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au trésor des souffles

Environnement III

Apocalypses écologiques: l’accélération des mécanismes de destruction (I)

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 L’accélération des mécanismes de destruction

 

« Les catastrophistes sont ceux et celles qui ferment les yeux sur les causes des catastrophes et non pas ceux et celles qui avertissent, dénoncent et proposent. »(François Partant)

 

 

Avant-propos

 

« Quel est le rapport international sur l’environnement  qui vous a le plus impressionné ? » me demandaient des étudiants de master en droit international de l’environnement juste  avant ma retraite en juin 2013.  Ma réponse a été la suivante :

Le 7 juin 2012  deux études ont été  publiées  dans la Revue « Nature »,  chacune écrite par une vingtaine de chercheurs de différentes disciplines, chercheurs travaillant dans une quinzaine d’institutions scientifiques.

 Ils  tirent la sonnette d’alarme : «La biosphère est à la veille  d’un basculement abrupte et irréversible »(…)

Ils  mettent en avant « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens c’est-à-dire 200.000 ans. »

 Il s’agit donc même plus que d’une sonnette d’alarme, n’est-ce pas  une forme de glas apocalyptique ?

 

 

Introduction.

 

Nous entendrons  par « apocalypses écologiques » des catastrophes environnementales ou très importantes ou  massives  ou  gigantesques, aux effets cataclysmiques,  qui témoignent d’une  dégradation mondiale de l’environnement  de plus en plus rapide, profonde, multiforme et en interactions. Les décennies qui viennent ont  vraisemblablement vocation à voir un déchainement terrifiant de ces formes de « fins du monde » étant entendu que sont aussi en route des changements  certainement irréversibles, comme la montée des océans ou la fonte des glaces. 

Des personnes survivantes d’inondations, de canicules, d’incendies, de cyclones, de tsunamis, de tremblements de terre,   affirment très souvent « C’était l’apocalypse ! »

Les apocalypses écologiques ont commencé, surtout, depuis l’anthropocène il y a un peu plus de 170 ans avec l’arrivée des énergies fossiles. Ces apocalypses   sont le plus souvent spectaculaires, il arrive aussi qu’elles cheminent de façon cachée pour se manifester ensuite.

 

Il y a près de cinquante ans  dans des cours, des ouvrages et des interventions nous mettions en avant cette question vitale : « Cette veille de fin des temps peut-elle encore se transformer en une forme d’aube de l’humanité, cela à travers quelles volontés, quels moyens et quelles marges de manœuvres ? »

 

Ainsi cette  question  se posait déjà et se pose toujours :

-L’avenir des apocalypses écologiques est-il écrit ?

 Est-ce celui de l’impuissance  devant ces phénomènes porteurs de la disparition d’une grande partie du vivant, humains et non humains ?

 

 La lucidité nous oblige à constater qu’à ce jour il en est ainsi.

 Oui l’avenir des apocalypses écologiques est écrit. Pourquoi ?

 Pour deux raisons, l’une vitale, l’autre essentielle.

La première raison vitale a pour  cause des mécanismes autodestructeurs de plus en plus rapides, en route depuis l’anthropocène en 1850, il y a plus de 170 ans(I)

 

La seconde raison essentielle a pour cause  la lenteur  des remises en cause pour empêcher et/ou atténuer ces phénomènes. (II)

 

 

-Et pourtant n’existe-t-il pas un autre avenir possible ?

Nombre de nos écrits insistent  sur le fait  qu’il n’y a pas de remède miracle et proposent des alternatives, cela dans le sillage de nombreux auteurs et de multiples pratiques. Mais n’existe-t-il pas une remise en cause qui , par sa puissance et sa rapidité, contribuerait à en créer certaines  et à en accélérer d’autres ?(III) Si oui comment   proposer quelques repères quant à sa mise en œuvre ? (IV).

  

 

Apocalypses écologiques : l’accélération des mécanismes de destruction (I)

  

Les personnes, les groupes, les collectivités qui dénoncent la radicalisation écologique ou bien  font une erreur colossale d’analyse ou veulent préserver divers intérêts ou préfèrent une fuite devant des soucis inutiles de fins du monde qui pourtant en fait frappent déjà de nombreuses populations de notre planète..

 La débâcle écologique s’accélère produite par un système autodestructeur. Si l’on espère  que le vivant puisse survivre c’est ce système productiviste  mondial qu’il faut remettre en cause. Plus on avance dans le temps plus la radicalité s’impose face à la préservation d’intérêts à court terme, face à l’impuissance, la fuite ou le mensonge.

 

Cette autodestruction repose sur des logiques profondes, celles d’un système mondial,

Fondé  sur ce trio infernal : capitalisme,  productivisme, anthropocène. (A)

 

 La débâcle écologique se développe aussi à travers trois logiques qui sont impressionnantes. (B).

 

Quant aux rapports internationaux ils se succèdent et multiplient les avertissements solennels et correspondent plus en plus à de véritables glas apocalyptiques.(C)

 

Ce dernier point sera le plus long, il montrera de façon criante qu’ il n’y a pas, à ce jour(janvier 2022), d’échappatoire que constituerait un rapport international contraire aux réalités et prévisions des effets cataclysmiques de l’ensemble des rapports environnementaux, cela  depuis le premier rapport du GIEC il y a  trente deux ans en 1990.

 

 

A-Les logiques mortelles du système mondial autodestructeur.

 

Ce sont des  logiques profondes(1) qui définissent ce système mondial productiviste. Son caractère  autodestructeur n’est-il pas l’un de ceux qui le caractérisent le mieux ? (2)

 

1-Les logiques profondes de l’autodestruction.

Existent  au moins douze logiques  profondes .

La recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers, de financiarisation du monde, avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques. Cette domination  de la finance se traduit par des mécanismes de conversion de toutes choses en argent et de l’argent en toutes choses.

L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.

Le culte de la croissance synonyme du « toujours plus », de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, sociaux, environnementaux, culturels, synonyme  de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains. Croissance qui va  « reculer, se tasser, être en berne », mais qui  va « revenir,  repartir, rebondir  et qu’il faut soutenir,  favoriser »,  éternel refrain de la  relance … Sainte croissance protégez-nous !

 La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des bientôt huit milliards d’habitants   de notre planète.

La conquête ou la défense des parts de marchés synonyme d’un libre-échange tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de marchés, un libre-échange qui met de côté l’environnemental, le social et le culturel.

La domination sur la nature synonyme d’objet au service des êtres humains, ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables. Certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se croire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).

La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter. Le roi Midas voulait pouvoir tout transformer en or, son vœu fut exhaussé. Mais la nourriture et l’eau deviennent aussi de l’or et  le roi dépérit peu à peu. Qu’est-ce qu’une société pour laquelle tout vaut tant ?

