au trésor des souffles
Monde: son état, ses devenirs
Quels devenirs du monde?!
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Quels devenirs du monde ? ! …
Le plan général se retrouve aussi à la fin de l’article.
En exergue cinq pensées lumineuses par leur lucidité, leur fraternité, leur capacité de proposition.
Pensées tour à tour d’un anthropologue, d’un sociologue, d’un juriste, d’un philosophe, d’un guide spirituel et politique :
Le péril majeur pour l’humanité ne provient pas d’un régime, d’un parti, d’un groupe ou d’une classe. Il provient de l’humanité elle-même dans son ensemble qui se révèle être sa pire ennemie et celle du reste de la création. C’est de cela qu’il faut la convaincre si nous voulons la sauver.
Claude Lévi-Strauss , L’Express va plus loin avec Claude Lévi-Strauss, 25-31 mars 1971.
L’humanité entière est confrontée à un ensemble entremêlé de crises qui, à elles toutes, constituent la Grande Crise d’une humanité qui n’arrive pas à accéder à l’Humanité.
Edgar Morin, Le chemin de l’espérance, Stéphane Hessel , Edgar Morin, fayard, 2011,chap.1.
Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression quantitative ; accéder à l’Humanité‚ suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs.
René Jean Dupuy , La clôture du système international. La cité terrestre, puf, 1989,p.156.
« Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. »
Hans Jonas , Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Cerf, 1979, p.30.
« On entend dire « les moyens, après tout, ne sont que des moyens ». Moi je vous dirai plutôt : « tout, en définitive, est dans les moyens. La fin vaut ce que valent les moyens. Il n’existe aucune cloison entre les deux catégories » (…) Votre grande erreur est de croire qu’il n’y a aucun rapport entre la fin et les moyens (…) Les moyens sont comme le grain et la fin comme l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens qu’entre l’arbre et la semence.
Mohandas Gandhi, dans l’ouvrage posthume réunissant ses écrits « Tous les hommes sont frères , première parution en 1969, puis folio essais , Gallimard,1990, p.147.
Prologue
Ce texte a été écrit pour mes filleul.e.s de la promotion 2020 du Diplôme de l’Université de Bordeaux de droit de l’environnement dont j’ai la chance et la joie d’être le parrain, comme c’est aussi le cas pour la promotion 2013, du Master de droit international et comparé de droit de l’environnement de l’Université de Limoges, au moment de mon départ à la retraite,
Cet article a bien sûr vocation à être partagé sur mon site (« au trésor des souffles ») et mon blog (blog Lavieille Mediapart) ,à être donné à ma famille, mes ami.e.s ,à des associations , à être lu je l’espère par beaucoup de personnes …en tous les cas dans son plan et dans ses « remarques terminales. »
J’en profite pour vous dire que si vous vouliez quelques éléments biographiques vous les trouverez sur le site « au trésor des souffles » à la rubrique « biographie rapide » de 5 pages, et une « biographie » beaucoup plus longue , trop longue, de 30 pages, construites toutes les deux sur le même plan en sept points
Vous pouvez également sur ce même site écouter à la rubrique « audio » une longue interview sur une radio libre de Limoges (Beaub’FM), interview intitulée « Partage d’une vie », accompagnée de musiques et chansons préférées de l’auteur.
Dans cet article je renverrai souvent, trop souvent, à mon site et mon blog. Mille excuses mais sur tel ou tel point certain.e.s d’entre vous peuvent avoir envie d’aller plus loin.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Aujourd’hui en mai 2021 c’est le dernier article aussi massif que j’écris, entre cent vingt et trente pages, celui-ci en a une cinquantaine. Les prochains auront en principe au maximum une quinzaine de pages.
Je prends cette décision avec regret parce que je pense que les idées, les argumentations, la globalité méritent de se déployer et ont besoin d’espace. Et parce que je sais que nombre d’entre vous s’y retrouvent, avec patience et ténacité.
Il est vrai aussi que certains ont moins de temps pour lire et surtout le système productiviste de l’instantanéité donne de plus en plus priorité aux textes courts.
Mais également ces huit dernières années me confirment que cette idée entre autres d’Edgar Morin peut-être un choix porteur pour une retraite : « Participer et se détacher. » Détachement que celui par exemple de l’arrêt depuis deux ans de mes interventions orales.
Finalement ces limites, choisies ou imposées par l’âge, ne sont-elles pas symboliques de nos sociétés qui devraient encore plus déterminer et mettre en œuvre des limites pour elles-mêmes dans nombre d’activités par exemple ravageuses pour la santé et l’environnement ?
Les pionniers de l’écologie politique et de la décroissance ( Ellul , Charbonneau, Illich , Gorz, Dumont et beaucoup d’autres…) posaient depuis longtemps cette question vitale : « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? »
Dans la ville de Pripyat, près de Tchernobyl, une statue en bronze devant le cinéma représentait Prométhée levant les bras au ciel pour prendre le feu des dieux. Il était dans la toute-puissance. Brel chantait merveilleusement et dramatiquement « dans le lit de la puissance » « on se retrouve seul. »
Après le drame du 26 avril 1986 la statue du Titan a été enlevée de la ville fantôme et placée devant la centrale nucléaire pour rendre hommage aux « liquidateurs. » (Voir Prométhée à Tchernobyl , François Flahault, Le Monde diplomatique, septembre 2009.)
Remarques introductives
Avec le productivisme, l’environnement, la paix , la démocratie, la justice, l’humanité , le concept de limites des activités humaines , les moyens viables et l’accélération du système mondial , la question des « devenirs » est une de celles que l’on rencontre le plus dans mes écrits et mes interventions orales.
Les points d’interrogation, d’exclamation, de suspension qui suivent l’intitulé de cet article « Quels devenirs du monde ? !… » veulent être ici synonymes d’incertitudes, d’avertissements, de bouleversements qui accompagnent cette question. Elle est vertigineuse et en appelle d’autant plus à l’humilité dans la pensée.
Dans cette introduction nous nous poserons deux questions :
Quels seraient les éléments d’une analyse porteuse ( A) ? Autrement dit avec quelle truelle construire ?
Existe-t- il un concept qui répondrait à ces éléments ( B) ? Autrement dit quelle pensée opérationnelle pour agir ?
A-Quels seraient les éléments d’une analyse porteuse?
Nous pensons qu’elle doit reposer sur trois choix (1) et avoir trois qualités (2).
1- Cette analyse voudrait reposer sur trois choix.
Elle devrait se fonder sur la prospective, prendre en compte le court terme et le long terme , mettre en avant des moyens radicaux et conformes aux fins proposées.
Cette analyse voudrait se fonder sur la prospective.
Il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain du discours-vérité c’est-à-dire qui n’admet pas le doute.
Il y a ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution.
Enfin ceux et celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la prospective c’est-à-dire sur un mélange de hasards, de nécessités et de volontés, dans des proportions variables, discours qui reconnait une pluralité de possibles.
Cette analyse voudrait également prendre en compte le court terme et le long terme.
Il y a ceux et celles qui privilégient le court terme, l’instant présent, les urgences.
Il y a ceux et celles qui privilégient le long terme, celui des décennies à venir ou plus encore.
Les premiers disent aux seconds « Vous avez le luxe de pouvoir vous occuper de fins du monde, nous on doit s’occuper de nos fins de mois », les seconds disent aux premiers « Après les fins du monde il n’y aura plus de fins de mois.»
Il y enfin ceux et celles, dont nous serons, qui articulent des réponses aux urgences du court terme et des réponses à des causes profondes par des politiques à long terme, les deux séries de réponses étant interdépendantes. Créer des emplois dans l’écologie c’est aussi lutter contre le réchauffement climatique. Moins on s’occupe du long terme plus on est noyé dans les urgences, et moins on s’occupe des urgences plus on fuit dans un avenir que l’on veut meilleur en faisant silence sur des présents douloureux ou invivables.
Cette analyse voudrait mettre en avant des moyens radicaux et conformes aux finalités proposées.
Nous pensons qu’il y a certes de la place pour des réformes modérées ou plus importantes , mais , parce que l’on a attendu trop longtemps et parce que le système a une grande vitesse d’autodestruction, ce sont de véritables remises en cause qui doivent voir le jour. Le nombre, la profondeur et les interactions des problèmes, des drames et des menaces sont tels que les solutions doivent être radicales c’est-à-dire remonter aux causes profondes.
Cependant cette radicalité doit avoir une exigence vitale, elle aussi radicale :
les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en avant. Pour des fins pacifiques des moyens pacifiques, pour des fins justes des moyens justes, pour des fins écologiques des moyens écologiques, pour des fins démocratiques des moyens démocratiques.
2- Cette analyse devrait avoir aussi trois qualités.
Elle devrait être globale , critique, créatrice.
Voici quelques exemples parmi une multitude d’analyses partielles: si l’on demande à des « décideurs » et à des citoyen(ne)s quels sont les drames du monde, la réponse englobera rarement à la fois les aspects autoritaires, injustes, violents, et anti écologiques, les uns évoqueront des dictatures, d’autres des injustices, d’autres des guerres, d’autres la débâcle écologique.
Bien peu également penseront à raisonner en distinguant les différents niveaux géographiques (locaux, nationaux, continentaux, internationaux). Et même certains spécialistes de relations internationales évoqueront presque exclusivement les relations entre Etats, oubliant ou n’accordant que peu d’importance à d’autres acteurs tels que les firmes multinationales, les banques, les ONG, les acteurs humains (personnes, peuples, humanité)…
Ainsi construire des analyses globales c’est refuser les analyses en vase clos, replacer des réalités dans leurs contextes, ne pas perdre de vue le sens des ensembles. Edgar Morin écrit « Penser c’est dialoguer avec la complexité. »
Voici quelques exemples d’analyses non critiques : lorsque l’on réfléchit à des politiques de défense, de sécurité nationale, régionale, internationale, on évoque peu certaines menaces, par exemple la dégradation écologique, et la diversité des moyens pour y faire face. On affirme aussi que la quantité et la qualité des armements sont des facteurs de sécurité, on fait silence sur des analyses montrant que plus on augmente les armements plus on augmente l’insécurité, on fait silence sur des besoins criants qui auraient pu être satisfaits par des sommes gigantesques allant au contraire vers les préparatifs et la conduite de conflits armés.
Ainsi construire des analyses critiques c’est refuser les discours- vérités, introduire des inquiétudes, des doutes, porter au jour des interrogations, développer notre capacité au questionnement. Jean Rostand écrit « Certitude, servitude ».
Voici quelques exemples d’analyses non créatrices : lorsque l’on évoque les crises financières on propose des améliorations du système financier international, beaucoup plus rarement des remises en cause tels que des moyens de taxer radicalement les transactions de change et de mettre fin radicalement aux paradis fiscaux. Lorsque l’on projette des créations d’emplois liées à l’écologie on est souvent incapable de les concrétiser massivement.
Ainsi construire des analyses créatrices c’est refuser les discours dans lesquels tout demeure, découvrir des horizons possibles et même qualifiés d’ impossibles, montrer non seulement des reflets du réel mais des projets sur le réel, se comporter par rapport au monde non seulement comme face à des réalités données mais aussi comme quelque chose à construire. Simone de Beauvoir écrit « Est régressive toute pensée selon laquelle l’individu « est » et n’a pas à se construire ».
Seconde question de cette introduction : existe-t- il un critère répondant le mieux possible à ces choix et à ces qualités ?
B- Quel concept répondrait à cette analyse qui se voudrait porteuse?
