VIOLENCES : les contenus ( III )
L’article a été refondu en novembre 2018
III- Les contenus des violences
Nous repartons de la classification proposée (voir II précédent), dans
chacun des trois regroupements nous ferons une dizaine de synthèses sur
les formes des violences, soit au total trente et une synthèses, c’est-à-dire trente
et un résumés de l’essentiel des contenus des violences.
Les pages qui suivent n’ont pas vocation à énumérer la totalité des
violences, elles ont donc une part d’injustice pour ne pas souligner telle ou telle
souffrance de façon plus précise, mais elle ont vocation à rappeler
l’ensemble des formes des violences, donc à une certaine exhaustivité.
Ce sont souvent là de terribles descentes aux enfers. Cette énumération très
longue et très impressionnante des contenus des violences est
nécessaire pour mieux réfléchir ensuite aux causes et aux alternatives, elle est
nécessaire aussi parce qu’il s’agit de participer à un devoir de mémoire qui en
appelle à la vigilance et à des politiques de prévention.
Nous envisagerons tour à tour : Le contenu des grandes violences, massives,
terrifiantes, porteuses de nombreuses morts et de grandes souffrances (A),le
contenu des atteintes aux personnes , aux biens, à la paix publique, à
l’environnement (B), le contenu des autres violences à ne pas banaliser (C).
A- Le contenu des grandes violences : massives, terrifiantes, porteuses de
nombreuses morts et de grandes souffrances
Nous les regrouperons en dix points :
1- les guerres, les massacres, les épurations de masse,2- les crimes
internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide,
crime d’agression), 3- les crimes contre l’environnement 4- les régimes
totalitaires et les camps de l’horreur, 5-les régimes autoritaires, 6 – les
terrorismes, 7-la course aux armements,8- les grandes violences économiques et
sociales, 9- les grandes violences culturelles : les ethnocides, 10- les grandes
violences écologiques.
Pour établir cette énumération des grandes violences nous combinerons
des formes proches de grandes violences (guerres, massacres, épurations de
masse), des aspects où le droit les qualifie (crimes internationaux), des aspects
plus politiques (régimes politiques, terrorismes) des domaines de grandes
violences (scientifique et industriel, économique, social, culturel, écologique).
1- Les guerres, les massacres, les épurations de masse
a) Les guerres
Il est probable que la guerre n’a pas toujours existé,elle apparait à la suite de
trois séries de causes (climatiques, économiques, démographiques) (voir sur ce
blog « Analyses des causes des violences »).
Cependant les guerres sont omniprésentes dans l’histoire : guerres
préhistoriques, guerres des empires, guerres des sociétés féodales, guerres
coloniales, guerres révolutionnaires, guerres de décolonisation, guerres de
libération, et bien sûr les guerres mondiales de 1914-1918,72 pays en guerre,65
millions de soldats mobilisés et de 1939-1945,68 pays en guerre,70 millions de
soldats mobilisés. De nos jours les guerres civiles sont de loin les plus
nombreuses, souvent plus ou moins internationalisées, des guerres inter
étatiques sont encore présentes.
De 1945 à nos jours, en plus de sept décennies (début 1945-fin 2018) quel a été
le nombre de conflits armés ? Il y a eu de l’ordre de cinq cents vingt (520)
conflits armés.
Ainsi par exemple, de façon plus précise, de 1945 à 1968 cent conflits armés
(Annuaire SIPRI, 1968-69), sur la période 2001-2011 soixante treize conflits
étatiques, deux cents vingt deux non étatiques (SIPRI, Yearbook 2013)… Les
conflits inter étatiques depuis 1945 sont moins nombreux, neuf conflits armés
sur dix sont intra étatiques et de plus en plus ont une portée internationale dans
la mesure où plusieurs Etats soutiennent les parties internes au conflit.
Les malheurs apportés par les guerres ce sont d’abord les morts.
La Première Guerre mondiale de 1914-1918 est à l’origine de 18,6 millions
de morts,. Ce nombre global comprend 9,7 millions de morts pour les militaires
(on cite d’ailleurs souvent cette donnée de 10 millions de pertes humaines pour
la Grande Guerre) et 8,9 millions pour les civils.
Il y a eu 2 millions de soldats allemands et 1,5 million de soldats français tués
pendant cette guerre. En France les 40.000 monuments aux morts de la
Première Guerre mondiale témoignent de cette immense boucherie.
Rappelons nous un des témoignages bouleversants, celui de Roland Dorgelès
(Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1925) relatif aux cadavres d’un champ
de bataille des tranchées de 1914-1918: « Sans regarder, on sauta dans la
tranchée. En touchant du pied ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en
arrière, épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse
de Bavarois cireux sur d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient
une haleine pourrie, tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres
qu’on eût dit dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés, et, pour
les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un
monstre sans tête. (…) On hésitait encore à fouler ce dallage qui s’enfonçait,
puis, poussés par les autres, on avança sans regarder, pataugeant dans la
Mort… »
La Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, est à l’origine de cinquante cinq
millions de morts, militaires et civils. C’était « une guerre totale » où les
victimes civiles ont été de plus en plus nombreuses.
Au sein de cette guerre le génocide mis en oeuvre par les nazis témoigne de
l’horreur de l’horreur.
Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui que les nazis
ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les
ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000
tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15000 homosexuels, 3,5
millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne
relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg
a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre de 6
millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la
population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.
Rappelons nous un des témoignages bouleversants en 1947celui de Primo
Levi dans « Si c’est un homme », ouvrage que Paul Klein synthétise de la façon
suivante : « Ce livre est sans conteste l’un des témoignages les plus
bouleversants sur l’expérience indicible des camps d’extermination. Primo Levi
y décrit la folie meurtrière du nazisme qui culmine dans la négation de
l’appartenance des juifs à l’humanité. Le passage où l’auteur décrit le regard de
ce dignitaire nazi qui lui parle sans le voir, comme s’il était transparent et
n’existait pas en tant qu’homme, figure parmi les pages qui font le mieux
comprendre que l’holocauste a d’abord été une négation de l’humain en l’autre.
Si rien ne prédisposait l’ingénieur chimiste qu’était Primo Levi à écrire, son
témoignage est pourtant devenu un livre qu’il importe à chaque membre de
l’espèce humaine d’avoir lu pour que la nuit et le brouillard de l’oubli ne
recouvrent pas à tout jamais le souvenir de l’innommable, pour que jamais plus
la question de savoir « si c’est un homme » ne se pose.
De ce devoir de mémoire, l’auteur s’est acquitté avant de mettre fin à ses jours,
tant il semble difficile de vivre hanté par les fantômes de ces corps martyrisés et
de ces voix étouffées. »
Au sein de cette guerre les holocaustes nucléaires d’août 1945 sur Hiroshima
et Nagasaki ont causé la mort, selon des estimations de 2005, d’au moins
240.000 personnes.
Rappelons nous un des témoignages bouleversants, celui de l’écrivain
Mizukawa : « Une mère aveugle serrant contre elle son enfant mort, des larmes
ruisselants de ses yeux détruits. C’était dans mon enfance, ma mère me tenait
par la main. Vision de cauchemar inoubliable. »
Depuis 1945 jusqu’à fin 2018 les conflits armés pendant plus de sept
décennies, 73 ans, ont été à l’origine d’au moins dix à quinze millions de
victimes. Il faut souligner l’incertitude de ce total puisque on avance parfois, au
plus, l’équivalent de la Seconde Guerre mondiale soit 55 millions de morts.
Un témoignage bouleversant,symbolique de tant et tant d’autres souffrances,
témoignage de Maida, douze ans,en 2001 en Macédoine à Skopje : « Guerre est
le mot le plus triste qui sort de mes lèvres tremblantes. C’est le plus mauvais des
oiseaux qui remplit les murs de sang et qui fait du monde un enfer. »
Depuis 1945 la guerre du Vietnam (seconde guerre d’Indochine) a été l’une des
plus meurtrières. Elle opposait, d’une part, le Nord Vietnam procommuniste,
soutenu militairement par la Chine et l’Union soviétique et, d’autre part, le Sud
Vietnam, soutenu militairement par les Etats-Unis. Cette guerre va de 1964 à
1973, elle continue entre les deux Vietnam de 1973 à 1975, elle est synonyme de
souffrances gigantesques. Les victimes du côté vietnamien sont de plus de 1
million de combattants et de 4 millions de civils, la population vietnamienne a
été écrasée, du côté des Etats-Unis de 58.000 militaires.
En nombre de victimes une autre guerre a été particulièrement gigantesque
quant aux pertes humaines puisque, de 1986 à 1996, en RDC (République
Démocratique du Congo) il y a eu au moins 4 millions de victimes.
Les malheurs des guerres ce sont aussi des souffrances physiques, morales,
souvent à vie, des combattants et des populations.
La Grande Guerre fit 20 millions de blessés dont de nombreux invalides à vie, et
des millions de veuves et d’orphelins.
En France cette hécatombe dans la population française, en plus des 1,5 million
soldats morts, est de 5,5 millions de blessés, plus de1,2 million d’invalides,
600.000 veuves de guerre, et près de 1 million d’orphelins, autant de personnes
plongées dans des détresses physiques, morales et matérielles.
Evoquer cette grande boucherie de 1914-1918 c’est penser à la survie dans les
tranchées, une forme d’enfer extrême sur terre : attaques, mitrailleuses, obus,
explosions de surface et souterraines, gaz de combat, combats à la baïonnette et
au couteau, cadavres, cris plaintes et souffrances des blessés, peurs de mourir,
lassitudes, crises de folie, suicides, exécutions pour en appeler à la « combativité
» , prises de conscience des abattoirs programmés par les folies et les erreurs du
commandement, manques de sommeil, de nourriture et d’eau, puanteurs
multiples, conditions sanitaires catastrophiques, noyades, froid, pluie, boue,
poux, rats, vermine …(Voir en particulier la terrifiante et remarquable série
documentaire « Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale »).
