens large il faudrait inclure des ONG qui défendent la démocratie, la
justice, l’environnement.
Au sens plus spécifique existent essentiellement trois grands courants, celui
des pacifistes(A), celui des non-violents(B) et celui des militants de paix(C).
Chaque courant a une spécificité, celle-ci est d’ailleurs plus ou moins marquée
selon le degré de radicalité de tel ou tel tenant, de tel ou tel courant, de telle
ou telle action.
Il ne faut cependant pas imaginer qu’il y a trois cloisons étanches entre les
trois séries de théories et de pratiques. Ainsi un(e) militant(e) ou un
mouvement peut être partisan à la fois du désarmement unilatéral, de traités
de désarmement, d’alternatives de défense et agir en ce sens…
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L’histoire de chaque mouvement est très riche, du point de vue des concepts
comme des luttes. Nous ne soulignerons que les points les plus importants.
A- Les idées et les luttes pour la paix selon les pacifistes
(Voir par exemple « unionpacifiste.org » rattachée à l’Internationale des
résistants à la guerre, IRG). Revue : Union pacifiste.
1-Quelles sont les idées essentielles des pacifistes ?
a) D’abord le refus de toute armée et des armements. Louis Lecoin
écrivait : « Il n’y aura pas de progrès réel tant que l’homme transformé en
soldat montera la garde contre la paix ». Pour les pacifistes : les forces armées
et les armements poussent à la guerre et confisquent des sommes
gigantesques qui pourraient aller vers des besoins criants des peuples.
b) Ensuite le refus de toute guerre. Louis Lecoin écrivait : « S’il m’était prouvé
qu’en faisant la guerre mon idéal avait des chances de prendre corps je dirai
quand même non à la guerre car on n’élabore pas une société humaine sur des
monceaux de cadavres.»Pour les pacifistes il n’y a pas de guerre sainte, il n’y a
pas de guerre juste, il n’y a pas de guerre nécessaire, faire la guerre pour la paix
est un non-sens, la guerre est un mal absolu.
2-Quelles sont les luttes principales des pacifistes ?
a) Les actions en faveur du désarmement unilatéral total et immédiat,
b) Les luttes contre les ventes d’armes, les luttes contre la militarisation, le
soutien aux objecteurs, aux déserteurs et aux insoumis…
B- Les idées et les luttes pour la paix selon les nonviolents
Voir par exemple « nonviolence.fr », le Mouvement pour une alternative nonviolente,
le MAN, rattaché au Mouvement international de la réconciliation,
MIR). Revues : Combat non-violent (autrefois), Non-violence actualité,
Alternatives non-violentes (ANV a de remarquables dossiers).
1-Quelles sont les idées essentielles des non-violents ?
a) D’abord il faut un accord profond entre les moyens utilisés et les fins
poursuivies. Gandhi écrivait « Les fins sont dans les moyens comme l’arbre est
dans la semence. »Il faut donc des moyens non-violents pour des fins nonviolentes.
b) Ensuite la non-violence ne se réduit pas à la condamnation et au refus des
moyens violents, la violence exige une alternative fondée sur le respect des
personnes, de l’environnement et sur la recherche de la justice. Cette attitude
de vie et cette stratégie reposent, entre autres, sur le refus de coopérer, de
collaborer à l’inacceptable, idée mise en avant magnifiquement par Etienne de
la Boétie : « Si l’on n’obéit plus au tyran, sans combattre, sans frapper, il
demeure nu et défait, il n’est plus rien. »
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2-Quelles sont les luttes principales des non-violents ?
a) Dans « Stratégie de l’action non-violente » (Seuil, 1981) Jean-Marie Muller
analyse ces différents moyens : Boycott, désobéissance civile, grève, grève de
la faim, humour (pas seulement utilisé par les non violents…), noncoopération,
objection de conscience, obstruction non-violente, pétitions,
marches non-violentes, « sit in » c’est-à-dire manifestation assise sur la voie
publique, sur une place. Des places sont ainsi devenues des symboles de
résistance. Existent aussi des formations et des équipes de volontaires dans
différents pays à « l’intervention civile de paix. » Voici donc quelques uns des
moyens utilisés dans l’action non-violente…
b) Ces moyens ont été mis en oeuvre non seulement contre des guerres mais
aussi pour des luttes syndicales, des droits civiques, pour diverses égalités,
pour le droit des peuples, l’avènement de régimes démocratiques, pour le
respect de la dignité humaine…)
Ces dernières années les révolutions des peuples de l’Est en 1989 ont été pour
une large part celles d’une non-violence collective, de même les
« altermondialistes » mettent ce choix en avant, de même le mouvement des
« indignés ».
c) Les non-violents insistent beaucoup sur les alternatives de défense,
en particulier la défense civile non-violente .En ce domaine l’ouvrage
majeur s’intitule « La dissuasion civile », ouvrage de Christian Mellon,
Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin, publié en 1985 par la Fondation
des Etudes de Défense Nationale (FEDN).
d) Les reconversions des industries d’armements vers des productions
« socialement et écologiquement utiles » sont considérées également comme
essentielles.
e) Les non- violents mettent en avant la non-violence dans la résolution des
conflits, existe en France un Institut de recherche sur la résolution nonviolente
des conflits(IRNC) qui travaille en particulier sur « la dissuasion
civile », les théories et les pratiques de l’intervention civile de paix(ICP),la
promotion d’une culture de la non-violence, l’économie non-violente, et la
médiatisation de la non-violence.
C-La luttes pour la paix selon les militants de paix
Voir par exemple le Mouvement pour le désarmement, la paix, la liberté, le
MDPL, site « mtmsi.fr », et le Bureau international du travail, « ipb.org » .Revue
du MDPL : Alerte .
1-Quelles sont les idées essentielles des militants de paix ?
a) D’abord lutter pour le désarmement, celui avant tout des armes nucléaires,
biologiques, chimiques, mais aussi d’autres armements.
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b) Ensuite agir sur la construction de la paix à travers la coopération
internationale, l’appui aux moyens de règlement pacifique des conflits
(négociations, médiations …), le développement de l’éducation à la paix et à la
citoyenneté, la défense des libertés, la création de solidarités.
.2-Quelles sont les luttes principales des militants de paix ?
a) D’une part les pressions sur les Etats et sur le complexe scientifico-militaroindustriel
pour aller dans le sens du désarmement et des reconversions,
b) D’autre part les soutiens à des initiatives relatives à l’éducation à la paix, à
la citoyenneté, aux défenses des libertés.
C) L’éducation à la paix doit être fondée sur la solidarité face à la compétition,
sur la résistance face à la soumission .
On remarquera parmi les points communs aux ONG celui de l’importance de
l’éducation, cela avec leurs spécificités (éducation au pacifisme, à la nonviolence,
à la paix).
Des militant(e)s ont trouvé de précieux moyens d’information, de
réflexion, de formation dans des centres de recherches qui sont aussi en
liens avec différents acteurs.
V-La paix analysée en termes scientifiques
Il existe des conceptions scientifiques de la paix, elles se ramènent au moins à
deux courants : le premier est aujourd’hui beaucoup plus modeste (A) que le
second qui a pris une grande ampleur(B).
A- Une science de la guerre : la polémologie
1-Quelles sont l’origine et l’importance de la polémologie ?
a) Gaston Bouthoul, sociologue et démographe (1896-1980), invente le
mot polémologie et crée l’Institut Français de Polémologie (1970-1993),
des revues accompagnent ce courant : « Guerres et paix », « Etudes
polémologiques ».
b) Malgré un apport important dans les années 1970, ce courant est
aujourd’hui très modeste devant l’ampleur de celui des recherches sur
la paix. (Voir article sur internet et dans la revue Médium, François-
Bernard Huyghe « La polémologie au risque de la nécrologie »).Mais on
peut cependant dire qu’il a essaimé dans diverses disciplines qu’il
interroge à sa façon sur les guerres.