Il faudrait qu’il soit opérationnel. (1) En même temps comment ne pas souligner ses limites? (2).
1- Un concept opérationnel d’une analyse porteuse.
Nous prendrons le terme « opérationnel » comme
permettant de comprendre des causes profondes de phénomènes d’autodestruction
et permettant de proposer des moyens de les remettre en cause.
Nous pensons que ce sont les « mécanismes » et les « contre-mécanismes » qui correspondent le mieux à cet aspect opérationnel .
Le terme « mécanisme » met en avant
d’abord la logique profonde d’un phénomène. Pour prendre une image ce sont les couches non pas superficielles mais profondes du sol . Par exemple les complexes scientifico-militaro- industriels des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie , de la France et d’autres pays ne peuvent pas changer du samedi soir au lundi matin mais sont construits pour durer .
Ce terme met aussi en avant une certaine puissance ( par exemple celle de mécanismes du marché mondial) , une certaine autonomie (par exemple celle de mécanismes de la techno science.) et une certaine rapidité.
Si l’on s’arrête là, on est dans la fatalité de mécanismes broyeurs, d’où l’idée forte, essentielle, vitale de toujours penser et de toujours mettre en œuvre un contre-mécanisme face à un mécanisme.
« Contre-mécanisme » est synonyme de remise en cause, de résistance, de contre-logique, d’alternative.
Ces deux termes « mécanismes »,« contre-mécanismes » ont trois avantages essentiels :
Premier avantage : cette façon de raisonner contribue à faire comprendre aux acteurs que les mécanismes en route sont puissants et que les contre-mécanismes sont donc difficiles à construire , cela à travers des rapports de force.
Second avantage : cette façon de raisonner a vocation à s’inscrire dans des résistances et des constructions non-violentes. On se bat non pas contre des personnes mais contre des logiques . On en appelle donc aux confrontations, dans le respect des personnes, pour trouver ensemble des solutions justes. Voici la fermeté dans la dénonciation des mécanismes, voici l’ imagination dans la construction de contre-mécanismes, et par dessus tout voici la mise en œuvre de moyens conformes aux finalités de démocratie, de justice, de protection de l’environnement, de paix.
Troisième avantage : ces termes correspondent au pessimisme de l’intelligence et à l’optimisme de la volonté.
En effet ces mouvements profonds, ces mécanismes ont tendance à produire le pessimisme de l’intelligence, ce sera ici la première partie de l’intervention.
Mais, comme l’affirmait Antonio Gramsci, dans une lettre à son frère écrite en prison sous le fascisme, en décembre 1929 « Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté ».
Avoir l’optimisme de la volonté c’est penser et mettre en œuvre des contre-mécanismes, ce sera ici la seconde partie de l’intervention. Plus que jamais cette pensée d’Antonio Gramsci devrait être présente dans les actes de résistances et les alternatives.
Le pessimisme de l’intelligence permet d’avoir les yeux, les esprits et les cœurs ouverts sur des logiques profondes autodestructrices.
L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains, les esprits et les cœurs à l’ouvrage pour remettre en cause ces logiques destructrices et construire un monde viable.
Avec nos forces et nos faiblesses, personnelles et collectives, ne faut-il pas faire en sorte que pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte, s’interpellent, se complètent, s’inclinent l’un vers l’autre, qu’ils deviennent des couples de combats ?
2-Un concept opérationnel qui a aussi des limites.
Nous n’allons pas sortir deux tiroirs, voilà l’un, voilà l’autre, c’est le second qui l’emporte.
En fait ce que l’on peut simplement affirmer c’est que, si l’ensemble des logiques et des mécanismes continue ainsi, il est très probable que les logiques de destruction de l’humain et d’une grande partie du vivant s’amplifieront.
Et il est très probable que, si l’ensemble des contre-logiques, des contre-mécanismes se mettait radicalement et massivement en route, les logiques d’autodestruction seront freinées puis peu à peu remises en cause , allant peut-être jusqu’à disparaitre (?).
Ce schéma général a pourtant deux séries d’incertitudes.
D’une part nous voilà face à l’improbable c’est-à-dire ce qui a peu de chances de se produire, face à l’imprévu c’est-à-dire ce qui n’est pas prévu et face à l’imprévisible, c’est-à-dire ce que l’on ne peut pas prévoir.
Ces improbables, ces imprévus, ces imprévisibles peuvent être les pires, les entre-deux, et/ou les meilleurs pour les êtres humains et le vivant. Voilà donc bien, là aussi , une pluralité de possibles qui est devant nous.
D’autre part la prospective nous appelle à nous interroger sur les moyens mis en œuvre, sur les volontés des différents acteurs aux différents niveaux géographiques et sur leurs marges de manœuvres. Autrement dit sur la complexité si chère à l’auteur qui nous a souvent inspiré, Edgar Morin.
D’où un appel à l’humilité dans la pensée et l’action.
Appels qui sont ceux par exemple d’un anthropologue , d’un philosophe et d’un poète.
Claude Levi Strauss affirmait « Plus le savoir progresse plus il comprend pourquoi il ne peut aboutir. Chaque fois que nous avons le sentiment d’avoir fait un certain progrès dans la connaissance nous voyons qu’il suscite d’autres problèmes et que le progrès suivant sera encore plus difficile. En avançant la connaissance se convainc de son infirmité. »
György Lukacs fit devant ses étudiants qui louaient son œuvre philosophique la remarque suivante : « Et pourtant la chose la plus importante je ne l’ai pas comprise ». « Quelle est cette chose ? » lui demande-t-on. « C’est précisément cela que je ne sais pas. »
Rabindranath Tagore, grand poète indien, écrivait « Penser est difficile, agir est très difficile, agir selon la pensée est extrêmement difficile. », il aurait pu ajouter… personnellement et collectivement.
Pour reprendre la pensée de Gramsci soulignée plus-haut, nous envisagerons deux parties :
Ière partie- Les devenirs du monde : trois séries de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence.
IInd partie- Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles portés par l’optimisme de la volonté.
Ière partie- Les devenirs du monde : trois séries de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence.
Voilà donc envisagés tour à tour les mécanismes puissants d’auto destruction et leurs interactions (A) , les volontés des acteurs qui ne sont à ce jour (mai 2021) ni globales ni radicales(B), enfin une accélération qui tend à ruiner différents efforts(C)…
A-Première série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : des mécanismes puissants et des interactions dans un système d’autodestruction.
Il s’agit ici de mécanismes puissants(1) et d’ interactions (2) dans un système d’autodestruction. Ce système d’autodestruction est condamnable et condamné(3).
1- Des mécanismes puissants d’autodestruction.
Le productivisme est synonyme d’une histoire très ancienne, d’un système totalisant, d’une obsession et surtout de logiques profondes.
C’est une histoire très ancienne de plus de 500 ans. Tour à tour voilà le marché des marchands (XVème et XVIème siècles), le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860), le marché des monopoles (1860-1914), enfin le marché mondial contemporain (1914 à nos jours).Ce système est donc né à la fin du Moyen- Âge(XVème), s’est développé à travers la révolution industrielle, puis il est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au XXème , dans les deux premières décennies du XXIème siècle et donc dans les débuts de la troisième décennie…
C’est un système totalisant. D’abord dans l’espace il est présent, certes à des degrés très variables, à tous les niveaux géographiques, à travers tous les acteurs, dans toutes les activités humaines.
Totalisant ensuite dans le temps puisqu’il a au moins cinq siècles, il est tout puissant dans le présent , il hypothèque en grande partie( ?) l’avenir.
Enfin totalisant par rapport à d’autres systèmes :
Ainsi il va bien au-delà de la simple tendance à rechercher l’accroissement de la productivité.
Il est beaucoup plus global que le libéralisme qui est, à partir du XVIIIème, la doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat ne doit pas gêner le libre jeu de la concurrence.
De même le productivisme est plus global et beaucoup plus ancien que le néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les années 1970 et qui accepte une intervention limitée de l’Etat.
De même, s’il a de nombreux points communs avec le capitalisme, en tant que système économique et social fondé sur la propriété privée des moyens de production, sur l’initiative individuelle et la recherche du profit, il a probablement quelque chose de plus vaste, lié non seulement aux dominants de la techno-science mais lié aux recherches et aux techniques elles-mêmes qui, loin de libérer les êtres humains comme beaucoup de marxistes le pensent, pas tous, peuvent contribuer à les libérer ou à les écraser. Nous dirons en fin de compte que capitalisme et productivisme marchent ensemble.
Enfin et surtout le productivisme marche côte à côte avec le capitalisme et l’anthropocène. Cette sorte de trio infernal , qui domine tout ou presque, n’a-t-il pas plus ou moins tendance à devenir une totalité totalisante : tout en elle, rien contre, rien en dehors ?
Nous sommes entrés dans une ère dont l’homme est devenu « la force dominante » depuis à peu près 171 ans (1850-2021). Cette ère de l’anthropocène peut se ramener à trois éléments : à partir de 1850 c’est l’utilisation massive des énergies fossiles, au XXème siècle la population est multipliée par quatre et la consommation d’énergie multipliée par plus de huit.
Le productivisme c’est aussi une obsession qui l’accompagne, elle occupe de façon permanente le cœur du cœur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition c’est la vie !
La logique de la compétition est élevée au rang « d’impératif naturel » de la société.
Elle est au dessus du « vivre ensemble » et au dessus du « bien commun ». Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à l’existence est fonction de notre rentabilité ( ! ) « Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les perdants. « Malheur aux faibles et aux exclus » écrivait Riccardo Petrella dans son article sur « L’Evangile de la compétitivité » (Le Monde diplomatique, septembre 1991.)
« Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences de la machine économique » écrivait également André Gorz ( Ecologica , éditions Galilée, 2008.L’ouvrage réunit sept textes parus entre 1975 et 2007).
Enfin et surtout ce sont des logiques profondes du productivisme qui le définissent. Quels sont donc ces mécanismes puissants ?
Existent au moins douze logiques profondes .
La recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers, de financiarisation du monde, avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.
L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.
Le culte de la croissance synonyme du « toujours plus », de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, sociaux, environnementaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains. Croissance qui va reculer, se tasser, être en berne, mais qui va revenir, repartir, rebondir et qu’il faut soutenir, favoriser , éternel refrain de la relance … Sainte croissance protégez-nous !
La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des bientôt huit milliards d’ habitants de notre planète.
La conquête ou la défense des parts de marchés synonyme d’un libre-échange tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de marchés.
La domination sur la nature synonyme d’ objet au service des êtres humains, ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables. Certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter. (Voir mes articles « La marchandisation de la nature » sur mon site « au trésor des souffles. »)
La militarisation du monde sous de multiples formes en particulier des espaces militarisés, des recherches, des productions et des ventes d’ armements, des conflits armés, des grandes manœuvres, des éducations à la guerre, des administrations extrêmes de multiples peurs, des fabrications d’ennemis ( par exemple de nouvelles classes jugées dangereuses, les déplacés environnementaux. )
La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés viables, soit ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.
L’accélération synonyme de course omniprésente à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, une des hypothèses les plus probables étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant ».(Voir par exemple Harmut Rosa « Accélération », La Découverte, 2010.)
N’oublions pas que l’hypothèse la plus probable de la première cause des dominations des hommes sur les femmes a été leur vitesse de déplacement par laquelle ils se sont accaparés des pouvoirs, ainsi ceux de la chasse, les femmes étaient, dès le début de l’histoire de l’humanité, moins rapides à cause de leurs grossesses et des enfants portés sur le dos. La vitesse, facteur de répartition des pouvoirs, emplit l’histoire des sociétés, cela jusqu’à nos jours avec les fractures des inégalités numériques.