Les malheurs des guerres ce sont aussi
les destructions matérielles (villes, villages, routes, voies ferrées, aéroports,
ponts …),
les destructions culturelles (monuments, musées, bibliothèques, oeuvres
d’art…) qui sont autant de violations des patrimoines locaux , nationaux,
continentaux, mondiaux des générations passées, présentes et futures…
les destructions environnementales (faune, flore, forêts, paysages, air, sol,
eau, étendues agricoles, monuments…), la guerre est destructrice non seulement
des êtres humains mais aussi de l’environnement (voir article sur ce blog « Les
atteintes à l’environnement et les conflits armés »), et article de JML, Droit de la
guerre, droit de l’environnement, colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre
- Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, Dalloz, 2009),
dans ces articles est proposée au départ une synthèse des effets nombreux et
catastrophiques de la préparation de la guerre, puis du conflit et enfin de l’aprèsconflit
sur l’environnement, c’est une vision globale terrible.
b) Les massacres
Selon Jacques Sémelin « le massacre peut être commandé ou spontané,
méthodique ou non mais, par définition, il est toujours limité. Sa finalité n’est
pas de détruire le groupe-victime en tant que tel mais de créer en son sein un
effet de terreur de nature à faciliter sa soumission ou à l’inciter à fuir un
territoire donné. Le massacre est au service d’une stratégie de conquête ou de
mise en esclavage de populations. On le retrouve dans toutes les formes de
guerres : de la guerre antique à la guerre moderne, en passant par la guerre
coloniale. »
Le massacre peut exister aussi en dehors de la guerre, par exemple sous la forme
d’une opération militaire spécifique à telle ou telle situation, par exemple aussi
sous la forme d’actes terroristes importants.
c) Les épurations de masse
Jacques Semelin écrit « Si la finalité du massacre peut être aussi bien interne
qu’externe, la technique de l’épuration est fortement liée à la gestion intérieure
des peuples. Elle vise à consolider, renforcer, accroître le pouvoir de ceux qui la
décident et qui, par là-même, révèlent le caractère tyrannique de leur
régime. L’épuration de masse répond souvent à des critères idéologiques en
s’abattant sur des groupes politiques, des catégories économiques ou des
classes sociales particulières. La logique de l’épuration (sélection,
regroupement, déportation) est proche de la logique du génocide même si elle
n’a pas pour objet l’éradication des populations visées. Les chiffres des morts
des grandes épurations de masse sont de l’ordre de ceux des grands génocides et
parfois les dépassent.»
Trois exemples terrifiants sont ceux de la famine organisée par Staline contre
les paysans ukrainiens pour écraser les révoltes en 1932-33, des camps du
totalitarisme stalinien entre 1928 et 1953(voir ci-dessous développement sur les
totalitarismes),les répressions massives sous la révolution culturelle en Chine de
1966 à 1976.
2- Les crimes internationaux : crime de guerre, crime contre l’humanité,
crime de génocide, crime d’agression
Notre objectif est de donner ici une idée juridique précise de ces crimes tout en
rappelant aussi certains d’entre eux.
Des tribunaux spécifiques ont été créés pour juger de tel ou tel crime puis,
après leur mission, ils avaient ou ont vocation à disparaitre. Est enfin venu le
jour où une cour permanente a été créée, la CPI en 1998.
Selon l’article 5 du Statut de la Cour pénale internationale(CPI) du 12 juillet
1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, la compétence de la Cour est limitée
aux « crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté
internationale. En vertu du présent Statut, la Cour a compétence à l’égard
des crimes suivants : a) Le crime de génocide ; b) Les crimes contre
l’humanité ; c) Les crimes de guerre ; d) Le crime d’agression. »
Ce sont donc les formes de crimes internationaux. De 2004 à 2018 dix
ouvertures d’enquêtes ont vu le jour : République démocratique du
Congo(2004), Ouganda(2004), Darfour-Soudan (2005 puis 2014), République
centrafricaine(2007),Kenya(2010),Libye(2011),Côte d’ivoire
(2011),Mali(2013),Géorgie(2016),Burundi(2017).Sur les vingt suspects huit ont
eu un non-lieu, deux ont été acquittés, dix ont été condamnés à ce jour fin 2018.
a) Les crimes de guerre
Quand éclate une guerre, des crimes de guerre l’accompagnent souvent. Ils
sont très loin d’être toujours dénoncés et condamnés.
Les « crimes de guerre » sont des violations graves du droit international
humanitaire, elles sont commises à l’encontre de civils ou de combattants
ennemis, pendant un conflit armé international ou interne, ces violations
entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs.
Les crimes de guerre sont des infractions graves au droit international
humanitaire applicable en cas de conflits armés(les quatre conventions de
Genève du 12-12-1949 et le Protocole I de 1977), autrement dit dans les conflits
internationaux (entre Etats).
Cependant, et heureusement, ils sont pris également en compte dans les conflits
non internationaux (internes, autrement dit les guerres civiles), ces conflits
armés non-internationaux dépendent quant à eux de l’article 3 commun aux
Conventions de Genève ainsi que du second Protocole additionnel de 1977relatif
à « la protection des victimes des conflits non internationaux. » « L’article 8
§2 alinéa e) du Statut de la Cour s’applique aux conflits armés ne présentant pas
un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et
tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de
violence ou les actes de nature similaire. Il s’applique aux conflits armés qui
opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du
gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés
organisés entre eux. »
Le Statut de la CPI dans son article 8 précise :
« 1.La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque
ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils
font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle. - Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à
savoir
l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des
biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
i) L’homicide intentionnel ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris
les expériences biologiques iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes
souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités
militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire v) Le
fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir
dans les forces d’une puissance ennemie vi) Le fait de priver intentionnellement
un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé
régulièrement et impartialement vii) La déportation ou le transfert illégal ou la
détention illégale viii) La prise d’otages.
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits
armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir,
l’un
quelconque des actes ci-après :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en
tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux
hostilités; ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens
de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les
installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés
dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix
conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la
protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux
biens de caractère civil; (…) » (Voir la suite énumération sur site icc-cpi-int).
En décembre 2017 une résolution sur les amendements à l’article 8 du
Statut de Rome ajoute trois crimes de guerre à la compétence de la Cour :
l’usage d’armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques
ou des toxines, d’armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par
rayons X, ou d’armes à laser.
b) Les crimes contre l’humanité
Contrairement au crime de guerre qui a lieu pendant un conflit armé, le
crime contre l’humanité, comme d’ailleurs le crime de génocide, peut avoir
lieu en période de paix ou en période de guerre. Nombreux sont les crimes
contre l’humanité.
Un exemple de tribunal spécifique était, bien sûr, celui de Nuremberg face aux
crimes nazis. Selon l’article 6 du Tribunal militaire international de
Nuremberg du 8 août 1945 les crimes contre l’humanité sont constitués par «
l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou tout
autre acte inhumain contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions
pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou ces
persécutions sont commis à la suite d’un crime contre la paix ou d’un crime de
guerre, ou en liaison avec ces crimes ».
Selon l’article 7 paragraphe 1 du Statut de la Cour pénale internationale
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un
quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque
généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en
connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d) Déportation ou
transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation
grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit
international ; f) Torture ; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée,
grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité
identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel,
religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères
universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant
de la compétence de la Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité
physique ou à la santé physique ou mentale. »
c) Le crime de génocide
Rappelons les génocides du XXème siècle : génocides des arméniens (1915-
1917), des juifs et des tsiganes (1933-1945), des cambodgiens (1975-79), des
rwandais(1994).
Jacques Sémelin écrit « Le génocide est toujours un ethnocide, un massacre, une
épuration et en même temps il est plus que tous ces éléments réunis. Il a pour
finalité la destruction totale du groupe-victime. La spécificité du génocide réside
dans la volonté de détruire totalement une collectivité humaine définie en tant
que telle. »
Selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide du 9-12-1948 il s’agit des « actes criminels, commis en
temps de guerre ou de paix, dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Selon l’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale
« Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un
quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou
mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e)
Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
En ce qui concerne le génocide au Cambodge (1975-1978, au moins deux
millions de victimes) un tribunal composé de juges cambodgiens et
internationaux a été créé en 2006, il a jugé les derniers dirigeants du régime
génocidaire, il a fallu attendre lejugement du 16 novembre 2018 pour que deux
d’entre eux soient condamnés comme responsables de crimes qualifiés de
« génocide ».
d) Le crime d’agression
Depuis 1945 les crimes d’agression d’un Etat contre un autre ont été
nombreux, les Nations Unies les ont parfois sanctionnés par l’embargo et/ou
des sanctions militaires mais, le plus souvent, elles sont restées paralysées
par l’utilisation du droit de veto d’un membre permanent du Conseil de
sécurité (voir article sur « Qu’est-ce que la paix? Construire la paix ! »).
Selon l’article 8 bis du Statut de la Cour pénale internationale, rajouté
conformément à la résolution du 11 juin 2010 :
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la
planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne
effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou
militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et
son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations
Unies.
2.Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un
État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible
avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les
actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314
(XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14
décembre1974 :
a)L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre
État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion
ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du
territoire d’un autre État ;b)Le bombardement par les forces armées d’un État du
territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un État
contre le territoire d’un autre État ;c)Le blocus des ports ou des côtes d’un État
par les forces armées d’un autre État d)L’attaque par les forces armées d’un État
des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et
maritimes d’un autre État ;e)L’emploi des forces armées d’un État qui se
trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en
contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la
prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de
l’accord pertinent ;f)Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a
mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État
d’un acte d’agression contre un État tiers ;g)L’envoi par un État ou au nom d’un
État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent
contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité
égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours
substantiel à de tels actes. »
La compétence de la CPI en ce domaine ne pouvait pas s’exercer avant le
1er janvier 2017, année où au moins deux tiers des Etats devront confirmer leur
volonté d’activer cette compétence. Chaque Etat pourra refuser la compétence
de la CPI s’agissant du crime d’agression. Par ailleurs, la compétence de la CPI
sera liée à la constatation par la Conseil de Sécurité d’un acte d’agression, ou à
défaut devra être autorisée par une Section (chambre) préliminaire de la CPI. En
décembre 2017 l’Assemblée des Etats Parties au Statut de la CPI a déclaré
la compétence prévue pour le crime d’agression à compter du 17 juillet
2018.
