LES FINS ET LES MOYENS
Introduction générale aux quatre parties ( I, II, III, IV)
« La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence. »
Mahatma Gandhi
1-Les questions relatives aux moyens et aux fins ne sont-elles pas omniprésentes ?
Elles traversent l’ensemble des activités humaines au niveau personnel et collectif. On les
rencontre à travers les temps et les lieux. Elles font l’objet de l’ensemble des disciplines.
2-Mais alors comment se fait-il que cette question globale, en tant que telle, soit souvent
passée sous silence ?
Probablement parce qu’on n’en voit pas les enjeux, on la trouve trop compliquée, on n’a pas
le temps de la penser, on la ramène au « qui veut la fin veut les moyens », on croit qu’il
n’est pas souhaitable de l’évoquer au regard d’intérêts personnels et/ou collectifs qui
pourraient être mis en cause…
3- Que désigne le terme de « moyens » ?
Il s’agit des procédés et des actions permettant d’aller vers une fin ou de la réaliser.
Ces moyens, de plus en plus marqués de nos jours par de nombreuses
interdépendances, peuvent être soulignés de façon indicative : ainsi des moyens planifiés
dans le temps allant du très court terme au très long terme, des moyens organisés dans
l’espace allant du local à l’international en passant par le régional, le national, le continental,
des moyens déterminés dans les différents
domaines,économique,financier,commercial,juridique,institutionnel,scientifique,technologiqu
e,éducatif… Des moyens allant d’amont en aval à travers, par exemple, des actions allant de
la précaution, de la prévention jusqu’à la sanction, la réparation, des moyens relatifs aux
modes de production, de consommation, de transports …
Ces moyens sont déterminés et appliqués par différents acteurs : Etats, collectivités
territoriales, organisations internationales et régionales, administrations, tribunaux,
organisations non gouvernementales, firmes multinationales, autres entreprises, complexes de
la technoscience , mondes médiatiques,d’autres encore, sans oublier bien sûr les acteurs
humains .
Les acteurs puissants et dominants ont une large panoplie de moyens importants ou écrasants,
les faibles et les opprimés ont une panoplie de moyens faibles ou dérisoires mais peuvent
parfois peser en s’unissant.
Les critères personnels et collectifs pour choisir ces moyens sont le plus souventceux de
la facilité, on va vers le moyen le moins compliqué, et de l’efficacité, on va vers le moyen qui
aura le plus de chances d’atteindre telle fin ou de s’en rapprocher.
A cela peuvent s’ajouter d’autres critères parmi lesquels : les coûts humains, financiers,
matériels, écologiques , les effets dans le temps à court, moyen ou long terme, les effets
certains ou incertains, le processus de décision personnelle ou collective, pour choisir un
moyen, le mettre en oeuvre et en vérifier les résultats, la nécessité d’un savoir-faire faible,
moyen ou important, l’accompagnement par un faire-savoir a minima, intermédiaire ou a
maxima à travers des medias.
4- Que désigne le terme de « fins » ?
Ce terme est loin d’être évident.
On se rappelle cette citation de Camus « La fin justifie les moyens. Mais qu’est-ce qui
justifiera la fin ? ».La question se complique d’ailleurs, en effet s’y ajoute un « qui » est-ce
qui justifiera la fin ?
Le mot fin peut d’abord frapper par sa variété. On rencontre ici des expressions
philosophiques, idéologiques, politiques, des croyances religieuses, des données culturelles
nombreuses, proches, différentes ou opposées.
Les ramener à trois grandes visions a quelque chose de réducteur mais reflète une large part
de l’ensemble. Pour certains la personne est au centre de tout, pour d’autres la communauté et
les valeurs collectives sont prioritaires, pour d’autres encore les êtres humains sont une des
éléments du vivant.
Une des questions est de savoir si nous voulons rechercher une certaine synthèse respectant
l’essentiel de ces trois conceptions ? En ce sens peut-être s’agirait-il de la dignité
humaine ? Est-ce que ce ne serait pas au regard du respect de cette dignité que telle ou telle
fin pourrait être considérée comme acceptable par les uns et les autres ?
Une vie digne n’est ce pas ce bien commun qui se traduit par les trois générations des droits
de l’homme : les libertés (droits civils et politiques), les égalités (droits économiques, sociaux
et culturels), les solidarités (droit au développement, à l’environnement, à la paix) ?
Exprimé autrement : ne s’agit-il pas de la démocratie, de la justice(au sens de la lutte
contre les inégalités ), de la protection de l’environnement, de la paix ?
Toutes ces fins ne doivent-elles pas être au service des fins suprêmes qui s’appellent les
personnes, les peuples, l’humanité, le vivant (au sens de l’ensemble des espèces) ?
Humanité au sens bien sûr de générations présentes mais , aussi, passées puisque, par
exemple, existe le respect du patrimoine mondial à la création duquel elles ont participé et au
sens de générations futures puisque, par exemple, elles ont droit à une non-discrimination
environnementale.
Ces fins et ces moyens ne sont pas hors sol, ils se situent , depuis fort longtemps et plus que
jamais aujourd’hui, dans le système productiviste mondial.
5-Un rappel de ce qu’est le productivisme.
Le productivisme est un système qui est né à la fin du Moyen-Âge (XVème), s’est
développé à travers la révolution industrielle du milieu du XVIIIème en Angleterre et du
début du XIXème siècle en France, est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au
XXème et dans les deux premières décennies du XXIème siècle.(sur le productivisme on
peut voir nos articles sur ce blog).
Les priorités du système productiviste sont au nombre d’au moins douze : la recherche du
profit , l’efficacité économique, le culte de la croissance, la course aux quantités, la conquête
ou la défense des parts de marchés, la domination sur la nature, la marchandisation du
monde, la militarisation du monde, la priorité du court terme, l’accélération du système
mondial, l’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s, enfin, douzième logique, la
compétition qui alimente les onze logiques précédentes et est alimentée par elles.
Malgré les doutes et les incertitudes, le discours du productivisme continue : le marché est
naturel, l’argent commande et peut tout acheter ou presque, la compétition est impérative, la
croissance est sacrée, le libre-échange doit l’emporter sur tout, en particulier sur
l’environnement, la santé, le travail, la culture, enfin la techno-science toute-puissante est
toujours porteuse de progrès ( Lequel ? Pour qui ?)…
6-Pourquoi analyser les fins et les moyens au regard du productivisme ?
Dans le mesure où ces priorités et ce discours ne réalisent pas le bien commun par rapport à
la démocratie, la justice, l‘environnement et la paix, le productivisme ne doit-il pas être mis
en accusation dans ses fins et dans ses moyens ?
Dès lors s’interroger sur les rapports entre les moyens et les fins n’est-ce pas contribuer à
délégitimer ce système humanicide et terricide dans lequel les acteurs humains se sont et sont
embarqués ? ( I )
Mais n’étaient-ce pas aussi les fins, elles-mêmes , et les moyens , eux-mêmes, de ce
système qu’il faut contribuer à passer au crible de la critique ? ( II )
Nous pourrons ensuite mettre en avant des remises en cause de ces rapports entre les
moyens et les fins dans un autre système qui se voudrait viable (III )
Et si l’on pense qu’un autre système devrait avoir pour fins les êtres humains et l’ensemble
du vivant nous pourrons nous demander quels moyens penser et mettre en oeuvre pour
contribuer à construire un autre système viable. (IV)
LES MOYENS ET LES FINS ( I )
Des rapports souvent confus, dramatiques et menaçants
dans le système productiviste
Un double phénomène est apparu et s’est aggravé : une transformation de moyens en
fins (A) et une utilisation de fins en moyens (B). On constate aussi que le productivisme est
souvent dans l’incohérence entre des fins acceptables qu’il affirme viser et des moyens qui
leur sont contraires, c’est le fameux adage « Qui veut la fin veut les moyens. » (C).
A- La transformation de moyens en fins dans le système productiviste
Trois moyens gigantesques, qui dominent le système et rassemblent l’ensemble des autres
moyens, se sont transformés, à travers le temps, en fins suprêmes, il s’agit de la
technoscience, du marché mondial et des marchés financiers.(1)
Ils dominent aujourd’hui les êtres humains et le vivant. (2)
1- Les évolutions des trois moyens les plus gigantesques.
a- La technoscience c’est l’ensemble des sciences et des techniques à tous les niveaux
géographiques. La mondialisation techno scientifique est fondée sur un développement
continuel des recherches et des technologies, elle se manifeste surtout par les réseaux
scientifiques, des plus petits aux plus grands, et par la publicité des technologies toujours à
renouveler.
La technoscience est source de découvertes, elle mobilise pour le meilleur mais aussi pour le
pire, certains choix et certaines dérives ne sont pas sans risques graves et sans drames.
Jean Rostand, devant des rescapés d’Hiroshima en juin 1964, affirmait : «Nous savions qu’en
accroissant ses pouvoirs la science dispensait tout ensemble les moyens de détruire et ceux de
construire, les moyens de tuer et ceux de guérir. Mais par le drame d’Hiroshima la science se
trouve plus directement impliquée dans le mal qu’elle ne l’avait jamais été au long de son
histoire.