 

La militarisation du monde sous de multiples formes en particulier des espaces militarisés,  des recherches, des  productions et des ventes d’  armements,  des conflits armés, des grandes manœuvres,  des éducations à la guerre, des administrations extrêmes de multiples peurs, des fabrications d’ennemis ( par exemple de  nouvelles classes jugées dangereuses,  les déplacés environnementaux. ) Quant aux  ventes d’armes ? Avant, pendant et après les conflits armés des chefs d’Etat, des ministres, des industriels, des scientifiques, des militaires  courent vers les marchés,  ils ne peuvent plus s’arrêter, ils sont  devenus accrocs. Helder Camara écrivait « On commence par fabriquer des armes pour se défendre, puis on vend des armes pour continuer à en fabriquer et on fabrique des guerres pour continuer à vendre des armes. » Pauvres hommes !  Tristes  hommes ! Tellement  occupés à fabriquer des ennemis ils n’avaient pas vu que le sol s’effondrait sous leurs pieds, sans leur vivre ensemble allaient-ils perdre  leur bien commun, leur foyer d’humanité, la Terre ?

La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés viables, soit ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.

L’accélération synonyme de course omniprésente  à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, une des hypothèses les plus probables étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant ».(Voir par exemple Harmut  Rosa « Accélération », La Découverte, 2010.) (Voir sur ce blog et sur notre  site « au trésor des souffles » les nombreux articles sur « L’accélération du système mondial. »

N’oublions pas que l’hypothèse la plus probable de la première cause des  dominations des hommes sur les femmes a été leur vitesse de déplacement par laquelle ils se sont accaparés des pouvoirs, ainsi ceux de la chasse, les femmes étaient, dès le début de l’histoire de l’humanité, moins rapides à cause de leurs grossesses et des enfants portés sur le dos. La vitesse, facteur de répartition des pouvoirs, emplit l’histoire des sociétés, cela jusqu’à nos jours avec les fractures des inégalités numériques.

 L’expropriation d’ élu(e)s et de citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des collectivités et des individus plus lents ?

Enfin , douzième  logique, la compétition synonyme, nous répète-t-on, d’ « impératif naturel de nos sociétés ». Elle alimente les onze logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques. Elle est omniprésente, omnisciente, omnipotente dans le système productiviste. Cette compétition en fait n’est pas « naturelle » contrairement à ce que l’on croit le plus  souvent  et nous fait croire  presque toujours, elle est  le produit de multiples histoires et peut avoir et a, ici et là, des alternatives. (Voir sur ce blog et sur notre site « au trésor des souffles »les nombreux articles sur « La compétition.»

 

 

2-L’autophagie du système productiviste mondial

 Aux personnes rencontrées  par le Petit Prince de Saint Exupéry on pourrait rajouter Erysichthon, qui se mangeait lui-même, évoqué par le poète Ovide en 30 avant notre ère dans « Les Métamorphoses », et l’identifier  au productivisme

« Que faites-vous ? » demande le Petit Prince. 

« Je suis devenu un système autophage.  Les pays, les marchés, les entreprises se dévorent, je dévore la nature, je dévore même mes limites. »

 « Vous aimez çà ? »interroge le Petit Prince.

 «Au début  j’y prenais goût, mais depuis longtemps  je ne peux plus  m’arrêter, j’ai toujours faim. »

 « A cette  allure ,  dit le Petit Prince, vous souffrirez de plus en plus et vous  allez vite  disparaitre.  Moi quand j’ai soif  je marche  tout doucement vers une fontaine ».

 

 

B-Les logiques implacables de la débâcle écologique.

 

Trois logiques n’ont-elles pas quelque chose d’implacable ? Lesquelles ? La marchandisation de la nature(1), les interactions(2), l’accélération(3).

1-La course au profit et la marchandisation de la nature.

On comprend  mieux les enjeux pour le  capitalisme et le productivisme. De façon plus globale ils mettent  en œuvre à ce jour au moins cinq stratégies pour préserver  les taux de profit.

 a-La première voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources « déjà trouvées » dans la nature. Autrement dit  il s’agit d’exploiter le plus possible les ressources existantes, c’est la course aux quantités des gisements en route ou en bout de course. 

Ce que le productivisme a emballé  il l’achète et  il le vend  jusqu’à extinction des stocks.

  b-La seconde voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources « à  trouver » dans la nature. Autrement dit  il s’agit d’en découvrir de nouvelles, ainsi le gaz de schiste (avec de puissantes pressions de la course en avant des consommations d’énergie, d’industriels qui multiplient rapidement  les forages par des moyens écologiquement inacceptables avec un silence ou une sous-estimation les effets écologiques dans les eaux, le sol, le sous-sol) , les richesses minérales aux pôles et d’abord en Arctique, mais aussi des recherches de  nappes phréatiques, des « terres rares », de gisements de pétrole offshore.

 Ce que le productivisme découvre  il le touche, il l’emballe, puis il le vend et l’achète.

c-La troisième voie utilisée par le productivisme est un marché tous azimuts des  « services » de la nature. Autrement  dit  on met en place  des services que l’on va échanger avec le plus de  profit possible.

 Ce processus  fait dire à des économistes critiques (ainsi Jean Gadrey , «  Adieu à la croissance », éditions Alternatives économiques,2010) que  «  le capital financier veut découper  la nature en services monnayables, puis en  marchés dérivés pour qu’on puisse spéculer sur ces cours nouveaux ».

 Ce que le productivisme, en affirmant faire œuvre de protection, déclare « services » il va le découper et le monnayer. 

d -La quatrième  voie utilisée par le productivisme est une « artificialisation » tous azimuts de la nature. Autrement dit des entreprises, surtout des firmes multinationales, se sont lancées dans les productions d’organismes génétiquement modifiés, de biotechnologies, de nanotechnologies,  d’utilisations de plantes en carburants, de nouveaux marchés rentables liés au bio mimétisme de la nature, et de plus en plus de projets de géo-ingénierie climatique.

Ce que le productivisme commence à voir  il va   essayer de le modifier, de le transformer, puis il le vend et l’achète.

e- La cinquième voie utilisée par le productivisme est une géo-ingénierie conçue comme « Le grand remède  miracle. »Il s’agit  de techniques qui visent à manipuler et modifier le climat et l’environnement de la  Terre et qui deviendraient une sorte de plan B pour arrêter le réchauffement et mettre la Terre à l’ombre. Autant des techniques de captage de CO2 peuvent avoir leur intérêt autant la géo ingénierie, aux mains de puissants groupes, non seulement est porteuse d’effets collatéraux mais surtout tendra à désengager les acteurs des luttes contre les changements climatiques.  

Ce que le productivisme a détruit  il prétend   le sauver en utilisant des  moyens  productivistes en particulier sous la forme de techniques miracles qui vont sauver le monde..

 Ainsi à grande allure, sous de multiples formes,  la pente est prise : tout vaut tant.