3- Et les crimes contre l’environnement ?
Certes les crimes contre l’environnement sont consacrés de façon spécifique.
Il s’agit de l’article 8, paragraphe 2,b, IV du Statut de la CPI : « Constitue un
crime de guerre le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle
causera incidemment des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à
l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu».
Mais, d’une part, ils sont consacrés comme crimes de guerre et non comme
crimes écologiques, autrement dit ces crimes ne sont qu’une forme de crime de
guerre. D’autre part cette disposition ne peut être invoquée que dans le
cadre des conflits armés internationaux et non pas des conflits internes.
Enfin la preuve du caractère intentionnel est certainement difficile à
établir, comme d’ailleurs celle de la violation du principe de
proportionnalité. De façon plus précise il s’agirait, par exemple, de dégager la
notion d’un nouveau crime international, le crime d’écocide, cela en période de
conflit armé et, aussi, en période de paix.
Dans l’avenir ne faudrait-il pas soit ajouter un amendement au Statut de la
CPI qui consacrerait de façon autonome ces crimes contre l’environnement, soit
les inclure dans une future Vème convention de Genève sur la protection de
l’environnement en période de conflit armé ? (Voir l’article à venir sur ce blog :
Les conflits armés et la protection de l’environnement.)
4- Les régimes totalitaires et les camps de l’horreur
a) Les violations massives des droits de l’homme
Ces violations sont omniprésentes dans les régimes totalitaires. Les
totalitarismes du XXème siècle ont été le nazisme c’est-à-dire le régime
politique (« national-socialisme ») en Allemagne de 1933 à 1945, le stalinisme
c’est-à-dire le régime politique ( « Républiques socialistes soviétiques ») en
Union soviétique de 1928 à 1953,et le régime politique au Cambodge de 1975 à
1979 (les khmers rouges et le « Kampuchéa démocratique »).
A cela il faut ajouter la période totalitaire sous la Chine de Mao, pendant « la
Révolution culturelle » de 1966 à 1976, et la Corée du Nord de 1948 à nos jours
dont le régime est souvent qualifié de totalitaire dans la mesure, entre autres, où
existent des camps de détention de travail forcé.
Un des points communs de ces régimes est le ciment totalitaire du parti
unique dirigé par le dictateur. (Voir sur ce blog l’article : « Le contraire
absolu de la démocratie : le totalitarisme. »)
Pour Hannah Arendt, philosophe américaine d’origine allemande qui avait fui
le nazisme, (« Les origines du totalitarisme », 1951,publié en français: Le
Système totalitaire, Le Seuil,1972), le totalitarisme est le résultat d’un
ensemble d’éléments :une idéologie officielle couvrant tous les aspects de la
vie individuelle et collective, une main mise sur tous les moyens d’information
et de propagande, un isolement de l’individu, « isolé et désolé », par la
destruction des anciennes structures(familles ,syndicats, associations, églises),
un parti unique dirigé par le dictateur, une terreur dont la police politique est un
instrument, une mobilisation de la population dès la petite enfance, enfin,
horreur de l’horreur ,des camps de concentration. Donc réduire le totalitarisme
au dictateur c’est faire une analyse incomplète, le totalitarisme c’est un système
composé d’un ensemble d’éléments parmi lesquels le dictateur et le parti unique
ont des rôles essentiels. Arendt met en avant la convergence entre le nazisme
et le stalinisme.
Pour Raymond Aron, sociologue français, (« Démocratie et totalitarisme
»,Gallimard, 1965) le totalitarisme repose un ensemble d’ éléments suivants
: le monopole de l’activité politique par un parti, l’existence d’une idéologie
monopolistique, le monopole des moyens de force et de persuasion détenus par
ce parti, la subordination des activités à l’idéologie du parti, la terreur politique
et idéologique, les camps de concentration. Aron en comparant les deux
totalitarismes fait une différence : le nazisme est un « totalitarisme volontaire
», l’homme « ne doit pas se donner pour but de ressembler à une bête de
proie, il y réussit trop bien. » Par contre le stalinisme est un « totalitarisme
involontaire », « qui veut faire l’ange fait la bête », les lendemains radieux
annoncés étaient porteurs de présents massacreurs.
b) Les manifestations les plus terrifiantes : les camps de l’horreur
Les nazis éliminaient les juifs, les tziganes, les homosexuels et les handicapés,
les staliniens éliminaient les opposants au régime communiste, les khmers
rouges éliminaient tous ceux qui avaient un capital matériel et/ou intellectuel.
Sous le nazisme la décision de « la solution finale » est prise le 20 janvier 1942
(pour certains historiens en décembre 1941).Dachau(l’ouverture de ce premier
camp est annoncée par Himmler) fonctionnait depuis mars 1933, Auschwitz dès
juin 1940.Le système concentrationnaire comprenait en particulier 4 camps
d’extermination immédiate (Treblinka, Belzec, Chelmno, Sobidor),2 camps
d’extermination et de concentration(Auschwitz-Birkenau avec au moins 1,
1million de victimes, Madjanek), 14 camps de concentration ( Ravensbruck,
Buchenwald, Mauthausen, Dachau… et aussi le seul en territoire français,
Struthof).En marge des centrales concentrationnaires et de leurs commandos il y
avait les camps de transit ou d’internement qui dépendaient du système et deux
camps de représailles pour prisonniers de guerre.
Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui que les nazis
ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les
ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000
tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15.000 homosexuels, 3,5
millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne
relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg
a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre de 6
millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la
population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.
Sous le stalinisme la décision de création du Goulag est du 7 avril 1930, 10 à 19
millions de personnes ont été envoyés dans ces camps de rééducation par le
travail. Les bagnards (les zeks) du Goulag étaient affectés à des chantiers
terrifiants, par exemple creuser la roche à mains nues dans la construction du
canal de la mer Blanche. Le système concentrationnaire était gigantesque, il
comprenait des centaines de camps et 17 camps principaux, parmi les pires les
camps de Magadan, de Kolyma, le plus grand était le Bamlag. Ces camps étaient
synonymes d’arbitraire, de misère, de mort.
Le stalinisme dans son ensemble est responsable d’au moins 25 millions de
victimes, à travers les camps, les purges, les famines organisées, ainsi celle
terrifiante contre les paysans d’ Ukraine en 1932-1933 qui fit 6 millions de
victimes.
Sous les Khmers rouges, du 17 avril 1975 (leur entrée dans Phnom Penh) au 7
janvier 1979 (l’arrivée des Vietnamiens au Cambodge), au nom d’une révolution
radicale c’est, en fait, un génocide qui prend la forme d’un monde
concentrationnaire, il s’installe dans le pays à travers évacuations des villes,
déportations, famines, oppressions, persécutions, disparitions, centres de
torture… Parmi ces derniers « S-21 », un lycée de la capitale Phnom Penh, où
sont torturées et exécutées plusieurs dizaines de milliers de victimes.
On considère que plus du quart de la population a été décimé, en trois ans, huit
mois et vingt jours, soit plus de 2 millions de cambodgiens sur 7 millions. Là
aussi l’horreur de l’horreur.
Telles sont les manifestations de ces formes d’enfer que sont les totalitarismes.
5 – Les régimes autoritaires
Fondés sur le parti unique et/ou l’armée ces régimes violent les droits de
l’homme, en particulier les libertés. La population est tenue d’une main de fer,
les souffrances sont grandes, les opposants politiques font l’objet de multiples
répressions (prisons, tortures…) et sont souvent dans la clandestinité ou à
l’étranger. Les différences avec les totalitarismes sont celles de l’absence de
camps de l’horreur et d’une emprise moins totalisante, mais terrible, sur la
population. Dans le totalitarisme le système s’est totalement refermé sur lui
même, l’air est devenu totalement irrespirable, « tout dans l’Etat, rien contre
l’Etat, rien en dehors de l’Etat », dans le régime autoritaire le système laisse
encore, ici ou là, quelques poches d’air, quelques marges de manoeuvres
rarissimes.