L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des collectivités et des individus plus lents ?
Enfin , douzième logique, la compétition synonyme, nous répète-t-on, d’ « impératif naturel de nos sociétés ». Elle alimente les onze logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques. Elle est omniprésente, omnisciente, omnipotente dans le système productiviste. Cette compétition en fait n’est pas « naturelle » contrairement à ce que l’on croit le plus souvent et nous fait croire presque toujours, elle est le produit de multiples histoires et peut avoir et a, ici et là, des alternatives.. (Voir notre série d’articles « La compétition » sur notre site « au trésor des souffles. »)
Un petit conte, à partager de 10( ou un peu moins) à 110 ans(ou un peu plus) , inventé sur ce système autophage :
Aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint-Exupéry on pourrait ainsi rajouter Erysichthon, qui se mangeait lui-même, évoqué par le poète Ovide en 30 avant notre ère dans « Les Métamorphoses », et l’identifier au productivisme.
« Que faites-vous ? » demande le Petit Prince.
« Je suis devenu un système autophage. Les pays, les marchés, les entreprises se dévorent, je dévore la nature, je dévore même mes limites. »
« Vous aimez çà ? » interroge épouvanté le Petit Prince.
«Au début j’y prenais goût, mais depuis longtemps je ne peux plus m’arrêter, j’ai toujours faim » répond l’autophage.
« A cette allure , dit le Petit Prince, vous souffrirez de plus en plus et vous allez vite disparaitre. Moi quand j’ai soif je marche tout doucement vers une fontaine.»
2- Des mécanismes puissants compliqués et amplifiés par des interactions.
Des interactions entre des domaines d’activités.
Ainsi par exemple les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.
Des interactions entre des éléments de l’environnement .
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des effets plus ou moins étendus.
Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement. De plus en plus de scientifiques ont pensé que les interactions entre les changements climatiques et d’autres drames environnementaux sont lourds de conséquences.
Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone…
Des interactions entre deux grandes crises.
La crise climatique et la crise énergétique, si elles se rencontraient violemment , provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées de nos sociétés.
Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ; un pic de production de pétrole puis un effondrement du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit à la moitié de la consommation de 2020) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales (80 à 85%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement et radicalement les énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques de réductions massives des consommations d’énergies dans les pays développés et aussi dans les pays émergents.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici entre autres ce que l’on appelle « la pédagogie des catastrophes » (Voir notre article « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. » in « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011.)
Mais la catastrophe n’est pas vertueuse en elle-même, elle est avant tout porteuse de souffrances et après les catastrophes on tire un peu, beaucoup ou… pas du tout de véritables leçons, celles qui doivent aller jusqu’aux remises en cause des mécanismes profonds.
3- Les formes d’autodestruction d’un système condamnable et condamné.
L’autodestruction se manifeste sous cinq formes.
Première forme d’autodestruction : les périls communs, c’est-à-dire des séries de drames et de menaces, lesquels ?
Au nombre de quatre séries, ni plus ni moins. On passe souvent sous silence la seconde et surtout la dernière, ce qui est gravissime :
1-La débâcle écologique tendant à dépasser des seuils d’irréversibilité (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité , épidémies … Les épidémies, Covid 19 compris , ont en partie(laquelle ?) pour cause la place écrasante de l’homme dans la nature, des études scientifiques montrent en effet que les risques de contagion sont beaucoup plus élevés chez les espèces sauvages menacées ou en voie d’extinction. Sans compter, causée par le réchauffement climatique, la fonte du permafrost qui pourrait, nous dit-on, réveiller différents virus.
2-Autres périls : les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques) dont les effets sanitaires et environnementaux sont incommensurables.
3–Les inégalités criantes : sanitaires, alimentaires, environnementales, financières, économiques, culturelles… Deux chiffres criants parmi d’autres : en 2019 1 % de la population possède près de la moitié de la fortune mondiale et 1% est responsable de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.
4-Enfin dernier drame et menace à ne pas oublier : la techno science et les marchés financiers qui ont pris en grande partie la place des conducteurs (Etats, entreprises) et sont de moins en moins contrôlés par les êtres humains. Science dont les recherches sont loin de toujours donner priorités aux véritables besoins des êtres humains et du vivant, techniques qui nous sont souvent imposées avant de les avoir choisies, marchés financiers qui fonctionnent à la nanoseconde, à travers pour une part de robots et que l’on n’ose contrarier sous peine de mouvements incontrôlables.
Deuxième forme d’autodestruction : l’ampleur des problèmes des drames et des menaces est impressionnante. A titre indicatif la faim dans le monde, les maladies ( cardiovasculaires, cancers, maladies infectieuses liées aux virus, bactéries et parasites,… ), les conflits armés, les terrorismes, la course aux armements, les atteintes aux droits des personnes, des peuples, et déjà des générations futures, la dégradation mondiale de l’environnement, l’urbanisation vertigineuse, l’explosion des inégalités, la pauvreté et la misère, le chômage, l’analphabétisme , l’endettement mondial, la criminalité financière internationale, l’explosion démographique…
Troisième forme d’autodestruction : le productivisme nous dépasse et avance dans l’autodestruction.
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à penser et à mettre en œuvre.
D’autre part ce système a des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.
Quatrième forme d’autodestruction : le productivisme ne réalise pas le bien commun.
Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire.
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement.
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent.(Voir la série d’articles « Les violences » sur site « au trésor des souffles. »)
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et à en créer de nouvelles, il est pour une large part injuste.
Cinquième forme d’autodestruction : le productivisme contribue aux confusions entre les fins et les moyens.
Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rangs de moyens,
plus ou moins domestiqués comme consommateurs,
expropriés comme producteurs,
dépossédés comme citoyens,
« marchandisés » comme êtres vivants…
Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.
Ainsi ce système n’est-il pas condamnable et condamné ?
– Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs qu’étaient les Etats et les entreprises, autrement dit ,pour faire court, le politique et l’économique ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (3°C à 6°C -ou plus- d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et à cette même date un mètre -ou plus- d’élévation du niveau des mers ?
Ces deux petits passages ci-dessus, actualisés d’année en année, sont souvent repris dans mes écrits et mes interventions orales. Cela me fait penser à ce qu’un vieil ami disparu m’avait dit « L’amour n’a qu’un mot, il le redit sans cesse mais il ne le répète jamais, c’est l’amour. » De même on peut redire sans cesse que le productivisme a deux mots qui le qualifient « Condamnable et condamné. » On peut les redire sans cesse, mais on ne les répétera jamais… assez.
Dans sa compétition totalisante, terricide et humanicide, le productivisme n’est-il d’ailleurs pas l’un des contraires de ce que peuvent être l’amour, l’amitié, la fraternité ? Eux aussi peuvent être pris dans les filets de ce système inhumain, il faut alors beaucoup de forces, de chances, de solidarités pour les trouver ou les retrouver et pour participer à l’avènement d’un monde viable.
B- Deuxième série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : les acteurs, à ce jour, dans l’ensemble, n’ont pas les volontés globales et radicales nécessaires.
La liste indicative des acteurs est connue : Etats, organisations internationales et régionales, firmes multinationales, marchés financiers, banques, paradis fiscaux, mafias, ONG, réseaux sur le net, entreprises, ministères, administrations, professions, tribunaux, collectivités locales, générations, peuples, personnes…
Quels acteurs pour passer d’un système productiviste à un monde viable ?
Le productivisme fonctionne comme un machine infernale qui a , au centre, un cœur et, autour, une armature. (Voir la démonstration détaillée dans mes deux ouvrages « Construire la paix », La Chronique sociale,1988.)
-Quel est le « cœur du système productiviste ? Il s’agit des marchés financiers, des firmes multinationales, des complexes de la technoscience.
-Quelle est l’« armature » du système productiviste ? Il s’agit des 200 Etats, en particulier des Etats du G8 et de quelques autres dont bien sûr la Chine et l’Inde, des organisations régionales (par exemple l’Union européenne, …), des organisations internationales , des grands groupes médiatiques et bien entendu des acteurs humains…
-Tous les acteurs ont des remises en cause à mettre en œuvre, dans des proportions très variables et avec des responsabilités très variables : Etats, organisations internationales et régionales, ainsi l’Union européenne, organisations non gouvernementales, entreprises, firmes multinationales, collectivités territoriales, réseaux scientifiques et technologiques, enfin les acteurs humains c’est-à-dire les personnes, (en particulier les hommes dans les remises en cause de dominations par rapport aux femmes), les peuples, l’humanité.
Comment passer des intérêts nationaux (ceux de chaque Etat) aux intérêts communs (ceux des Etats et de la société civile internationale) puis à l’intérêt commun de l’humanité et du vivant ?
C’est une question qui , entre autres, engage de multiples et gigantesques volontés. Or à ce jour, de façons certes variables, voilà des volontés plus ou moins étouffées(1) , dépassées(2), essoufflées(3)…
1- Des volontés étouffées.
Des volontés ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de mécanismes.
Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce alors à travers l’apprentissage d’une l’obéissance omni présente, d’une soumission très forte à de multiples hiérarchies, l’intégration très vive de la fatalité, la déresponsabilisation qui amène à dire « je n’ai fait qu’obéir aux chefs »(quitte à désobéir à sa conscience), le discours-vérité auquel on doit se soumettre sans douter et sans poser de questions. Participent à ces éducations, et cela de diverses façons, certaines familles, une partie des institutions scolaires et universitaires, certaines formations, une partie des médias, certaines hiérarchies professionnelles qui peuvent être pesantes ou étouffantes …
Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant, avec obsession , le peloton de tête, l’excellence, les gagnants, les premiers de cordée, le droit du plus fort, le culte de la croissance. On étouffe des volontés qui pourraient aller dans le sens de la coopération, de la solidarité, on oriente des volontés vers l’obsession de la puissance, « être ou ne pas être puissants », si vous n’êtes pas puissant (personne ou collectivité) vous êtes mort. On en arrive ainsi symboliquement à qualifier un Etat de « puissance », le mot n’est pas neutre. L’idéologie de la puissance a vraiment colonisé une large part de nombreux esprits.
Volontés étouffées par l’administration des peurs qui repose sur l’idéologie sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, on élimine ou on gomme des différences, on organise la fabrication de l’image des ennemis.
Volontés étouffées par l’appel au grand remède miracle. On fait croire qu’il faut s’en remettre les yeux fermés à « La » solution qui va tout régler, ce remède miracle va sauver les êtres humains de tous les malheurs. Ainsi l’homme providentiel, l’élimination de boucs émissaires, la grande technique miracle (qui, par exemple, va « mettre la Terre à l’ombre » et nous dispenser des politiques de réduction des gaz à effet de serre), le grand sommet miracle (oui , un sommet peut parfois faire avancer des éléments d’une situation mais c’est au mieux un pas important, il en reste beaucoup d’autres, en particulier dans la mise en œuvre des recommandations et des décisions..)
Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de prise de conscience des caractères destructeurs du productivisme, de dictature de l’instant consacré au « toujours plus ». L’accélération du système international n’est pas sans conséquences sur les décisions qui, souvent, n’ont pas le temps d’être muries, ou bien sont repoussées à une autre date, voire dans un autre lieu, on s’estime alors débordés par l’ampleur du dossier ou par d’autres décisions plus urgentes.
