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au trésor des souffles

Fins et moyens

contenus dans le productivisme

II-Les fins et les moyens : des  contenus  le plus souvent inacceptables  dans le système productiviste

 

Nous examinerons les moyens et les fins du productivisme qui ont peut-être  leurs cohérences mais sont le plus souvent inacceptables. (A)

Nous soulignerons ensuite leurs effets pour montrer l’impérieuse nécessité de condamner ce système qui assassine l’humanité et la planète. (B)

 

A-Des moyens inacceptables pour des fins inacceptables

 

On peut être  sous le choc les logiques profondes du productivisme, elles sont puissantes et nombreuses. Elles se confondent avec ses fins et ses moyens. (1)

Une logique est omniprésente, c’est l’obsession de ce système : la compétition. (2)

 

1- Les logiques du productivisme, ses fins et ses moyens

 

Chaque logique de ce système correspond a une finalité productiviste qui implique un  ensemble de moyens pour la mettre en œuvre.

  La recherche du profit est synonyme de fructification des patrimoines financiers avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.

  L’efficacité économique est synonyme  du  moment où, cessant d’être au  service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.

  Le culte de la croissance est synonyme du « toujours plus », de course aux quantités, de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires,  environnementaux, sociaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains.

 La course aux quantités est synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la  grande majorité des habitants de notre planète.

 La conquête ou la défense des parts de marchés est synonyme d’un  libre-échange tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des guerres des prix, des efforts de productivité  qui  poussent  à de nouvelles conquêtes de marchés.

 La domination sur la nature  fait de celle-ci un objet au service des êtres humains, ses ressources sont  souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables, de toutes  façons certains pensent  que  l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre  la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets  technologiques (géo-ingénierie).

 La marchandisation du monde est  synonyme de  transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités  transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eaux, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter.

La militarisation du monde est synonyme de recherches scientifiques à des fins militaires en particulier sur les armes de destruction massive, synonymes d’industries d’armements, de camps militaires et de grandes manœuvres,  de régimes militaires ou de poids de l’armée dans des régimes politiques, synonymes de territoires et d’êtres humains victimes des guerres, synonyme de besoins vitaux non satisfaits et de participation à des inégalités criantes.

 La priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés humainement viables, soit  ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.

 L’accélération n’est pas spécifique au productivisme mais elle y est omniprésente  à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a  de multiples effets sur les sociétés et les personnes.

 L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des organismes et des individus plus lents ?

 

 2- La compétition, fin et moyen puissamment mortifère

Cette douzième logique alimente les dix précédentes et elle est alimentée par ces logiques.

 Par dessus tout une obsession accompagne le productivisme, elle occupe de façon permanente le cœur du cœur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition c’est la vie.

 a- Etre ou ne pas être compétitif nous dit le productivisme

 Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à l’existence est  fonction de notre rentabilité ( !! )

« Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les  perdants, vous êtes morts. 

«  Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences systématiques de la machine économique. » écrivait magnifiquement André Gorz.

De façon plus globale le Club de Lisbonne, animé par Riccardo Petrella,  dans « Les limites à la compétitivité. Vers un nouveau contrat mondial », (Edition Boréal,1995) », dénonce « l’évangile de la compétitivité ». « La bonne nouvelle » n’existe que pour les gagnants, la machine à gagner devient de plus en plus une machine à exclure, elle est donc productrice de violences. «  La logique de la compétitivité  est élevée au rang d’impératif naturel de la société » écrit aussi Riccardo Petrella.

La compétition est un discours-vérité qui a de très nombreux fidèles, ils sont envahis par cette obsession. On est entré dans le grand marché, il faut donc libéraliser, dérèglementer, privatiser, peu importe le sens du « vivre ensemble » et celui du « bien commun ». (Voir le Monde diplomatique, L’évangile de la compétitivité, Riccardo Petrella, septembre 1991)

 La compétition est  considérée comme sacrée, on pense qu’elle  nous protège, il n’y a plus d’autres critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité. Sainte compétition protégez-nous !

Pauvres fous d’un système devenu fou : dévoreurs qui dévorez  pensez en dévorant que vous serez dévorés comme nous  avons été dévorés…

Dans cette compétition effrénée  il est vrai qu’une victime de la faim ou  de l’absence d’eau potable n’est pas tout à fait ( !! ) dans la même situation qu’une « victime » débarquée en parachute doré.

 John Galbraith, économiste américain, dans « Le nouvel Etat industriel »(1967), montrait en particulier que beaucoup de guerres ont été et sont liées au contrôle des matières premières, ainsi par exemple le pétrole. Ces guerres sont « des formes extrêmes de la concurrence industrielle ». Cet auteur dénonce la production de guerre comme étant « un gaspillage nécessaire qui permet la justification des dépenses d’armements et la poursuite de la course au profit ».

 La compétition peut être un des ressorts du nationalisme lequel en appelle à la domination sur d’autres pays voire  à la haine d’autres peuples.

 

 b- La compétition est-elle naturelle ou est-elle liée à  une histoire?

Finalement on retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de loin les plus nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui pensent que la compétition est naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire.  C’est ce que  leur demande le système productiviste.

…et ceux et celles (pour l’instant moins nombreux, mais quelque chose de minoritaire n’est pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui pensent que la compétition est un produit de l’histoire, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que le productivisme pousse à une compétition omniprésente, omnipotente, omnisciente , que les solidarités, les coopérations, les fronts communs, les biens communs, les « vivre ensemble » peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui s’appellent la débâcle écologique, les armes de destruction massive, les inégalités criantes, la toute-puissance de la techno science et des marchés financiers.

 

 B- Le productivisme et ses  cohérences souvent destructrices.

 

1-  Des cohérences souvent infernales entre fins et moyens

 

Ainsi de différentes façons, à des degrés très  variables on constate que

 Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins  se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Voilà  des moyens autoritaires pour des fins autoritaires

  Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et en crée de nouvelles, il est pour une large part injuste. Voilà  des moyens injustes pour des fins injustes,  

Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent. Voilà des moyens violents pour des fins violentes,

Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Voilà des moyens anti écologiques pour des fins anti écologiques.

 

2- Le système productiviste nous dépasse et avance dans l’autodestruction

 Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre.

 D’autre part ce système à des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.

 

3- Ne s’agit-il pas d’un système condamnable et condamné pour la plus large part de  ses moyens et de ses fins ?

 Ce système productiviste  n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2018  un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger (guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 ont pris une large partie de la place des conducteurs (Etats, entreprises…) ?

 Ce système productiviste  n’est-il pas condamné du seul fait, par exemple, que plus  de 5 milliards de dollars partent  chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales (1917 milliards de dollars par an), et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entrainent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant, vers 2100 +3°C à+ 6°C, voire plus,  et autour de 1  à 2 mètres, voire  beaucoup plus , d’élévation du niveau des mers ?

 

Concevoir et mettre en œuvre un système qui se voudrait viable n’est-ce pas d’une part résister face aux confusions entre les moyens et les fins

et d’autre part construire des moyens et des fins viables ?