2-Quelles sont les idées fortes de la polémologie ?
On les trouve exprimées en particulier dans des ouvrages de Gaston Bouthoul,
par exemple « La Guerre », puf, n°577,1978, « La Paix », n°1600,1974, et bien
sûr dans son « Traité de polémologie » (Payot, 1991)qui avait été publié en
1951 et 1972.
a) L’idée clef correspond au « Si tu veux la paix, connais la guerre. » Science
des guerres la polémologie veut en étudier les manifestations et les causes.
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La paix est définie comme l’état d’un groupe humain souverain dont la
mortalité ne comporte pas une part d’homicides collectifs organisés.
b) La guerre est analysée comme un « phénomène social ordinaire aux
conséquences majeures. » Tour à tour sont analysés les facteurs belligènes,
les doctrines philosophiques et théologiques des guerres, leur morphologie,
leurs aspects économiques, psychologiques, religieux, les plans de
désarmement, l’impact des armes nucléaires… L’un des principaux remèdes
contre les guerres est le « désarmement démographique », la guerre étant,
pour le fondateur de la polémologie, « un infanticide différé ».
B Une science de la paix : les instituts de recherches sur la paix
1-Quelles sont l’origine et l’importance des recherches sur la paix ?
a) Johan Galtung, politologue et sociologue norvégien, fonde
l’irénologie , la science de la paix, en 1959 il crée l’Institut de
recherches sur la paix à Oslo, il publie « Essays on peace research », de
1974 à 1980,(voir aussi par exemple Entretien dans Alternatives nonviolentes,
n°34,1979),en 1993 il fonde un réseau de paix, Transcend.
b) Les instituts de recherches sur la paix sont nombreux dans le
monde, l’un des plus connus créé en 1966 est celui de Suède, l’Institut
international de recherches sur la paix de Stockholm (SIPRI), très connu
est aussi par exemple le Groupe de recherche et d’information sur la
paix et la sécurité (GRIP) créé à Bruxelles en 1979.En France le Centre
de recherche et de documentation sur la paix et les conflits (CRDPC) à
Lyon, créé en 1984, joue un rôle important en particulier comme
« Observatoire des armements. » .
2-Quelles sont les idées fortes des recherches sur la paix ?
a) D’abord certes existe « la paix négative » c’est-à-dire l’absence de
guerre mais aussi « la paix positive » c’est-à-dire physique, culturelle,
structurelle. Il s’agit de comprendre les causes des conflits armés, de
lutter contre les violences structurelles et de rechercher la justice sociale.
C’est le « si tu veux la paix connais la guerre » mais c’est aussi le « si tu
veux la paix agis pour la justice. »
b) Ensuite le champ des recherches est considérable .Prenons par
exemple les recherches actuelles(avril 2014) du GRIP : « Prévention,
gestion et résolution des conflits armés : étude des risques et
menaces ; causes et conséquences des conflits, évaluation de l’emploi
de la force ; développement des outils civils (médiations, négociations) ;
opérations de maintien de la paix ; rôle des institutions internationales
(ONU, UE, OSCE, UA, …) et des organisations sous-régionales
africaines ; renforcement de l’expertise de la société civile.
Défense et intégration européenne : politique et rôle de l’Union
européenne dans le monde (développement de la PSDC) ; relations
avec l’ONU et l’OTAN ; élaboration d’une doctrine européenne de
sécurité et de défense ; évolution de la production d’armements et des
budgets de défense ; restructuration des industries d’armement ;
évolutions technologiques, programmes d’armements.
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Prolifération des armes légères et contrôle des transferts
d’armes(…)
Non-prolifération des armes de destruction massive (…)
Paix et sécurité en Asie-Pacifique (…) »
Nous arrivons ainsi à un point clef de la notion de paix liée à celle de sécurité.
VI- La paix conçue à travers le concept de sécurité
Que signifie la sécurité? (A) Quels sont les fondements et la pratique de cette
organisation qui est chargée du maintien de la paix et de la sécurité
internationales, les Nations Unies ? (B)
A La paix synonyme de sécurité
1-La « catégorie » sécurité.
a) On distingue quelquefois la catégorie du « menaçant » résultant
d’entreprises meurtrières des êtres humains et la catégorie de la
« sécurité », celle-ci viserait à créer un milieu humain et un
environnement protecteurs. Certains psychologues pensent qu’aussi
important que le principe de plaisir serait le besoin d’être rassuré, la
recherche de sécurité.
b) Dans le langage courant la sécurité évoque surtout celles des
personnes, des biens, des Etats… Ces trois ont leurs spécificités et
sont aussi interdépendantes. S’y ajoute depuis les années 1970 la
sécurité environnementale conçue soit en termes stratégiques, soit en
termes écologiques, soit dans une tentative de synthèse (voir
L’environnement comme cible, article de JML avec Patrice Bouveret,
Directeur du CRCPC de Lyon, Rapport du GRIP 2008, N°6 Sécurité
collective et environnement.)
2-La sécurité au sens restreint et au sens large.
a) Au sens restreint la sécurité repose sur des aspects militaires,
c’est à elle que l’on pense souvent d’abord, celle-ci devant exister à tous
les niveaux géographiques. Existe dans le monde un nombre très
important de centres de recherches sur la sécurité internationale,
sur les études stratégiques, sur la défense nationale. En France par
exemple l’Institut des hautes études de défense nationale(IHEDN)
développe de nombreuses activités. « ihedn.fr »
La cloison n’est pas étanche avec la conception plus large de la sécurité,
par exemple la sécurité environnementale, sous l’angle stratégique, est
également étudiée.
b) Au sens large la sécurité doit être conçue non seulement en
termes militaires mais aussi énergétiques, économiques,
environnementaux…
Les alternatives de défense sont elles aussi analysées (abolition des
armes de destruction massive, défense mixte militaire et non-violente,
résistance active de la population préparée à l’avance, défense civile
non-violente, la dissuasion civile…) L’ouvrage de référence sur ce sujet
reste l’ouvrage « La dissuasion civile » de Christian Mellon, Jean-Marie
Muller et Jacques Sémelin, publié en 1985 par la Fondation des études de
défense nationale (FEDN).
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c) La définition proposée par les ONG, présentes au Sommet de Rio
sur l’environnement et le développement en juin 1992, est peut-être
l’une des définitions les plus intéressantes : « La sécurité ne doit plus
être définie exclusivement en termes militaires mais de la manière la
plus large, englobant la sécurité personnelle, la sécurité des lieux où
tous les besoins de base devraient être satisfaits. Ce type de sécurité ne
peut être atteint que si la justice existe à l’intérieur de chaque société et
entre les sociétés de la planète » (extrait de l’ouvrage sur « les 40
« traités » conclus par les ONG » à Rio en 1992.)
3 )La sécurité et l’Union européenne
Au delà de l’indépendance de l’Union européenne, hier par rapport aux deux
« supergrands »,aujourd’hui par rapport aux Etats-Unis, il y a une exigence:
celle de construire une sécurité régionale qui s’articule à celle de la sécurité
internationale dans un système des Nations Unies en partie repensé.
a) Un point de départ : le refus d’ une défense européenne fondée sur le
nucléaire
Europe : dis-moi quel est ton système de défense, et je te dirai pour une part qui
tu es. Un lien saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : un type de société
contribue à produire un certain type de défense et réciproquement.