Volontés étouffées par des oppressions politiques, financières, économiques, sociales, culturelles.
Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits. Il s’agit soit de la violence d’oppression par laquelle on dicte sa loi, soit de la violence de soumission par laquelle on exerce une violence contre soi-même par rapport à des valeurs qui sont pour nous importantes mais que l’on enterre provisoirement ou définitivement.
2- Des volontés dépassées.
« A l’auberge de la décision les gens dorment bien. » Proverbe persan
L’un des exemples les plus terribles est celui des temps de réactions et de remises en cause devant les changements climatiques . Existe un divorce très impressionnant entre, d’une part , des données scientifiques, des avertissements d’auteurs de diverses disciplines et de militants d’ONG et, d’autre part, les temps de réactions, de décisions et d’applications de nombreux autres acteurs : alors que la dégradation environnementale s’accélère et atteint ici et là des seuils d’irréversibilité, il est fréquent de constater que des conférences internationales décident, selon les cas, pour une part, pour une large part ou pour la totalité … que l’on décidera plus tard.
Cela signifie que plus l’on attend plus les solutions devront être radicales et massives sous peine de fonctionner dans le vide.
Sans remonter à l’avertissement du scientifique suédois Arrhénius en 1896, rappelons, exemple criant , que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm qu’est évoqué pour la première fois au niveau de tous les Etats le danger du réchauffement climatique, qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention, 1997 pour qu’arrive son protocole, 2005 pour qu’il entre en vigueur, 2015 pour un nouvel accord qui, certes rapidement, entre en vigueur fin 2016, soit au total près de 44 ans ! Sans compter cinq années de plus pour que des Etats annoncent des augmentations volontaires de réductions des émissions de gaz à effet de serre, soit cinquante ans au total ! Merci les Etats ! Les générations présentes et futures vous remercient !
Il faudrait ajouter à cela la responsabilité de certains scientifiques dominants, de 1896 jusque vers 1970, qui ont mis sous un linceul de silence les découvertes de cette période parce qu’elles contredisaient leurs certitudes erronées. (Voir mon article Incertitude juridique, incertitude scientifique et droit des changements climatiques., Publication du séminaire du CRIDEAU avec le soutien du groupement sciences et droit (GDR) éditions PULIM, 2000 n°3. )
Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six séries de mécanismes.
Volontés dépassées par la complexité et la technicité du système productiviste. La complexité est liée à un grand nombre d’acteurs, à des interdépendances entre les activités, entre les niveaux géographiques, à une quantité impressionnante de données fournies par de nombreuses disciplines. Cette complexité est niée par le discours-vérité, par le discours sur le grand remède miracle, par le discours en vase clos. La technicité du réel est liée à la technique planétaire qui se répand, de façon inégale, à travers d’énormes complexes scientifico-technico- industriels, elle fait sentir son poids dans les processus de décision.
Volontés dépassées par un processus de décision compliqué lié, entres autres, à un grand nombre de participants à la décision. Ainsi un nombre important de membres d’une famille, ainsi un nombre important de partenaires sociaux autour d’un dossier, ainsi un nombre important d’Etats dans une conférence internationale. Par exemple dans ce dernier cas il n’est pas rare que l’on décide… que l’on décidera plus tard, ce qui peut être le cas, ce qui peut au contraire ne pas être le cas et on reporte alors plusieurs fois les décisions qui seront ensuite plus douloureuses à prendre si le problème, la menace ou le drame s’est aggravé.
Volontés dépassées par la rapidité du système international liée, par exemple, à certaines technologies, à la banalisation de la vitesse, à l’omniprésence du court terme, aux interactions qui se développent très vite.
Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se manifestent par de multiples concentrations de savoirs, de pouvoirs, d’avoirs.
Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme, que se soit par rapport à la dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences, aux aspects autoritaires du système international. Moyens souvent dérisoires dans la mesure où ils s’attaquent aux effets des problèmes des drames et des menaces et beaucoup moins ou pas du tout à leurs causes. Moyens souvent dérisoires, par exemple financièrement, dans la mesure où des besoins criants ont pour réponse un linceul de silence.
Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin de toujours tirer la pédagogie.
3- Des volontés essoufflées.
Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver essoufflées par au moins quatre séries de mécanismes.
Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, il peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui se voulaient différentes ou qui étaient en rupture avec lui.
Volontés essoufflées par des échecs personnels et collectifs pour changer l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur (personnes ou collectivités) lorsque c’est nécessaire.
Volontés essoufflées par le sentiment de statu quo : une petite avancée locale mais un statu quo global, ou bien une avancée globale qui ne se traduit pas localement.
Volontés essoufflées par une érosion, par un épuisement des motivations personnelles et/ou collectives qui poussaient à agir.
C- Troisième série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : l’accélération tend à ruiner différents efforts.
Il s’agit de la planète, en particulier et avant tout du vivant, animaux, végétaux, êtres humains ( personnes, peuples, humanité, cette dernière étant constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures), c’est le monde aussi jusqu’au long terme, environ 2030 à 2100 et au delà…)
Nous passerons rapidement sur le temps incommensurable à venir puisque, d’une part, un évènement astrophysique d’une hypothèse de disparition de la Terre entière n’est pas exclu (la Terre avalée par un trou noir, la Terre pulvérisée par un gigantesque objet…) , d’autre part, nous dit-on, dans un milliard d’années, à travers un terrible sursaut, le soleil grillera le système solaire puis s’éteindra complètement deux milliards d’années plus tard .Voilà qui supposerait que, si les générations futures étaient encore là, il faudrait pour survivre qu’elles aient pris pied en dehors du système solaire dans, peut-être au plus tard( ?) 500 millions d’années, ce qui est beaucoup plus que la durée moyenne d’un genre, soit une trentaine de millions d’années. Le genre Homo a deux millions d’années et a probablement épuisé une partie (laquelle ?) de ce parcours.
Des prévisions très sombres existent, par exemple celle d’un grand scientifique australien (Frank Fenner) qui déclarait en 2010 « Le destin de l’homme est déjà scellé, il est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés humaines ne seront plus. » Il n’était pas le premier à le dire, ni les derniers ceux qui lui répondent que l’espoir restant est celui ,entre autres, d’une « métamorphose de l’humanité » (expression d’Edgar Morin) à travers des volontés massives de changements massifs.
Trois points proposés : la crise du temps(1), l’accélération du productivisme(2), l’environnement et l’accélération(3).
1- L’accélération se situe dans une crise du temps.
La crise du temps liée au système productiviste aggrave l’état des lieux. Ainsi de façon globale le temps du marché et du profit à court terme se heurte aux temps écologiques à long terme, et des pouvoirs humains se voulant infinis se heurtent à la finitude de la Terre.
Ainsi de façon plus précise les manifestations de la crise du temps, à titre indicatif, sont liées à l’arrivée de nouvelles technologies représentant des échelles de temps gigantesques (déchets nucléaires, exploration spatiale) ou miniaturisées (informatique).De même participent à cette crise du temps le stress temporel des villes, la communication qui devient souvent une célébration de l’immédiat, l’exclusion qui témoigne d’une difficulté à se penser dans le temps…
2- L’accélération du système international est omniprésente .
Elle se manifeste de multiples façons : une techno-science omniprésente et toujours en mouvement, un règne de la marchandise toujours à renouveler, une circulation rapide de capitaux, de produits, de services, d’informations qui font de la planète une sorte de « grand village », les déplacements nombreux et rapides des êtres humains, l’explosion démographique mondiale, l’urbanisation accélérée du monde, les discours sur la compétition, personnelle et collective, économique, culturelle, militaire, la prise de conscience d’une fragilité écologique de la planète provoquée par des activités humaines productivistes.(Voir articles sur l’accélération, site « au trésor des souffles. »)
… Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.
3- L’accélération est une machine infernale par rapport à l’environnement, pourquoi ?
Quatre mécanismes ont quelque chose de terrifiant au sens d’une machine infernale.
Premier mécanisme : le système international s’accélère, on vient d’en énumérer quelques manifestations.
Second mécanisme : Les réformes et les remises en cause pour protéger l’environnement sont souvent lentes : complexité des rapports de force et des négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications, inertie des systèmes économiques et techniques sans oublier la lenteur de l’évolution des écosystèmes.
Troisième mécanisme : l’aggravation des problèmes, des menaces et des drames fait que l’on agit pour une part dans l’urgence : l’urgence tend à occuper une place importante.
Quatrième mécanisme : s’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates, il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme ce qui demande du temps,
…or le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.
Ainsi la pente la plus forte c’est celle de la résignation devant les rapports de forces alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel contient probablement plus de possibles que l’on ne croit.
Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du réalisme, laisser la place à des sortes d’experts de rétrécissements d’horizons, et finalement de ne pas être à la hauteur des défis. Simone de Beauvoir écrivait « Il est peu de vertus plus tristes que la résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. » Jean-Paul Sartre écrivait de même « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »
Pour paraphraser un écrivain (« On n’attend pas l’avenir comme on attend le train : on le fait. ») : on n’attend pas l’avenir les bras croisés, on participe à sa construction, en personne, en peuple et en humanité.
Oui , construire un monde viable
dans nos terroirs, le village, la ville , la région,
dans notre patrie, le pays,
dans notre matrie , le continent,
dans notre foyer d’humanité et du vivant , la Terre.
Ces différents lieux de vie ne doivent-ils pas
se reconnaitre,
se protéger,
se compléter,
s’interpeller,
se limiter
et s’incliner les uns vers les autres ?
IInd partie- Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles portés par l’optimisme de la volonté
Chaque série de possibles, c’est à dire de contre-logiques nécessaires, de contre-mécanismes, doit répondre aux logiques aux mécanismes précédents.
Voilà donc envisagés tour à tour des moyens viables(A), des volontés globales et radicales(B), une reconquête du temps(C).
A-Première série d’autres possibles : penser et mettre en œuvre des moyens pour un monde viable.
Face à la toute-puissance du productivisme il faut résister c’est-à-dire penser (ce qui est parfois fait ici et là) et mettre en œuvre (ce qui est rarement le cas ) des contre-mécanismes pour lutter contre la confusion entre les moyens et les fins(1).Cela signifie un respect des fins(2). Il faut aussi construire des sociétés et une communauté mondiale à travers des moyens justes, démocratiques, écologiques et pacifiques(3).
1-Résister face aux confusions entre les fins et les moyens.
Il s’agit de remettre à leur place les moyens et de respecter les fins.
Résister en remettant à leur place les moyens , cela signifie une techno-science et un marché au service des êtres humains et non le contraire.
Résister en remettant à sa place la techno-science :
comme on s’en remet au marché on s’en remet souvent aussi à la techno-science. Les recherches et les technologies aux différents niveaux géographiques, à travers des phénomènes de concentrations et de groupes dominants (firmes multinationales, laboratoires) ont tendance à s’auto reproduire parfois, voire souvent, indépendamment des véritables besoins des êtres humains.
La techno-science ne tend-t-elle pas à échapper de plus en plus aux acteurs humains ? Après les phases de mécanisation, de motorisation, d’automatisation est venue celle de la cybernétisation c’est-à-dire de mécanismes de régulation des machines et des êtres vivants. La cybernétisation des technologies avancées n’amène-t-elle pas à enlever des possibilités d’appréciation et de décision à ceux qui sont censés les contrôler ?
Dès lors une question vitale est la suivante : les acteurs humains doivent-ils, veulent-ils, peuvent-ils mettre en œuvre un véritable contrôle de la techno-science à tous les niveaux géographiques ?