Jusqu’à nouvel ordre et tant que nous n’aurons pas su établir une véritable paix, la science, le
progrès, la civilisation technique restent en accusation. Il dépendra de nous qu’ils soient ou
non disculpés, que nous les puissions absoudre ou que nous ayons à les maudire.» ( Jean
Roxtand,« Quelques discours », Club Humaniste,1970)
b- Le marché a traversé quatre stades : le marché des marchands (XVème et XVIème
siècles) qui est aux origines du colonialisme, le marché des manufactures (XVIIème siècle
jusque vers 1860) qui se manifeste par le passage de l’atelier à la fabrique industrielle, le
marché des monopoles (1850-1914) qui fait apparaître des entreprises plus importantes
absorbant de plus petites à la suite des concurrences, des crises, des guerres. Enfin le marché
mondial contemporain (1914 à nos jours) qui repose entre autres sur les entreprises
industrielles et commerciales mondialisés.(sur la mondialisation on peut voir nos articles sur
ce blog).
Le marché est sources d’échanges, de besoins satisfaits mais aussi de désillusions,
d’inégalités, de misères, d’atteintes environnementales et sanitaires, de gaspillages.
c- Les marchés financiers représentent l’acteur le plus récent des trois .
Du point de vue du système financier international il y a l’avant et l’après 15 août 1971, jour
où les Etats-Unis décident de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La Conférence de
Bretton Woods (juillet 1944) et les statuts du FMI (adoptés en juillet 1944 et entrés en
vigueur en décembre 1945) avaient mis en place un système basé sur des parités fixes, les
monnaies avaient une valeur d’échange fixe en dollars ou en or, le dollar était convertible en
or, la base était de 35 dollars pour une once d’or (28,3 grammes).
Mais le déficit budgétaire des Etats-Unis prenant de l’ampleur, cet Etat ne voulait pas que ses
stocks d’or s’effondrent, les autorités des Etats-Unis pensaient qu’ils ne pouvaient donc plus
garantir la convertibilité du dollar en or.
Ainsi à partir d’août 1971 le dollar peut flotter, les spéculations sur les monnaies se
multiplient, le système bancaire devient plus puissant, les marchés boursiers sont plus
importants, les opérateurs internationaux ont des logiques spécifiques de fructification des
patrimoines financiers.
Les marchés financiers sont synonymes d’investissements nombreux mais surtout sont
synonymes de mécanismes spéculatifs.
Ces marchés financiers ont pris peu à peu la place des conducteurs c’est-à-dire des Etats et
des entreprises.
2- La domination de ces trois moyens sur les fins
Beaucoup de personnes pensaient que la technoscience, le marché mondial, les marchés
financiers devaient être au service des êtres humains. Ce fut en partie le cas.
Mais on peut constater que, surtout depuis 1945 et encore plus depuis les années 1960, à
travers une mondialisation compétitive et irresponsable, de plus en plus loin de ce qui aurait
dû être une autre mondialisation solidaire et responsable, ces trois moyens, pour une large
part, sont considérés et devenus des fins en eux-mêmes.
a- La technoscience s’impose comme prétendant apporter des solutions à tout et le progrès
en tout. Il existe peu à peu une croyance très forte dans le pouvoir libérateur de la science et
de la technique.
Pourtant apparaissent aussi inquiétudes, critiques, condamnations , il y a des recherches et des
productions néfastes pour les êtres humains, ainsi par exemple celles sur les armes de
destruction massive, et des techniques qui, au lieu de contribuer à libérer l’homme,
contribuent à l’aliéner.
Ajoutons à cela que la thèse de l’autonomie de la technique, analysée entre autres par Jacques
Ellul, montre que celle-ci a ses propres logiques liées aux découvertes et aux techniques
antérieures et non à une finalité déterminée, celle par exemple de besoins vitaux des acteurs
humains.
b- Le marché mondial, tel le destin , distribue aux humains bonheurs et malheurs, liés par
exemple à l’emploi. Quant à l’argent il peut tout convertir ou presque, quant à la marchandise
elle exerce une forme de « dictature » qui peut nous rendre moins disponibles aux autres.
Eduardo Galeano écrit : « Etre c’est avoir » dit le système. Et le piège consiste en ce que celui
qui a le plus désire le plus et que, tous comptes faits, les personnes finissent par appartenir
aux choses et travailler à leurs ordres. »
c- Les marchés financiers ont plus de la moitié de leurs opérations réalisées par des
automates, ces marchés n’aiment ni la démocratie ni l’incertitude. L’informatique et les
mathématiques dominent les transactions financières, la seconde n’est pas assez rapide, la
nanoseconde est aux commandes.
Ainsi comme on s’en remet à des médecins ou des experts on s’en remet à la technoscience,
au marché mondial, aux marchés financiers.
On va même jusqu’à les considérer comme des sortes de divinités.
Sainte technoscience conduis- nous, nous te faisons confiance,
saint marché surprends-nous, nous sommes à ton écoute,
saints marchés financiers votre immédiateté n’a d’égale que votre immatérialité, votre
permanence n’a d’égale que votre universalité, c’est à vous qu’appartiennent le règne, la
puissance et la gloire.
B-L’utilisation de fins en moyens dans le système productiviste
Quel est le processus général? (1)
Quelles sont les formes de cette utilisation ? (2)
1- Le processus général de cette absence de respect des fins
Les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, ainsi que
l’ensemble des êtres vivants, ne tendent-ils pas à être plus ou moins ramenés à l’état
d’instruments, au rang de simples moyens au service de la technoscience, du marché
mondial, des marchés financiers ?.
2-Les formes du processus général de cette absence de respect des fins
Plus ou moins selon les lieux, les activités, les moments, les acteurs, les rapports de
forces, ne sommes-nous pas technicisés, marchandisés, monétarisés ?
a- La liste indicative des manifestations de ces confusions est impressionnante : personnes,
peuples, générations plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme
producteurs, dépossédés comme citoyens, marchandisés comme êtres vivants, pressurisés
comme contribuables, fichés comme militants, contrôlés ou expulsés comme étrangers…
Dans cette compétition tous azimuts voilà une jungle de dominants et de dominés,
d’agresseurs et d’agressés, de discriminés sous de multiples formes. Nous voilà souvent
contre les autres, au dessus d’eux ou sans eux, « il faut tuer ou être tué », renvoyés à des
solitudes dans la société de communication.
Nous voilà témoins, victimes ou acteurs d’un ou plusieurs phénomènes qui s’appellent
instrumentalisation des rapports humains, colonisation de vécus intérieurs, robotisation de
comportements, standardisation des conduites, anonymats à travers bureaucraties et
mégapoles, dégradations de la qualité de vie, exclusions de la protection sociale.
On le sait le respect des êtres humains est piétiné sous de multiples formes, le cortège de la
souffrance humaine est immense, c’est bien sûr celui des affamés, des réfugiés, des victimes
des guerres, des génocides, de la misère, de la débâcle écologique, c’est aussi celui des
déportés, des disparus, des exécutés, des torturés…
Le productivisme n’en a pas eu historiquement le monopole mais il y a puissamment
contribué. Il y ajoute, maintenant et demain, ses victimes environnementales et ses foules de
déplacés environnementaux fuyant des mégapoles devenues invivables ou des littoraux
envahis par la montée des océans.
b- Mais une grande partie des mondes médiatiques nous promet que les lendemains
radieux arrivent.
Un nouveau destin nous jette
dans les bras d’une technoscience qui mettra la Terre à l’ombre par la géo ingénierie-miracle
ou qui nous rapprochera de l’immortalité,
dans les bras du marché qui nous libèrera de toutes les aliénations,
tout cela sous la direction des marchés financiers qui ressentent tout ou presque et
s’autorégulent pour le meilleur d’eux-mêmes.
C- L’emploi de moyens inacceptables pour des fins acceptables
Le voici donc l’adage « La fin justifie les moyens. » (1) Sa pratique peut-être problématique,
menaçante ou dramatique. (2)
1- On affirme, on répète, on proclame, à travers les temps et les lieux, que « la fin justifie
les moyens ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Cette formule, souvent attribuée à Machiavel, signifie qu’une personne ou une collectivité est
prête à tout, même à faire usage de moyens discutables, condamnables ou inacceptables pour
atteindre un but.
La seule évocation du but doit faire taire toute objection liée à un moyen que l’on hésiterait à
employer.
On sera même conduit à agir contre sa conscience et plus on est intégré dans une structure
plus on peut être amené à appliquer des ordres que l’on juge « en son âme et conscience »
moralement indéfendable. L’obéissance peut être ainsi une grande pourvoyeuse de
violence.(voir sur ce blog notre article sur les analyses des causes de la violence).
2- Nombre de moyens ont été et sont contraires aux fins proclamées.
Les exemples sont innombrables, nous en soulignerons quelques-uns particulièrement
massifs relatifs à la démocratie, la justice, l’environnement, la paix..
On laisse tous les moyens à un parti unique, contraire de la démocratie, et donné libre cours
à des présents massacreurs pour des lendemains radieux, cela au nom de la
démocratie. (articles sur ce blog)
On protège les plus riches en affirmant que leur fortunes ruisselleront vers les plus pauvres,
on donne en fait libre cours à l’aggravation des inégalités, cela au nom de la
justice. (articles sur ce blog)
On développe ou on laisse subsister un moyen, le nucléaire, loin des émissions de gaz à effet
de serre mais porteur de drames passés et à venir et de gouffres financiers, cela au nom de la
protection de l’environnement plus précisément contre les émissions de gaz à effet de serre.
(articles sur ce blog)
On maintient des programmes d’armements et on vend des armes, accroissant l’insécurité
générale, engloutissant des sommes gigantesques qui ne vont pas vers des besoins
criants, cela au nom de la paix. (articles sur ce blog)
La fabrication, la désignation, l’élimination du bouc émissaire est d’ailleurs un des exemples
les plus terrifiants de ce mécanisme celui du tous contre un. Jean Rostand dénonçait à sa façon
cette fin qui justifie les moyens : « Eternel refrain de l’humanité, encore un massacre et tout
ira mieux demain. »(voir sur ce blog notre article sur les analyses des causes de la violence.)