Les Communautés européennes puis l’Union européenne sont lancées sur des
logiques néolibérales, celles d’une compétitivité tous azimuts qui aggrave
inégalités, exclusions, débâcle écologique.Des logiques de solidarité existent
mais sont trop faibles.
Une défense nucléaire européenne irait certainement dans le sens d’une politique
de domination et aussi de prolifération de ces armes de destruction massive. Les
armes nucléaires sont éthiquement, stratégiquement, économiquement,
écologiquement un des pires poisons que la France et d’autres Etats
membres(Royaume-Uni pour l’instant) pourraient apporter à l’Europe.
L’incapacité d’un certain nombre de nos gouvernants de penser et d’agir
autrement en ce domaine est peu étonnante : l’Europe nucléaire ne ferait que
suivre la pente la plus forte, celle d’un marché mondial humanicide et
terricide .
b) Une autre Europe contribuant à la sécurité européenne et internationale
Une Union européenne, se voulant porteuse d’un développement
juste,écologique, pacifique et démocratique, devrait construire une défense
reposant sur des moyens conformes à des finalités humaines.
Comment promouvoir à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe les libertés, les
égalités, les solidarités en organisant un système de défense qui ne soit pas leur
contraire ?
A cette Europe alternative, qu’il reste pour une large part à bâtir, devrait
correspondre une défense européenne alternative fondée, au
minimum, sur le refus des armes de destruction massive et, plus
globalement, sur les reconversions des complexes scientificomilitaro-
industriels.
Bref : Une autre défense européenne articulée sur une autre
sécurité internationale. Cette dernière serait fondée d‘abord sur le
développement massif des luttes contre les inégalités,ensuite sur l’interdiction
des armes de destruction massive,en particulier sur le désarmement nucléaire
total,enfin l’organisation de cette sécurité internationale serait fondée à titre
principal sur des forces d’interposition envoyées à titre préventif et à titre
exceptionnel sur des forces d’intervention internationalisées.
4- La sécurité et le sécuritaire
a) Cette consommation de la sécurité doit avoir personnellement et
collectivement des limites, sinon on peut entrer ou basculer dans
l’obsession sécuritaire.
b) Le sécuritaire est lié à l’imaginaire répressif et au fonctionnement
du mécanisme du bouc émissaire voire à la fabrication de l’image
de l’ennemi. Il n’est pas rare que l’on désigne des « classes
dangereuses », par exemple ici des jeunes délinquants, là des malades
mentaux, demain des déplacés environnementaux…
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c) L’obsession sécuritaire d’une part devient paralysante et d’autre part
cette forme d’« administration de la peur » (expression de Paul Virilio)
comporte des dangers. Des institutions, des pratiques, des techniques
peuvent porter atteinte à des libertés fondamentales et à la vie privée de
populations ou de personnes.
d) Les sociétés du contrôle social, les sociétés de surveillance, à
travers des fichiers et de nombreuses techniques liées en particulier au
numérique, peuvent se rapprocher du Big Brother, personnage de fiction
du roman1984 de George Orwell.
e) Les luttes contre les idéologies et les pratiques sécuritaires en
appellent aux traitements des causes, ainsi la lutte contre la pauvreté et
l’échec scolaire par rapport à la délinquance juvénile, ainsi une
psychiatrie conçue non comme une discipline sécuritaire mais une
discipline soignante par rapport aux malades mentaux, ainsi un accueil
organisé internationalement et des luttes contre la dégradation
environnementale pour les déplacés environnementaux.(Voir sur ce
dernier point l’article de ce site à la rubrique « environnement »)
5-Une forme de sécuritaire se voulant absolu : les armes de
destruction massive
a) Du point de vue global : la politique de la peur peut-être fondée
entre autres sur les armes de destruction massive à travers la
prolifération gouvernementale et non-gouvernementale.
Est-ce qu’elle ne correspond pas à une sorte de vaste chantage à la
mort ? C’est une fausse paix qui repose sur la peur d’être détruit, on
capitalise un certain nombre de peurs face à un ennemi réel ou
hypothétique, en produisant une arme monstrueuse qui est censée nous
en préserver.
La guerre correspond à l’équation « ta mort c’est ma vie » or, explique
Jacques Sémelin, avec les armes de destruction massive on arrive à
une équation selon laquelle « ta mort c’est ma mort » puisque l’emploi
de telles armes menace aussi leurs utilisateurs. D’où l’urgente nécessité
pour l’humanité de s’engager dans cette nouvelle équation : « ta vie c’est
ma vie ». Est-ce que « changer notre rapport à la mort n’est pas
changer notre rapport à la paix, à la peur, à la violence ? » ( voir sur
ces thèmes l’ouvrage remarquable de Jacques Sémelin, « Pour sortir de
la violence », Editions ouvrières, 1983).Pas de paix véritable fondée sur
la peur mais, souligne l’auteur, « la volonté d’évoluer vers la maîtrise
de nos craintes, la gestion de nos conflits, la non-violence de nos
actions, », la construction d’une sécurité commune.
b)) Du point de vue juridique : le 15 septembre 1993 l’A.G des Nations
Unies adopte une résolution (très discutée : 78 voix pour,43 contre,38
abstentions,25 refus de vote) qui demande à la Cour internationale de
justice(CIJ) de rendre un avis sur la question suivante : « Est-il permis
en droit international de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes
nucléaires en toute circonstance ? »
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Quel est l’essentiel de l’avis consultatif du 8 juillet 1996 ? D’une part
la Cour affirme que le droit international ne présente ni autorisation
(unanimité des juges) ni interdiction (onze voix contre trois) de
l’utilisation des armes nucléaires. D’autre part la Cour affirme
(unanimité des juges) que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires
« serait généralement contraire au droit des conflits armés et
spécialement au droit humanitaire » cela parce que deux
principes seraient violés: ces armes « ne distinguent pas les civils des
militaires », et « elles causent des souffrances superflues aux
combattants. » Enfin la Cour affirme (7 voix contre 7 par la voix
prépondérante du Président de la CIJ) : « Au vu de l’état actuel du droit
international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour
ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou
l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une
circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie
même de l’Etat serait en cause. »
Que penser de cet avis ? Le regret très vif et la critique radicale
reposent sur le fait que la fracture, le désaccord entre les juges sur la
dissuasion nucléaire n’ait pas donné de majorité pour la condamnation.
D’où l’impression qu’elle s’est arrêtée à mi chemin. D’autres diront que le
droit international était insuffisant pour une condamnation, tel n’est pas
notre façon de penser : le droit humanitaire interdit à lui seul
l’utilisation des armes de destruction massive en toute
circonstance, et non pas seulement « généralement », mot qui a
déchainé nos foudres lorsqu’un juge était venu faire une conférence à
Limoges peu de temps après l’avis. Allez donc demander à un
Hibakusha, victime et survivant de la bombe atomique, si les effets de la
bombe étaient « généralement » contraires au droit humanitaire ! Les
effets sont sans fin (« Guerre sans fin »,fascicule terrifiant sur Hiroshima
et Nagasaki), ils constituent une atteinte définitive aux droits de l’homme,
un crime contre l’humanité, un crime contre les générations futures.
Le point positif de l’avis est que la Cour affirme (à l’unanimité) « Il
existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à
terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans
tous ses aspects sous un contrôle international strict et
efficace. »(Voir l’avis commenté en particulier dans notre ouvrage « Le
droit international du désarmement », éditions Ellipses, 1997, dédicacé
par l’ancien Président de la CIJ en fonction au moment de l’avis .)
Les Nations Unies contribuent-elles à définir et à mettre en oeuvre une
sécurité commune ?
B- La sécurité du point de vue des Nations Unies.