 (Sur « La marchandisation de la nature » voir nos articles  sur ce blog et sur notre site , et notre article in Mélanges en l’honneur de Soukaina Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps environnemental, PUF, 2016.)

2- Les interactions  et la débâcle écologique.

a-Les  interactions entre des éléments de l’environnement.

Depuis longtemps on sait que  les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes  peuvent avoir des effets plus ou moins étendus. Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement.

 De plus en plus de scientifiques pensent que  les interactions entre les changements climatiques et d’autres problèmes menaces et  drames  environnementaux seront lourdes de conséquences.  Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone. Ainsi la fonte des glaciers a désormais pour effet  la montée du niveau des mers. Ainsi l’accélération   des fontes de l’Arctique et maintenant de l’Antarctique agissent aussi sur ce niveau des océans, sur la circulation de l’océan global, sur les évènements climatiques extrêmes…

b – Les interactions entre des domaines d’activités.

Deux séries d’exemples relatifs à la guerre et aux inégalités

– Interactions entre environnement, paix et conflits armés

Ainsi, par exemple, les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.

– Interactions entre environnement, égalités, inégalités

Ainsi  par exemple les interactions entre les inégalités environnementales et les inégalités dans les autres domaines. Par exemple la « justice climatique » est aussi impérative que complexe, elle traverse les rapports entre les personnes d’une population d’un pays, les rapports entre les pays du Nord et du Sud, entre les pays du Sud et les pays émergents, entre l’ensemble des pays et les pays les moins avancés ainsi que les iles menacées par la montée des eaux.

c- Les interactions entre deux grandes crises.

– La crise climatique et la crise énergétique

 Si elles se rencontraient ces deux crises provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées des sociétés.

Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des catastrophes (voir l’article sur ce site : « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. »)

Mais la catastrophe n’est pas vertueuse pédagogiquement en elle-même, on peut en tirer un peu, beaucoup ou pas du tout les leçons. (Voir les trente deux contributions des Actes du colloque  « Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean- Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2012.)

– Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ;  un effondrement important du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales ( de l’ordre de 80%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement des énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques  de réductions massives des consommations d’énergies  dans les pays développés et  les pays émergents.

Une seule donnée soulignée ici montre que la rencontre entre les deux crises  est en route. Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2017 les énergies fossiles continuaient à fournir l’essentiel de la consommation d’énergie primaire mondiale, soit 85,5 %, plus précisément 33 ,5 % pour le  pétrole, 28 % pour le charbon, 24 % pour le gaz naturel.

3- L’accélération, une machine infernale par rapport à l’environnement

Pourquoi ? Parce que quatre mécanismes semblent,  en théorie et en pratique, terrifiants, le mot n’est pas trop fort.

Les quelques lignes, qui s’inscrivent dans ces quatre petits paragraphes qui suivent, sont intellectuellement particulièrement éprouvantes, déstabilisantes, terribles à intégrer dans les raisonnements.

 Beaucoup de personnes, en particulier de décideurs de toute nature, n’osent pas les mettre en avant et les passent sous silence, elles ont peur  d’avouer leur impuissance ou  peur de délégitimer leur action.

Nous pensons qu’il vaudrait mieux additionner de véritables faiblesses, les comprendre et essayer ensemble de  faire face , mesurer et faire connaitre les chemins restant à parcourir,  plutôt que de se draper dans de faux semblants, des orgueils mal placés ou de fausses victoires vite balayées.

a – Le premier mécanisme est général : le système international  s’accélère.

 On vient d’en énumérer quelques manifestations. Cette accélération est une vérité incontournable. Si l’auteur de ces lignes avait plus de force il aurait créé avec quelques amis une « internationale de la lenteur » qui coordonnerait les ONG pensant et agissant en ce sens. . Ce ne serait pas un remède miracle mais un moyen pouvant être porteur. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne.

L’environnement est emporté dans cette accélération générale.

b-Second mécanisme : penser  et mettre en œuvre  les réformes et les remises en cause environnementales prend du temps

 Pourquoi ? Pour des raisons particulièrement nombreuses.

 A cause de l’introduction du  long terme, de la complexité des interactions, de l’ enchevêtrement des ordres  juridiques, de l’ inertie de systèmes économiques, des obstacles financiers, institutionnels, éducatifs, psychologiques et juridiques, à cause aussi des mises en œuvre de textes ,des actions trop tardives, des difficultés des remises en cause personnelles et collectives,  de la  complexité des rapports de force et des négociations, des retards dans les engagements, des obstacles dans les applications, de l’ inertie des systèmes économiques et techniques, sans oublier de  la lenteur de l’évolution des écosystèmes, enfin par dessus tout, à cause de la puissance des logiques productivistes.

 c- Troisième mécanisme : on agit pour une large part dans l’urgence 

 L’aggravation  des problèmes, des menaces et des drames de la dégradation environnementale  rend les urgences omniprésentes,  l’urgence devient une « catégorie centrale » du politique, elle fait d’ailleurs corps  avec le court terme qui constitue  une des logiques profondes du productivisme (voir sur ce blog les trois billets sur « Le productivisme ».). Il faut soulager des souffrances immédiates   à la suite de  catastrophes écologiques et  de  découvertes  de scandales  sanitaires  et écologiques.

On doit faire face à la fois aux urgences climatiques et à d’autres urgences, en particulier sociales. On doit aussi élaborer des politiques à long terme. En 2013 nous avions dit et écrit  qu’il fallait à la fois répondre aux fins de mois et aux fins du monde, c’était aussi une façon de dire entre autres  qu’il n’y a pas de politique écologique sans justice sociale.

d – Quatrième mécanisme : élaborer des politiques à long terme  demande du temps

S’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates,   il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme, ce qui  demande du temps,

Un des exemples les plus criants est celui des déplacés environnementaux. Ce silence scandaleux  dans  l’Accord de Paris de 2015 sur le climat en dit long sur ce qui constitue  déjà, aux yeux de certains, de nouvelles classes dangereuses en voie d’explosion dans les décennies à venir  et qu’il faudra contenir au besoin,  par tous les moyens, même les pires .

 Il faudrait d’ores et déjà adopter et appliquer un statut international, celui  par exemple élaboré par des universitaires de Limoges qui est considéré comme l’un des plus porteurs.

 Aujourd’hui il y a de l’ordre de 25 millions de  déplacés environnementaux, vers 2100 on en attend au moins 250 millions. Des estimations vont maintenant  jusqu’à 1 ou même 2 milliards dans la mesure en particulier où  des mégapoles deviendraient  irrespirables et/ou  seraient évacuées sous la montée des eaux.(Voir sur ce blog et notre site  « Les déplacés environnementaux »).

Et on revient donc au premier mécanisme :

…  le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.