Remarques terminales
Ainsi les rapports entre les moyens et les fins dans le système productiviste font l’objet le
plus souvent de confusions.
Ces confusions se manifestent sous trois formes : une transformation de moyens en fins,
une utilisation de fins en moyens, un emploi de moyens contraires aux fins proclamées.
Ces confusions s’aggravent et sont porteuses de problèmes, de menaces et de drames.
Mais qu’en est-il des fins et des moyens eux-mêmes dans ce système productiviste ? On
imagine que leurs rapports confus ne seront pas sans effets sur ces contenus.
LES FINS ET LES MOYENS ( II )
Des contenus de moyens et de fins le plus souvent inacceptables
dans le système productiviste
Nous examinerons les moyens et les fins du productivisme qui ont peut-être leurs cohérences
mais sont le plus souvent inacceptables. (A)
Nous soulignerons ensuite leurs effets pour montrer l’impérieuse nécessité de condamner ce
système qui assassine l’humanité et la planète. (B)
A-Des moyens inacceptables pour des fins inacceptables
On peut être sous le choc les logiques profondes du productivisme, elles sont puissantes et
nombreuses. Elles se confondent avec ses fins et ses moyens. (1)
Une logique est omniprésente, c’est l’obsession de ce système : la compétition. (2)
1- Les logiques du productivisme, ses fins et ses moyens
Chaque logique de ce système correspond a une finalité productiviste qui implique un
ensemble de moyens pour la mettre en oeuvre.
La recherche du profit est synonyme de fructification des patrimoines financiers avec des
opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.
L’efficacité économique est synonyme du moment où, cessant d’être au service de la
satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.
Le culte de la croissance est synonyme du « toujours plus », de course aux quantités, de
mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, environnementaux,
sociaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une
techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains.
La course aux quantités est synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de
surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas
satisfaits pour la grande majorité des habitants de notre planète.
La conquête ou la défense des parts de marchés est synonyme d’un libre-échange toutpuissant
qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des
guerres des prix, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de
marchés.
La domination sur la nature fait de celle-ci un objet au service des êtres humains, ses
ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables, de toutes façons
certains pensent que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une
artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de
« mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
La marchandisation du monde est synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de
l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités
transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du
marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement
qui sont entrés dans le marché (eaux, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est
plus ou moins à vendre ou à acheter.
La militarisation du monde est synonyme de recherches scientifiques à des fins militaires en
particulier sur les armes de destruction massive, synonymes d’industries d’armements, de
camps militaires et de grandes manoeuvres, de régimes militaires ou de poids de l’armée dans
des régimes politiques, synonymes de territoires et d’êtres humains victimes des guerres,
synonyme de besoins vitaux non satisfaits et de participation à des inégalités criantes.
La priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au détriment
d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés
humainement viables, soit ne sont pas mises en oeuvre et disparaissent dans les urgences
fautes de moyens et de volontés.
L’accélération n’est pas spécifique au productivisme mais elle y est omniprésente à travers,
par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux,
des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de
multiples effets sur les sociétés et les personnes.
L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à
apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une
expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des
firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La
compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La
vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou
rejette des organismes et des individus plus lents ?
2- La compétition, fin et moyen puissamment mortifère
Cette douzième logique alimente les dix précédentes et elle est alimentée par ces logiques.
Par dessus tout une obsession accompagne le productivisme, elle occupe de façon
permanente le coeur du coeur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition
c’est la vie.
a- Etre ou ne pas être compétitif nous dit le productivisme
Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à
l’existence est fonction de notre rentabilité ( !! )
« Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays,
région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les perdants, vous êtes morts.
« Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences
systématiques de la machine économique. » écrivait magnifiquement André Gorz.
De façon plus globale le Club de Lisbonne, animé par Riccardo Petrella, dans « Les limites à
la compétitivité. Vers un nouveau contrat mondial », (Edition Boréal,1995) », dénonce «
l’évangile de la compétitivité ». « La bonne nouvelle » n’existe que pour les gagnants, la
machine à gagner devient de plus en plus une machine à exclure, elle est donc productrice de
violences. « La logique de la compétitivité est élevée au rang d’impératif naturel de la
société » écrit aussi Riccardo Petrella.
La compétition est un discours-vérité qui a de très nombreux fidèles, ils sont envahis par cette
obsession. On est entré dans le grand marché, il faut donc libéraliser, dérèglementer,
privatiser, peu importe le sens du « vivre ensemble » et celui du « bien commun ». (Voir le
Monde diplomatique, L’évangile de la compétitivité, Riccardo Petrella, septembre 1991)
La compétition est considérée comme sacrée, on pense qu’elle nous protège, il n’y a plus
d’autres critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité. Sainte
compétition protégez-nous !
Pauvres fous d’un système devenu fou : dévoreurs qui dévorez pensez en dévorant que vous
serez dévorés comme nous avons été dévorés…
Dans cette compétition effrénée il est vrai qu’une victime de la faim ou de l’absence d’eau
potable n’est pas tout à fait ( !! ) dans la même situation qu’une « victime » débarquée en
parachute doré.
John Galbraith, économiste américain, dans « Le nouvel Etat industriel »(1967), montrait en
particulier que beaucoup de guerres ont été et sont liées au contrôle des matières premières,
ainsi par exemple le pétrole. Ces guerres sont « des formes extrêmes de la concurrence
industrielle ». Cet auteur dénonce la production de guerre comme étant « un gaspillage
nécessaire qui permet la justification des dépenses d’armements et la poursuite de la course au
profit ».
La compétition peut être un des ressorts du nationalisme lequel en appelle à la domination sur
d’autres pays voire à la haine d’autres peuples.
b- La compétition est-elle naturelle ou est-elle liée à une histoire?
Finalement on retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de loin les plus
nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui pensent que la compétition est
naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire. C’est ce que leur demande le système
productiviste.
…et ceux et celles (pour l’instant moins nombreux, mais quelque chose de minoritaire n’est
pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui pensent que la compétition est un
produit de l’histoire, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que le
productivisme pousse à une compétition omniprésente, omnipotente, omnisciente , que
les solidarités, les coopérations, les fronts communs, les biens communs, les « vivre
ensemble » peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui s’appellent la débâcle
écologique, les armes de destruction massive, les inégalités criantes, la toute-puissance de la
techno science et des marchés financiers.
B- Le productivisme et ses cohérences souvent destructrices.
1- Des cohérences souvent infernales entre fins et moyens
Ainsi de différentes façons, à des degrés très variables on constate que
Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se
réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Voilà
des moyens autoritaires pour des fins autoritaires
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et en crée
de nouvelles, il est pour une large part injuste. Voilà des moyens injustes pour des fins
injustes,
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il
est pour une large part violent. Voilà des moyens violents pour des fins violentes,
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de
la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Voilà des moyens
anti écologiques pour des fins anti écologiques.
2- Le système productiviste nous dépasse et avance dans l’autodestruction
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la
fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression
profonde selon laquelle les marges de manoeuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des
politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à
mettre en oeuvre.
D’autre part ce système à des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à
la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur
de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une
compétition rapide et effrénée.
3- Ne s’agit-il pas d’un système condamnable et condamné pour la plus large part de ses
moyens et de ses fins ?
Ce système productiviste n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en
2016 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger (guerres,
maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 ont
pris une large partie de la place des conducteurs (Etats, entreprises…) ?
Ce système productiviste n’est-il pas condamné du seul fait, par exemple, que près de 5
milliards de dollars partent chaque jour en 2018 vers les dépenses militaires mondiales (1800
milliards de dollars par an, 57000 dollars chaque seconde), et du seul fait, par exemple, que
des activités humaines entrainent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du
vivant, vers 2100 +3°C à+ 6°C, voire plus, et autour de 1 à 2 mètres, voire beaucoup plus
, d’élévation du niveau des mers ?
Concevoir et mettre en oeuvre un système qui se voudrait viable n’est-ce pas d’une part
résister face aux confusions entre les moyens et les fins et d’autre part construire des
moyens et des fins viables ?
LES FINS ET LES MOYENS ( III)
Pour de nouveaux rapports entre les moyens et les fins
dans un autre système viable
Nous examinerons les fondements de nouveaux rapports entre les fins et les moyens dans un
autre système se voulant viable.
Il s’agit de partir du principe selon lequel aucun moyen n’est neutre (A)
puis de penser la remise des moyens à leur place, la technoscience (B) , le marché
mondial (C), les marchés financiers (D)
enfin il s’agit de respecter les fins, c’est-à-dire les droits de l’homme et ceux des
peuples (E) sans oublier ceux aussi de l’humanité (F).
A- Aucun moyen n’est neutre par rapport aux fins
1- Cette question des rapports entre les moyens et les fins a été pensée bien sûr en
particulier par des philosophes. Nous n’en citerons ici que deux, Kant et Jonas.
Ainsi Emmanuel Kant dans ce passage célèbre :
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la
personne de tout autre,
(Fondation de la métaphysique des moeurs(1785) traduction par A. Renault, Flammarion,
1994, p.108).
Plus proche de nous dans le temps Hans Jonas dans ce passage connu:
« Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une
vie authentiquement humaine sur terre. » (Le principe responsabilité, une éthique pour la
civilisation technologique, Cerf, 1979, p30).