6- Le terrorisme
a) C’est la menace et la mise en oeuvre de moyens de terreur au service
d’une cause.Cette cause peut être légitime, par exemple libérer un territoire
d’une occupation armée étrangère, ou cette cause peut être illégitime, par
exemple la destruction d’une race.Mais la légitimité d’une cause ne signifie
pas la légitimité de tous les moyens pour la faire triompher. Ainsi, il était
combien légitime de lutter contre le nazisme mais tous les moyens pour le faire
n’étaient pas légitimes, les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, moyens massifs
de terreur, n’étaient pas légitimes. Quelque soit la cause, légitime ou non, les
moyens de terreur sont inacceptables, ils constituent une forme de grande
violence.
b) Il y a trois types d’acteurs terroristes : des personnes, des réseaux, des
Etats. Des personnes motivées par des injustices, des vengeances privées, des
causes liées à des conflits armés, des idéologies totalitaires. Des réseaux plus ou
moins importants et plus ou moins organisés, éliminent, selon leurs choix et/ou
selon les situations, des autorités, des militaires, des policiers, des membres de la
population ciblés ou pris au hasard. Des Etats, que l’on doit alors qualifier de
terroristes, terrorisent une partie plus ou moins massive de la population et
éliminent des opposants en particulier en les faisant disparaitre. Il existe une
Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées (20-12-2006, entrée en vigueur le 23-12-2010) qui qualifient
ces actes de « crimes contre l’humanité ». Selon l’article 2, « on entend par
« disparition forcée » l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre
forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou
des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou
l’acquiescement de l’État. »
c) Les moyens de terreur les plus utilisés par les terroristes sont les attentats
qui peuvent être individuels, plus importants (facilités par la circulation
d’armes) ou massifs (marchés, gares, grands magasins, immeubles, tours…) et
les enlèvements (revendiqués ou non, aux motivations politiques et/ou
financières suivis ou non de libérations). Dans la logique de prolifération
gouvernementale et non gouvernementale d’armes de destruction massive, les
attentats basés sur ces types d’armements (en 1995 l’utilisation du gaz sarin dans
le métro de Tokyo) pourraient se développer dans les temps à venir.
d) Le terreau du terrorisme apparait plus souvent soit sur fond de désespoir à
partir d’injustices vécues comme insupportables, soit sur fond d’idéologies de
dominations à tendances totalitaires ou totalitaires. Certains pensent que c’est
essentiellement le système d’exploitation inhumaine , producteur d’injustices et
d’humiliations, qui crée le terreau de la plupart des terrorismes. (Voir les
développements sur ce blog « les analyses des causes des violences et les luttes
contre ces causes. »)
e) L’ampleur du nombre d’ attentats est de l’ordre de 96.600 de septembre
2001 à décembre 2016, ils ont coûté la vie à plus de 190.000 personnes et
blessé plus de 340.000.Ces attentats sont massifs dans des pays asiatiques, par
exemple au Pakistan de 2007 à 2014 : 7000 victimes, le 17 décembre 2014 à
Peshawar 148 morts, massifs dans des pays africains, par exemple au Nigeria le
3 janvier 2015 ce sont 2000 civils chrétiens et musulmans qui sont massacrés
par Boko Haram. Dans des pays européens, ils sont revendiqués en particulier
par Al-Qaida au Yémen. En France, le 8 janvier 2015, l’ensemble de la
direction d’un journal, Charlie Hebdo, et des clients d’un magasin juif sont
exécutés. Le 11 janvier 2015 ont lieu les plus gigantesques manifestations de
l’histoire de France, 4 millions de personnes dans les rues, soutenues par des
manifestations dans de nombreux pays étrangers, contre ces attentats et pour la
liberté d’expression. Le 13 novembre 2015 Paris fait l’objet d’attentats
revendiqués par l’organisation de l’ Etat islamique, ils causent la mort de 130
personnes, l’état d’urgence est décrété. Le ramadan 2016 est sanglant, ainsi des
attentats en Arabie saoudite, en Turquie, au Yemen, en Jordanie, en Irak…Dans
ce dernier Etat à Bagdad le 3 juillet 2016 l’Etat islamique provoque la mort de
près de 300 personnes, ainsi Daesh est capable de frapper sur une partie de la
planète.
f) Les luttes contre le terrorisme mises en place après le 11 septembre 2001 se
sont intensifiées peu à peu : plans de surveillance et de sécurité,
développement des services de renseignements, coopérations judiciaire et
policière entre Etats, entreprises de déconditionnement , remise en cause de
circuits financiers …Trois difficultés sont grandes. La première consiste à ne
pas porter atteinte aux libertés fondamentales au nom de la sécurité, on bascule
alors dans les dérives du sécuritaire. L’exemple caricatural est celui de
l’emprunt à la panoplie des régimes autoritaires de « la déchéance de
nationalité ». La seconde difficulté consiste à s’attaquer aux véritables causes du
terrorisme, essentiellement au terreau des injustices, dans des quartiers
« défavorisés », dans les « zones urbaines sensibles » où ces inégalités sont
criantes, et aussi aux guerres porteuses de souffrances et de haines, « si on
répond à la haine par la haine on ne fait que l’étendre en surface et en
profondeur » disait Gandhi. La troisième difficulté est celle des labyrinthes des
circuits financiers dans lesquels sont directement et indirectement impliqués
différents acteurs, nombreux et quelquefois puissants.
7- La course aux armements
C’est à nouveau l’escalade des dépenses militaires mondiales qui augmentent
de 40% de 2000 à 2009 …puis vient une baisse importante de 2009 à 2013, en
2014 c’est la hausse qui reprend, 1547 milliards de dollars (à titre de
comparaison le budget de l’UNESCO pour 2014-2015 était de 653 millions de
dollars).
En 2017 selon le SIPRI de Stockholm les dépenses militaires mondiales ont été
de 1739 milliards de dollars (avec en tête les Etats-Unis 610 milliards de dollars,
puis la Chine 228, l’Arabie Saoudite 69,4, la Russie 66,3, l’Inde 63,9, la France
57,8 milliards de dollars…
Chaque jour le monde dépense donc près de 5 milliards de dollars(4,76) en
armements. Voilà des logiques humanicides et terricides.
C’est une des formes de violence les plus gigantesques à travers quatre
mécanismes que l’on énumère très rarement de façon complète :
a) D’abord cette course alimente les conflits armés c’est-à-dire que des
armes peuvent en être une cause secondaire ou principale, elles vont être autant
d’étincelles dans des lieux qui sont souvent des poudrières.
b) Ensuite fabriquer des armes c’est préparer la mort de victimes dans des
conflits armés qui, selon certains, de 1945 à 2013 ont entrainé l’équivalent du
nombre de victimes de la Seconde guerre mondiale, 55 millions de morts, et
c’est préparer beaucoup d’autres morts, blessés et souffrances pour les années à
venir.
c) C’est aussi penser que la paix repose sur des menaces,quelquefois même
sur le chantage à la mort absolue avec les armes de destruction massive. Or
l’augmentation en quantité et en qualité des armements accroit l’insécurité
générale, la véritable paix ne peut pas reposer sur des peurs
réciproques, elle se construit côte à côte face aux défis communs rencontrés par
les générations présentes et déjà futures.
d) Enfin, réalité presque toujours passée sous silence, les sommes
gigantesques englouties dans les armements auraient pu aller vers des
besoins criants, de santé, d’infrastructures de l’eau, d’éducation,
d’environnement…
Cette forme de violence, quand on veut essayer de la penser, est une des
plus terribles que l’humanité s’est faite et se fait à elle-même, elle « déchire
ses entrailles », elle répand son propre sang, elle laisse criantes, hurlantes,
d’innombrables souffrances auxquelles elle se devait de répondre.
(Voir nos deux ouvrages JML, Construire la paix, 1er tome : les armements
détruirons l’humanité, 2ème tome :l’humanité détruira les armements, éditions
La Chronique sociale,1988.)
8- Les grandes violences économiques et sociales
a) La violence totalisante du système productiviste mondial terricide et
humanicide peut se résumer ainsi :
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en
2016 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de
danger(guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les
marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or),
une large partie de la place des conducteurs(Etats, entreprises…) ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que 5 milliards
de dollars partent chaque jour en 2017 vers les dépenses militaires mondiales, et
du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un
réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (+3°C à 6°C vers
2100 et plus d’un mètre (deux?) d’élévation du niveau des mers ?)
b) La puissance du pouvoir financier constitue une grande violence
Les Etats à ce jour (fin 2018) n’ont pas encore les volontés massives et
radicales de faire face aux nouveaux conducteurs de la planète, les marchés
financiers, de plus en plus puissants depuis 1971 (c’était la fin de la
convertibilité du dollar en or qui a précipité la spéculation internationale sur les
monnaies et amplifié la puissance des bourses, des banques et des marchés
financiers).
Les liens entre des Etats, des firmes multinationales et les marchés financiers
contribuent à transformer l’ensemble en géants mais ne s’agit-il pas de géants
aux pieds d’argile dans la mesure où, en fin de compte, des logiques terricides et
humanicides sont à l’oeuvre ?
Ces marchés financiers comprennent six classes d’actifs : le marché actions, le
marché obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des
changes, le marché des matières premières. Deux chiffres symboliques de cette
force : en avril 2016 les transactions quotidiennes(!) sur le marché des changes
étaient de 5100 milliards de dollars, pour l’année 2017 le gestionnaire américain
d’actifs Black Rock gérait 6000 milliards de dollars et réalisait un bénéfice de
3,7 milliards.
A titre de comparaisons le chiffre d’affaires annuel en 2017 des dix premières
entreprises du monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017
était pour 139 Etats inférieur à 10 milliards de dollars dont 30 inférieur à 3 ,
alors que le PIB des Etats-Unis était de 19362 et celui de la France( cinquième
dans la liste des 193 Etats) de 2574, le budget bi annuel des Nations Unies pour
2018-2019 est de 5,4 milliards de dollars.
Ce sont là quelques rapports de forces financiers qui en disent très longs sur des
rapports de force internationaux.
c) Des injustices globales dans le monde aujourd’hui
« Les victimes des injustices économiques sont ainsi, sans le moindre remords,
sacrifiées sur l’autel de l’ordre public. Jusqu’à quand ? » écrit Eduardo Galeano
(Le Monde diplomatique, Guerre aux pauvres, août 1996).
Les quatre réalités qui suivent sont souvent soulignées par des institutions
spécialisées des Nations Unies, des organes subsidiaires et des programmes de
cette organisation internationale.
Ainsi en 2016, selon l’UNICEF, un enfant sur deux dans le monde est en
situation de détresse et/ou de danger (misères, sous-nutrition, maladies,
guerres…). Si une civilisation se juge en particulier au sort qu’elle réserve à ses
enfants… le jugement de condamnation est sans appel.
En 2014, selon l’OMS, dans les pays à faibles revenus 4 décès sur 10 touchaient
des enfants de moins de 15 ans, dans les pays à revenus élevés 1 enfant sur
100.L’inégalité devant la mort existe pour l’enfant selon le pays où il vit.