Ajoutons   à cela que, pour compliquer les situations en matière environnementale (comme dans tel ou tel autre domaine), il y a de véritables bombes à retardement. Elles mettent du temps à se préparer mais elles peuvent soit continuer sous la forme de  pollutions diffuses soit  exploser violemment et basculer dans l’urgence, ainsi très vraisemblablement par exemple de véritables « Tchernobyls sous-marins » qui sont en route, des fûts de conteneurs radioactifs sont sous la pression des eaux et sous la destruction par la rouille, sans oublier des armes nucléaires qui dorment dans des sous-marins coulés.

 

 

C-Les logiques ininterrompues des avertissements  apocalyptiques.

 

Ce dernier point sera le plus long, il montrera qu’ il n’y a pas, à ce jour(janvier 2022), d’échappatoire que constituerait un rapport international contraire aux réalités et prévisions des effets cataclysmiques de l’ensemble des rapports environnementaux depuis en particulier  le premier rapport du GIEC il y a plus de trente ans en 1990.

Nous ferons une synthèse

des derniers rapports du GIEC(1),

des rapports spéciaux de ce même GIEC(2),

 des autres rapports internationaux essentiels sur l’environnement(3),

des rapports sur les effets environnementaux sur la santé des êtres humains(4),

enfin d’un certain nombre de perspectives à  long terme.(5)

 

1-Les derniers rapports du GIEC

Après les rapports de 1990,1995, 2001, 2007 est venu celui de  2013-14, puis     le 6ème rapport de synthèse  en novembre 2022 précédé de trois volets l’un en 2021, les deux autres en 2022.

A cela s’ajoutent des rapports spéciaux  sur des réalités particulières, ainsi  celui de 2018 sur les effets de l’élévation  de la température de 1,5° et  2° et  celui de 2019 sur l’océan et la cryosphère  (l’ensemble des portions de la surface des mers ou des terres émergées où l’eau est présente à l’état solide.)

 

 

a-Le 5ème rapport du 27 septembre 2013 et du 31 octobre 2014 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat(GIEC) confirme les alarmes contenues en particulier dans celui de 2007.

 

Il est « extrêmement probable »que l’homme soit responsable du réchauffement de la planète (une probabilité de 95%, en 2007 elle était de 90%.)

-De 1992 à 2012 les pays développés sont passés de 13 à 12 milliards de tonnes de CO2, les pays en développement (dont surtout les pays émergents), qui n’avaient pas d’obligations de réduction dans le Protocole de Kyoto, sont passés de 7 à 21 milliards de tonnes de CO2, soit donc aujourd’hui 50% de plus que les pays développés. En 2012 les plus gros émetteurs de CO2 sont la Chine(8,3 milliards de tonnes), les Etats-Unis (5), l’Inde(2), la Russie(1,7), le Japon(1,2), les 28 de l’Union européenne émettent de l’ordre de 4  milliards de tonnes.(Sur les changements climatiques voir en particulier de  remarquables  articles  de journalistes environnementalistes du  journal Le Monde, de Libération, du site Mediapart…)

-D’ici à la fin du siècle (2100) l’augmentation de la température moyenne de la Terre apparait  plus clairement : si l’on ne fait rien nous sommes  en route pour au moins +4,8°C, l’un des pires scénarios  du GIEC. (Ce serait alors un bouleversement équivalent (dans l’autre sens) à la dernière glaciation, par exemple avec 5°C en moins l’Europe du Nord était un gigantesque glacier…)

 Dans les autres cas la probabilité de dépasser 2°C  est de  50%, or le seuil de 2° dépassé a des conséquences imprévisibles.  La prévision la plus optimiste de +0,3°C est  pratiquement inaccessible.

-Quant au niveau de la montée des océans : le rapport de 2013 est plus sombre que celui de 2007(18à59cm). D’ici la fin du siècle le GIEC affirme que la hausse serait de 26 à 82cm. Certaines études situent cette élévation entre 1 et 2 mètres. Allant dans ce sens on constate que les glaciers de l’Ouest de l’Antarctique fondent de plus en plus vite, »un point de non retour » est atteint( revue américaine Science et Revue Geophysical Research Letters, 12 mai 2014) ce phénomène constitue une des causes de la montée des océans..

 Selon le GIEC les phénomènes extrêmes devraient devenir plus fréquents et plus intenses, le seul exemple des sécheresses devient de plus en plus terrible dans des lieux de plus en plus nombreux de la planète, ainsi début 2014 en Californie, en Australie, au Nordeste du Brésil…

-Le rapport de synthèse du 31 octobre 2014   de cette 5ème évaluation donne les points essentiels  des trois volets précédents :

Le dérèglement climatique causé par l’activité humaine est incontestable.

Les émissions  récentes de GES d’origine anthropique sont les plus élevés de l’histoire. Si elles se poursuivent  « au même rythme cela accroitra les risques d’impacts sévères, envahissants et  irréversibles. »

Les évènements extrêmes vont se multiplier et s’amplifier. « Le risque de changement abrupt et irréversible augmente en même temps que l’amplitude du réchauffement. »

Il est indispensable d’agir maintenant : l’atténuation et l’adaptation sont des stratégies complémentaires.

 

 

b-Le 6ème rapport  du GIEC, premier groupe de travail  le  9 août 2021.

 

 -Les trois groupes de travail

Ce premier rapport  est relatif à l’état des lieux, nouvelles évaluations climatiques liées aux émissions de gaz à effet de serre.  Il a été rédigé par 234 scientifiques de 66 pays, cela  à partir de l’analyse de plus de 14 000 études scientifiques.

 Le rapport du deuxième groupe de travail  sera relatif  à  la vulnérabilité de nos sociétés, à l’impact pour les écosystèmes, (février 2022) .

 Le rapport du troisième groupe de travail  concernera l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques (mars 2022). La  synthèse du 6e rapport est prévue  en  septembre 2022.

 -L’analyse globale d’Audrey Garric (Le  Monde du 9 août 2021) est on ne peut plus claire:

« C’est un état des lieux qui donne le vertige. 

D’abord, parce qu’il montre, de la manière la plus implacable qui soit, à quel point l’humain est en train de bouleverser le climat dans chaque région du monde : l’élévation de la température de l’air et de l’océan, la fonte des glaciers ou la hausse du niveau des mers s’aggravent à un rythme et avec une ampleur sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années.

Ensuite, parce qu’il brosse un tableau sombre du monde qui nous attend : celui de catastrophes climatiques en cascade si nous continuons à brûler des combustibles fossiles à un rythme élevé, mais aussi de changements irréversibles, comme la montée des océans ou la fonte des glaces, quoi que nous fassions. »

 -Si  nous voulons  résumer  l’état global des lieux  :

Le résumé du résumé  est simple :   la rapidité, l’ampleur, l’omniprésence  et l’aggravation des changements climatiques sont là aujourd’hui et encore beaucoup plus demain.

L’homme  est le responsable « sans équivoque » de cette situation dramatique, cette réalité  scientifique est  désormais  incontestable. En 2013 le GIEC parlait de «  responsabilité extrêmement probable » ,  cela à 95% . Nous ajouterons  que les  négationnistes de cette réalité sont ou dans le mensonge par intérêt ,  ou dans l’illusion par inconscience, ou  dans la méconnaissance.