Ainsi la dignité humaine chez le premier, la responsabilité chez le second sont au coeur de
leurs philosophies.
Mais la philosophie n’est pas la seule à interroger ces rapports. De façon globale les activités
humaines, dans les théories comme dans les pratiques, ont été et sont présentes au coeur de
cette question, comment ?
2-On peut ainsi penser que la légitimité d’une cause n’implique pas la légitimité de tous
les moyens pour la faire triompher.
S’il était oh combien légitime de lutter contre le totalitarisme nazi, certains, dont nous
sommes, penseront qu’il n’était pas légitime d’envoyer les bombes atomiques sur Hiroshima
et Nagasaki (avec d’ailleurs pour objectif de montrer sa puissance face à l’Union soviétique).
C’est d’ailleurs ce qui condamne le terrorisme que ce soit celui de réseau ou celui d’Etat. Le
terrorisme peut mettre en avant une cause illégitime, par exemple la disparition d’une race, ou
une cause légitime, par exemple la lutte contre une occupation armée étrangère, les moyens de
terreur employés contre les personnes peuvent être considérés à juste titre comme
illégitimes.
3- Cette série de théories et de pratiques selon laquelle la fin ne justifie pas tous les
moyens est, pour l’instant , minoritaire dans le monde mais depuis une trentaine
d’années (1989,révolutions à l’Est) prend de plus en plus une certaine ampleur.
Elle consiste à affirmer qu’aucun moyen n’est neutre et en lui-même et par rapport à la
société qui va en sortir.
La force qu’elle représente se retrouve par exemple à travers des révolutions non-violentes
fondées sur des résistances actives, des désobéissances massives. Deux des exemples les plus
connus sont ceux, contre l’empire britannique, de l’indépendance de l’Inde et, contre le
régime soviétique, des révolutions à l’Est.
C’est certainement sous l’influence des problèmes, des menaces et des drames
environnementaux que l’on a été amené à protester contre de nombreux moyens, en
particulier énergétiques, et qu’on en propose de nouveaux qui se veulent respectueux de la
nature. On a alors conscience de ces liens entre les fins et les moyens et on va souvent
utiliser des résistances et des désobéissances qui, elles aussi ,ne seront pas neutres. Les
manifestations de jeunes face à la faiblesse ou l’irresponsabilité de politiques étatiques
contre le réchauffement climatique s’inscrit dans ce cadre des résistantes non-violentes.
4-On peut donc penser qu’aucun moyen n’est neutre par rapport aux objectifs
proclamés.
Gandhi, dans l’ouvrage posthume réunissant ses écrits « Tous les hommes sont frères »
(première parution en 1969, puis folio essais , Gallimard,1990, p.147) affirme de façon
radicale et lumineuse :
« On entend dire « les moyens, après tout, ne sont que des moyens ». Moi je vous dirai
plutôt : « tout, en définitive, est dans les moyens. La fin vaut ce que valent les moyens. Il
n’existe aucune cloison entre les deux catégories » (…) Votre grande erreur est de croire
qu’il n’y a aucun rapport entre la fin et les moyens (…) Les moyens sont comme le grain
et la fin comme l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens
qu’entre l’arbre et la semence. Ceux qui, au contraire, s’abaissent à employer n’importe
quel moyen pour arracher une victoire ou qui se permettent d’exploiter d’autres peuples
ou d’autres personnes plus faibles, ceux-là non seulement se dégradent eux-mêmes, mais
aussi toute l’humanité. Qui pourrait donc se réjouir de voir l’homme ainsi bafoué ? »
5-Un témoignage personnel de l’auteur de ce blog.
Lorsqu’en septembre 1972, alors que je commençais à enseigner les relations internationales
et le droit international public, je me suis aussi plongé dans des lectures tiers-mondistes et
non-violentes. C’est alors que j’ai découvert cette pensée de Gandhi : « Les fins sont dans les
moyens comme l’arbre est dans la semence ».
Je crois que c’est elle qui a contribué à bouleverser ma vie, en quelques années tout s’est
enchainé : luttes pour la démocratie (contre la dictature au Chili ), pour la justice (contre la
misère dans un voyage associatif au Bangladesh), pour le désarmement (contre les ventes
d’armes au salon du Bourget), pour l’environnement ( contre le réacteur nucléaire de
Malville). Dans mes cours, interventions et écrits je n’ai cessé de partager cette question, celle
des rapports entre les moyens et les fins.
6-La complexité de certains rapports entre les moyens et les fins
Il y a deux types d’abus possibles, les uns sur les moyens, les autres sur les fins. Il y a ensuite
une situation évoquée par exemple par un non-violent célèbre. Sans oublier la complexité des
marges de manoeuvres des acteurs et celle des choix liés au temps.
a-Un moyen ou une fin que l’on pensait acceptable se révèle inacceptable
.Au niveau des moyens : par exemple un embargo l’on pensait juste finit par porter atteinte
aux droits des plus faibles. Par exemple une loi de protection de l’environnement peut être
injuste en portant atteinte aux plus démunis. D’ou par exemple la nécessité souvent
soulignée de conjuguer écologie et justice.
Au niveau d’une fin : par exemple une organisation qui était censée protéger des enfants peut
avoir demandé une aide qui , en fait, participe à un trafic d’enfants.
b-Des moyens acceptables pour des fins inacceptables…
Martin Luther King écrivait dans « Révolution non-violente », (éditions Payot, 1965) « Ces
dernières années j’ai constamment insisté sur le fait que les moyens que nous utilisons doivent
être aussi purs que les buts que nous voulons atteindre. J’ai tenté de démontrer qu’il ne fallait
pas utiliser des moyens immoraux pour atteindre des buts moraux. Mais aujourd’hui j’affirme
qu’il serait encore plus faux d’utiliser des moyens moraux pour atteindre un but immoral.
Vous voulez l’ordre dans la rue, vous êtes contre les manifestations non-violentes que nous
organisons , tout cela pour « la paix publique » dites-vous mais celle-ci n’est pas morale.» Ce
qui est immorale c’est une violence structurelle selon laquelle les noirs n’ont pas les mêmes
droits que les blancs.
c-Complexité aussi des marges de manoeuvres des différents acteurs
Le productivisme a les moyens de réduire les marges de manoeuvres d’acteurs qui en
appellent aux résistances actives..
Parmi ces moyens citons des répressions sur des ONG et des militants. Par rapport à des Etats
qui en appellent aux luttes contre des injustices internationales existent également au moins
trois moyens de réduire leurs marges de manoeuvres : d’une part des augmentations bilatérales
ou internationales de taxes douanières, d’autre part une réduction de l’aide internationale ou
bilatérale, enfin l’augmentation de la charge de la dette qui est une forme de mise sous tutelle
des économies.
d-Complexité des choix liés au temps
Moins on tient compte du long terme plus on peut se retrouver dans des situations d’urgence
avec des choix plus limités. Plus on attend pour résister plus c’est difficile de le faire. Des
chemins de bonnes intentions sont parfois pavés de renoncements successifs.
Remettre à leur place les moyens, respecter les fins ; telles sont les deux séries de remises en
cause vitales, cela signifie une techno-science et un marché au service des êtres humains et
non le contraire.
B- La remise à sa place de la techno science
1- Comme on s’en remet au marché on s’en remet souvent aussi à la techno-science. Les
recherches et les technologies aux différents niveaux géographiques, à travers des
phénomènes de concentrations et de groupes dominants (firmes multinationales,
laboratoires) ont tendance à s’auto reproduire parfois, voire souvent, indépendamment
des véritables besoins des êtres humains.
2- La techno-science ne tend-t-elle pas à échapper de plus en plus aux acteurs
humains ? Après les phases de mécanisation, de motorisation, d’automatisation est venue
celle de la cybernétisation c’est-à-dire de mécanismes de régulation des machines et des êtres
vivants. La cybernétisation des technologies avancées n’amène-t-elle pas à enlever des
possibilités d’appréciation et de décision à ceux qui sont censés les contrôler ?
Dès lors une question vitale est la suivante : les acteurs humains doivent-ils, veulent-ils,
peuvent-ils mettre en oeuvre un véritable contrôle de la techno-science à tous les niveaux
géographiques ?
3- Nous citerons au moins six séries de contrôles urgents, cruciaux, décisifs :
la recherche scientifique militaire sur les armes de destruction massive, les graves problèmes
drames et menaces posés par les déchets radioactifs et donc par l’énergie nucléaire, les
pollutions de l’air causées entre autres par des moyens de transports écologiquement non
viables, la marchandisation de la faune et de la flore(voir articles sur ce blog) , l’exclusion du
travail par la technique (une des grandes causes du chômage), et déjà le déploiement ici ou
là, hors encadrement juridique rigoureux ,de manipulations du génome, des
nanotechnologies et de certains projets de géo-ingénierie…Nous pourrions prolonger la liste.
La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers drames
exigent une techno-science ramenée au rang de moyen au service des êtres humains.
4-Il y a ainsi au moins deux grands axes pour mettre en oeuvre un contrôle de la technoscience
ou, de façon plus radicale, pour la remettre à sa place.
Le premier axe se situe en termes de priorités c’est-à-dire que les efforts de recherches et de
nouvelles technologies doivent être orientés en fonction des priorités liées à l’intérêt
commun de l’humanité, les activités de la techno-science doivent s’inscrire dans des contrats
à tous les niveaux géographiques, contrats mettant en avant ces priorités et décidés par des
processus démocratiques.