En 2014, selon le PNUD, moins de 10% de la population mondiale dispose de
82% du patrimoine mondial, alors que 70% de cette population mondiale
disposent de 3% du patrimoine mondial. C’est ce que l’on appelle une violence
structurelle gigantesque.
Fin 2015, selon les Nations Unies, 4,5milliards de personnes se trouvent dans le
besoin avec le minimum vital, 1,5milliard de personnes est en situation de survie
(avec moins de 1,25 dollar par jour) et 1 milliard vit dans l’aisance. On voit
particulièrement bien ici que le système ne répond pas aux besoins importants
ou criants de la grande majorité de la population mondiale.
d) Des injustices particulières dans le monde aujourd’hui
Nous rappelons dix séries d’inégalités terribles, cette liste des drames est très
loin d’être exhaustive. Les drames de la faim, de l’absence d’eau potable, de
l’absence de toilettes, des maladies qui tuent sans vaccinations ou soins, drames
de l’inégalité de l’accès aux médicaments, des inégalités dans l’espérance de
vie, des inégalités dans l’éducation, des inégalités relatives au niveau de vie, des
inégalités devant la protection sociale, des inégalités relatives à l’empreinte
écologique. (Voir statistiques précises dans l’article à venir sur ce blog : «
L’injustice et les luttes contre les inégalités.»)
Face au drame de la faim (821 millions de personnes en 2017 soit un habitant
sur neuf dans le monde ), ou face au drame de l’absence d’accès à
l’eau potable et à l’assainissement… on décide… qu’on décidera plus tard de
s’attaquer aux causes de ces situations inhumaines .Le réchauffement
climatique est devenu une cause qui s’ajoute aux autres et aggrave ces deux
drames mondiaux.
Les violences des migrations forcées est massive. Ainsi par exemple pour
l’année 2015 c’est l’accroissement du nombre de réfugiés et de déplacés, 60
millions de personnes selon le HCR, soit l’équivalent de presque toute la
population française. Sur ce total 20,2 millions essaient d’échapper aux guerres
et aux persécutions, c’est un niveau sans précédent depuis 1992.En 2017 voilà
un nouveau record du nombre de déplacés : 68,5 millions de personnes.
Les déplacés environnementaux seraient peut-être de l’ordre de 150 à 300
millions vers 2100… Si de grandes villes asiatiques devenaient irrespirables ce
type de migrations forcées pourrait être, selon certains, de un à deux milliards de
personnes…
9- Les grandes violences culturelles.
a) L’ethnocide : c’est la destruction radicale, globale et délibérée d’une
culture.
L’ethnocide se fait le plus souvent dans le but d’exploiter économiquement et
politiquement les membres de la culture assassinée. Il conduit à la destruction
physique partielle des membres de cette culture, il va souvent de pair avec des
massacres. Les traces de la culture assassinée sont partiellement ou massivement
détruites : ouvrages, musées, oeuvres, monuments, écoles…
b) Existent aussi d’autres formes de violences culturelles qui
s’appellentl’assimilation,plus ou moins imposée par un rapport de forces, c’està-
dire l’effacement d’une culture sous la domination d’une autre,
et l’uniformisation, qui fait peu à peu disparaitre les différences, «
l’uniformisation uniformisante » était pour Kostas Axelos une violence terrible
et omniprésente.
10-Les grandes violences écologiques
a ) Peut-on parler de grandes violences ?
Ne doit-on pas considérer les problèmes drames et les menaces relatifs à
l’environnement comme de grandes violences ? Nous pouvons le penser dans la
mesure où ils portent massivement atteinte aux peuples, aux personnes et aux
générations futures, et dans la mesure où la plupart d’entre eux sont d’origine
humaine et que l’homme n’a pas pris, à ce jour, les moyens assez massifs et
radicaux de les combattre.
Si l’on regroupe ces problèmes, ces menaces et ces drames environnementaux
on peut dire que : la dégradation des sols s’étend, la déforestation continue, les
déchets ne cessent d’augmenter, le nucléaire a engagé les générations présentes
et futures, l’eau se raréfie et se dégrade, le milieu marin est souvent traité en
poubelle, la couche d’ozone reste menacée, les gaz à effet de serre entrainent un
réchauffement climatique, les espèces animales et végétales sont décimées.
b) Les inégalités sont présentes aussi dans l’environnement,ne sont-elles pas
des formes de violence ?
Elles se traduisent par une empreinte écologique très variable en particulier
selon les Etats (voir ci-dessus) et par des effets très inégaux sur les populations.
Des ONG insistent sur cette dimension, ainsi l’alliance internationale « Justice
Climatique Maintenant ! » met en avant les liens entre le social et
l’environnemental, le réchauffement atteint toute la Terre mais d’abord les pays
et les peuples les plus pauvres.Le mouvement contre le » racisme
environnemental » dénonce depuis les années 1980 le fait que les populations
noires et pauvres sont les plus touchées aux Etats-Unis par exemple par la
proximité des déchets toxiques, un auteur sociologue comme l’américain Robert
Bullard relie droits de l’homme et environnement, des juristes
environnementalistes , ainsi en France Alexandre Kiss et Michel Prieur dès les
années 1970, iront aussi en ce sens contribuant à faire du droit de l’homme à
l’environnement un droit à vocation universelle.
c) L’énumération des principales situations écologiques violentes est
impressionnante.
Une des plus grandes violences est celle du réchauffement climatique,
cette gigantesque machine infernale produite par ce système productiviste.
Le grand « vainqueur » est , à ce jour( fin novembre 2018), ce réchauffement
climatique. (voir notre ouvrage, écrit pour cette 4ème édition en collaboration
avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris, Droit international de
l’environnement, Ellipses, 2018).
La situation est simple à schématiser :
Si l’Accord de Paris(2015) sur le climat était appliqué en l’état : l’augmentation
de la température serait de l’ordre de 3,5°C vers la fin du siècle. Situation
encore gravissime.
Si l’Accord n’était pas appliqué le réchauffement serait de 4°C à 6°C, voire
plus, vers 2100.Autant dire que la 6 ème extinction des espèces (humains
compris) serait en voie d’effacer le vivant ou la plus grande partie du vivant.
Si l’Accord contribuait à donner le jour à de nouveaux engagements, massifs et
appliqués, le vivant aurait alors probablement des chances de survie.
La liste des atteintes relatives à l’environnement et au vivant est
impressionnante :
En ce qui concerne l’air : réchauffement climatique, phénomènes climatiques
extrêmes, appauvrissement de la couche d’ozone, retombées des pluies acides,
pollutions chimiques diffuses et accidentelles, pollutions radioactives diffuses et
accidentelles d’origine civile et militaire, pollutions urbaines, nuisances sonores,
pollutions lumineuses, pollutions de l’espace orbital…Le seul exemple en Chine
de la pollution atmosphérique provoquée, entre autres, par les industries lourdes
dans les zones urbaines, est dramatique : morts prématurées, explosions des
cancers du poumon, suffocations, masques en rupture de stocks…A Pékin en
février 2014 le taux de concentration des microparticules dans l’air est de 16 fois
le maximum mis en avant par l’OMS, dans certaines villes 36 fois ce maximum.
Toujours selon l’OMS la pollution atmosphérique touche neuf urbains sur dix
dans le monde ( étude sur 1 600 villes de 91 pays, 7 mai 2014). Sont
particulièrement touchées des villes du Pakistan, de l’Inde, de la Chine…
En ce qui concerne les eaux douces : absence d’accès à l’eau potable, absence
d’assainissement, inondations, problèmes de quantité de réserves d’eau
produisant des situations de stress hydrique et de pénuries d’eau, sécheresses de
plus en plus terribles, jamais vues auparavant, dans des lieux de plus en plus
nombreux de la planète, atteintes à la qualité de cours d’eau et de nappes
phréatiques à partir de pollutions agricoles, industrielles, domestiques,
assèchements et empoisonnements de nappes phréatiques, effets écologiques de
certains barrages et de modifications de tracés de cours d’eau…
En ce qui concerne le milieu marin : pollutions venant des fleuves et des côtes
(pollutions telluriques), pollution par immersion de déchets, de déchets
dangereux, de déchets radioactifs, pollutions volontaires et accidentelles de
navires et de plates-formes, pollutions à partir d’aéronefs jetant des déchets,
dégradations des ressources marines et côtières, surexploitation et disparitions
d’espèces marines, filets destructeurs de fonds marins, plaques et mers de
déchets dans le milieu marin, enfin bien sûr côtes rongées, déchiquetées par les
avancées et la montée des océans…
En ce qui concerne les sols : l’épiderme de la Terre est ici menacé, là malade à
travers la désertification, les atteintes sont très nombreuses par surexploitation,
surpâturage, déboisement, par pesticides, nitrates, métaux lords, pluies acides,
déchets mis en décharge, transports et stockages de déchets toxiques, atteintes
par extensions des surfaces urbaines …
En ce qui concerne les forêts : déforestation par surexploitation, par
empiètements, feux de forêt, diminution de la variété d’espèces forestières,
pollutions multiples, pluies acides, réchauffement climatique, certains insectes
ravageurs, certains champignons aussi…
En ce qui concerne la flore, la faune, les paysages : Appauvrissement de la
diversité biologique, espèces de la faune et de la flore décimées et menacées
d’extinction, marchandisation du vivant(voir article sur ce site), risques liés aux
organismes génétiquement modifiés, artificialisation de la nature, prolifération
de certaines espèces posant des problèmes écologiques, prolifération de
certaines espèces posant des problèmes économiques et écologiques, régressions
d’habitats naturels, urbanisation incontrôlée, destructions de paysages,
destructions de cultures vivrières au profit de grandes monocultures…
d) Les effets environnementaux sur la santé des êtres humains :
En 2012 l’OMS avançait le fait que 23% des décès dans le monde était liés à
l’environnement (tabac non compris) soit un décès sur quatre, soit 12,6
millions de victimes dues pour la plus grande part aux pollutions de l’air, cellesci
en 2014 selon l’OMS ont causé la mort de 7 millions de personnes.