.D’autre part le rapport  affirme qu’il y a toujours plus de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère.

L’objectif de limiter le réchauffement à 1,5° est déjà hors de portée.

Les événements extrêmes se multiplient, s’accélèrent et s’aggravent. Ces  événements extrêmes comme les canicules infernales ,   les pluies diluviennes ,   les sécheresses terribles sont devenus plus fréquents et plus intenses, les moussons plus abondantes,  le nombre de cyclones tropicaux majeurs a augmenté. On peut donc ajouter que les catastrophes écologiques de l’été 2021 sur une large partie de la planète ne sont qu’une préfiguration d’apocalypses écologiques qui vont suivre.

Le cas du méthane devient alarmant .Le GIEC y consacre un chapitre .C’est le  principal gaz à effet de serre après le CO2, il est  désormais responsable d’un quart du réchauffement climatique​. Il persiste moins longtemps dans l’atmosphère que le CO2 mais a  un pouvoir de réchauffement 28 fois  supérieur ​.  Les émissions humaines de méthane viennent de trois grands secteurs : 40 % pour l’agriculture (la surconsommation de viande est incriminée), 35 % pour les énergies fossiles (gaz de schiste, extraction de pétrole…) et 20 % pour les déchets.

c-Les cinq scénarios établis par le GIEC pour  les prochaines  décennies  :

Les auteurs du GIEC ont établi cinq scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Dans tous les cas de figure, la température va continuer d’augmenter dans les vingt prochaines années. Nos actions actuelles déterminent l’ampleur du dérèglement climatique dans la deuxième moitié du siècle ,  2050-2100.

Dans le détail, sur la période 2081-2100, en comparaison avec l’ère préindustrielle, les scientifiques prévoient une élévation de la température mondiale de 1,4 °C (fourchette de 1 °C à 1,8 °C) dans le scénario très peu émetteur, 1,8 °C pour le scénario peu émetteur, 2,7 °C pour celui intermédiaire, 3,6 °C pour l’émetteur et 4,4 °C pour le très émetteur (fourchette de 3,3 °C à 5,7 °C). Il s’agit de moyennes, en Arctique par exemple le réchauffement est trois fois supérieur  à la moyenne mondiale.

Aggravant leur diagnostic, les experts estiment que le seuil de 1,5 °C de réchauffement, permettant de limiter les pires effets de la crise, sera atteint ou dépassé avant 2040, donc  plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu en 2018.

Avec le scénario très peu émetteur, qui implique une neutralité carbone en 2050, la température redescendrait à 1,4 °C en 2081-2100.

 Le dépassement du seuil de 2 °C aurait lieu au milieu du siècle dans les trois scénarios les plus émetteurs. Le réchauffement continuera d’accroître les canicules et les saisons chaudes, tout en diminuant les vagues de froid. Dans un monde à + 2 °C, les extrêmes de températures atteindront plus souvent les « seuils de tolérance pour la santé et l’agriculture. » Vers la fin du XXIe siècle, ces seuils seraient franchis plus de cent jours de plus qu’actuellement dans de nombreuses régions tropicales.

 

d-L’humanité se trouve «  à l’aube de retombées cataclysmiques » :

La vie sur terre telle que nous la connaissons sera  transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt.

Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer. Est  décrite  une «  humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques », en proie aux pénuries d’eau, aux exodes et à la malnutrition, dans un monde où les espèces s’éteignent massivementAinsi  « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », 

Le GIEC ajoute que si « la vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux   écosystèmes ,  l’humanité ne le peut pas. »

Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent. » « Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques  climatiques. »

 C’est là bien sur une réponse à ceux qui affirment dans une sorte de rite de réassurance, aveugle et automatique,  que « l’homme s’adaptera toujours. »

Désormais, le GIEC estime que dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.

 « Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent.

En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. Avec une augmentation limitée à 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions au-delà de 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (Est du Brésil, Asie du Sud-Est , Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques…

e-Les seuils de ruptures :

Le GIEC étudie  les  points de basculement, les seuils de rupture entraînant un emballement du système climatique.

 Il évoque des événements  à « faible probabilité mais fort impact » comme la déstabilisation de la calotte glaciaire antarctique ou le dépérissement des forêts . L’élévation du niveau des mers va également se poursuivre pendant des siècles puisqu’elle est entraînée par l’expansion thermique de l’océan sous l’effet du réchauffement, ainsi que la fonte des glaciers et des calottes.

.« Il ne peut pas être exclu que l’élévation du niveau de mer s’approche de 2 mètres d’ici à 2100 et 5 mètres d’ici à 2150. »

 La capacité des forêts, des sols et des océans à absorber les émissions de CO2  risque de s’affaiblir avec la poursuite des rejets carbonés. Sur les six dernières décennies, ces puits de carbone ont réussi à retirer de l’atmosphère 56 % du CO2 émis par les activités humaines, limitant le réchauffement. Mais ils risquent de devenir « moins efficaces » à l’avenir.

Ces changements sont, pour certains scientifiques, irréversibles sur de très longues échelles de temps. Le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation de l’océan se poursuivront pendant des siècles ou millénaires. Les glaciers vont continuer de fondre pendant des décennies voire des siècles, de même que la calotte du Groenland et le pergélisol, ces sols de l’Arctique gelés en permanence.

Ainsi le  rapport rédigé en 2021  par le GIEC oscille entre le glas apocalyptique et  un certain espoir  de changer cette marche suicidaire  par des mesures immédiates et drastiques.

 

 

2-Les rapports spéciaux du GIEC

 

a- Juste avant la COP24  est publié un   rapport spécial  , celui du GIEC du 8 octobre 2018« Rapport sur les conséquences d’un réchauffement climatique de 1,5°C. »

 Il montre les  différences d’impacts entre un monde à +1,5°C et à +2°C, et explique qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50% d’ici 2030 pour rester sous +1,5°C, objectif idéal de l’Accord de Paris.

 

 

b-Le rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique est publié le 25 septembre 2019.

La cryosphère  est constituée par  la neige, l’ensemble des glaciers de montagne, des calottes glaciaires, des banquises, des lacs et des sols gelés de la planète .   Elle représente 10 % de la surface terrestre et stocke près de 70 % de l’eau douce disponible.

Sous l’effet du réchauffement  elle recule rapidement dans tous ses éléments, dans toutes les régions et à toutes les altitudes. Les écosystèmes côtiers sont affectés par le réchauffement de l’océan, notamment par l’intensification des vagues de chaleur marines, par son acidification, sa perte d’oxygène, par les intrusions salines et l’élévation du niveau de la mer, le tout conjugué aux effets préjudiciables des activités humaines en mer comme à terre. On en observe déjà les impacts sur la superficie de certains habitats, la biodiversité ainsi que sur le fonctionnement des écosystèmes et leurs services éco systémiques.  L’océan se réchauffe, il  devient plus acide et moins  fécond .