Nous citerons au moins six séries de contrôles urgents, cruciaux, décisifs : la recherche scientifique militaire sur les armes de destruction massive, les problèmes , drames et menaces posés par les déchets radioactifs et donc par l’énergie nucléaire, les pollutions causées par des moyens de transports écologiquement non viables, la marchandisation de la faune et de la flore, l’exclusion du travail par la technique (une des grandes causes du chômage), et déjà le déploiement ici ou là hors encadrement juridique rigoureux des manipulations du génome, des nanotechnologies et de certains projets de géo-ingénierie…Nous pourrions prolonger la liste. La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers drames exigent une techno-science ramenée au rang de moyen au service des êtres humains.
Il y a ainsi au moins deux grands axes pour mettre en œuvre un contrôle de la techno-science ou , de façon plus radicale, pour la remettre à sa place.
Le premier axe se situe en termes de priorités c’est-à-dire que les efforts de recherches et de nouvelles technologies doivent être orientés en fonction des priorités liées à l’intérêt commun de l’humanité, les activités de la techno-science doivent s’inscrire dans des contrats à tous les niveaux géographiques, contrats mettant en avant ces priorités, ainsi par exemple des domaines sanitaires et environnementaux.
Le second axe se situe en termes d’interdictions : la sacro-sainte liberté de la recherche scientifique doit être remise en cause quand elle menace la dignité des personnes ou l’intérêt commun de l’humanité. Remise en cause financièrement par la suppression de ces programmes de recherches, remise en cause par des interdictions internationales contrôlées et sanctionnées.
Résister en remettant à sa place le marché :
face à l’économisme triomphant, à la recherche du profit, à la société du marché qui a tendance à occuper toute la place, un certain nombre d’auteurs, d’organisations non gouvernementales (ONG), de citoyen(ne)s, et d’autres acteurs proposent ou contribuent à mettre en œuvre ici ou là une « économie plurielle ».
Face au libre-échange généralisé, face aux logiques de guerre économique et de compétition, il s’agit de remettre le marché à sa place et de créer ou de développer des logiques de coopération.
Il y a ainsi au moins quatre grands axes pour mettre en œuvre ce contrôle du marché ou, de façon plus radicale, pour remettre le marché à sa place.
Il est nécessaire de subordonner le libre-échange à ce qui deviendrait la primauté de la protection de l’environnement et de la santé.
Il est nécessaire que soient créées ou se développent des formes d’économie plurielle : économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché), des pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange. Se mettent aussi en place des pratiques d’économie collaborative en matière de transports (covoiturage) de logements ( colocation) de nourriture, d’éducation, sans oublier des autoproductions et des relocalisations d’activités…
Le troisième axe consiste à désarmer le pouvoir financier en adoptant, entre autres, une taxe radicale sur les transactions financières et en remettant radicalement en cause les paradis fiscaux (banques, firmes multinationales).
Le quatrième axe est constitué par le fait que certaines productions du marché sont, par nature, plus ou moins nuisibles aux acteurs humains. Dans l’économie plurielle, les reconversions – par exemple des industries d’armements – contribuent à l’avènement d’un monde responsable et solidaire, reconversions socialement et écologiquement porteuses. De façon plus globale il s’agit d’une remise en cause de l’accumulation de productions d’objets et de services inutiles, socialement nuisibles et destructeurs de ressources naturelles.
2- Résister en respectant les fins : les personnes , les peuples et les générations, libres, debout et solidaires, et un respect de l’ensemble du vivant .
Il s’agit de consacrer, encore mieux et à tous les niveaux géographiques, les trois générations de droits humains : les droits civils et politiques, les droits économiques sociaux et culturels, les droits de solidarité ( le droit à l’environnement, le droit au développement et le droit à la paix).
Il s’agit de préparer la consécration d’une quatrième génération de droits, ceux des personnes par rapport à la techno science (par exemple l’interdiction de recherches sur les armes de destruction massive , par exemple également les droits des personnes par rapport aux robots…)
Il s’agit bien sûr, aussi et surtout, de mettre en œuvre ces générations de droits, de les faire respecter à travers divers mécanismes de contrôles et de sanctions.
Dans les textes et leurs mises en œuvre doivent être présents non seulement les droits de l’homme mais aussi les droits des peuples et de l’humanité. Ils doivent s’appuyer les uns sur les autres.
Les droits des peuples dans leur autodétermination politique, écologique, économique, sociale et culturelle…
Les droits de l’humanité , ceux des générations présentes bien sûr, ceux des droits des générations futures. (Voir articles sur le site « au trésor des souffles », sur le blog Lavieille de Mediapart , voir aussi la thèse et les articles de Catherine Le Bris sur l’humanité.) Droits qui doivent être mieux consacrés et respectés. .(Voir articles sur le projet en 2015 de « Déclaration universelle des droits de l’humanité »,site « au trésor des souffles ».)
Sans oublier les générations passées qui ont droit à la préservation du patrimoine culturel mondial régional et local qu’elles nous laissent.
Enfin d’une façon générale le respect du vivant , de la biodiversité, des espèces animales et végétales , est vital intrinsèquement en lui-même et pour les êtres humains.
Soulignons enfin que le rôle des juges , celui des ONG, celui des citoyen.ne.s , certes différents, sont ici essentiels dans la mise en œuvre de ces protections.
Ainsi résister c’est dire non à l’inacceptable, à toutes les formes d’atteintes à la dignité humaine et à celles du vivant.
Ne sommes-nous pas comme les maillons d’une gigantesque chaine ? Générations présentes nous voilà responsables de la transmission du patrimoine commun de l’humanité.
Cet immense héritage est à la fois un donné et un projet. Ce patrimoine commun et ces biens communs passent par nous, ils devraient nous porter au-delà de nous-mêmes, mon humanité sera d’autant plus vivante que la voilà partie prenante (« un sac pour recevoir ») et donnante (« un sac pour donner ») de la chaine des générations. L’humanité n’est pas une construction fumeuse, elle s’incarne à travers le temps, elle peut contribuer à nous transformer personnellement et collectivement, cela à travers des remises en cause de rapports de forces et à travers des pédagogies de catastrophes. Serons-nous indifférents, tièdes, somnolents ou voulons-nous devenir des veilleurs debout ?
Comment ne pas être saisi, pris à la gorge, par le mythe poignant d’Enée fuyant la ville de Troie en flammes, transportant les divinités pénates chargées de la garde du foyer, avec sur le dos son vieux père et tenant la main de son fils . Combien de vécus dramatiques semblables des débuts de l’humanité jusqu’à nos jours sur les routes et sur les mers du monde ?
Ainsi pour résister à l’intolérable et pour construire des sociétés démocratiques, justes, écologiques, pacifiques, le souffle de ceux et celles qui nous ont précédés et celui de ceux et celles qui vont nous suivre peuvent contribuer à nous porter, mais c’est notre souffle, celui des vivants que l’on attend. Et c’est notre souffle qui nous attend.
Terminons par un vœu ou plutôt un cri : que nos remises en cause donnent plus de marges de manœuvres surtout aux générations qui viennent de naitre et celles qui naitront dans ces quelques décennies à venir : ne seront-elles pas aux avant-postes de tous les défis? Puissent-elles connaitre la fraternité, l’amitié, l’amour qui peuvent qualifier la vie !
3-Construire : voici une liste indicative de grands moyens par grand domaine pour contribuer à passer d’un système international productiviste autodestructeur à une communauté mondiale humainement viable et respectueuse du vivant.
En exergue et en hommage proposons le titre d’un ouvrage de René Dumont : « L’utopie ou la mort. » (Editions du Seuil ,1973).Ouvrage prophétique écrit il y a cinquante ans et toujours devant nous . L’utopie non pas celle des nuages mais celle d’une rupture concrète et gigantesque qui prend les moyens de se réaliser, moyens respectueux des fins proclamées.
A titre historique rappelons quelques textes essentiels :
Depuis des siècles l’histoire des idées a rayonné pour dénoncer partiellement ou globalement un monde présent et penser partiellement ou globalement un monde nouveau. (Voir par exemple par rapport à la responsabilité nos articles sur l’histoire philosophique de la responsabilité morale, à la rubrique « environnement » sur notre site et notre blog.)
–Depuis 1945 d’immenses auteurs ont mis en cause le productivisme et avancé des idées fortes pour le combattre. Parmi les plus grands Edgar Morin , voir par exemple « La Voie. Pour l’avenir de l’humanité », Arthème Fayard, collection Pluriel, 2011.)
-Les plates- formes se sont multipliées de 1970 à 2021, parmi les plus importantes celle du Club de Rome de 1972 « Les limites à la croissance » et le rapport du Groupe de Lisbonne, « Limites à la compétitivité, pour un nouveau contrat mondial », éditions La Découverte, Essais, 1995. De très nombreuses initiatives ont donné des textes importants ainsi le Manifeste de l’eau et le contrat mondial de l’eau …
-Il y a 27 ans avait surtout vu le jour la « Plate-forme pour un monde responsable et solidaire », , qui est à la fois « un état des lieux des dysfonctionnements de la planète et une mise en avant de principes d’action pour garantir un avenir digne au genre humain », plate-forme portée par la Fondation pour le progrès de l’homme. (Voir le Monde diplomatique d’avril 1994.)
De nombreux textes l’avaient précédé et l’ont suivi, un des derniers en France est par exemple celui intitulé « Vers des jours heureux » de Monique Chemillier-Gendreau ( 28 avril 2020 sur Mediapart).(auteure en particulier de l’ouvrage remarquable « humanité et souverainetés » , éditions la découverte 1995.
M’ont aussi inspiré pour élaborer cette liste de moyens viables de multiples écrits de différents auteurs, institutions , organisations, associations…De multiples pratiques à tous les niveaux géographiques, de très nombreuses alternatives(par exemple celles d’Alternatiba) vécues par des centaines de millions d’individus, d’organisations, de collectivités locales dans l’ensemble des domaines…Enfin dans ce que j’ai écrit comme ouvrages et articles, dans ce que j’ai vécu au sein de la vie associative et dans des interventions, colloques et discussions…
Cette liste veut apporter trois éléments que l’on ne retrouve pas ou peu ailleurs :
Cette liste veut prendre en compte la paix, domaine négligé ou partiellement traité dans beaucoup de plates-formes (l’auteur a eu la chance d’avoir beaucoup écrit et milité en ce domaine qui, pense-t-il, reste un des échecs les plus terribles de sa génération).
Cette liste veut prendre en compte l’humanité laissée de côté ou traitée de façon partielle dans ces plates-formes , l’auteur a eu la chance de participer à l’écriture du projet de « Déclaration universelle des droits de l’humanité », projet envoyé par la France en 2015 aux Nations Unies.
Enfin cette liste se veut nouvelle pour une partie des propositions jamais faites à ce jour,
Ajoutons enfin qu’un certain nombre de moyens proposés ici sont liés à la décroissance.
A ce sujet voilà bien sûr par exemple les ouvrages de Serge Latouche, théoricien de la décroissance laquelle « vise le travailler moins pour travailler mieux », qui en appelle « à un sevrage de notre toxicodépendance à la consommation passant par une rupture radicale , un changement de civilisation. » ( Les propos recueillis par Frédéric Cazenave et Marie Charrel, Le Monde ,13 décembre 2018.)
Nous pouvons penser qu’est vital en effet par exemple le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leur mode de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter des pratiques de frugalité , de simplicité.