Certains auteurs avancent des chiffres beaucoup plus élevés, cela est lié en
particulier à la définition plus ou moins large donnée à l’environnement, chiffres
allant jusqu’à 40% des décès , voire plus, dans le monde résultent de facteurs
environnementaux : tabac, pollutions chimiques , radioactives, pollutions dans
des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, dans des
airs, des sols et des eaux…
Le tabac en 2014 a tué 5 millions de personnes(en France 78000), l’alcool a tué
3 millions de personnes(en France 49000).
Ne soulignons ici que quelques effets dramatiques et massifs de la
dégradation environnementale. Les catastrophes écologiques mais aussi : les
pollutions de l’air, des sols, des eaux de surface et souterraines et leurs effets
sanitaires, la sécurité alimentaire qui est de moins en moins assurée dans
certaines régions, les contaminations des aliments par des pollutions chimiques,
radioactives, par des additifs alimentaires, par la dioxine, par des farines
animales…l’exposition de travailleurs et de populations à des substances
dangereuses(drame de l’amiante)et d’une façon générale l’augmentation
impressionnante du nombre de cancers d’origine environnementale…(voir par
exemple Dominique Belpomme, Avant qu’il ne soit trop tard, Fayard,2007). La
seule pollution de l’air, selon l’OMS ( étude du 24 mars 2014), a causé la mort
de 7 millions de personnes en 2012, soit un décès sur 8, les 2/3 de ces victimes
étaient en Asie.
De façon plus globale au moins 40% des décès (des auteurs donnent des
chiffres beaucoup plus élevés, tout dépend en particulier de la conception
restreinte ou plus large que l’on a de l’environnement) dans le
monde résulteraient de facteurs environnementaux : tabac, pollutions
chimiques, radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des
habitations, des lieux de travail, pollutions de l’air, des sols et des eaux…
Des études prévisionnelles mettent en particulier en avant une explosion des
cancers dans le monde de 75% de 2012 à 2030 et de 95% dans les pays les plus
pauvres, on passerait de 12,7millions de personnes atteintes en 2008 à
20,3millions en 2030, et on passerait de 7,6millions de morts par cancers en
2008 à 13,2millions en 2030.(The Lancet Oncology,juin2012,étude menée dans
le cadre du Centre international de recherche sur le cancer(CIRC,
Lyon),organisme lié à l’OMS.) L’étude souligne que certains cancers (côlon,
rectum, sein, prostate) semblent associés au développement économique et au
mode de vie.
Va aussi dans ce sens par exemple l’ouvrage d’un toxicologue (André Cicolella,
Toxique planète, Seuil,2013) qui dénonce le « scandale invisible des maladies
chroniques », il montre la transmission d’un héritage toxique à destination des
générations futures, il en appelle à de nouvelles politiques de santé mondiale qui
prennent en compte une remise en cause des origines environnementales des «
perturbateurs endocriniens », il affirme que les maladies
chroniques(cardiovasculaires, respiratoires, cancers, diabète…) peuvent reculer
si nous repensons nos façons de vivre, de travailler, de se déplacer. Telles sont
les grandes violences. Qu’en est-il du second regroupement des formes de
violences que nous proposons ?
B- Les contenus des violences et les atteintes aux personnes , aux biens, à
la paix publique, à l’environnement
Le document utilisé sera celui très significatif d’un Etat, la France, définissant
des crimes et délits, nous ferons ainsi à travers le code pénal un récapitulatif des
atteintes portées aux personnes, aux biens, à la paix publique, puis à travers le
code de l’environnement des atteintes portées à celui-ci. Ces atteintes ne sontelles
pas autant de formes de violence ?
Nous les regrouperons en onze points dont nous ferons onze synthèses : 1-
Les crimes contre l’humanité, 2- Les atteintes à la vie de la personne, 3- Les
atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, 4- La mise en
danger de la personne, 5- Les atteintes aux libertés de la personne, 6- Les
atteintes à la dignité de la personne humaine, 7- Les atteintes à la personnalité ,
8- Les atteintes aux mineurs et à la famille, 9-Les atteintes contre les biens, 10-
Les crimes et délits contre la nation, l’Etat, la paix publique, la confiance
publique, autres crimes et délits,11-Les atteintes à l’environnement.
1-Les crimes contre l’humanité selon le droit interne français
a)Le titre premier du Code pénal s’intitule« Des crimes contre l’humanité »,le
chapitre premier s’intitule « Du génocide »,selon l’article 211-1 « Constitue
un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction
totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un
groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de
faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants :
-atteinte volontaire à la vie ;-atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;-
soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction
totale ou partielle du groupe ;-mesures visant à entraver les naissances ;-transfert
forcé d’enfants.
b) Le chapitre II s’intitule « Des autres crimes contre l’humanité»,c’est
l’article 212-1 qui les définit « Constitue également un crime contre l’humanité
et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis
en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile
dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique :
1° L’atteinte volontaire à la vie ; 2° L’extermination ; 3° La réduction en
esclavage ; 4° La déportation ou le transfert forcé de population ; 5°
L’emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique
en violation des dispositions fondamentales du droit international ; 6° La torture
; 7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou
toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; 8° La persécution
de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre
politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction
d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit
international ; 9° La disparition forcée ; 10° Les actes de ségrégation commis
dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de
domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes
raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ; 11° Les autres actes
inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique. »
2- Les atteintes à la vie de la personne
a) Les atteintes volontaires à la vie: Lorsque un être humain en tue
volontairement un autre on qualifie cet acte d’homicide volontaire. S’il n’y a pas
préméditation c’est un « meurtre », s’il y a préméditation c’est un «
assassinat.»En France ce crime est jugé par une Cour d’assises.
b) Les atteintes involontaires à la vie: le fait de causer, dans des conditions et
selon les distinctions prévues à l’article 121-3 , par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou le règlement ,la mort d’autrui constitue un
homicide involontaire. En cas de violation manifestement délibérée d’une
obligation particulière de sécurité ou de prudence imposées par la loi ou le
règlement les peines encourues sont aggravées.
3- Les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne
a) Les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne :
-Les tortures et actes de barbarie.
-Les violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner, les violences
ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, les violences ayant
entrainé une incapacité totale de travail de plus de huit jours, les violences ayant
entrainé une incapacité de travail de moins de huit jours ou n’ayant entrainé
aucune incapacité de travail lorsqu’elles sont commises sur un mineur, sur une
personne vulnérable(…voir par exemple en France la liste Art.222-13 du Code
pénal),les violences habituelles sur un mineur ou sur un personne dont la
particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une
déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou
connues de leur auteur sont punies de peines importantes ;les appels
téléphoniques malveillants réitérés ou les agressions sonores en vue de troubler
la tranquillité d’autrui.
-Les menaces : la menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un
crime ou un délit contre les personnes.
b) Les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne :
elles sont constituées par le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon
les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois. En cas de violation manifestement délibérée d’une
obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le
règlement, les peines encourues sont aggravées.
Le nombre de personnes atteintes peut être important dans une forme donnée,
par exemple selon l’OMS la route a tué 1,3 million de personnes en 2013 et en
a blessé 25 à 50 millions.
c) Les agressions sexuelles :le viol, les autres agressions sexuelles, le
harcèlement sexuel.
d) Le harcèlement moral : il s’agit du fait de harceler autrui par des
agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des
conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel .
e) Le trafic de stupéfiants.
4- La mise en danger de la personne
Constituent une mise en danger de la personne : le délaissement d’une personne
hors d’état de se protéger, l’entrave aux mesures d’assistance et l’omission de
porter secours, l’expérimentation sur la personne humaine, l’interruption illégale
de la grossesse, la provocation au suicide, l’abus frauduleux de l’état
d’ignorance ou de faiblesse.
5- Les atteintes aux libertés de la personne
Ce sont l’enlèvement, la séquestration, le détournement d’un moyen de transport
(aéronef, navire ou tout autre moyen de transport).
6- Les atteintes à la dignité de la personne humaine
a) Les discriminations.
Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes
physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de
leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de
résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques
génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge,
de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance
ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une
race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les
personnes morales à raison de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de
l’apparence physique, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, du
handicap, des caractéristiques génétiques, des moeurs, de l’orientation ou identité
sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de
l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains
membres de ces personnes morales.
Les discriminations sont autant d’atteintes au principe de nondiscrimination
qui est consacré par exemple par l’article 2 de la DUDH de
1948, mais surtout par les Pactes internationaux des droits de l’homme (16-12-
1966) : dans le Pacte des droits civils et politiques c’est l’article 2 alinéa1. « Les
Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les
individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits
reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre
opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute
autre situation. ». Dans le Pacte des droits économiques ,sociaux et culturels
c’est l’article 2 alinéa 2 « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir
que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique
ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou
toute autre situation. »
b) Les autres atteintes à la dignité humaine
Elles sont constituées par la traite des êtres humains, le proxénétisme, le recours
à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables,
l’exploitation de la mendicité, les conditions de travail et d’hébergement
contraires à la dignité humaine, le bizutage, les atteintes au respect dû aux morts.
7- Les atteintes à la personnalité
Ces atteintes s’appellent l’atteinte à la vie privée, l’atteinte à la représentation de
la personne, la dénonciation calomnieuse, l’atteinte au secret, les atteintes aux
droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, les
atteintes à la personne résultant de l’étude génétique de ses caractéristiques ou
de l’identification par ses empreintes génétiques.
8- Les atteintes aux mineurs et à la famille
Il s’agit du délaissement de mineur, de l’abandon de famille, des atteintes à
l’exercice de l’autorité parentale, des atteintes à la filiation, de la mise en péril
des mineurs.