Les populations côtières sont exposées à de multiples aléas climatiques, tels les cyclones tropicaux, les niveaux marins extrêmes, les submersions marines, les vagues de chaleur marines, la disparition de la glace de mer et le dégel du pergélisol.

Ces bouleversements des océans ont des répercussions sur la répartition et l’abondance de la faune et de la flore marines. Les changements dans la répartition des populations de poissons ont réduit le potentiel de capture global. À l’avenir, ce potentiel diminuera encore dans certaines régions, en particulier les océans tropicaux, mais augmentera dans d’autres, telles que l’Arctique  .

  En haute montagne, la fonte des glaciers et de la  cryosphère s’accélère. Vivent dans les régions de haute montagne 670 millions de personnes. Le déclin de la cryosphère en haute montagne continuera d’avoir des répercussions négatives sur les loisirs, le tourisme et l’identité culturelle des populations.

À mesure que les glaciers de montagne reculent, ils modifient également la disponibilité et la qualité de l’eau en aval, ce qui a des répercussions sur de nombreux secteurs comme l’agriculture et l’hydroélectricité.

 Les glaciers, la neige, la glace et le pergélisol sont en déclin et continueront de l’être. Ce recul devrait accroître les risques pour les populations, comme les glissements de terrain, les avalanches, les chutes de pierres et les inondations.

  Recul de la banquise arctique, fonte du pergélisol  , 4 millions de personnes vivent en région arctique. L’étendue de la banquise arctique diminue et perd en épaisseur.

Gelé depuis de nombreuses années, le pergélisol se réchauffe et dégèle. Sa fonte devrait être généralisée au XXIe siècle. Le pergélisol arctique et boréal renferme de grandes quantités de carbone organique, presque deux fois le carbone atmosphérique, et risque d’entraîner, s’il dégèle, une hausse considérable des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

  La hausse du niveau de la mer pourrait atteindre 60 à 110 cm d’ici 2100. Un grand nombre de  déplacés environnementaux  sur les    680 millions de personnes  sont dans les zones côtières de faible élévation. La fonte des glaciers et des calottes glaciaires entraîne une élévation du niveau de la mer et les phénomènes côtiers extrêmes sont de plus en plus intenses.

Selon le rapport, alors que le niveau de la mer a augmenté d’environ 15 cm à l’échelle mondiale au cours du XXe siècle, cette hausse est actuellement plus de deux fois plus rapide – 3,6 mm par an – et continue de s’accélérer. Le niveau de la mer continuera d’augmenter pendant des siècles. Cette hausse pourrait atteindre 30 à 60 cm environ d’ici 2100 et ce, même si le réchauffement planétaire est limité à une valeur bien en dessous de 2 °C. Il pourrait atteindre 60 à 110 cm si ces émissions continuent d’augmenter fortement.  Certains États insulaires deviendront   inhabitables .

 

c -Le 8  août 2019 le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur « les changements climatique et les terres émergées » a été publié.

Les experts de l’ONU avertissent que  la surexploitation des ressources  menace la sécurité alimentaire ,  appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions de CO2.

Nous vivons sur une Terre nourricière, tempérante, protectrice. Mais à épuiser ses ressources, à exploiter trop intensivement ses sols et ses forêts, nous mettons en péril non seulement notre capacité à faire face au réchauffement, mais aussi nos conditions de vie et de subsistance. Il est donc urgent d’adopter, à l’échelle mondiale, une gestion des terres plus durable.

Les contributions des trois groupes de travail  au sixième rapport seront finalisées en 2021 et  le 6ème rapport de synthèse sera établi au premier semestre de 2022.

 

 

3-Les  rapports internationaux  alarmistes  sur   l’environnement .

 

C’est bien là une des grandes causes de l’aspect surhumain des défis environnementaux : ils sont en interactions. On ne peut pas dire qu’il y ait d’un côté le climat et d’un autre côté les autres  problèmes drames et menaces environnementaux. Ainsi les remises en cause  ont certes leurs spécificités mais doivent s’appuyer les unes sur les autres.

 

a-Un premier appel, publié en 1992 et signé par plus de 1700 scientifiques. Ces personnalités reconnues alertaient alors sur le «changement profond dans notre gestion de la Terre» qu’il était «indispensable d’opérer» pour la préserver.

 

b-Le 4 novembre 2004 le PNUE a élaboré différents scénarios, nous retiendrons les deux extrêmes.

Dans le scénario du « tout libéral » la population mondiale atteindrait 9 milliards en 2050 et le PIB mondial  serait multiplié par 5, la situation écologique serait « très dégradée », l’environnement et la société évolueraient vers des « changements irréversibles ».

Dans le scénario  « écologique » la population atteindrait 8 milliards en 2050, le PIB mondial serait multiplié par 3, la situation écologique serait « dégradée », des « changements irréversibles pourraient être encore évités.» Ainsi dans le premier scénario le pire est pratiquement sûr, dans le second il est repoussé pour un certain temps (lequel ?).

 

c-Le 7juin 2012  deux études sont  publiées  dans la Revue Nature, cosignées chacune par une vingtaine de chercheurs de différentes disciplines, chercheurs travaillant dans une quinzaine d’institutions scientifiques, ils  tirent la sonnette d’alarme : «La biosphère est à la veille d’un basculement abrupte et irréversible »(…) ces études mettent en avant « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens c’est-à-dire 200.000 ans. »C’est même plus qu’une sonnette d’alarme, c’est une forme de glas apocalyptique.

 

d-Le 8 juin  2012, le rapport sur «  l’avenir de l’environnement mondial » GEO 5  du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) affirme que « plusieurs seuils critiques aux niveaux mondial, régional et local sont sur le point d’être atteints ou ont été dépassés. » 

 

e- Le 13 novembre 2017 la revue BioScience  publie un manifeste  de  15 364  scientifiques de 184 pays,  contre la dégradation catastrophique de l’environnement.

 Jamais un aussi grand nombre de scientifiques  n’avaient signé un tel  manifeste.

C’est une « Mise en garde des scientifiques à l’humanité : deuxième avertissement. »

Le premier avertissement avait été lancé  en 1992 à la Conférence de Rio au Sommet de la Terre, « les êtres humains et le monde naturel sont sur une trajectoire de collision. »

Le texte de 2017 est signé par des scientifiques de  nombreuses  disciplines  :  biologie , physique, astronomie, chimie, agronomie, climatologie, océanographie, zoologie, d’autres encore.

Ils le font sur la base de neuf indicateurs mondiaux de 1960 à 2016 : couche d’ozone, eau douce,  pêche, zones mortes   marines  ,  déforestation, espèces vertébrées, émissions de CO2, hausse des températures, population mondiale(11 milliards en 2100 ?).