Il s’agit d’aller, au Nord et au Sud de la planète, vers des sociétés écologiquement viables qui mettront en avant une relocalisation des activités, une redistribution des richesses à partir de fonds internationaux issus des taxes sur les marchés financiers et les activités polluantes.
Une telle économie n’est pas un simple verdissement du capitalisme économique et financier, c’est une économie s’éloignant du culte de la croissance, s’attaquant aux inégalités criantes dans les sociétés et entre sociétés du Nord et du Sud, c’est une société qui désarme peu à peu le pouvoir financier.
Voici donc une liste indicative de 33 séries de moyens viables souvent radicaux (une vérité saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : plus on attend plus on est poussé, avec soi et/ou malgré soi, vers la radicalité) , leur mise en œuvre demanderait probablement plusieurs décennies.
Bien entendu vous pourrez juger tel ou tel moyen inadmissible, scandaleux, dangereux, inefficace, impossible, et vous regretterez de ne pas voir évoqué tel ou tel autre.
En tous cas ne l’oublions pas : de l’utopie il en faut beaucoup, çà réduit à la cuisson.
Si vous voulez aller plus loin sur chaque série de moyens viables voir par exemple notre site « au trésor des souffles » ou notre blog Lavieille sur Mediapart.
I-Huit séries de moyens démocratiques :
1– Le désarmement du pouvoir financier :
En premier lieu soulignons d’abord trois gigantesques remises en cause vitales :
les remises en cause radicales des paradis fiscaux à travers de puissants contre-mécanismes,
les remises en cause des corruptions,
puis la création des interdictions de spéculation sur les produits agricoles, sur des marchés opaques et en direction des banques qui spéculent avec l’argent des déposants…
En second lieu il faut ajouter les créations massives et nombreuses de « nouvelles ressources financières du XXIème siècle » au moins au nombre de huit, vous allez constater que… la taxe peut « cartonner » :
une taxation des transactions financières. , importante et mondiale, qui doit inclure les devises et les produits dérivés, / un impôt progressif et mondial sur les capitaux, en particulier pour les grandes fortunes, /une taxation des fonds spéculatifs,/ une taxation des ressources issues des bénéfices des firmes multinationales, /une taxation sur les bénéfices des grandes entreprises du numérique / une taxation des émissions de CO2 pour les transports internationaux,/ des capitaux provenant de la suppression complète des subventions des énergies fossiles ,/des transferts de dépenses militaires vers les dépenses de santé, d’environnement, d’alimentation, de logement, de culture…/
et toute nouvelle ressource allant dans le sens de « l’intérêt commun de l’humanité .»
2– Les souffles de la démocratie dans les régimes politiques avec, par exemple, des moyens participatifs et des débats contradictoires sur des sujets essentiels. (Voir articles sur la démocratie sur le site « au trésor des souffles ».)
Bien entendu l’Union européenne doit être elle aussi démocratisée, en particulier en donnant le pouvoir d’initiative au Parlement européen , en contrôlant la Banque centrale européenne et en créant un chambre des ONG…
3-L’encadrement des firmes multinationales.
4- La maitrise de la technoscience : les priorités des recherches et des créations de nouvelles technologies seront orientées vers les besoins criants en santé, en environnement, et la sacro-sainte liberté de la recherche scientifique sera remise en cause quand elle porte atteinte ou menace la dignité des personnes ou l’intérêt commun de l’humanité.
5-La démocratisation des institutions internationales par rapport en particulier aux pays du Sud et aux ONG et la création d’une organisation mondiale de l’environnement.
6-Le développement de la justice internationale dans son accès et ses moyens.
7 –Les créations de nouvelles formes d’organisations du XXIème siècle composées de différents types d’acteurs et pas seulement des Etats.
8- L’avènement de la démocratie transgénérationnelle avec une nouvelle institution intégrant le long terme. (Voir mon article « La Fraternité transgénérationnelle » in « La Fraternité » , actes du colloque de Limoges d’avril 2016 du réseau européen de recherche en droits de l’homme, Institut universitaire de Varenne,2018.)
II–Huit séries de moyens justes :
1-La réalisation de conditions de vie dignes (avec entre autres la création d’un véritable revenu universel d’existence ).
2 –Les annulations de dettes publiques, en particulier des pays du Sud .
3 – La subordination du libre-échange à la santé, à l’environnement et au social , le développement tous azimuts du commerce équitable .
4-De multiples formes d’économie plurielle c’est à dire des formes d’économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché),des pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange, des pratiques d’économie collaborative en matière de transports(covoiturage)de logements( colocation) de nourriture, d’éducation…),des pratiques d’autoproduction et de relocalisations d’activités.
Economie plurielle remettant en cause l’omniprésence de la compétition et la primauté de l’argent, c’est-à-dire de la conversion de toutes choses en argent et de l’argent en toutes choses, tout ce que le marché voit il le touche il l’emballe, il le vend. Autrement dit organiser des crans d’arrêt à la marchandisation du monde, ainsi des éléments de l’environnement ( l’eau …) qui seront déclarés biens publics mondiaux avec une protection et un accès universels.
5-Des fiscalités justes, des salaires justes, des retraites justes. Immenses remises en cause.
6-Des créations et des redistributions de fonds internationaux nouveaux déjà évoqués.
7- Des créations massives d’emplois d’utilité sociale, écologique et pacifique. à chaque niveau géographique
8- La reconquête du temps sous de multiples formes avec en particulier la réduction du temps de travail.
III–Neuf séries de moyens écologiques (la 9ème étant relative à la démographie) :
1–Des remises en cause décisives d’activités polluantes accompagnées de reconversions. Les Etats doivent réduire et éliminer les modes de transports, de production et de consommation non viables. C’est le principe le plus radical de la Déclaration de Rio de 1992, radicalisé encore ici puisqu’on a ajouté les transports et que le texte affirme « les Etats devraient » et non pas « doivent. »
2–Des programmes massifs et financés d’accès à l’eau et à l’assainissement.
3–Des transitions énergétiques rapides et massives, avec entre autres une sortie rapide du nucléaire dont les effets sanitaires, environnementaux et financiers sont incommensurables dans l’espace et dans le temps.
4- Une protection radicale de la biodiversité et une agriculture écologique.(Voir notre article sur « La marchandisation de la nature », in Mélanges en l’honneur de Soukaina Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps environnemental,PUF,2016.
5– Des réparations de régions gravement dégradées avec la création de chantiers à tous les niveaux géographiques, y compris des chantiers mondiaux. Autant de possibilités d’emplois.
6-De nouvelles conventions et des principes plus opérationnels de droit de l’environnement. (Voir les Déclarations de Limoges de 1991, 2001 et 2011 adoptées par les réunions mondiales des juristes et des associations de droit de l’environnement.)
7- Des moyens juridiques et des moyens généraux de protection à créer et à développer.
8- Des créations massives d’emplois dans l’écologie à tous les niveaux géographiques.
9- Un ralentissement déterminant de l’explosion démographique mondiale, insistons sur cette nécessité.
Il a fallu 2 millions d’années pour arriver au premier milliard d’habitants en 1800, il a fallu seulement 210 ans pour avoir une population sept fois plus élevée, sept milliards d’habitants en 2011.Aujourd’hui l’explosion démographique est toujours impressionnante en 2019 il y a 7,7 milliards d’habitants, Chaque année à peu près 139 millions de naissances, 57 millions de décès, soit un accroissement de 82 millions de personnes de la population mondiale. Chaque jour approximativement 380.000 naissances, 156.000 décès, donc un accroissement journalier de 224.000 personnes (une ville française importante) De façon peut-être plus parlante, chaque seconde en 2019 : plus de 4 naissances(4,4), près de 2 décès(1,8) donc un accroissement de 2,6 .
Les prévisions en 2019 des Nations Unies sont de deux milliards de personnes de plus sur la Terre dans trente ans, en 2050 donc un accroissement de 7,7 à 9,7 milliards. Après il y a une incertitude, celle du nombre, en 2100 entre 8 selon certains démographes et 11 selon les Nations Unies, et une certitude, celle du ralentissement après 2050 aux multiples causes (un pouvoir des religions moins important qui subordonnait les femmes aux hommes, une émancipation féminine grâce à l’accès à l’ éducation , donc une plus grande autonomie qui influence le nombre d’enfants qu’elles veulent avoir, un développement de divers pays donc le fait que « le meilleur anticonceptionnel c’est le développement », un accès massif aux moyens contraceptifs, une baisse de la fertilité due à la détérioration de l’environnement, enfin l’enfant des villes qui devient économiquement plus lourd que celui des campagnes qui était souvent considéré comme un atout économique.
La plupart des populations à la croissance démographique la plus rapide se trouvent dans les pays les plus pauvres, elle pose de nouveaux défis pour l’éradication de la pauvreté, l’égalité, la lutte contre la faim et la malnutrition , le renforcement des systèmes de santé et d’éducation.
Les effets sur l’environnement sont criants. Il s’agit de l’une des causes de l’accélération des changements climatiques et c’est un poids sur les écosystèmes.
Une réalité illustre tous ces drames et ces menaces, c’est celui de l’habitat, le monde s’urbanise, se mégapolise, se bidonvillise, se fragilise. La grande ville est devenue le lieu de multiples fractures, environnementales, sociales, économiques…
Il y a ainsi deux positions par rapport à la démographie à venir :
Soit on attend le ralentissement qui a toutes les chances de se produire à partir de 2050.
Soit on pense qu’il est impératif d’agir pour ralentir la croissance démographique de 2030 à 2050.Il faudrait que les politiques de planification familiale favorisent l’accès à un service de planification basé sur des droits reconnus et sur des choix volontaires, retardent le début du mariage et de la maternité et qu’elles soient partie intégrante d’une politique environnementale et sociale, avec un soutien financier massif des pays du Nord.
Claude Lévi-Strauss et René Dumont, entre autres, avaient beaucoup insisté sur le fait qu’on ne devait surtout pas dissocier l’explosion démographique de la protection de l’environnement, la première devait diminuer radicalement si l’on voulait que la seconde puisse être sauvée.
IV- Huit séries de moyens pacifiques :
1-Les interdictions des recherches sur les armes de destruction massive.
C’est l’un des plus grands tabous du monde, protégé par la sacro-sainte liberté de la recherche, très difficile à penser et très difficile à mettre en œuvre , situé en amont de l’amont de la course aux armements. Ces interdictions reposeraient sur ces recherches qui seraient déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité et du vivant, oui ce serait une gigantesque avancée.
(Voir « Les recherches scientifiques sur les armes de destruction massive : des lacunes du droit positif à une criminalisation par le droit prospectif », intervention au colloque international du RDST, mars 2011 à Paris au Sénat, intervention publiée, voir Article Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Simon Jolivet, Damien Roets, in Droit, sciences et techniques : quelles responsabilités ? Editions LexisNexis, 2011 .)
2- L’application des traités existants et de leurs protocoles et les conclusions de nouveaux traités de désarmement. (Voir mon ouvrage sur « Le droit du désarmement », éditions L’Harmattan, 1998, préfacé par Mohammed Bedjaoui, ancien président de la Cour internationale de justice.)
3- Les suppressions des ventes d’armes , accompagnées des reconversions des industries d’armements. Suppressions à travers restrictions, taxations, interdictions, reconversions et autres formes de remises en cause… « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait. »
4 – La création d’une véritable sécurité collective mondiale enfin pensée et mise en œuvre.(Voir nos nombreux articles sur « La paix . ») Les non-violents insistent beaucoup sur les alternatives de défense, en particulier la défense civile non-violente .En ce domaine l’ouvrage majeur s’intitule « La dissuasion civile », ouvrage de Christian Mellon, Jean-Marie Muller et Jacques Sémelin, publié en 1985 par la Fondation des Etudes de Défense Nationale (FEDN).