Le second axe se situe en termes d’interdictions : la sacro-sainte liberté de la recherche
scientifique doit être remise en cause quand elle menace la dignité des personnes ou l’intérêt
commun de l’humanité.
5- La remise à sa place du transhumanisme
Jusque vers 1950 le transhumanisme était de la science-fiction sous forme de livres et de
films. Depuis presque 70 ans c’est une puissante réalité en marche à travers des moyens et
des théories qui posent de multiples questions et demandent des réponses globales et précises.
a- 1er élément : le transhumanisme est d’abord un ensemble gigantesque de moyens
scientifiques et techniques ayant pour fonction l’amélioration illimitée des facultés
humaines.
Cet ensemble se développe sous quatre formes.1ère forme : celle des transformations d’un
corps plus performant (courir plus vite, avoir plus de force, augmenter sa mémoire, restaurer
certaines fonctions chez des malades et des handicapés, augmenter l’espérance de vie, se faire
conserver dans le froid(la cryonie) pour réapparaitre plus tard…),2èmeforme : celle des
transformations psychiques et émotionnelles (ainsi des nanorobots dans le cerveau peuvent
stimuler diverses zones, par exemple créer, pourquoi pas, une sorte de félicité
perpétuelle),3ème forme : celle de la vie avec les robots (par exemple devenus compagnons
domestiques, assistants médicaux, partenaires sexuels),4èmeforme : celle de la robotisation
de l’humain (on crée des êtres hybrides, autrement dit des hommes-machines composés
d’organes et de gènes biologiques et non biologiques synthétiques, des cyborgs, organismes
cybernétiques de commande et d’information issus de la rencontre de multiples disciplines, et
demain peut venir aussi un téléchargement de l’esprit dans un substrat non biologique).
Ces moyens se déploient à travers ce qui est appelée « la grande convergence » dequatre
domaines dits NBIC ,les nanotechnologies avec des puces intégrées, les biotechnologies
avec des clonages, des interventions sur l’embryon, des modifications d’ADN, les
technologies de l’information et les sciences cognitives avec l’intelligence artificielle capable
de simuler l’intelligence humaine. Il y a ainsi des interconnexions entre l’infiniment petit, la
fabrication du vivant, les machines pensantes et l’étude du cerveau humain. Les
nanotechnologies manipulent les atomes, les biotechnologies s’appliquent aux gènes,
l’informatique s’appuie sur la quantité d’information transmise par un message et les sciences
cognitives s’exercent à partir des neurones biologiques. Aux intersections se trouvent ainsi la
nano-bio-médecine, la nano-bio-informatique…
b- 2nd élément : le transhumanisme c’est aussi un ensemble de théories.
L’humanisme, en se fondant sur des textes antiques, s’était épanoui au XVIème siècle sous
la forme d’un mouvement philosophique, culturel et artistique qui mettait en avant la
primauté de l’homme et des valeurs humaines.
Au XVIIIème le siècle des Lumières avait valorisé l’action de l’être humain, sa capacité à
connaitre, à agir sur lui et sur le monde.
Mais à la fin du XIXème et au début du XXème des théories antihumanistesapparaissent ,ce
sont celles du darwinisme social qui affirme que la lutte pour la vie correspond à l’état naturel
des sociétés et celles de l’eugénisme pour lequel la perfectibilité est réduite à un projet
biologique et médical qui a pour but de sélectionner les plus forts et d’éliminer les plus
faibles, suivront en ce domaine les pratiques épouvantables des nazis.
Aldous Huxley en 1932 , dans le roman génial d’anticipation « Le meilleur des
mondes », dénonçait radicalement la manipulation de l’homme par l’homme. A l’opposé en
1941 son frère, Julian Huxley, biologiste, dans son ouvrage « L’homme cet être unique », se
déclarait partisan de l’eugénisme comme moyen d’amélioration de la population humaine.
Après la Seconde guerre mondiale la techno science se développe à une allure vertigineuse
et en 1957 dans un texte fondateur, « Nouvelles bouteilles pour un nouveau vin », ce
biologiste propose le mot transhumanisme qui signifie selon lui que « l’homme reste l’homme
mais se transcende par la réalisation de nouvelles possibilités de et pour sa nature. », ce
transhumanisme a pour « devoir cosmique » la « promotion du bien-être des générations à
venir pour l’avancement de notre espèce .»
A partir des années 1980-90 des philosophes, des ingénieurs liés parfois aux armées, et aussi
des start-ups, des firmes multinationales, en particulier en Californie dans la Silicon Valley,
deviennent transhumanistes. Google soutient ce mouvement et par exemple crée en 2013 une
société de biotechnologies, Calico, dont le projet est de « Tuer la mort ».
Les transhumanistes pensent que nous sommes limités par la souffrance, la maladie, le
handicap, le vieillissement, la mort , mais que la techno science peut tout changer, elle peut
repousser, de façon illimitée, ces « insuffisances» . « La grande convergence» aboutira à « la
singularité technologique » c’est-à-dire à une entité supérieure à l’homo sapiens, qui sera
omnisciente, omnipotente, omniprésente et, comme des dieux, ces hommes-machines
pourront atteindre le ciel, au sens propre d’ailleurs puisque certains pensent que des
intelligences artificielles peupleront des galaxies en se déplaçant à la vitesse de la lumière…
c- 3ème élément : existent au moins deux séries de questions posées par le
transhumanisme , les unes relatives à son contexte, les autres à son contenu. Nous ne ferons
qu’en souligner quelques unes à titre indicatif.
Le contexte n’est pas neutre. Est-ce que ces complexes techno-scientifiques ne sont pas liés à
l’ultra libéralisme, à un homme « augmenté » adapté à des perspectives de performance, de
croissance, de compétition, de productivité illimitées ? S’en remet-on à l’économie de
marché pour décider des innovations ? S’en remet-on à l’intelligence artificielle, à son
éventuelle utilisation guerrière ? Qu’en est-il de l’usage privé de ces données et de leur
marchandisation ? Est-ce que le transhumanisme ne renforce pas les inégalités en créant un
nouveau prolétariat de pauvres non « augmentés », devenant une sous-espèce au service d’une
nouvelle oligarchie ? Enfin quels silences criants par rapport aux défis de l’humanité, ceux de
la justice, de la démocratie, de la paix, de l’environnement ! Que serait ainsi un hommemachine
dans une apocalypse écologique, serait-il plus heureux qu’un « non implanté » à son
service ?
Le contenu du transhumanisme est aussi en questions. Les transhumanistes s’intéressent-ils à
l’humanité de l’homme ou bien à son seul changement technique ? S’intéressent-ils à
l’identité profonde, aux émotions authentiques, aux vertus porteuses de changements, aux
solidarités à construire ou bien exclusivement au toujours plus ? Veulent-ils un homme conçu
comme une fin ou bien comme un moyen ? Quelle humanité voulons-nous : celle de
sociétés sans limites, sans finitudes, sociétés qui ne retiennent plus leurs puissances, celle
de générations irresponsables ou bien une humanité déterminant des limites au sein des
activités humaines ?Voulons-nous être des Icares brûlés par les soleils du pouvoir et de
l’argent ou bien des Daphnis fraternels et respectueux du vivant ?
Ces questions appellent des réponses à la fois globales et précises. Si l’on met de coté le
scientisme et l’anti scientisme, on se prononce alors pour une critique à l’intérieur de la
techno science en distinguant, autant que faire se peut, les recherches et les techniques
positives ou, au contraire, néfastes pour les êtres humains et le vivant. On ne peut pas confier
le vivant à « l’autonomie » de la techno science et du marché, lucidement analysée en
particulier par Jacques Ellul.
Cette critique peut se faire de façon modérée en espérant réguler le transhumanisme, par
exemple en fixant des priorités financières entre des projets, ou bien sous la forme de la mise
en oeuvre du principe de précaution. Elle peut aussi se faire de façon plus radicale par de
véritables remises en cause sous la forme de certaines interdictions de projets, interdictions
mondiales, privées et publiques, contrôlées et sanctionnées. Ainsi à ce jour le clonage
reproductif de l’être humain est en voie d’interdiction. Le critère serait donc celui de
recherches et de techniques déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité, c’est-àdire
portant une atteinte grave et irréversible à la paix, la démocratie, la justice ou
l’environnement. On veut alors non seulement garder un contrôle sur la techno science mais
confier à un organe, agissant au nom de l’humanité, un droit et un devoir de remise en cause
de recherches et de techniques inhumaines.
C- La remise à sa place d’un autre moyen gigantesque : le marché mondial
1- Face à l’économisme triomphant, à la recherche du profit, à la société du marché qui a
tendance à occuper toute la place, un certain nombre d’auteurs, d’organisations non
gouvernementales (ONG), de citoyen(ne)s, et d’autres acteurs proposent ou contribuent à
mettre en oeuvre ici ou là une « économie plurielle ».
Face au libre-échange généralisé, face aux logiques de guerre économique et de compétition,
il s’agit de remettre le marché à sa place et de créer ou de développer des logiques de
coopération.
2- Il y a ainsi au moins quatre grands axes pour mettre en oeuvre ce contrôle du marché ou,
de façon plus radicale, pour remettre le marché à sa place.
Il est nécessaire de subordonner le libre-échange à ce qui deviendrait la primauté de la
protection de l’environnement et de la santé.