Les écosystèmes sont poussés « au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie. »

Ils en appellent aux décideurs et aux responsables politiques. « Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. »

 

 f-Le 4 mars 2019  c’est le rapport sur l’avenir de l’environnement mondial, GEO6 publié  pour la quatrième Assemblée des Nations unies pour l’environnement, ce sixième rapport de l’ONU  exhorte les décideurs à prendre des mesures immédiates pour résoudre les problèmes environnementaux urgents afin d’atteindre les objectifs de développement durable ainsi que d’autres objectifs environnementaux convenus au niveau international, tels que l’accord de Paris.

 

g-Le 4 mai 2019  le rapport mondial de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services éco systémiques  (IPBES)  confirme le déclin alarmant de la nature.

« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier 

Le rapport estime qu’environ 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, notamment au cours des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité.

Pour accroître la pertinence politique du rapport, les auteurs de l’évaluation ont classé, pour la première fois à une telle échelle et sur la base d’une analyse approfondie des données disponibles, les cinq facteurs directs de changement qui affectent la nature et qui ont les plus forts impacts à l’échelle mondiale.

Les facteurs responsables sont, par ordre décroissant :  les changements d’usage des terres et de la mer ;  l’exploitation directe de certains organismes ; le changement climatique ;  la pollution et  les espèces exotiques envahissantes.

  Le rapport nous dit aussi qu’il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial ,cela grâce à un  « changement transformateur » qui remet en cause les objectifs, les valeurs et les moyens de l’ensemble su système.

 

 h-Le 10 septembre 2020  le rapport bisannuel (qui existe depuis 1998) appelé l’Indice de Planète Vivante(IPV) du Fonds mondial pour la nature(WWF) sur l’état de la biodiversité dans le monde affirme que  l’effondrement de la biodiversité s’accélère à cause de la pression aveugle des activités humaines. En  45 ans, de 1970 à 2016,  68 % des populations de vertébrés ont décliné, autrement dit les poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles.

« Au cours des cinquante dernières années, l’explosion du commerce mondial et de la consommation, ainsi que la forte croissance de la population humaine et un gigantesque mouvement d’urbanisation ont métamorphosé notre monde. Ces évolutions ont entraîné une dégradation de la nature et une surexploitation des ressources naturelles sans précédent. Une poignée de pays abrite les dernières zones de nature sauvage. Les espaces naturels se transforment plus rapidement que jamais. »

  Depuis la révolution industrielle, les activités humaines ont détérioré 75 % des surfaces terrestres et une grande partie des mers et océans.

Comme de nombreux scientifiques et citoyens, le rapport Planète Vivante 2020 appelle à un « changement culturel et systémique profond » qui reposerait entre autres sur de grands efforts de conservation, une transformation de notre modèle agricole, une remise en cause du gaspillage alimentaire, une réduction de moitié de la consommation de protéines animales.

 

4-Les effets environnementaux sur la santé des êtres humains

 

  a-En 2012 l’OMS avançait le fait que 23% des décès dans le monde était liés à l’environnement (tabac non compris) soit un décès  sur quatre, soit 12,6 millions de victimes dues pour la plus grande part aux pollutions de l’air, celles-ci en 2014 selon l’OMS ont causé la mort  de 7 millions de personnes.

 Certains auteurs avancent des chiffres beaucoup plus élevés, cela est lié en particulier à la définition plus ou moins large donnée à l’environnement, chiffres allant jusqu’à  40% des décès ,  voire plus, dans le monde résultent de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques , radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, dans des airs, des sols et des eaux…

Ne soulignons ici que quelques effets dramatiques et massifs  de la dégradation environnementale. Les catastrophes écologiques mais aussi : les pollutions de l’air, des sols, des eaux de surface et souterraines et leurs effets sanitaires, la sécurité alimentaire qui est de moins en moins assurée dans certaines régions, les contaminations des aliments par des pollutions chimiques, radioactives, par des additifs alimentaires, par la dioxine, par des farines animales…l’exposition de travailleurs et de populations à des substances dangereuses(drame de l’amiante)et d’une façon générale l’augmentation impressionnante du nombre de cancers d’origine environnementale…(voir par exemple Dominique Belpomme, Avant qu’il ne soit trop tard, Fayard,2007).

La seule pollution de l’air, selon l’OMS ( étude  du 24 mars 2014), a causé la mort de 7 millions de personnes en 2012, soit un décès sur 8, les 2/3 de ces victimes étaient en Asie.

De façon plus globale au moins 40% des décès (des auteurs donnent des chiffres beaucoup plus élevés, tout dépend en particulier de la conception restreinte ou plus large que l’on a de l’environnement) dans le monde résulteraient de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques, radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, pollutions de l’air, des sols et des eaux…

Le tabac en 2014 a tué 5 millions de personnes(en France 78000), l’alcool a tué 3 millions de personnes(en France 49000).

 

b-    Des études prévisionnelles mettent en particulier en avant une explosion des cancers dans le monde de 75% de 2012 à 2030 et de 95% dans les pays les plus pauvres, on passerait de 12,7millions de personnes atteintes en 2008 à 20,3millions en 2030, et on passerait de 7,6millions de morts par cancers en 2008 à 13,2millions en 2030.

(The Lancet Oncology,juin2012,étude menée dans le cadre du Centre international de recherche sur le cancer(CIRC, Lyon),organisme lié à l’OMS.)

 L’étude souligne que certains cancers (côlon, rectum, sein, prostate) semblent associés au développement économique et au mode de vie.
Va aussi dans ce sens par exemple l’ouvrage d’un toxicologue (André Cicolella, Toxique planète, Seuil,2013) qui dénonce le « scandale invisible des maladies chroniques », il montre la transmission d’un héritage toxique à destination des générations futures, il en appelle à de nouvelles politiques de santé mondiale qui prennent en compte une remise en cause des origines environnementales des « perturbateurs endocriniens », il affirme que les maladies chroniques(cardiovasculaires, respiratoires, cancers, diabète…) peuvent reculer si nous repensons nos façons de vivre, de travailler, de se déplacer. 

 

c- La question des liens entre les pandémies et l’environnement.

 

 -La crise du coronavirus (Covid 19) apparait  en novembre 2019 en Chine centrale à Wuhan. Elle se développe rapidement et atteint  peu à peu l’ensemble des pays du monde.

  Cette crise sanitaire  a pour effet au 29 décembre  2021 d’avoir  contaminé plus de 283 millions de personnes entrainant  5,41  millions de décès dans le monde.

A la même date  arrivent en tête les Etats-Unis  de  l’ordre de 819 000 morts, le Brésil 619 000, l’Inde 437 000 … En Europe arrivent en tête le Royaume-Uni 148 000, l’ Italie 136 000, la France 123 000…

 Les causes profondes d’apparition et de développement des épidémies  ne s’appellent-elles pas celles  des phénomènes climatiques tels que sècheresses, pluies, inondations, l’insuffisance de l’hygiène et de l’assainissement,  le manque d’eau potable ,  la mondialisation des transports, des conflits armés qui cassent des systèmes de santé, un sous-développement de certains systèmes de santé ?