5- L’avènement des ministères du désarmement.
6- La consécration du droit à la paix , dont le droit à la sécurité, le droit au désarmement. (Voir de nombreux articles sur la paix et sur le droit à la paix, notre site « au trésor des souffles. ») ( Notre communication sur « Le droit à la paix » : colloque des 7 et 8 décembre 2002 à Ankara, Turquie : « Sécurité et droits de l’homme ». Colloque organisé sous la direction d’Ibrahim Kaboglu , Publication décembre 2002.)
7- La protection de l’environnement dans les conflits armés, avec en particulier la proposition d’une Vème convention de Genève spécifique à cette protection. (Voir notre article « Conflits armés et environnement », colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre 2008. Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, sous la direction de Jean-Pierre Marguénaud et d’Hélène Pauliat, Dalloz, 2009.)
8- Le développement tous azimuts d’une éducation à la paix, (en particulier à travers l’apprentissage du règlement des conflits personnels et collectifs , l’un des éléments les plus importants de nos vies on ne nous l’apprend pas, sauf exceptions personnelles et collectives ) , éducation aussi aux droits de l’homme et à l’environnement.(Voir les très nombreux articles sur « Les violences », notre site « au trésor des souffles », voir aussi nos deux ouvrages sur « Construire la paix »,éditions La Chronique Sociale,1988 .)
J’ajoute quelques commentaires puisque la course aux armements est un échec collectif terrible, et aussi personnel …à sa mesure bien sûr.
Le complexe scientifico-militaro-industriel continue son ascension fulgurante , c’est l’un des drames et l’une des menaces de l’autodestruction.
Certains, nombreux, pensent que la sécurité doit reposer sur un développement quantitatif et qualificatif des armements et, si cela est nécessaire, d’armes de destruction massive. Une telle doctrine suicidaire , humanicide et terricide , sera un jour très probablement déclarée erronée, dangereuse et sera condamnée de façon radicale comme contraire à l’intérêt de l’humanité et du vivant.
La logique générale des armes de destruction massive est accablante. « Equilibrer les terreurs c’est préparer la paix, non pas celle des vivants mais celle des tombeaux » écrivait Jean Rostand.
« La guerre est le témoignage de notre imbécilité » disait Montaigne. « Toutes les guerres sont civiles, c’est toujours l’homme qui répand son propre sang, qui déchire ses propres entrailles » écrivait Fénelon.
Jacques Semelin dans son ouvrage remarquable « Pour sortir de la violence »( éditions ouvrières,1983 ) pense qu’ au commencement de la violence il y a l’angoisse de mort. « Plutôt que de reconnaître que la mort fait partie de la vie nous préférons l’affronter sur celui que nous déclarons être notre ennemi. » On le tue, c’est la mort réelle, on refuse de le reconnaître, on le ramène au rang d’objet, on le méprise, c’est la mort symbolique.
Ainsi « la violence est une grande illusion de l’homme : en tuant l’ennemi il croit se sauver de la mort. » La guerre correspond à « Ta mort c’est ma vie », mais avec les armes de destruction massive elle signifie plutôt « Ta mort c’est ma mort » dans la mesure où ces armes peuvent faire disparaître tout le monde.
Il existe donc des liens entre peurs et violences, la peur de tel ou tel autre peut amener la violence, le déploiement de la violence peut amener la peur.
Ainsi essayer de « changer notre rapport à la mort c’est changer notre rapport à la paix, au pouvoir, à la violence ». Il faudrait arriver à une équation selon laquelle « Ta vie c’est ma vie.»
Cette analyse ne devrait-elle pas voir le jour ou se développer dans de nombreux enseignements et lieux d’éducation ?
Heureusement ici et là des mouvements alternatifs ont commencé à penser d’autres types de sécurité, sachant aussi et surtout que l’une des plus gigantesques causes profondes et omniprésentes des violences ce sont les injustices.(Voir les nombreux articles sur « Les violences », notre blog et notre site, en particulier sur « les analyses des causes des violences » et sur « les luttes contre les violences » à partir de ces analyses.)
On souhaite la paix et on vend des armes « sinon d’autres le feront. » « On commence par fabriquer des armes pour se défendre, puis on vend des armes pour continuer à en fabriquer et on en arrive à fabriquer des guerres pour continuer à vendre des armes » écrivait Helder Camara.
Un dessin lumineux de Plantu , dans Le Monde de septembre 1986, titrait sur « Drogue : les dealers s’expliquent. » Des premiers ministres de la Vème République , un cigare-ogive à la bouche , chantent sous l’emprise de « la drogue » : « On a vendu une caisse d’armes puis deux … et après on n’a pas pu s’arrêter ! » Les pays vendeurs d’armes sont à l’œuvre avant, pendant et après les conflits armés.
D’autres, au contraire, pensent qu’en agissant ainsi on augmente l’insécurité générale : par exemple les armes nucléaires diminuent la sécurité de tous les pays. Voir en ce sens la démonstration sans appel de la Commission internationale de Canberra(Australie) en novembre 1995 « Pour l’élimination des armes nucléaires » rapportée dans l’ouvrage préfacé par Michel Rocard, (éditions Odile Jacob,1997). La seule protection est ici l’élimination des armes nucléaires et l’assurance qu’on n’en fabriquera plus jamais.
En ce sens également voilà enfin, grâce avant tout au travail sur plusieurs décennies de nombreuses ONG,(voir par exemple icanfrance.org) le nouveau traité d’interdiction sur les armes nucléaires (7 juillet 2017) que tous les Etats devraient ratifier (entré en vigueur le 22 janvier 2021,au 18 mars 2021 86 Etats l’ont signé et 54 l’ont ratifié.)A ce jour (mai 2021) aucun des neuf Etats possesseurs d’armes nucléaires ne s’est engagé. On attend toujours l’exemple des autres… Courage , fuyons ! « Accepter l’arme atomique c’est se rendre complice du plus abominable forfait que l’homme ait jamais prémédité contre l’homme. » écrivait Jean Rostand.
Le (ou les) premier(s) Etat(s) nucléaire(s) à s’engager dans ce traité entrera(ou entreront) dans l’histoire des avancées de l’humanité. Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’auront fait.
Ne pas oublier enfin que la course aux armements tue indirectement chaque jour de nombreux êtres humains(le calcul compliqué est faisable) en détournant plus de cinq milliards de dollars qui devraient aller vers des besoins hurlants en particulier d’alimentation (eau comprise), de protection de la santé et de l’environnement…
Pour terminer ce passage deux petits contes relatifs à la paix et la justice, l’un sur la fraternité l’autre sur la solidarité :
Fraternité. Sur un chemin je croise une petite fille qui porte sur le dos son jeune frère. Je lui dis « tu en as un lourd fardeau ! ».Elle s’arrête, me regarde « çà n’est pas un fardeau, Monsieur, c’est mon frère ! ».Depuis ce jour, quand la peine des hommes m’accable et que le courage me manque, je me dis «çà n’est pas un fardeau que tu portes, c’est ton frère ».(Conte proposé par l’association ACAT)
Solidarité. Un anthropologue propose un jeu aux enfants d’une tribu sud-africaine. Il met un panier de fruits près d’un arbre et leur dit : « le premier qui arrive gagne tous les fruits ! »Au signal les enfants s’élancent en même temps en criant « ubuntu !ubuntu ! »,ils se donnent la main, puis ils s’assoient ensemble autour de la récompense. Ils expliquent « ubuntu, çà veut dire : « Vous êtes, donc je suis. » (Texte anonyme dans une revue écologique alternative du département du Lot)
Quelques commentaires généraux relatifs à ces moyens :
–Cette trentaine(33) de séries de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr prolonger la liste. Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système autodestructeur et à le remettre en cause pour donner naissance en quelques décennies (?) à une communauté mondiale humainement viable.
–La liste proposée n’est pas celle du Discours Vérité, ce sont des convictions mais des erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime, dangereux, inefficace, irréalisable…Vous pouvez aussi regretter qu’il ne soit pas fait mention d’autres moyens.
– Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en général trop timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du système productiviste implique la mise en œuvre de moyens nombreux et radicaux.
Nous avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble particulièrement radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces cinq moyens font l’objet de vives critiques par leurs pourfendeurs,
Ainsi, pour les moyens démocratiques, le désarmement financier , synonyme de faillite généralisée , d’impossibilité juridique,de mission impossible, de chaos mondial .
Ainsi , pour les moyens justes, le revenu universel d’existence , synonyme d’institutionnalisation de la paresse , d’impossibilité financière de le réaliser.
Ainsi, pour les moyens écologiques, les remises en cause des modes de production, de transports, de consommation non viables, synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité.
Ainsi , pour les moyens pacifiques, l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive , synonyme d’atteintes à la liberté de la recherche scientifique.
Tous ces arguments qui semblaient ou semblent d’une solidité colossale ne sont que des colosses aux pieds d’argile qui s’effritent et s’effriteront lentement ou plus rapidement.
–Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice, environnement, paix) sont interdépendants pour le pire et le meilleur. Ainsi des mécanismes produisant des injustices produisent des violences. Ainsi des contre-mécanismes porteurs de justice sont ensuite porteurs d’éléments pacifiques. Les interactions sont multiples dans chaque domaine et entre les domaines.
–Penser et mettre en œuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même si le hasard peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives. Certains moyens pour voir le jour, ainsi ceux relatifs au désarmement financier, devront surmonter des obstacles nombreux et puissants, mais pensons, exemple gigantesque, au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans, par s’effondrer, « l’histoire est sortie de ses gonds ».
–Enfin réaffirmons que les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en avant, à fins pacifiques des moyens pacifiques, à fins justes des moyens justes, à fins écologiques des moyens écologiques, à fins démocratiques des moyens démocratiques.
(Souvenirs :
En décembre 2019 dans une rue de Limoges j’ai rencontré une de mes étudiantes qui m’a reconnu( ?), je l’avais eu en cours en 1972, il y avait donc 47 ans ! « Monsieur je me rappelle que vous nous parliez souvent des moyens écologiques, démocratiques, justes et pacifiques ! » Quelle joie de l’entendre et quel vertige devant les remises en cause restant à accomplir pour les penser et surtout les mettre en œuvre.
Par contre une autre étudiante m’avait coupé les jambes sur le temps qui passe. La veille de mon dernier cours elle m’attendait à la sortie de l’amphi et m’avait dit en vérité ou pour me faire plaisir( ?) « Monsieur vous avez eu ma grand-mère, elle vous aimait beaucoup ! »Vous avez eu mon père, ma mère je l’avais entendu mais jamais « ma grand-mère » ! )
B-Deuxième série d’autres possibles : faire naitre les déterminations de l’ensemble des acteurs.
Dans la première partie nous avons évoqué l’ensemble des acteurs, ceux du « cœur » du système productiviste, ceux de « l’armature » du système productiviste. Comment faire naitre et faire vivre leurs déterminations tournées vers des moyens viables ?
Volontés naissantes(1), volontés résistantes(2), volontés à la recherche de nouveaux souffles(3).
1- Face aux volontés étouffées : des volontés naissances.
Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance c’est-à-dire la formation à l’esprit critique, à l’autonomie, à la prise de conscience des responsabilités personnelles et collectives.