Les Nations Unies ne sont pas seules compétentes en matière de
maintien de la paix, des organisations régionales peuvent jouer un
rôle à condition bien sûr qu’elles respectent la Charte. Ce rôle est
devenu plus important depuis les années 1990, le plus souvent comme
appui aux résolutions des Nations Unies. Ainsi par exemple l’OTAN est
intervenue en Serbie, en Lybie… La Mission internationale de soutien au
Mali sous conduite africaine (MISMA) est une mission militaire conduite
par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) pour porter assistance à l’un de ses membres. L’Union
européenne a une politique active d’embargos partiels, 25 de 1989 à
2013.La Ligue arabe a participé à un embargo contre la Syrie…Cet
aspect de la dimension régionale de la sécurité n’est pas à sousestimer.
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1- La paix liée à la sécurité internationale
Pour la Société des Nations la paix devait reposer sur le règlement des conflits.
Cette conception se ramenait à cette idée : « si nous voulons la paix il faut
régler les conflits ».
a) Les Nations Unies essaieront d’aller plus loin. La paix doit reposer sur le
règlement des conflits mais aussi sur la coopération. Cette conception se
ramène à cette idée : « si nous voulons la paix il faut régler les conflits et agir
pour la coopération ».Ce sont d’ailleurs les deux « buts » de l’ONU (article 1 de
la Charte) : « maintenir la paix et la sécurité internationales », « réaliser la
coopération internationale. »
b)L’expression « maintien de la paix et de la sécurité internationales » est
employée une vingtaine de fois dans la Charte de 1945, la paix et la sécurité
sont conçues comme indissociables, même si elles ont des caractères
spécifiques l’une ne peut aller sans l’autre, elles s’appuient l’une sur l’autre.
Le terme « Conseil de sécurité » montre bien la préoccupation
essentielle de la Charte. L’article 1-1 fait de ce maintien de la paix et de
la sécurité internationales le premier des buts cités par la Charte. Celleci
prend en compte la sécurité individuelle, sous la forme du « droit
naturel de légitime défense », mais surtout est créé un système fondé
sur une sécurité collective internationale.
c) En effet la Charte correspond à une sorte de contrat social
international, c’est-à-dire qu’en compensation de l’abandon du droit
de recourir à la force dans leurs relations avec les autres Etats, les
Etats membres des Nations Unies acceptent de donner au Conseil
de sécurité un pouvoir de sanctions économiques et militaires qui
sera entre les mains de quinze Etats dont cinq permanents,
chacun de ces cinq, avec son droit de veto, peut tout bloquer.
2-Les moyens pacifiques et les sanctions de la Charte des Nations
Unies
L’Assemblée Générale joue ici un rôle important, à travers en particulier
ses sessions, ses commissions, ses déclarations, son budget, mais c’est
le Conseil de sécurité qui a « la responsabilité principale du maintien
de la paix et la sécurité internationales » (article 24 de la Charte). Deux
séries de moyens sont à sa disposition : les moyens pacifiques, les
sanctions.
a) Selon l’article 33 du Chapitre VI de la Charte (relatif au « règlement
pacifique des différends »)« 1.Les parties à tout différend dont la
prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la
sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par
voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation,
d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou
accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur
choix. 2. Le Conseil de sécurité, s’il le juge nécessaire, invite les parties
à régler leur différend par de tels moyens. »
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On constate que la liste des moyens pacifiques est indicative, on peut y
ajouter les bons offices et constater dans la pratique internationale par
exemple une sous-utilisation du potentiel de la médiation.
b) Selon le Chapitre VII (« Action en cas de menace contre la paix, de
rupture de la paix et d’acte d’agression ») le Conseil de sécurité peut
décider la mise en oeuvre de sanctions. Il s’agit de sanctions
économiques (l’embargo), selon l’article 41 « l’interruption complète ou
partielle des relations économiques et des communications(…) ainsi que
la rupture des relations diplomatiques. »
Quelle a été la pratique de l’embargo ? Avant 1990 (embargo contre
l’Irak) il y avait eu seulement deux embargos, depuis 24 ans il y a eu une
vingtaine d’embargos, ils sont le plus souvent ciblés sur les armes, le
gel des avoirs, l’interdiction de voyager… Ils sont décidés contre des
entités publiques ou privées, contre des individus.
Que penser de l’embargo ? Il est souvent difficile à organiser. Les
résultats sont parfois significatifs, d’autres fois insignifiants. Il faut
qu’une stratégie diplomatique l’accompagne. Il arrive aussi qu’un
embargo se retourne contre la population, et d’abord les plus faibles, il
faut alors y mettre fin.
c) Existent aussi les sanctions militaires, toujours dans le cadre du Chapitre
VII de la Charte, elles reposent surtout sur l’article 42 : « Le Conseil de
sécurité (…) peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou
terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement
de la paix et de la sécurité internationales. (…) »
Quelle a été la pratique ? Les forces d’imposition de la paix, ou forces
d’intervention, ou forces multinationales, lourdement armées, sont
intervenues en premier lieu massivement quatre fois : pour repousser
l’agression d’un État par un autre État, dans le cas de la guerre de Corée en
1950 et de l’agression du Koweït par l’Iraq en 1990, et d’autre part en 1999 en
Serbie à la suite des violations massives des droits de l’homme au Kosovo, enfin
en 2011 en Lybie pour « protéger les populations civiles .»Dans ces deux
derniers cas les bombardements ont été opérés par les forces de
l’OTAN.D’autre part le Conseil de sécurité a autorisé l’utilisation de la force
une vingtaine de fois dans différentes circonstances et à des degrés variables.
Que penser de ces interventions ? Outre le fait que, sur certains points, elles
n’ont pas été conformes à la Charte (ainsi le comité d’état-major prévu par la
Charte ne fut pas créé) ce sont souvent les intérêts stratégiques (arrêter le
communisme en 1950 en Corée) ou économiques (pétrole irakien en 1991)
d’un membre permanent du Conseil de sécurité qui l’emportent, même si un
autre s’abstient pourvu qu’il n’exerce pas son droit de veto.
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Reste une question et un débat de fond : n’est-il pas choquant ou
inacceptable d’établir ou de rétablir la paix « à coups de bombardements »?
Mais la fin ne justifie-t-elle pas les moyens : la protection des populations
n’est-elle pas le premier impératif ? Gandhi contre Machiavel ?
3-L’interposition et la consolidation inventées pour la paix
a) Existent enfin les opérations de maintien de la paix, autrement dit les
Casques bleus, qui n’étaient pas prévues par la Charte mais qui ont vu le jour à
travers la pratique internationale. Ce sont des forces d’interposition, qui ont
pour mission d’être des « tiers-pacifiants »(expression de Michel Virally,
ouvrage sur « L’Organisation mondiale, Colin,1972)), qui peuvent remplir aussi
d’autres missions telles que la surveillance d’élections, l’acheminement de
secours, le désarmement de combattants. Elles peuvent aller jusqu’à plusieurs
dizaines de milliers de casques bleus, elles sont créées par le Conseil de
sécurité (une exception au départ en 1950 par l’A.G parce que le Conseil était
bloqué), leur mandat peut être renouvelé, il y a eu à ce jour soixante dix
opérations, actuellement une quinzaine, les Etats sont volontaires pour
envoyer des contingents, légèrement armés les Casques bleus ne peuvent
employer leurs armes qu’en cas de légitime défense.
Différente de la culture d’intervention, la culture d’interposition peut être
porteuse. Les Casques bleus arrivent pour surveiller l’arrêt des hostilités, ils ne
sont pas formés ni armés pour entrer dans un conflit.