9- Les atteintes aux biens
Ces atteintes sont des crimes ou des délits déterminés par le code pénal. Ces
formes de violence sont le vol simple, le vol aggravé, l’extorsion, le chantage, la
demande de fonds sous contrainte, l’escroquerie, l’abus de confiance,
l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité, le recel, les destructions,
dégradations et détériorations, le blanchiment simple et le blanchiment aggravé.
10- Les crimes et délits contre la nation, l’Etat , la paix publique, la
confiance publique, autres crimes et délits
a) Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation :La trahison et
l’espionnage, l’attentat et le complot, le mouvement insurrectionnel, la levée de
forces armées, les atteintes à la sécurité des forces armées ,les atteintes au secret
de la défense nationale.
b) Le terrorisme,
c) Les atteintes à l’autorité de l’Etat: atteintes à la paix publique (entraves à
l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de
manifestation), la participation délictueuse à un attroupement, la participation
délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique, les groupes de
combat et les mouvements dissous.
d) Les atteintes à l’administration publique, à l’action de la justice, les
atteintes aux Etats étrangers et des organisations internationales
publiques (corruption), les atteintes à la confiance publique(les faux, la fausse
monnaie, la falsification des marques de l’autorité).
e) Les autres crimes et délits : en matière de santé publique (protection de
l’espèce humaine, protection du corps humain, protection de l’embryon
humain).
f )Les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux : il s’agit du fait,
publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de
commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou
tenu en captivité.
11-Les atteintes à l’environnement
De nombreuses atteintes sont définies à partir des législations nationales,
régionales, internationales, ces atteintes violent des mécanismes de protection
des espèces, de protection des espaces, elles violent le droit de la pêche en eau
douce ou en milieu marin, le droit de protection de la forêt.
Existent ainsi des lois, et leur non respect est porteur de violences
environnementales, sur les installations classées, sur les risques technologiques
majeurs, sur les pollutions sectorielles (air, eau, bruit, déchets domestiques,
industriels, radioactifs, produits chimiques, produits phytosanitaires et
pesticides, organismes génétiquement modifiés), sur le droit des paysages et des
sites, sur le droit de l’environnement urbain, rural , culturel, droit de
l’environnement côtier.
Telles sont les violences contre les personnes, les biens, l’environnement.
Quelles sont donc les autres violences que l’on qualifie parfois de « banales » ?
C- Les autres violences à ne pas banaliser
Jacques Sémelin écrit « Il y a aussi les violences « banales » dont nous
sommes les témoins, les victimes… ou les acteurs. » Cette violence est plus
ou moins intégrée à une partie de nos modes de vie, il arrive que nous n’en
ayons pas conscience, contrairement aux violences spectaculaires.
Nous les regroupons en dix points dont nous ferons dix synthèses : 1- Les
discriminations, 2- Les violations des différences, 3-Les violences
d’oppressions, 4-L’instrumentalisation des rapports humains, 5- la
marchandisation de rapports humains, 6-Les effets de l’accélération du système
international, 7-Les harcèlements dans la vie quotidienne, 8- Les violences
médiatiques, 9- Les douces violences, 10-Les violences des casseurs d’ailes.
1- Les discriminations
Nous les avons déjà évoquées ci-dessus dans « les atteintes à la dignité de la
personne », dès lors pourquoi les souligner à nouveau ici ? Parce que c’est une
façon d’insister sur le fait qu’elles peuvent être sanctionnées mais aussi
banalisées ici et là, que nous en soyons des témoins, des victimes ou des acteurs.
Ce mot « discrimination » vise des différenciations contraires au principe
d’égalité,on remet en cause l’égalité au détriment de certaines personnes, en
raison par exemple de leur appartenance raciale, confessionnelle, plus
généralement par application de critères sur lesquels la loi interdit de fonder des
« discriminations juridiques arbitraires » (opinion politique, sexe, état de santé,
handicap, origine, ethnie, race, orientation sexuelle, activité syndicale…).
Nous voulons insister surtout et avec force sur le fait que le principe de nondiscrimination
est au coeur de la justice. C’est l’un des plus fondamentaux.
C’est l’article 1er de la DUDH « Tous les êtres humains naissent libres et égaux
en dignité et en droits » (il faut lutter pour que les avancées soient réelles) et ils
sont différents, ces différences sont une richesse, une chance.
Très proche de ce développement est celui qui suit mais nous le présentons sous
un autre angle, celui des différences.
2- Les violations des différences
« La violence banale c’est l’absence de respect des différences : l’adulte qui
voudrait que l’enfant lui ressemble à tout prix. (…) » (Jacques Sémelin).
Politiquement, philosophiquement, humainement il s’agit ici des rapports entre
une unité donnée et des diversités, et finalement aussi de nos rapports aux
autres.
En premier lieu une unité donnée, par exemple un pays, ne doit pas éliminer les
différences, il faut prévenir et dénoncer ces pratiques de domination, ces
regards de capture qui débouchent souvent sur des drames épouvantables.
En second lieu une unité donnée ne doit pas exacerber les différences, ce
regard est lui aussi destructeur à travers la formation des ghettos, le repli
identitaire peut se traduire par des pratiques inhumaines.
En troisième lieu le fait d’effacer les différences n’est-il pas plus ou moins
dommageable ? Ce regard d’assimilation consiste à dire que l’autre est notre
égal parce qu’il devient comme nous.
En quatrième lieu se situe le regard d’ouverture, il repose sur le respect des
différences, c’est le regard d’intégration. On reconnaît des similitudes et des
différences, c’est le grand principe de non-discrimination. Nous sommes
égaux, c’est l’article premier de la DUDH « tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits(…) » , il faut lutter pour conquérir,
protéger, développer ces égalités, et nous sommes différents (ces différences
qui existent ne doivent pas être discriminantes.)
3- Les violences d’oppressions
La violence banale c’est la violence d’oppression vécue parfois au quotidien :
humiliations de l’autre dans son travail, lourdes atmosphères éducatives,
pressions administratives, pressions fiscales parfois insupportables de l’Etat sur
le citoyen, dévalorisation des femmes…
4- L’instrumentalisation des rapports humains
« La violence banale c’est l’instrumentalisation des rapports humains : on
incorpore la violence technicienne par exemple par un « traitement mécanique »
de l’autre » écrit Jacques Sémelin.
L’autre devient ici ou là un simple numéro, ou bien presque un inconnu dès
qu’il nous a rendu service, ce sont deux formes d’instrumentalisation,
l’autre est traité comme un objet.
5-La marchandisation des rapports humains
L’autre devient un simple pion que l’on fait sauter, sans ménagements ni
remerciements, pour dégraisser une administration ou une entreprise, c’est une
forme de marchandisation, l’autre est traité comme une marchandise.
(Sur la marchandisation du monde voir nos articles sur ce même blog.)
6- L’accélération du système international et ses violences
C’est une violence qui comprend de multiples formes visibles ou plus difficiles à
voir. Là également nous pouvons en être les témoins, les acteurs et souvent les
victimes
(Sur ce phénomène dans sa globalité voir sur ce même blog : «L’accélération du
système mondial.»)
a) Les effets de l’accélération sur l’ensemble de la société
L’accélération porte atteinte à la démocratie, elle a aussi des effets sur le travail,
elle contribue à l’accroissement des contrôles, elle augmente le poids de
l’urgence au détriment du long terme, elle contribue au développement des
inégalités. L’accélération a des effets sur les actualités, elle contribue aux
désynchronisations environnementales. La compétition et la vitesse marchent
côte à côte. L’accélération contribue aussi à « l’administration des peurs ».
b) Les effets de l’accélération sur les personnes
On a le sentiment d’être débordé. Les rencontres sont souvent plus rapides. Le
présent est comprimé, compressé. Les rencontres du réel et du virtuel ne
simplifient pas les choses, d’autant plus qu’elles sont en situation d’accélération.
Le temps « mange l’espace. »Sont bien présentes l’augmentation du nombre
d’actions « par unité de temps » et la réduction de chaque « épisode de vie. » Un
stress et une nervosité s’installent ici et là. La capacité de comprendre n’est-elle
pas atteinte par cette accélération ?
7- Les harcèlements professionnels, familiaux, scolaires et d’autres lieux de
la vie quotidienne
Le harcèlement dans certains pays est sanctionné par la loi, nous l’avons
souligné dans le code pénal français mais, à ce jour, dans beaucoup d’autres
pays le chemin sera long pour sortir de la banalité.
a) Le harcèlement moral sur le lieu de travail repose sur la répétition d’actes,
de comportements, de paroles qui tendent à humilier, à déstabiliser voire à
détruire l’autre.
Marie-France Hirigoyen (« Le harcèlement moral : la violence perverse au
quotidien »,éditions La Découverte § Syros,1998), définit le harcèlement moral
comme : « toute conduite abusive qui se manifeste notamment par des
comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter
atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique
d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat
social. » Alors que la violence physique laisse des traces, dans le harcèlement
moral les traces ne sont pas visibles jusqu’au moment où la santé s’affaiblit.
Le harcèlement moral en entreprise:l’article L.222-33-2 du code pénal punit «
le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses
droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre
son avenir professionnel.»
b) De même le harcèlement moral dans le couple est reconnu dans certains
pays, en France la loi du 9 juillet 2010 institue un délit de harcèlement moral au
sein du couple.C’est une réalité douloureuse, parfois dramatique, souvent
difficile à démontrer.
c) Le harcèlement scolaire (surtout à la fin de l’école primaire et au collège) se
fonde sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines
caractéristiques, principalement l’apparence physique (poids, taille, couleur de
peau ou type de cheveux),le sexe, l’identité de genre (garçon jugé trop efféminé,
fille jugée trop masculine, sexisme), orientation sexuelle ou supposée, un
handicap (physique, psychique ou mental),un trouble de la parole (bégaiement
/bredouillement),l’appartenance à un groupe social ou culturel particulier, des
centres d’intérêts différents. C’est un rapport de domination entre un ou
plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes , il s’agit d’agressions qui se
répètent régulièrement durant une longue période, la victime est souvent isolée,
faible physiquement, dans l’incapacité de se défendre. La victime du
harcèlement peut être insultée, menacée, battue.