Il est nécessaire que soient créés ou se développent des éléments de « l’économie
plurielle » c’est à dire des formes d’économie solidaire et sociale, des entreprises
coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des
associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché),des
pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange, des pratiques
d’économie collaborative en matière de transports(covoiturage)de logements(
colocation) de nourriture, d’éducation…
Le troisième axe consiste à « désarmer le pouvoir financier » en adoptant entre autres une
taxe massive sur les transactions financières et en remettant en cause les paradis fiscaux, les
trois contre-mécanismes à créer sont connus mais les rapports de force sont à renverser, c’est
un combat gigantesque mais vital.
Le quatrième axe est constitué par le fait que certaines productions du marché sont, par
nature, plus ou moins nuisibles aux acteurs humains. Dans l’économie plurielle,
lesreconversions – par exemple des industries d’armements – contribuent à l’avènement d’un
monde responsable et solidaire, reconversions socialement et écologiquement porteuses.
D- Les tentatives de contrôles et de remises en cause des marchés financiers
Rappelons la nature et la puissance de ces marchés financiers (1), récapitulons
quelques mécanismes pour tenter non seulement de les contrôler mais pour aller dans le sens
de leurs remises en cause (2).
1-La nature et la puissance de ces marchés financiers
Ces marchés financiers comprennent six classes d’actifs : le marché actions, le marché
obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des changes, le marché des
matières premières.
Deux chiffres symboliques de cette force : en avril 2016 les transactions quotidiennes(!) sur
le marché des changes étaient de 5100 milliards de dollars, pour l’année 2017 le gestionnaire
américain d’actifs BlackRock gérait 6000 milliards de dollars et réalisait un bénéfice de 3,7
milliards.
A titre de comparaisons le chiffre d’affaires annuel en 2017 des dix premières entreprises du
monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017 était pour 139 Etats inférieur à
10 milliards de dollars dont 30 inférieur à 3 , alors que le PIB des Etats-Unis était de 19362 et
celui de la France( cinquième dans la liste des 193 Etats) de 2574, le budget bi annuel des
Nations Unies pour 2018-2019 est de 5,4 milliards de dollars, ce sont là quelques rapports de
forces financiers qui en disent longs sur cette partie de la vie internationale.
2-Une liste indicative de quelques tentatives de contrôle ou de remise en cause
Le « désarmement du pouvoir financier » a toujours de grandes difficultés à se mettre
en route. Les Etats à ce jour ( juin 2019) n’ont pas encore les volontés massives et
radicales de faire face aux nouveaux conducteurs de la planète, les marchés financiers,
de plus en plus puissants depuis 1971 ( la fin de la convertibilité du dollar en or précipite la
spéculation internationale sur les monnaies et amplifie la puissance des bourses, des banques
et des marchés financiers).
Voilà certes quelques avancées de levées partielles des secrets bancaire et judiciaire, qui
est un des contre-mécanismes des paradis fiscaux, mais on est encore très loin d’une
véritable remise en cause que serait une transparence généralisée .Les sommes abritées
dans les paradis fiscaux en 2018,c’est à dire dans plus d’une soixantaine de pays et
territoires(?), seraient de l’ordre de 15.000(?) à 40.000(?) milliards de dollars!!! C’est l’une
des sommes les plus gigantesques que l’on puisse imaginer. Il est vrai que l’on est encore loin
des 226.000 milliards de dollars(192.000 milliards d’euros) du total de la dette mondiale, soit
trois fois le PIB mondial…On notera l’imprécision, opacité oblige, des sommes cachées dans
les paradis fiscaux.
Voilà certes quelques timides tentatives de luttes contre l’évasion fiscale de grandes firmes
multinationales, ainsi le G 20 en novembre 2015 a adopté un plan de l’OCDE en vue de
pousser ces entreprises à déclarer leurs bénéfices pays par pays, de même la Commission de
l’Union européenne va dans ce sens fin 2015 et début 2016 par exemple en critiquant des
pays (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg…) qui sont accusés de soutenir de telles pratiques,
mais on est encore loin d’une véritable convention mondiale accompagnée de sanctions.
En mars 2018 la Commission de l’UE propose de taxer de 3% les revenus des géants
numériques, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), cela dans les pays de leurs
utilisateurs, et au delà 200 groupes ayant un chiffre d’affaires annuel de plus de 750 millions
d’euros et de plus de 50 millions d’euros dans l’Union européenne, cette taxe, rapporterait 5
milliards d’euros par an. La France en 2019 commence à prélever une taxe sur les géants du
numérique, c’est le début d’un long chemin légitime et légal consacré en avril 2019.
Si la taxe précédente est à l’initiative de la France, l’Allemagne par contre semble se déclarer
favorable à « un impôt minimum mondial sur les bénéfices des multinationales du
numérique ». La proposition française beaucoup plus cadrée va donner lieu à un rapport de
forces gigantesque aux enjeux importants entre des Etats européens et les GAFA.
Ce rapport de forces on le voit déjà au niveau d’amendes en juin 2017 (2,47 milliards
d’euros) et juillet 2018(4,3 milliards d’euros) infligées par la Commission à Google pour abus
de position dominante, ainsi pour la seconde amende l’abus concerne le système
d’exploitation pour smartphones , Android. Google verse les amendes pour éviter d’énormes
astreintes mais fait appel devant la Cour de justice de l’Union européenne. En février 2019 le
géant bancaire suisse UBS a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à une
amende de 3,7 milliards d’euros pour démarchage bancaire illégal et pour blanchiment
aggravé de fraude fiscale. Les premiers pas des uns et des autres sur ce chemin peuvent être
prometteurs.
Voilà certes les premières taxes sur les transactions financières(TTF) d’un certain nombre
d’Etats encore très minoritaires (ainsi par exemple à ce jour deux sur 28 dans l’Union
européenne) mais on est encore loin d’une véritable TTF qui serait mondiale dans sa portée et
radicale dans son assiette. C’est très certainement un des grands espoirs de véritables
alternatives mondiales, espoir porté par exemple par une ONG telle que ATTAC, qui
contribuerait à construire une communauté mondiale humainement viable dans la mesure où
des sommes gigantesques, dégagées par ces TTF, seraient consacrées à des besoins criants,
en particulier sanitaires et environnementaux…
Certains auteurs proposent « une utopie utile »qui encore au-delà des remèdes partiels et des
marchés financiers . « L’outil idéal serait un impôt mondial et progressif sur le
capital accompagné d’une très grande transparence financière internationale. Une telle
institution permettrait d’éviter une spirale inégalitaire sans fin et de réguler efficacement
l’inquiétante dynamique de la concentration mondiale des patrimoines. » (Thomas Piketty, Le
capital au XXIe siècle, Editions du Seuil, 2013, p.835
En tous les cas, ne l’oublions pas, si les liens entre des Etats, des firmes multinationales et les
marchés financiers contribuent à transformer l’ensemble en géants , ne s’agit-il pas, aussi, de
géants aux pieds d’argile dans la mesure où, en fin de compte, des logiques terricides et
humanicides sont à l’oeuvre ?
E- Le respect des fins : des êtres humains et des peuples libres, debout, solidaires
a- Il s’agit deconsacrer, encore mieux et à tous les niveaux géographiques, les trois
générations de droits humains : les droits civils et politiques (libertés), les droits
économiques sociaux et culturels (égalités), le droit à l’environnement, le droit au
développement et le droit à la paix (solidarités).Les droits de l’homme s’appuient sur les
droits des peuples et réciproquement.
b- Il s’agit depréparer la consécration d’une quatrième génération de droits,ceux des
personnes par rapport à la techno science, par exemple l’interdiction de recherches sur les
armes de destruction massive comme portant atteinte à la dignité humaine, par exemple les
droits des personnes par rapport aux robots…Cette quatrième génération a commencé à voir
le jour dans le domaine de la biologie, par exemple à travers la Déclaration( texte donc non
contraignant) universelle sur le génome humain et les droits de l’homme(11-11-1997)
.c- Il s’agit bien sûr, aussi et surtout,de mettre en oeuvre ces générations de droits, de les
faire vivre. Résister c’est dire non à l’inacceptable, à toutes les formes d’atteintes à la dignité
humaine.
Les rôles des juges, des ONG, des réseaux, des citoyen(ne)s, certes différents, sont ici
essentiels. Ainsi le droit à l’environnement est indirectement appliqué par de plus en plus de
tribunaux qui obligent des Etats à respecter leurs engagements internationaux de mise en
oeuvre de politiques contre les émissions de gaz à effet de serre.
F-Le respect des fins : une nouvelle prise en compte, celle de l’humanité.
1- Voici l’arrivée dramatiquement trop lente de l’humanité dans l’ensemble des
droits. Les droits de l’homme et les droits des peuples doivent s’appuyer sur ceux de
l’humanité et réciproquement.(voir si besoin sur ce blog de nombreux articles écrits sur
l’humanité)
L’humanité deviendra une forme de garantie (encore faible) de la survie de tous. Un
juriste, René Jean Dupuy, écrivait : « Passer de l’homme aux groupes familial, régional,
national, international résulte d’une progression quantitative. Accéder à l’Humanité‚ suppose
un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi, l’humanité doit, elle-même, jouir de droits faute
de quoi les hommes perdraient les leurs. »
2- Quelle est la situation du droit international en vigueur ?
L’humanité est entrée dans le droit international public par la porte du drame puis celle de la
possession.
D’abord les crimes contre l’humanité. Après les crimes nazis le Tribunal militaire
international de Nuremberg a consacré dans le droit positif cette définition reprise et
développée par l’article 7 paragraphe 1 du Statut de 1998 de la Cour pénale internationale.