Il faudrait cependant très certainement penser le rôle des Casques bleus bien
davantage à titre préventif, comme ce fut le cas malheureusement et
scandaleusement une seule fois, en 1992 en Macédoine. Merci les
représentants des Etats, les peuples vous remercient ! Vous avez été
incapables de penser, d’organiser et de vouloir d’autres moments de
l’interposition, au moins dans certaines situations. Honte à vous !
Il faudrait aussi un financement permanent et non au cas par cas pour chaque
opération de maintien de la paix.
b) A partir de 2007 a été mise aussi en avant la consolidation de la paix, elle
comprend un éventail de mesures visant à réduire le risque pour un pays de
retomber dans un conflit, par le renforcement à tous les niveaux des capacités
nationales de gestion de crise, et à établir les fondations d’une paix et d’un
développement durables. Les stratégies de consolidation de la paix doivent
être cohérentes et adaptées aux besoins spécifiques des pays concernés. A été
créé un fonds de consolidation de la paix dont le rôle commence à devenir
plus important. On peut penser qu’il devrait avoir vocation à devenir massif, en
particulier pour soutenir les reconversions des combattants.
c ) Sur quels moyens faire reposer la sécurité internationale organisée par les
Nations-Unies? D’abord sur le développement massif des luttes contre les
inégalités,ensuite sur l’interdiction des armes de destruction massive,en
particulier sur le désarmement nucléaire total,enfin l’organisation d’une
sécurité internationale fondée à titre principal sur des forces d’interposition
envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention
internationalisées.
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4-Les Nations Unies et la responsabilité de protéger
a) Dans le panorama sombre des conflits on constate les prémisses d’un
élément nouveau : « la responsabilité de protéger » apparait, cela très
tardivement après bien des drames. Dans le sillage du devoir d’assistance
(« devoir d’ingérence à des fins humanitaires ») et à la suite du rapport en 2004
d’un groupe de personnalités, un Sommet des Nations Unies, en septembre
2005, accepte, dans le document final, de reconnaitre cette responsabilité de
protéger, c’est « la responsabilité première d’un Etat de protéger sa
population » du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique, des
crimes contre l’humanité.
Au cas où les moyens pacifiques seraient insuffisants et où les autorités
nationales échoueraient à protéger leur population, la communauté
internationale des Etats devrait agir collectivement par l’entremise du Conseil
de sécurité et conformément à la Charte des Nations Unies.
Un rapport du Secrétaire général des Nations Unies de 2009 a précisé la mise
en oeuvre de cette responsabilité. Mais surtout le Conseil de sécurité a fait
référence à « la responsabilité de protéger » pour le Darfour (avril 2006),la
Libye(février 2011),la Côte d’Ivoire(mars 2011),le Yémen(octobre 2011),le
Soudan du Sud(juillet 2012).Par contre le projet de résolution(par exemple en
février 2012) a échoué par rapport à la Syrie(vetos de la Russie et de la Chine.)
b) Au moins deux questions restent présentes : d’abord celle de l’opposition
entre une légalité qui peut se trouver bloquée au Conseil de sécurité (d’où le
serpent de mer vieillissant de sa réforme mais il ne faut pas désespérer) et la
légitimité d’une intervention devant une violation particulièrement terrifiante
de la protection de la population.
Ensuite la nature des moyens d’intervention qui peuvent produire victimes,
souffrances et destructions. Cette dernière question se pose dans le cadre
d’une intervention légale décidée par l’ONU et aussi dans le cadre d’une
intervention illégale, décidée par un ou plusieurs Etats sans accord du Conseil
de sécurité : les effets de bombardements massifs, lorsque ces moyens sont
employés, sont le plus souvent terribles.
La communauté internationale souvent se trouve donc, pour n’avoir pas
voulu agir en amont à travers des moyens porteurs d’une véritable paix, soit
impuissante devant des drames, soit poussée à employer des moyens
militaires plus ou moins destructeurs.
Ainsi le droit est bien présent dans le règlement des conflits par les Nations
Unies mais d’une part est-il seul et d’autre part n’est-il pas beaucoup plus large
que la seule Charte par rapport à la paix ?
VII- La paix organisée,entre autres, par le droit
Il faut avoir une compréhension des rapports entre le droit et la paix (A)
pour faire le point ensuite sur les composantes du droit de la paix et du
droit à la paix(B).
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A- Le droit, un des instruments de la paix
Quels sont les rapports entre la paix et le droit ?
Deux approches existent, la première n’est-elle pas condamnée à
l’impuissance ?
1- D’abord la première approche est celle de la paix par le droit. Le
droit s’était accommodé de la violence entre les Etats. Loin de la
condamner il fondait sur le droit de conquête une appropriation des
espaces et des ressources. Or, à la fin du siècle dernier et à la veille de
1914, un certain nombre d’hommes politiques ont voulu faire coïncider le
droit et la paix.
Ainsi le rêve des conférenciers de la Haye (1899-1907) était d’établir la
paix par des textes organisant une prévention et un règlement des
conflits. Avant et après la Première guerre mondiale ont été mis en
avant l’arbitrage et la conciliation. Le Pacte Briand-Kellog, signé à Paris
en août 1928, auquel adhéraient 57 Etats sur 62, condamnait le recours
à la guerre pour régler les différends et les Etats s’engageaient à utiliser
des moyens pacifiques. Or, lorsqu’il est seul, le droit est impuissant
à faire la paix.
2- La seconde approche est celle qui considère le droit comme
instrument de paix parmi d’autres instruments, le droit ne peut pas
être un remède miracle isolé. Si les violations du droit peuvent
constituer un facteur de guerre, si le droit est important pour
organiser telle ou telle situation de paix, il ne s’agit que d’un
ensemble de moyens, moyens qui doivent être accompagnés de
beaucoup d’autres : économiques, financiers, sociaux, éducatifs,
environnementaux … Donc le droit de la paix sera au mieux un
instrument utile mais ne sera pas, bien sûr, un remède miracle. Par
exemple la course aux armements ne peut pas être ralentie ou remise
en cause par les seuls traités, il faut aussi des choix économiques,
financiers…
B- Le droit de la paix et le droit à la paix
1) le droit de la paix et ses composantes
Actuellement en 2014 le droit de la paix comprend sept
composantes :
l’interdiction et la règlementation du recours à la force dans les relations
internationales,
le droit et la pratique des Nations Unies (c’est-à-dire les moyens de
règlement pacifique des différends, les sanctions économiques et
militaires, les opérations de maintien de la paix, la consolidation de la
paix),
les actions d’autres organisations internationales et régionales en faveur
de la paix,
le droit humanitaire des quatre conventions de Genève de 1949 et de
leurs deux protocoles de 1977,
le droit des conflits armés fondé sur la limitation des moyens et des
méthodes de combat,
le droit de la maîtrise des armements et du désarmement,
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enfin la justice internationale, en particulier le rôle des juridictions
internationales au service de la lutte contre les crimes internationaux ce
qui se traduit par des sanctions pénales et, peut-être parfois, par un
certain effet dissuasif.
Une Vème convention de Genève sur la protection de
l’environnement en période de conflit armé serait nécessaire et
porteuse. (voir notre article , JML « Droit de la guerre, droit de
l’environnement », colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre 2008.
Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, sous la
direction de J.P Marguénaud et de H.Pauliat Dalloz, 2009),
Voir aussi l’appel des juristes de l’environnement, 3ème réunion mondiale,
Limoges,29,30septembre et 1er octobre 2011, sur l’ensemble des
recommandations adoptées par ces juristes et ces associations de droit
de l’environnement voir site CIDCE, Centre international de droit
comparé de l’environnement, et site SFDE, Société française pour le
droit de l’environnement.)