  Peut-on   considérer, au sens  large , les épidémies comme des formes de grandes violences ?

 Nous répondrons par l’affirmative  pour au moins cinq séries de raisons :

elles  sont en elles-mêmes porteuses de destructions et de menaces,

 elles le sont aussi parce qu’elles n’ont pas fait l’objet ici et là de recherches, de préventions et de soins  suffisants à cause de choix défaillants ou d’absences de politiques de santé,

elles le sont  parce qu’elles aggravent des inégalités économiques et sociales, des millions de personnes meurent chaque année de maladies curables, ce sont des violences. Quelques jours suffiraient de dépenses militaires mondiales consacrées à porter remède à ces scandales écœurants .

Violences aussi lorsque des virus viennent d’armes biologiques , nous avons beaucoup écrit  sur l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques)qui devraient être criminalisées comme étant contraires à l’intérêt commun de l’humanité et du vivant.

Elles le sont  parce que, en amont de leur arrivée, il y a parfois  la place de plus en plus écrasante de l’homme dans la nature,  qui déstabilise des espèces et contribue ainsi à l’apparition de certains virus.

On peut se demander si des épidémies récentes et à venir ne sont pas clairement liées à la débâcle écologique ?

Ce sont des formes de violences faites à la nature qui déstabilise des  espèces .  Ainsi l’urbanisation  galopante  et la déforestation contribuent à produire des contacts non maitrisés des réservoirs d’animaux, on laisse de moins en moins de place à la nature, et çà c’est une forme de grande violence.

Parmi les luttes contre les causes en amont

celles de la restauration d’une nature dégradée en particulier par la déforestations, la protection des espèces qui , lorsqu’elles sont décimées et menacées, vont transmettre plus facilement des maladies à l’homme. La place de plus en plus restreinte accordée à la nature s’aggravera et sa marchandisation aussi si des contre-logiques puissantes ne sont pas mises en place.

Demain des virus peuvent être  plus nombreux et plus présents, certains pourraient venir par exemple de Sibérie en remontant à la surface de zones libérées du permafrost  par le réchauffement climatique.

Peut-être de nouveaux vaccins contribueront-ils à faire  face à ces nouveaux venus ?

 Deux séries de moyens aussi, les uns liés à la santé, les autres à l’environnement, les deux domaines étant de plus en plus interdépendants, dans la  mesure , entre beaucoup d’autres exemples , où le réchauffement climatique est une machine à produire des épidémies futures, ainsi par exemple  les déplacements de moustiques porteurs de maladies.

  Les luttes contre les épidémies doivent être synonymes de multiples moyens :

 Une coopération et une coordination  mondiales dotées de puissants moyens , des recherches massives et coopératives  de vaccins  , un accès universel aux médicaments et aux vaccins , des politiques de santé dotées de puissants moyens en personnels et en matériels, des gestes barrières nombreux et respectés, des confinements face aux  épidémies…

 Un moyen essentiel de lutte essentielle, « laisser de la place à la nature » :

Diminuer les prélèvements des espèces  dans le cadre de la protection de la biodiversité, remettre en cause l’agriculture intensive au profit de l’agro-écologie, remettre en cause les accords de libre-échange au profit d’une primauté de la protection de l’environnement, supprimer les aides dommageables pour la biodiversité, acheter en consommateur responsable, et mettre en œuvre d’autres actions…

 (Voir par exemple « Sauvons la biodiversité .Les10 actions pour agir » Hélène Soubelet, Jean-François Silvain, éditions Rustica, 2019.)

 (Voir aussi de  Marie-Monique Robin, avec la collaboration de Serge Morand, «  La fabrique des pandémies .Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire. », La Découverte, 2021).

 

 

5-L’avenir environnemental  à  long et très long  termes ?

a-On l’a compris : les générations à venir  ne sont pas celles d’un futur plus ou moins lointain perdu dans les incertitudes des siècles ou des millénaires à venir.

 Les générations visées sont les « quelques  générations » (2, 3, 4, 5… ? ) qui viennent et qui plongeraient dans cette forme d’inconnu, celle d’une augmentation de la température de 4 à 6 degrés,  voire plus, vers 2100,ce qui correspondrait  très probablement à la fin d’une grande partie du  vivant.

 

b- Dans le très long terme, autour de 2150, 2200( ?) on trouve des prospectives, pour une part incertaines, quelquefois particulièrement sombres avec des élévations de la température moyenne du globe entre 4 et 8 degrés voire plus, une fonte massive des glaces du Groenland (Arctique pôle Nord)ce qui entrainerait une montée du niveau des océans de l’ordre  de sept mètres, une  fonte  relativement importante de l’Antarctique, et  la disparition de la plus grande partie de la forêt amazonienne.

 Un grand  scientifique australien très connu déclarait : « Le destin de l’homme est déjà scellé, il est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés humaines ne seront plus.» (Frank Fenner, The Australian ,16 juin 2010).Il n’était pas le premier à le dire ni les derniers ceux qui lui répondent que l’espoir restant est celui d’une « métamorphose de l’humanité » à travers des volontés massives de changements massifs.

   c-Quant aux perspectives incertaines à très  long terme ce seraient le  comble de l’horreur selon divers auteurs. Il s’agit par exemple de certains  scientifiques  qui pensent que sont  probables ou très  probables  :

 une accélération de la fonte du sous-sol gelé sibérien libérant du dioxyde de carbone,

une accélération de la fonte des fonds marins de l’Arctique dont la couche de pergélisol sous-marin craquerait, libérant massivement du méthane, entrainant ainsi un emballement du réchauffement et l’arrivée de  virus endormis jusque là,

 une fonte accélérée puis totale  de l’Antarctique (pôle Sud) qui  une  entrainerait au total une élévation du niveau des mers de l’ordre de 70 mètres ( !) ,

et au total dans quelques siècles( ?) ou millénaires( ?) une planète qui commencerait à ressembler à celle de Vénus , en route vers… 500°C.

Ce qui ne serait qu’une préfiguration de  ce moment où ,  dans l’immensité du temps,  le  soleil , avant de s’éteindre, brûlera tout le système solaire dont bien sûr notre Terre.

 

Les catastrophes se succèdent à une allure de plus en plus rapide ne trouvant pas de véritables obstacles devant elles,

et les ruisseaux des remises en cause de la débâcle écologique sont débordées par les fleuves de la dégradation. 

Ainsi  l’avenir des apocalypses écologiques est écrit d’abord et avant tout à cause des mécanismes autodestructeurs de plus en plus rapides, en route depuis l’anthropocène en 1850, il y a plus de 170 ans

 mais, ne l’est-il pas, aussi, à cause de la lenteur des réformes et  des remises en cause ? (II)