«On entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est
commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute
population civile, et suivent onze crimes contre l’humanité (extermination, réduction en
esclavage, déportation, la 11ème qualification est celle des « Autres actes inhumains de
caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves
à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. »
Voilà ensuite, toujours en droit international public, le patrimoine commun de
l’humanité (PCH) qui est consacré en droit positif. Le PCH au sens propre est celui
d’éléments qui appartiennent juridiquement à l’humanité. Il s’agit des fonds marins, de la
Lune , des autres corps célestes, et du génome humain .Beaucoup d’auteurs s’arrêtent là et
n’ont pas une vue d’ensemble d’autres formes qui se rattachent au PCH. En effet le PCH au
sens large comprend aussi des éléments constitués par des espaces internationalisés qui
doivent être explorés et exploités dans l’intérêt de l’humanité. Il s’agit de l’espace extra
atmosphérique et de l’Antarctique. Vient ensuite le PCH au sens plus large, c’est la
Convention sur le Patrimoine mondial conclue dans le cadre de l’UNESCO, patrimoine
constitué par certains biens naturels (à ce jour 197) et culturels(802) ou mixtes (32), qui
restent sous les souverainetés étatiques, mais qui nécessitent d’être protégés dans l’intérêt de
l’humanité parce qu’ils présentent un intérêt exceptionnel.
Avec les crimes contre l’humanité et le PCH il faut ajouter le droit humanitaire qui repose
surtout sur les quatre conventions de Genève de 1949, par exemple celle sur la protection des
populations civiles pendant les conflits armés. L’humanité est là puisque l’on fait référence à
tout le genre humain sans discrimination.
Il faut ajouter enfin le droit international de l’environnement dans lequel les générations
présentes et futures sont souvent consacrées dans des déclarations et des conventions
internationales ou régionales.
3- L’arrivée des droits et des devoirs relatifs à l’humanité
En premier lieu dans quels textes trouve-t-on ces droits ? Dans des conventions mais
elles sont rares, ainsi par exemple dans la Convention de Bonn de 1979 sur la conservation
des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, un préambule affirme que « Chaque
génération humaine détient les ressources de la terre pour les générations futures et a la
mission de faire en sorte que ce legs soit préservé et que, lorsqu’il en est fait usage, cet usage
soit fait avec prudence. » Existent égalementquelques déclarations comme celle de
Stockholm de 1972 sur l’environnement qui en appelle à « l’homme » et à son « devoir
solennel de préserver et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et
futures »,la Déclaration de l’UNESCO de 1997 sur « les responsabilités des générations
présentes envers les générations futures », de façon globale le projet de « Déclaration
universelle des droits de l’humanité » de décembre 2015 (écriture à laquelle j’ai eu la joie de
participer) et qui sera peut-être un jour modifiée et adoptée par l’Assemblée générale des
Nations Unies .
En deuxième lieu quel est le contenu des droits et des devoirs, qui sont donc en
gestation, et que l’on trouve dans cette dernière déclaration ? Le droit à la nondiscrimination
générationnelle qui exige que les activités ou mesures entreprises par les
générations présentes n’aient pas pour effet de provoquer ou de perpétuer une réduction
excessive des ressources et des choix pour les générations futures. Et puis suivent quatre
autres droits : à la démocratie, à la justice, à l’environnement, à la paix. Quant
aux devoirs les générations présentes ont le devoir d’assurer le respect des droits de
l’humanité. Elles sont aussi garantes des ressources écologiques et du patrimoine commun.
Afin d’assurer la pérennité de la vie sur terre, les générations présentes ont le devoir de tout
mettre en oeuvre pour préserver les équilibres climatiques, et élaborer un statut international
des déplacés environnementaux. Les générations présentes ont le devoir d’orienter le progrès
scientifique et technique vers la préservation de la santé de l’espèce humaine et des autres
espèces. Les Etats et les acteurs publics et privés ont le devoir d’intégrer le long terme dans
leurs décisions.
4- Quel droit en gestation imaginer et adopter ?
D’abord l’humanité ne devrait-elle pas avoir la personnalité juridique pour défendre
ses droits ? Le fait aussi que l’humanité et le vivant soient côte à côte dans cette défense
serait symbolique, ils dépendent l’un de l’autre, leur sort est lié, leur défense serait conjointe.
Ensuite la représentation est une difficulté connue, on est dans le droit prospectif, dans
l’imagination juridique. Qui va être légitime pour représenter l’humanité c’est-à-dire les
humains qui existent (c’est déjà difficile) et aussi ceux qui n’existent plus et ceux qui
n’existent pas encore ? Le droit international public a déjà répondu, à sa façon, à la question
de la représentation. En effet qui représente l’humanité à laquelle appartiennent les fonds
marins ? Les Etats ont répondu par un tour de passe passe. Humanité es-tu là ? Pas de
réponse. Il est donc logique que nous, Etats à travers l’Autorité des fonds marins, nous
décidions à la place de l’humanité irreprésentable. Lorsqu’un jour il sera question de
représenter l’humanité il n’est pas sûr que l’Assemblée générale des Etats de la future
Organisation mondiale de l’environnement(OME), suffise à le faire. Il sera souhaitable
qu’interviennent aussi des acteurs autres que les Etats, par exemple des ONG, des gardiens de
l’humanité…Votre imagination juridique fera le reste.
Enfin quelles juridictions ? L’Organisation mondiale de l’environnement pourra alors, au
nom de l’humanité et du vivant, engager un recours devant la justice mondiale, une
juridiction spécifique sera peut-être créée, la Cour mondiale de l’environnement(CME).
En attendant cela des ONG et des mouvements sociaux ont commencé à poser des cailloux
blancs sur ce chemin, à travers les créations de tribunaux, en particulier sur la justice
climatique, qui participent à ces prises de conscience. Parmi d’autres, fondé en Equateur en
octobre 2012 , un « tribunal pour les crimes contre la nature et contre le futur de
l’humanité », des dossiers sont constitués, des victimes écoutées, les condamnations sont
éthiques, morales.
Enfin des ONG et des citoyens, par exemple aux Pays-Bas en 2015, ont fait condamner par
un tribunal cet Etat qui ne respectait pas ses engagements de réduction de gaz à effet de serre,
cela au nom des générations présentes et futures. D’autres condamnations sont en route dans
d’autres pays.
Ce moyen juridique est en route pour trouver les moyens de condamner des complexes
industriels pour absence de remise en cause d’émissions de gaz à effet de serre, Demain se
dérouleront sans doute les premières attaques juridiques de paradis fiscaux allant dans le
même sens.
Mais qu’en est-il plus généralement des moyens et des fins dans ce système productiviste
mondial humanicide et terricide et de ceux qui vont et devraient aller dans le sens d’une
communauté mondiale viable
LES FINS ET LES MOYENS ( IV )
Pour des contenus porteurs de moyens et de fins dans un autre système
viable
Nous proposerons une liste indicative de vingt grandes séries de moyens (cinq dans
chacun des quatre grands domaines) contribuant à passer d’un système international
productiviste autodestructeur (qui assassine la terre et l’humanité) à une communauté
mondiale viable pour la terre et l’humanité (A).
Nous commenterons ensuite cette liste indicative.(B)
A-Des moyens pour contribuer à passer du terricide et de l’humanicide au viable
1- D’un système international pour une large part autoritaire à une communauté
mondiale démocratique :
-Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières, impôt mondial et
progressif sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux, suppression des évasions
fiscales, orientations contraignantes et massives de la finance vers la protection de
l’environnement…)
-Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de
l’environnement, de la culture…)
-Démocratisation des institutions internationales (réformes du Conseil de sécurité et de
certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place légitime des pays du Sud,
promotion des ONG…)
-Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux, continentaux,
internationaux) et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s dans tous les Etats,
création et développement des processus de représentation(représentativité
démocratique, modes d’élections plus démocratiques ) et des processus de
participation (référendum d’initiative citoyenne , référendum d’initiative partagée entre élus
et citoyens) encadrés par un socle des droits de l’homme, conférences de
citoyens…), lancements des premiers référendums mondiaux sur les générations
futures …
-Créations d’organisations nouvelles (composées d’Etats, d’ONG, de collectivités
territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations internationales, régionales et
sous-régionales, développement de réseaux de solidarités, de coordinations, de fronts
communs d’ONG… (par exemple celles allant dans le sens d’un ralentissement du
système.), création d’une internationale de la lenteur fédérant les ONG et
d’autres acteurs agissant en ce sens…
-…
2- D’un système international pour une large part injuste à une communauté
mondiale juste :
–Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre, revenu
déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)…
–Annulations, programmées et organisées équitablement, des dettes publiques (celles des
Etats, des collectivités territoriales, des organisations internationales…)
–Priorités données au juste échange et au commerce équitable (le libre échange sera
clairement subordonné à la protection de l’environnement et de la santé ), développement
massif de l‘économie sociale et solidaire, de l’économie collaborative …
–Mises en place d’agricultures durables et autonomes (respect de l’environnement,
développement des produits bio, statut international des matières agricoles, souveraineté
alimentaire)
–Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement du
pouvoir financier et liées aux activités polluantes, redistribuées vers des besoins criants en
santé, en protection sociale, en éducation, en environnement, en emplois…)
– …
3- D’un système international pour une large part anti écologique à une communauté
mondiale écologique :
–Remises en cause radicales d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de
production, de consommation, de transport écologiquement non viables)
–Programmes massifs les plus rapides possibles d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau
potable et du droit à l’assainissement)
–Revitalisations des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les
niveaux géographiques, créations massives d’emplois )
–Transitions énergétiques rapides (développement massif des énergies renouvelables,
économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire), mise en oeuvre organisée et
planifiée d’un ralentissement de l’explosion démographique mondiale
–Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation
mondiale de l’environnement, convention sur les droits des déplacés environnementaux,
convention créant une Organisation mondiale et régionale d’assistance écologique,
conventions de protection des sols, convention de protection des forêts, convention contre les
pollutions telluriques …) et de nouveaux protocoles(en particulier de réductions massives
et radicales des gaz à effet de serre), géo ingénierie encadrée sous statut international …
Les actions environnementales qui précèdent , combinées au revenu universel d’existence,
aux réductions du temps de travail et à de grands travaux communs pacifiques, sociaux et
écologiques , contribueraient à donner le jour à des créations massives d’emplois dans le
bâtiment, les énergies renouvelables, l’agriculture, les transports, la revitalisation de régions
dégradées, les travaux contre des effets de la montée des eaux, l’assistance aux catastrophes
écologiques, l’éducation à l’environnement…
-…
4- D’un système international pour une large part violent à une communauté
mondiale pacifique :
–Interdictions contrôlées des recherches scientifiques sur les armes de destruction
massive (déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
–Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention
internationalisées)
–Remises en cause et extinctions des ventes d’armes (restrictions, taxations, interdictions,
reconversions), créations de ministères du désarmement.
–Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes de destruction
massive en particulier nucléaires ) , application des traités qui existent déjà.
–Mises en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans de
multiples lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non violent des
conflits.)
-…
B- Un commentaire de cette liste indicative des moyens
1- Cette vingtaine de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr prolonger la
liste.
Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système
productiviste auto destructeur (voir sur ce blog quatre « billets » sur « Le
productivisme »)et à le remettre en cause pour donner naissance en quelques décennies (?
Le temps est compté…) à une communauté mondiale humainement viable.
2- La liste proposée n’est pas celle du Discours Vérité, ce sont des convictions mais des
erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime, dangereux, inefficace,
irréalisable…
Ne pas oublier qu’existent deux sortes d’utopies, celles de voeux pieux non réalisés, celles des
utopies concrètes qui prennent les moyens de se réaliser.
3- Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en général trop
timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du
système productiviste implique la mise en oeuvre de moyens nombreux et radicaux.
Nous avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble
particulièrement radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces
cinq moyens sont très critiqués par certains.
Ainsi pour leurs pourfendeurs
-Le revenu universel d’existence est synonyme d’institutionnalisation de la paresse et
d’impossibilité financière de le réaliser.
-L’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive est synonyme d’atteintes
à la liberté de la recherche scientifique.
-Le désarmement financier est synonyme de faillite généralisée, d’obstacles infranchissables.
-Les remises en cause des modes de production et de consommation non viables sont
synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité.
4- Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice, environnement, paix) sont
interdépendants pour le pire et le meilleur.
Ainsi des mécanismes produisant des injustices constituent des violences.
Ainsi des contre-mécanismes porteurs de justice peuvent être ensuite porteurs d’éléments
pacifiques.
Les interactions sont multiples dans chaque domaine et entre les domaines. Les problèmes de
coordinations de tels moyens seront massifs mais moins gigantesques…que les séries de
drames et de menaces liés au productivisme.
5- Penser et mettre en oeuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même si le hasard
peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives (voir
sur ce blog « Les volontés politiques », voir aussi les quatre « billets » sur la démocratie,
surtout le 3ème).voir enfin les articles sur les résistances).
Ces moyens pour voir le jour doivent et devront surmonter des obstacles nombreux et
puissants mais pensons, exemple gigantesque, au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans,
par s’effondrer, « l’histoire est sortie de ses gonds ». Des ONG, des alternatives, des
personnes sont souvent porteuses d’espoirs.
6- Par rapport aux acteurs de ces moyens
Si l’on pense que
-le village, la ville, la région c’est notre terroir
-le pays c’est notre patrie,
-le continent c’est notre matrie,
-la terre c’est notre foyer d’humanité
… alors tous les acteurs, aux différents niveaux géographiques, à travers des
responsabilités très variables, ont des remises en cause à entreprendre, des alternatives
auxquelles participer.
Il est clair que plus l’acteur est puissant et se trouve au coeur du système productiviste
plus la remise en cause sera difficile.
J’aimais rappeler aux étudiant(e)s cette citation de Montesquieu, claire et terrible dans sa fin
( dans ses liens entre un continent et le genre humain) :
« Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille je le
rejetterais de mon esprit.
Si je savais quelque d’utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie je chercherais à
l’oublier.
Si je savais quelque chose d’utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe
ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain je le regarderais comme un
crime. »
Remarques terminales
Trois remarques proposées : l’une sur la complexité, l’autre sur ce rappel « les fins sont dans
les moyens comme l’arbre est dans la semence », la troisième relative à une proposition d’un
petit conte.
. 1- Prendre en compte la complexité pour agir mais ne pas s’abriter derrière elle pour
ne pas résister et construire
La complexité est omni présente dans ces luttes, pourquoi ? Pour au moins quatre raisons :
Les interactions se sont multipliées, ainsi entre les domaines d’activités, entre les niveaux
géographiques.
Les acteurs se sont multipliés, ainsi les acteurs publics et privés, ainsi les acteurs locaux,
régionaux, nationaux, continentaux, internationaux.
Les urgences occupent une place envahissante, la construction de politiques à long terme une
place qui devrait être essentielle.
L’accélération du système mondial complique ces luttes.
– Face à la complexité les théories et les pratiques simplificatrices sont très
présentes, pourquoi ? Pour au moins trois raisons :
La paresse intellectuelle est une tentation qui contribue à basculer facilement dans le
simplisme.
La désignation facile de boucs émissaires est un mécanisme connu qu’on retrouve et dans les
causes et dans des réactions contre des violences.
Une partie des mondes médiatiques en reste aux effets des violences et ne remonte ni à la
complexité des analyses des causes ni à la complexité des luttes.
-La complexité qu’il faut affronter peut être un alibi pour l’inaction et cela sous au
moins trois formes :
Alibi pour ne rien faire parce que c’est trop compliqué. « Qui ne veut pas agir trouve une
excuse, qui veut agir trouve un moyen » dit un proverbe.
Alibi pour mettre en avant le simplisme et proposer une solution qui risquera d’ aggraver une
situation.
Alibi pour renvoyer à d’autres responsabilités diluées et sans effets.
-La prise en compte de la complexité peut avoir quels effets ? Au moins cinq :
Elle en appelle au courage de ne pas tomber dans le simplisme et de faire front avec ténacité.
Elle en appelle à la patience pour organiser ces luttes.
Elle en appelle aux fronts communs, aux rassemblements, aux coopérations, pour donner plus
de chances de remettre en cause et des fins et des moyens..
Elle en appelle à l’humilité en se méfiant du discours-vérité.
Elle se veut en liens avec l’intergénérationnel : on entend encore les pas de ceux et celles qui
étaient là, on entend chaque jour les pas des vivants dans ces luttes, on entend déjà les pas de
ceux et celles qui vont venir.
2-.Réaffirmons encore , de façon simple, des pratiques qui peuvent s’avérer
compliquées :
Les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en avant :
Si l’on veut construire des sociétés démocratiques il faut penser et mettre en oeuvre des
moyens démocratiques,
Si l’on veut construire des sociétés justes il faut penser et mettre en oeuvre des moyens
justes,
Si l’on veut construire des sociétés pacifiques il faut penser et mettre en oeuvre des
moyens pacifiques
Si l’on veut construire des moyens écologiques il faut penser et mettre en oeuvre des
moyens écologiques.
3-Un petit conte proposé,
il est censé représenter une illustration des rapports et des contenus des fins et des
moyens …
Daphnis es-tu là ?
Un étudiant demande à son enseignant « Vous semblez aimer la mythologie grecque et
romaine, comment, à partir d’elle, nous diriez-vous ce qui est pour vous essentiel dans nos
vies? »
Après un long silence l’enseignant répondit :
J’aimerais pour chacun, chacune, pour tous et toutes, que l’essentiel entre dans nos vies,
comme on accueillerait une nouvelle personne dans une ronde, par exemple une ronde à
quatre.
Voilà Sisyphe, condamné à rouler une roche au sommet d’une montagne, elle redescend et il
doit toujours la remonter, ainsi sont dans nos vies les répétitions,
Voilà Prométhée, qui dérobe le feu aux dieux pour le donner à l’homme, ainsi sont dans
nos vies les créations,
Voilà Castalie, nymphe métamorphosée en fontaine inspiratrice, ainsi sont dans nos vies
l’enthousiasme et l’imagination,
Voilà Hygiée, déesse qui soutient la force des êtres vivants, ainsi sont dans nos vies la
santé, le soulagement ou la guérison des douleurs,
La ronde des quatre commence ou continue, mais ils découvrent que quelqu’un d’essentiel
leur manque. Ils le veulent, ils l’appellent, le voilà.
Apparait Daphnis, berger, chanteur, poète et musicien, remarquable de beauté et de
sagesse, apprenant à tous le respect des hommes et de la nature, et qui, admis dans
l’Olympe, prit sous sa protection les pasteurs et les troupeaux, il fut chéri et des dieux et des
êtres humains et du vivant.
Ainsi dans nos vies, si nous pensons qu’il doit en être ainsi, accueillerons-nous, dans nos
fins et nos moyens , cette part de l’essentiel ?
(Conte proposé par l’auteur de ce blog.)
( Voir aussi sur Daphnis : Pierre .Commelin , Mythologie grecque et romaine, Pocket,1994,
pages 187 et 188.)