2) Le droit à la paix et ses fondements juridiques
Existe-t-il un fondement juridique général ? Y-a-t-il des fondements
spécifiques ?
1er point : Le fondement juridique général du droit à la paix.
a) Le droit à la paix n’est-il pas un corollaire, une conséquence nécessaire et
évidente du droit à la vie ? Le droit à la vie est consacré, on le sait, sur le plan
international par la Déclaration universelle des droits de l’homme dans son
article 3 et par le Pacte international des droits civils et politiques dans son
article 6-1 : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit
être protégé par la loi. Nul ne peut-être arbitrairement privé de la vie ». La
guerre n’est-elle pas une forme de privation de la vie ?
De même par rapport à l’article 2 de la Convention européenne des droits de
l’homme qui affirme que « La mort ne peut être infligée à quiconque
intentionnellement », on peut dire que la guerre est une forme de mort infligée
intentionnellement.
b) Donc ou bien on pense que ce rattachement du droit à la paix au droit à lavie
n’est pas évident, qu’il est incertain, indirect, ou bien on pense que ce
rattachement est évident, certain, direct. Rappelons-nous que René Cassin
qualifiait la guerre de « négation même de l’existence de l’homme ».
2ème point : Quels sont les fondements spécifiques du droit à la paix à travers
les déclarations internationales ?
a) C’est d’abord la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui
dans l’article 28 affirme : « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan
social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés
dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
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Autrement dit : pour que les droits de la Déclaration soient pleinement
appliqués, il faut un ordre juste et pacifique, chaque personne a droit à ce que
règnent la paix civile et la paix internationale.
b) C’est ensuite l’Assemblée générale des Nations Unies qui a reconnu
plusieurs fois ce droit à la paix, certains peuvent voir là une coutume
internationale qui apparaît. Ainsi dans la Déclaration du 15 décembre 1978
relative à « la préparation des sociétés à vivre dans la paix » il est proclamé que
« toutes les nations et tous les êtres humains ont le droit de vivre dans la
paix ». Ce droit ici concerne les pays et chaque être humain, cette Déclaration
de 1978 invite les Etats à assurer ce droit à la paix.
Il faut citer aussi la Déclaration de l’Assemblée générale du 8 novembre 1984
sur « le droit des peuples à la paix », Déclaration qui proclame que « les
peuples de la Terre ont un droit sacré à la paix ».
3ème point : les conventions qui consacrent de façon spécifique le droit à la
paixsont, à ce jour, malheureusement peu nombreuses. Il y a la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples du 26 juin 1981, son article 23
affirme : « Les peuples ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan
national que sur le plan international. Le principe de solidarité et de relations
amicales doit présider aux rapports entre les Etats ».
4ème point : au niveau national comme au niveau d’organisations régionales la
consécration de ce droit devrait se développer.Le consacrer au niveau
constitutionnel constitue une forme de reconnaissance de principe très forte
même si tout dépend, bien sûr, du contenu et des garanties que l’on entend lui
donner.
Pourquoi aussi, par exemple, ne pas avancer l’idée que, dans une constitution
de l’Union européenne, les droits de la 3ème génération (droits de solidarité
c’est-à-dire les droits au développement, à la paix, à l’environnement)
devraient, tôt ou tard, avoir une place ? Le fait qu’un certain nombre d’Etats
membres (ou d’Etats candidats ?) auraient alors déjà consacré le droit à la
paix pourrait contribuer à aller dans ce sens. Des pays nordiques(ou
d’autres ?) ouvriront-ils la route ?
3)Le droit à la paix et ses composantes
Le droit à la paix est en gestation dramatiquement et scandaleusement
lente. Il devrait comprendre au moins quatre éléments : le droit à la
sécurité, le droit au désarmement, le droit de s’opposer à la guerre, le
droit à des recherches qui ne soient pas contraires à l’intérêt commun de
l’humanité.
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1er point : Le droit à la sécurité
Cinq remarques méritent d’être faites sur cette réalité complexe.
a) Ce droit correspond à la protection contre les guerres qu’elles
soient civiles ou interétatiques, au sens plus large il vise aussi par
exemple la sécurité énergétique et la sécurité environnementale.
b) Du point de vue de la Charte des Nations Unies ce droit signifie que
les Etats parties à un différend doivent– c’est une obligation- en
rechercher la solution par des moyens pacifiques. Au regard du
citoyen la question ne se pose-t-elle pas d’avoir les informations pour
savoir si l’Etat dont on est ressortissant a utilisé ces moyens ? Le droit à
l’information peut cependant entrer en conflit ici avec la diplomatie
secrète parfois nécessaire à certains moments.
c) Cette sécurité collective n’empêche pas à chaque Etat d’organiser sa
sécurité individuelle. L’Etat doit assurer la protection de sa
population.
d) Il n’est malheureusement pas rare qu’une dictature se retourne
contre sa population et commette des crimes internationaux, (crimes
contre l’humanité, crimes de génocide, crimes de guerre) .C’est alors au
Conseil de sécurité derétablir la sécurité(voir le développement cidessus
relatif à la protection de la population dans le cadre des Nations
Unies.)
e) D’autre part le droit à la sécurité apparaît très imprécis du point
de vue des moyens. Pourquoi ? Parce que certains pensent que la
sécurité doit reposer sur un développement quantitatif et qualificatif
des armements et, si cela est nécessaire, d’armes nucléaires.
D’autres, au contraire, pensent qu’en agissant ainsi on augmente
l’insécurité générale. En août 1996 une Commission de 17 experts et
hommes politiques invités par l’Australie à Canberra avait, dans son
« Rapport sur les mesures pour un monde libéré des armes
nucléaires », très clairement affirmé qu’il y a une vérité essentielle (qui,
dirons-nous, saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre) : « Les armes
nucléaires diminuent la sécurité de tous les pays. La seule
protection est l’élimination des armes nucléaires et l’assurance
qu’on n’en fabriquera plus jamais ».
2ème point : le droit au désarmement.
Le droit à la paix se manifeste surtout par les obligations des Etats par
rapport au désarmement, devoirs qui devraient être respectés.
a) Il existe d’abord l’article 26 de la Charte des Nations Unies. On
peut regretter qu’il ait été pratiquement inappliqué directement par le
Conseil de sécurité. Il est écrit : « Pour favoriser le maintien de la paix en
ne détournant vers les armements que le minimum des ressources
humaines économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé
d’élaborer des plans qui seront soumis aux membres des Nations Unies
pour établir un système de règlementation des armements ».Il pourrait
être porteur que des ONG pour agir s’appuient sur cet article en
exigeant de leurs gouvernements qu’ils appliquent la Charte.