Selon le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les
violences en milieu scolaire (voir Le Monde, 9 novembre 2017) en France «
14 % des élèves du primaire, 12 % des collégiens, 2 à 3 % des lycéens se
déclarent harcelés. Les garçons le sont plus fréquemment physiquement, quand
les filles sont plus exposées au cyber-harcèlement, en particulier au collège. Ce
chiffre revient à dire que 1 élève sur 10 est concerné, mais 5 % de la population
scolaire est sévèrement et très sévèrement harcelée.»Enfin 7 % des collégiens et
des lycéens affirment être harcelés sexuellement.
d ) Le cyber harcèlement sur internet et les réseaux sociaux est devenu une
réalité. C’est une action répétitive de violence psychologique. Des violences
peuvent apparaitre sous formes de moqueries, de mépris, de persécutions, de
chantages…
Selon certaines données 12,5% des jeunes français sont victimes de cyberharcèlement.
Les filles sont un peu plus concernées avec 13,4%, les garçons
11,1%.
Les cyber-harcelés sont plus nombreux à partir de l’âge de 15 ans. Les effets
peuvent concerner les résultats scolaires, l’isolement par rapport à la famille,
une perte de confiance en soi et, parfois, basculer dans des drames sous forme
de suicides. Des sites internet, en particulier à destination des jeunes, donnent de
nombreux conseils pour en sortir.
8- Les violences des médias et des technologies de la communication
a) Au niveau du phénomène général:La vitesse de circulation de
l’information s’accompagne d’ une généralisation de l’instantanéité et de
l’immédiateté, c’est le culte de l’urgence qui domine sur les écrans. Nous
sommes plus ou moins noyés dans un fleuve constant de nouvelles, dans une
information continue.
Par contre trop peu nombreuses sont des réflexions porteuses de sens, des
analyses des causes des évènements et, lorsque ces réflexions et ces analyses
existent, les lecteurs, les téléspectateurs, les internautes, faute de temps ou trop
fatigués, seront peut-être plus portés à les mettre de côté ou à en décrocher assez
vite.
La diffusion rapide des informations entraîne aussi des réactions de plus en plus
rapides et peut contribuer à une forme d’instabilité permanente symbolisée par
les « sujets télévisés » qui se succèdent à une cadence accélérée, souvent sans
transitions, et en mélangeant l’essentiel et le dérisoire.
b) Nombreuses sont les questions posées.Le culte de l’immédiat prend place
dans le spectacle et réciproquement. La violence médiatique questionne : que
montrer et à qui ? Que maintenir à la une et passer sous silence(les linceuls de
silence ne sont jamais neutres par exemple sur un conflit) ? Quelles sont les
limites des reportages, des témoignages, des divertissements-réalités ? Quels
sont les effets des films et des jeux violents en particulier sur les jeunes(après de
nombreux rapports on en arrive généralement à penser que tout dépend du
contexte général et la psychologie du jeune) ? (Pour une vision globale voir : «
Les violences médiatiques : Contenus, dispositifs, effets », sous la direction de
Pascal Lardellier. Préface de Serge Tisseron, L’Harmattan, 2003.)
Internet, les téléphones mobiles, les technologies de l’information et la
communication sont parfois des moyens de pression et de contrôle sur leurs
victimes par des auteurs de violence, en même temps ce sont aussi des moyens
de recourir à des aides possibles.
9- Les douces violences
a) Celles-ci peuvent exister dans de nombreuses situations: des pratiques
parentales, éducatives, professionnelles, des pratiques de soins,
d’apprentissages, d’encadrement… Les « douces » violences s’expriment au
travers d’un ensemble d’attitudes souvent banalisées autour du bébé, de l’enfant,
de l’adolescent, de l’adulte, du vieillard.
Christine Schuhl, dans « Remédier aux douces violences : outils et expériences
en petite enfance »(Editions La Chronique sociale,2011),explique ce dont il
s’agit, nous nous en inspirons : De très courte durée, ces moments sont fréquents
tout au long d’une journée, ils passent presque inaperçus pour l’adulte.Que sont
les douces violences ? « Ce sont des instants éphémères où le professionnel
n’est plus dans la relation à l’enfant, ce sont de brefs instants où l’adulte se
laisse « emporter » par un jugement, un a priori, une étiquette, un geste
brusque, ces gestes, ces paroles, ces regards, peuvent faire obstacles au
développement de l’enfant. »
b) Activité par activité de très nombreux exemples sont proposés, nous en
citons quelques uns :« -Commenter négativement les acquisitions de l’enfant.-
Comparer les enfants entre eux. -Culpabiliser l’enfant parce qu’il refuse une
activité. -Faire du chantage. -Empêcher l’enfant de dormir parce que c’est
l’heure du repas.-Laver le visage de l’enfant avec un gant d’eau froide, sans le
prévenir, par derrière.- Ne pas parler à l’enfant durant un soin. -Dire à un enfant
qu’il est sale, qu’il pue. -Empêcher l’enfant d’aller aux toilettes.-Ne pas coucher
l’enfant lorsque il a sommeil. –Réveiller sans explication rapidement un enfant
qui dort. –Discuter à haute voix alors que les enfants essaient de s’endormir ou
dorment. -Juger par la dévalorisation.-Parler à l’enfant à la troisième personne («
Sébastien n’est pas gentil, il a encore tout renversé ! »)
10- Les violences des casseurs d’horizons
Nous proposons cette appellation de « casseurs » qui s’oppose donc à
constructeurs, découvreurs, éclaireurs d’horizons, de possibles .
a) Les pratiques des casseurs d’horizons.
Un témoignage parmi beaucoup d’autres :(extrait de « Mémoires de maîtres,
paroles d’élèves », sous la direction de Jean-Pierre Guéno, Librio, 2003) : «
Chaque matin dans ta classe, j’avais peur. Et les jours où tu disais mon nom, je
me levais tandis que mon visage se vidait de son sang, je marchais dans le
brouillard jusqu’à ton bureau. La salle de classe aux murs très hauts, le plancher
avec ses lattes entrecroisées, le silence terrifiant accompagnaient ma traversée
vers toi, vers tes paroles qui ressemblaient à des gifles, maîtresse. »(Agnès).
De la maternelle à l’université, et dans de multiples autres lieux (familles,
professions, administrations, entreprises, associations…) des casseurs
d’horizons sont à l’oeuvre, leur nombre est difficile à déterminer mais ils sont là.
Ils assèchent des visages au lieu de contribuer à les irriguer,
ils sèment des peurs au lieu de faire naitre des confiances,
ils remplissent des vases au lieu d’allumer des feux.
Ainsi on pourrait ajouter aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint
Exupéry… un casseur d’horizons :
« Qu’est-ce que vous faites ? » demanda le Petit Prince,
« Dès que je vois des ailes qui poussent je les rogne, je les casse, je les coupe. »
« Vous aimez çà ? » dit le Petit Prince d’un air effrayé,
« Oh oui j’aime çà, je n’en décolle plus ! » répondit le rogneur d’ailes.
« Moi, dit le Petit Prince, j’aime l’horizon. J’aime marcher doucement vers une
fontaine. »
b) Les leçons à tirer face aux casseurs d’horizons.
Ainsi la pente la plus forte c’est celle qui nous amène à ne pas marcher vers
des fontaines, c’est celle de la résignation devant les rapports de forces alors
que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel contient plus de
possibles que l’on ne croit. Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du
réalisme, laisser la place à des sortes d’ experts de rétrécissements d’horizons, et
finalement de ne pas être à la hauteur des défis.
Un témoignage partagé toujours dans l’ouvrage cité plus haut : « Votre nom,
maitresse, chantera jusqu’au bout de mes jours. Le regard que vous avez su
porter sur moi m’a insufflé la confiance qui me manquait. Un regard qui savait
si bien dire : « Vas-y, tu peux ! Vas-y, tu vas y arriver ! ».Grâce à vous tout
devenait possible et ma révolte a trouvé son chemin : les livres et le
savoir.»(Maria)
Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la
résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets
qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. » Jean-Paul
Sartre écrivait de même: « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais
ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »
Résister personnellement et collectivement aux casseurs d’horizons c’est
construire en soi la confiance,
exercer sa capacité de proposition,
faire respirer son imagination,
découvrir le travail d’équipe,
former et des enseignants et des parents et des professionnels et des associatifs
et quantité d’autres personnes et groupes qui contribueront à donner, pour
reprendre ce titre magnifique d’une émission télévisée, «des racines et des ailes
».
Remarques terminales
1- Nous avons voulu souligner les contenus des violences à travers
-les grandes violences,
-les violences contre les personnes, les biens, la paix publique et
l’environnement,
-les autres violences à ne pas banaliser.
Ce tableau correspond à d’innombrables souffrances humaines et plus
globalement du vivant. Il est synonyme d’innombrables désespoirs,
d’innombrables détresses morales, physiques, matérielles…
Violences pardonnées ou dans l’entre-deux ou impardonnables, violences
oubliées ou dans l’entre-deux ou inoubliables, violences qui s’effacent ou
restent dans l’entre-deux ou disparaissent, violences qui ne s’effacent pas,
ne disparaissent pas.
Ce tableau correspond aussi, avant pendant ou après ces violences, à
d’innombrables courages, solidarités, fraternités, soulagements, forces,
espoirs et espérances…
2- Nous arrivons enfin à cette question centrale :
Pourquoi ces violences, pourquoi les violences ?
Autrement dit : quelles sont les analyses des causes des violences ? (VOIR
IV)
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