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b) Il existe aussi l’article 6 du Traité de non-prolifération des armes
nucléaires (1er juillet 1968) selon lequel « Chacune des Parties au Traité
s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures
efficaces relatives à la cessation de la course aux armes nucléaires et
sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle strict
et efficace ».
c) Il existe enfin, l’avis de la Cour internationale de justice (8 juillet
1996), relatif à la licéité de l’utilisation de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, qui affirme qu’il existe « une obligation de
poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects ».
d) Les opérations de désarmement, obligations des Etats parties
aux traités. Ces obligations doivent (et devraient pour les
engagements à venir) se manifester par des limitations relatives aux
essais, à la production, à la possession, au déploiement, au transfert, à
l’usage,
des interdictions concernant les mêmes opérations que les
précédentes,
des destructions et des conversions qui visent des stocks d’armes
existants, des vecteurs de transports, des systèmes de lancement. (voir
JML,Droit international du désarmement, Préface de M.Bedjaoui,
L’Harmattan,1997)
En 2017 a eu lieu un événement passé inaperçu pour beaucoup,vivement
critiqué par d’autres comme étant « irréaliste dans un monde dangereux »(ainsi
la position officielle de la France) et considéré par d’autres enfin comme un
espoir dans le tableau sombre de la course aux armements.Cette dernière vérité
saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : plus les armements nucléaires se
développent en qualité et quantité plus l’insécurité grandit .(voir à ce sujet nos
deux ouvrages sur la paix : JM.Lavieille, « Construire la paix », éditions
Ellipses,1988).Ont affirmé cette vérité non seulement depuis longtemps des
ONG,de nombreux auteurs,mais aussi par exemple la Commission
Canberra(Australie)(rapport d’août 1996) sur le désarmement nucléaire qui
comprenait en particulier des personnalités telles que Robert Mc Namara
(ancien secrétaire d’Etat des Etats-Unis,Michel Rocard , ancien premier
ministre de la France, le général George Butler, ancien commandant en chef des
forces stratégiques aériennes aux Etats-Unis…
Grâce à un puissant regroupement d’ONG (près de 500 dans 90 pays) en 2007
l’ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons), la Campagne
pour l’abolition des armes nucléaires (prix Nobel de la paix en 2017) a été à
l’origine du Traité d’interdiction des armes nucléaires(7 juillet 2017).Selon
l’article 1 de ce traité il est interdit « en toutes circonstances de
développer,tester,produire,fabriquer,acquérir,posséder ou stocker des armes
nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs. »La menace de l’emploi
de ces armes est aussi interdite.
Tous les Etats qui ont des armes nucléaires(Neuf à ce jour :Etats-
Unis,Russie,Chine,France,Royaume-Uni et aussi l’Inde,le Pakistan, Israel, la
Corée du Nord,au total de l’ordre de 15.400 armes nucléaires) ont refusé de
participer aux négociations de ce traité jugé contraire aux réalités de »
l’environnement sécuritaire international ». Sur l’autel du réalisme(celui de la
domination des puissants) les peuples sont souvent sacrifiés.
Le traité a été signé par 122 Etats dès le 17 juillet 2017.Lorsque 50 Etats
l’auront ratifié il entrera en vigueur,cela probablement en 2018. La pression sur
les Etats nucléaires continuera pour qu’ils remettent en cause leur course
suicidaire,en espérant que les apocalypses de leurs utilisations n’interviendront
pas.
Il faudrait pour compléter ce traité agir aussi en amont et accomplir l’un des plus
grands pas pour l’humanité, celui qui consisterait à conclure un traité
d’interdiction des recherches sur les armes de destruction
massive(nucléaires,biologiques,chimiques).Le chemin sera long et très difficile
mais il est vital .(Voir sur ce point un important article écrit avec trois collègues
dans le cadre d’un colloque international sur les responsabilités liées aux
nouvelles techniques,colloque qui s’est déroulé au Sénat, article intitulé « Les
recherches sur les armes de destruction massive : des lacunes du droit positif à
une criminalisation par le droit prospectif », JM.Lavieille, J.Bétaille, S.Jolivet,
D.Roets, in « Droit et techniques nouvelles:quelles responsabilités? ») (voir
aussi de façon plus global »Le droit international du désarmement et de la
maitrise des armements »,préfacé par M.Bedjaoui, ancien président de la Cour
Internationale de Justice,Editions L’Harmattan,1997).
e) La défense de différentes approches théoriques et pratiques que
l’on peut avoir du désarmement, en tant que citoye(ne), qu’ONG,
qu’Etat, qu’organisation internationale ou régionale, ou qu’autre
acteur, peuvent porter sur :
l’ambition globale du désarmement général, la maitrise des
armements (l’ « arms control » qui n’est que la gestion
pragmatique… des armes nucléaires), les mesures de confiance en
particulier régionales, l’initiative pacifiste du désarmement
unilatéral, les propositions d’alternatives de défense et de
reconversions… et d’autres approches qui vous viendraient à
l’esprit et au coeur.(voir JML, Droit international du désarmement,
L’Harmattan,1997.)
3ème point : le droit de s’opposer à la guerre.
a) Le Pacte international des droits civils et politiques dans son article 20
précise : « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite
par la loi ». Ne s’agit-il pas là d’une forme de droit à la paix ?
b) D’autre part le droit de demander le statut d’objecteur de
conscience va dans le sens du droit à la paix : une résolution de
l’Assemblée générale des Nations Unies du 11 mars 1987, une
résolution du Conseil de l’Europe du 7 octobre 1977 considèrent que
l’objection de conscience est « un exercice légitime du droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion. »
c) Enfin n’oublions pas de souligner que chaque personne a le droit et
le devoirde s’opposer aux crimes de guerres, aux crimes contre
l’humanité, aux crimes de génocide, et aux crimes contre la paix (au
sens de la préparation d’une guerre d’agression) et demain peutêtre
aux crimes écologiques(qui ne sont à ce jour consacrés que
comme crimes de guerre, dans le Statut de la CPI de 1998 ,mais
malheureusement difficiles à démontrer selon ce texte ).
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4ème point : le droit à des recherches qui ne soient pas contraires à
l’intérêt commun de l’humanité
C’est certainement une des formes les plus radicales, pourquoi ? Parce
que l’on se situe en amont de l’amont, à l’une des sources les plus
puissantes de la course aux armements.
La « recherche-développement militaire » est considérable dans le
monde, or les traités de maîtrise des armements et de désarmement
n’abordent jamais ce problème ce drame et cette menace pour deux
raisons : parce qu’il y a des intérêts financiers, scientifiques et militaires
puissants et parce que la liberté de recherche veut exister sans limites.
a) Ainsi la Convention sur les armes chimiques du 13 janvier 1993
interdit la mise au point (c’est-à-dire les essais), la fabrication, le
stockage, l’emploi des armes chimiques et organise leur destruction,
mais elle ne prend pas en compte les recherches en amont de « la mise
au point. »
Ainsi la Convention sur les armes biologiques, du 10 avril 1972, se
trouve dans la même situation. Les situations se compliquent à partir des
liens entre des recherches à des fins civiles et celles à des fins militaires,
le critère du financement militaire ou non peut être un élément mais il
n’épuise pas les situations.
De même pour les armes nucléaires, ainsi le Traité d’interdiction
complète des essais nucléaires, du 24 septembre 1996, n’interdit pas les
technologies desimulation en laboratoire, donc sous cette forme la
course à la recherche nucléaire peut continuer.
b) De la même façon que l’on réfléchit et que l’on essaie de légiférer
dans le champ génétique par rapport à des dérives de recherches
portant atteinte à la dignité humaine ( voir la Déclaration sur le génome
humain de 1997 ) ne faudrait-il pas penser à un droit de l’homme à
des recherches scientifiques, gouvernementales ou non, qui ne
soient pas contraires à l’intérêt commun de l’humanité ? Les
recherches sur les armes de destruction massive ne devraientelles
pas être interdites et ces interdictions très contrôlées ? Et les
recherches existantes déjà dans ces domaines ne devraient-elles pas
faire l’objet de reconversions ?
Ne faudrait-il pas penser, dans les années à venir, à la conclusion d’une
convention universelle sur l’interdiction de ce type de recherches
contraires à l’intérêt commun de l’humanité ?( Voir « Les recherches
scientifiques sur les armes de destruction massive : des lacunes du
droit positif à une criminalisation par le droit prospectif »,
intervention au colloque international du Réseau Droit Science et
Technique, mars 2011,au Sénat à Paris, Article fait en collaboration avec
J. Bétaille, S.Jolivet, J.M.Lavieille, D.Roets, in Droit, sciences et
techniques : quelles responsabilités ? Editions LexisNexis, 2011.
Quelles propositions pour contribuer à éclairer la notion de paix et à
construire la paix ?
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VIII- La paix construite à travers des moyens
démocratiques, justes, écologiques et pacifiques
Nous proposerons d’abord une définition qui se veut globale, critique et
créatrice : la paix c’est, avant tout, l’absence de guerre et c’est, aussi, la mise
en oeuvre de moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, cela à
tous les niveaux géographiques (local, national, continental, international).
Quelle énumération indicative de moyens pacifiques(A)? Quelle
énumération indicative de moyens démocratiques, justes, écologiques
porteurs de paix(B) ?
A-D’un système international violent à une communauté mondiale pacifique
1/Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction
massive (déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
2/Mise en place d’une sécurité collective(fondée à titre principal sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces
d’intervention internationalisées)
3/Remises en cause des ventes d’armes(restrictions, taxations, interdictions,
reconversions), créations de ministères du désarmement
4/Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement(armes de
destruction massive enparticulier nucléaires), application des traités qui
existent déjà.
5/Mise en place d’une éducation à la paix(de la maternelle à l’université et
dans de multiples lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de
règlement non- violent des conflits.)
B- Les autres moyens démocratiques, justes et écologiques porteurs de paix
1-D’un système international autoritaire à une communauté mondiale
démocratique
Désarmement du pouvoir financier(taxations des transactions financières,
impôt mondial sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux…)
Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de
l’environnement, de la culture…)
Démocratisation des institutions internationales(réformes du Conseil de
sécurité et de certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place
légitime des pays du Sud, promotion des ONG…)
Accès des femmes aux processus de décision(aux niveaux locaux, nationaux,
continentaux, internationaux)
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et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s dans tous les Etats.
Créations d’organisations nouvelles(composées d’Etats, d’ONG, de collectivités
territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations
internationales, régionales et sous-régionales, développement de réseaux,
decoordinations, de fronts communs d’ONG (par exemple celles allant dans
le sens d’un ralentissement du système.)
2- D’un système international injuste à une communauté mondiale juste
Création d’un revenu universel d’existence(attribué à tout habitant de la
Terre, revenu déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus
d’activités)
Annulation de la dette publique (celles des Etats, des collectivités
territoriales, des organisations internationales…)
Priorités données au juste échange et au commerce équitable(le libre
échange leur sera subordonné)
Mise en place d’agricultures durables et autonomes(respect de
l’environnement, statut international des matières agricoles, souveraineté
alimentaire)
Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au
désarmement du pouvoir financier et liées aux activités polluantes,
redistribuées vers des besoins criants en santé, en éducation, en
environnement, en emplois…)
3- D’un système international anti écologique à une communauté mondiale
écologique
Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des
modes de production, de consommation, de transport écologiquement non
viables)
Programmes massifs d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau potable et
du droit à l’assainissement)
Revitalisation des régions profondément dégradées(programmes massifs à
tous les niveaux géographiques)
Transitions énergétiques(développement massif des énergies renouvelables,
économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire)
Conclusions de nouvelles conventions mondiales(convention créant une
Organisation mondiale de l’environnement, convention sur les droits des
déplacés environnementaux, convention créant une Organisation mondiale et
régionale d’assistance écologique, conventions de protection des sols,
convention de protection des forêts, convention contre
lespollutionstelluriques …) et de nouveaux protocoles(en particulier de
réductions massives et radicales des gaz à effet de serre.)
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Remarques terminales
« (…)nous saurons tailler un pierre d’espoir dans la montagne du
désespoir(…) » disait Martin Luther King.
1-« … dans la montagne du désespoir … »
Armes de destruction massive, débâcle écologique, inégalités
criantes, sociétés autoritaires…Ne sommes-nous pas fraternisés
par les périls communs ?
Les Nations Unies donc les Etats sont responsables pour une part de l’échec
global du maintien de la paix : depuis 1945 de l’ordre de 520 conflits armés,
au moins dix à quinze millions de victimes et au plus l’équivalent du nombre de
victimes de la Seconde Guerre mondiale, avec aussi un cortège de souffrances
physiques et morales, un cortège de destructions matérielles et
environnementales.
L’autre part des responsabilités est celle de l’ensemble des acteurs dans des
proportions variables, cela dans un système productiviste auto destructeur
(voir sur ce site l’article portant ce même titre).
Que de souffrances, d’espoirs et d’impuissances par exemple dans un lieu de
fractures de la planète, celui du drame israélo-palestinien ! Mais la lumière a
fini par voir le jour entre la France et l’Allemagne. « Ils ne savaient pas que
c’était impossible alors ils l’ont fait. »(Mark Twain)
Des avertissements sont clairs, ils nous appellent à la mise en
oeuvre de moyens pacifiques « Un seul monde ou aucun, s’unir ou
périr. » (Albert Einstein) « Il nous faut apprendre à vivre ensemble
comme des frères sinon nous périrons ensemble comme des
imbéciles. » (Martin Luther King).
2- « …nous saurons tailler une pierre d’espoir… »
Au-delà des réformes nécessaires du Conseil de sécurité dans sa
composition, ses stratégies et ses moyens, une vue globale doit être
claire et porteuse :
a) Le « Si nous voulons la paix préparons la guerre » est toujours
présent, il est produit par la puissance des complexes scientificomilitaro-
industriels et de multiples autres acteurs, des Etats, des
citoyen(ne)s… Les résistances à ces théories et ces pratiques doivent se
renforcer, les alternatives doivent devenir plus connues , plus
soutenues.
Une vérité saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : cet adage, cet
axiome est marqué par l’échec pour deux raisons incontournables.
D’abord cette préparation fondée en particulier sur la qualité et la
quantité d’armements, par exemple nucléaires, accroit l’insécurité.
Ensuite, seconde raison de l’échec que l’ on passe sous silence le plus
souvent possible : les seules dépenses militaires mondiales,
aujourd’hui de l’ordre de 4 milliards de dollars chaque jour, sont l’un des
scandales et l’une des absurdités les plus gigantesques du monde
contemporain.
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Elles sont enlevées cruellement à d’autres besoins criants, leur
remise en cause est vitale. Merci les Etats ! Les peuples vous
remercient ! Viennent les jours où les candidats dans tous les pays aux
élections qui proposeront des réductions massives des dépenses
militaires seront massivement élus !
Ce « Si nous voulons… » reste donc à remettre en cause.
b) Le « Si tu nous voulons la paix réglons les conflits »
(symbolique de la Société des Nations) est partiel, il ne se situe pas
assez en amont. Il faut cependant l’améliorer à travers l’éducation à la
paix et de nouvelles imaginations créatrices personnelles et collectives.
Ce « Si nous voulons… » reste nécessaire, reste à améliorer ou à
réformer, mais reste très insuffisant pour assurer la paix.
c) Le « Si nous voulons la paix agissons pour la coopération »
(avec le maintien de la paix l’un des deux buts des Nations Unies) est
certes un peu en amont, mais il n’est pas assez global.
Ce « Si nous voulons… » reste nécessaire, reste à améliorer ou à
réformer, mais reste très insuffisant pour assurer la paix.
d) Le « Si nous voulons la paix contribuons, personnellement et
collectivement, à promouvoir une communauté mondiale fondée
sur des moyens démocratiques, justes, écologiques et
pacifiques ? »
Ce « Si nous voulons… » c’est celui d’une paix portée par les
personnes, les peuples, l’humanité . Alors, oui, elle les portera à
son tour.
Une paix à construire, celle des possibles fraternels.
JML
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