Volontés naissantes à travers l’éducation à la solidarité, cela à tous les niveaux géographiques et d’abord avec les plus faibles dans chaque société.
Volontés naissantes à travers le principe de non-discrimination, fondé sur la mise en œuvre des égalités et sur le respect des différences. Nous naissons « égaux en dignité et en droits» (art.1 DUDH), il faut lutter pour préserver et conquérir ces égalités, et nous sommes différents.
Volontés naissantes à travers les apprentissages des responsabilités, apprentissages adaptés aux âges, aux lieux de vie, aux situations.
Volontés naissantes à travers la prise de conscience des aspects destructeurs du productivisme, c’est-à-dire de ses aspects autoritaires, injustes, anti-écologiques, violents.
Volontés naissantes à travers la gestation de libérations politiques, économiques, sociales, culturelles.
Volontés naissantes à travers l’apprentissage du règlement non-violent des conflits, cela de la maternelle à l’université et dans d’autres lieux de vie. Ce règlement repose sur la résistance puisqu’on se montre assez fort pour être reconnu par les autres, il repose aussi sur la solidarité et la justice puisque l’on veut, ensemble, dans le respect des personnes, trouver des solutions justes.
2- Face aux volontés dépassées : des volontés résistantes.
Quatre pensées bien-aimées sur les résistances :
« Il est des mots dont la graphie semble incarner mystérieusement le sens. Ainsi du verbe résister avec ses deux r, ses deux e, ses deux s qui entourent symétriquement son i, comme s’il s’agissait de le préserver, de le garder précieusement en vie .Car résister c’est d’abord cela : maintenir intacte la flamme fragile, éphémère de l’existence : tenir : survivre ». (Résister, le prix du refus, direction Gérald Cahen , extrait de son introduction, éditions Autrement, 2002. )
Un peuple n’avait pas le mot « non » dans sa langue, il était soumis à l’ esclavage , raconte Plutarque en 80 , cité par Montaigne, histoire inspirant peut-être Etienne de la Boétie , grand penseur de la non-violence (De la servitude volontaire, 1576), Henry David Thoreau (Désobéissance civile, 1849), tous des inspirateurs de Gandhi, de Martin Luther King et de militants non-violents. (Edwy Plenel, Dire non, Don Quichotte éditions , 2014 « Dire non » pour inventer tous ensemble notre oui. »)
Heureusement il y a ces résistants, cette poignée de veilleurs qui en éveillent d’autres. Le grain semé s’est multiplié. (Théodore Monod)
Il n’y a d’humanisme que celui des hommes révoltés.(Albert Camus)
Voir aussi les nombreux articles « Résistances » sur notre site « au trésor des souffles » et sur notre « blog Lavieille, Mediapart. »
Résister, vouloir être un veilleur debout, vouloir être, ensemble, des veilleurs debout.
Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des techniques, de façon plus globale les remises à leurs places de la techno science et du marché mondial.
Volontés résistantes à travers la prise en compte d’un nombre important de participants à la décision. D’abord la démocratie en appelle à la reconnaissance et au respect de tous les participants. Ensuite l’efficacité de la décision face à des problèmes, des drames et des menaces en appellent à des processus porteurs de décisions. Il s’agit ici non seulement d’alliances entre les participants pour avancer, mais de possibilités laissées à certains, dont les décisions sont mûres, d’avancer avec d’autres, en attendant que tous les participants fassent de même.
Volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme. On est débordé par les urgences parce que l’on n’a pas pris en compte le long terme .Il faut arriver à la fois à répondre aux urgences et à élaborer des politiques à long terme.
Volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en commun de divers acteurs. L’imagination politique relative aux types d’alliances et aux types de stratégies ne devrait-elle pas se développer ? Existe également une idée forte selon laquelle, pour construire ces visions stratégiques, il ne faut pas seulement s’interroger sur les forces des adversaires mais aussi sur ses propres faiblesses qui freinent ou empêchent ces regroupements, ces visions alternatives et ces mises en œuvre parfois communes de moyens.
Volontés résistantes à travers des capacités de propositions relatives aux moyens de remettre en cause ici et là le productivisme. De ce point de vue, bien sûr, les mondes associatifs et, aussi, « les réseaux » peuvent jouer un rôle important dans ces utopies créatrices si sont proposés des moyens conformes aux finalités de démocratie, de justice, d’environnement et de paix.
Volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes profondes de ces catastrophes.
3- Face aux volontés essoufflées des volontés à la recherche de nouveaux souffles.
( J’ai encore en mémoire et dans le cœur quelques unes des 5100 questions posées par écrit, gardées dans des cartons, auxquelles je répondais le cours suivant. Ainsi « Monsieur, vous parlez des souffles du monde mais j’ai perdu le mien. Comment le retrouver ? » Si j’avais enseigné au temps de la pandémie j’aurais probablement eu beaucoup plus de mots semblables…)
On trouve ici au moins quatre séries de contre-mécanismes :
Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des politiques agissant sur les faiblesses et sur les contradictions du système productiviste.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer de tirer les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas mais aussi en sous estimant pas les avancées du « local » et celles du « global », sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre. En ce sens existent au moins (il y en a d’autres !) deux motivations qui peuvent être porteuses :
le fait d’être fraternisés par des périls communs,
le fait de vouloir contribuer à permettre aux générations futures de vivre l’amour, l’amitié, la fraternité…et l’art sous ses multiples expressions souvent synonymes de beautés à couper le souffle et à en donner..
C- Troisième série d’autres possibles : reconquérir le temps.
Trois points proposés ici : Le concept de limites des activités humaines et la reconquête du temps (1). La prise en compte de théories et des pratiques de reconquête du temps(2). Des moyens à penser et à mettre en œuvre face à l’accélération(3).
1-Le concept de limites des activités humaines et la reconquête du temps face à l’accélération
En premier lieu voilà la remise en cause de la technoscience et du marché mondial :
Jacques Ellul demandait « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? ».
Déterminer les limites d’une société c’est en particulier remettre à leur place la techno-science et le marché mondial qui ont tendance à occuper toute la place, à devenir des fins suprêmes et à transformer les êtres humains en moyens.(Voir un développement antérieur relatif à « La remise en cause des confusions entre les fins et les moyens »)
En second lieu soulignons trois exemples :
Le premier peu connu, le second un peu plus connu, le troisième massif.
Il s’agit d’abord des limites physiologiques de l’espèce humaine. Une équipe de l’Institut de recherche biomédicale du sport (étude rapportée dans Le Monde du 6 février 2008) affirme qu’en 2027 « les records du monde auront atteint leurs limites », on ne pourra plus les dépasser.( ?)
Second exemple : la SNCF a voulu lancer ses TGV à plus de 400Km/h mais, au-delà d’un certain seuil, la grande vitesse peut se transformer en handicap sous l’effet des contraintes environnementales, techniques et économiques, ainsi « le train peut aller plus vite…il arrivera à la même heure » (article de Gilles Bridier ,Le Monde 19 juillet 2008),cela à cause de ces contraintes et, d’autre part, il est probable que l’on sera obligé de « diminuer la vitesse des trains pour en faire circuler plus. »
Plus dramatiquement on peut penser à un exemple massif et terrible , c’est le plus grand argument contre le nucléaire civil et militaire, le « sans limites » qu’il constitue dans l’espace et le temps, le « sans limites » qu’il constitue dans ses effets sanitaires, environnementaux et financiers.
Sur une tombe était magnifiquement écrit
« Ce que j’ai gardé je ne l’ai plus, ce que j’ai dépensé je l’ai eu, ce que j’ai donné je l’ai. »
Les générations futures, si elles sont, ici et là, victimes de la radioactivité, ( d’autres atteintes peuvent ne pas les épargner : des canicules, des inondations , des épidémies …) pourraient voir écrit sur leurs tombes en évoquant le nucléaire et des générations passées, entre autres celles de 1945 à 2020 :
« Ce qu’elles ont gardé elles ne l’ont plus mais pour notre malheur leurs déchets nucléaires nous les avons, ce qu’elles ont dépensé pour cela on ne l’a jamais eu , ce qu’elles ont donné, leur irresponsabilité, elles l’ont encore. »
En second lieu quatre principes se rattachent au concept de limites :
Quatre principes, ceux de précaution, de prévention, de non-régression, de réduction et de suppression des modes de production, de consommation et de transport écologiquement non viables,
Ils sont au cœur de ce concept, celui de détermination de limites , concept décolonisateur de la pensée productiviste.
( Voir Jean-Marc Lavieille , Droit international de l’environnement, Ellipses,3ème édition,2010,p153 à 156, avec aussi une bibliographie .) En 2018 une 4ème édition a été faite en collaboration fructueuse avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris. L’ouvrage reprend aussi ces quatre principes rattachés à ce concept. )
2-La prise en compte de théories et de pratiques de reconquête du temps
En premier lieu renouer un dialogue entre le passé, le présent et le futur :
Jean Chesneaux (« Habiter le temps », Bayard, 1996) affirme « que l’individu est plus ou moins coupé de tout projet comme de tout héritage, il éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans le temps ». L’individu se trouve projeté dans l’ivresse d’une course où, pour vivre avec son temps, il doit plus ou moins « abandonner la maîtrise de sa vie à la dictature de l’urgence, à l’instrumentalisation de l’instant. »
La question qui se pose, écrit-il, est donc la suivante : « Comment renouer un dialogue entre le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme horizon de responsabilité ? »
Le temps citoyen(ne) doit affirmer sa capacité autonome face au temps de l’Etat, face au temps du marché, face au temps de la techno science.
En second lieu trouver ou retrouver des besoins fondamentaux :
Il s’agit de trouver ou de retrouver le calme, la lenteur. Concrètement cela peut signifier de « savoir lâcher prise » à certains moments, de ne pas vouloir tout contrôler, d’apprendre à désobéir à des sollicitations et des demandes dérisoires…
En troisième lieu ralentir le rythme frénétique de nos vies :
Dans cette perspective une vie simple commence aussi sans doute par un ralentissement du rythme frénétique de nos vies. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne, la lenteur aide à ouvrir le chemin de la sagesse, « la hâte détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto.
Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) « Nous avons à enrichir le temps libéré pour que celui-ci ne soit ni temps vide ni temps marchand, mais créativité personnelle, convivialité sociale et curiosité toujours en route ».
En quatrième lieu différencier l’urgent de l’important :
Dans nos vies professionnelles et privées, on a tendance à donner la priorité à l’urgence. Ne faudrait-il pas donner la priorité à l’essentiel ? En ce sens, concrètement, ne faudrait-il pas avoir l’art de savoir remettre au lendemain le détail et le secondaire, cela s’appelle la procrastination ((Kathrin Passig et Sacha Lobo, « Demain c’est bien aussi », Anabet .)
3- Des moyens à penser et à mettre en œuvre face à l’accélération.
En premier lieu des mouvements de ralentissement de la vie quotidienne :
Il s’agit de créer des sortes de lieux de décélération dans différents domaines : villes, alimentation, éducation…
Ainsi le réseau international des « villes lentes », né en Italie en 1999, a aujourd’hui 168 villes de 24 pays qui adhèrent à une Charte, il s’agit de villes de moins de 60.000 habitants, en Europe, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis…En France on en trouve une dizaine, par exemple Segonzac en Charente… La gestion municipale est centrée sur la qualité de la ville, sur « une vie qui est bonne », sur l’économie de proximité, le respect des paysages. Concrètement ces villages et ces villes reposent sur des rues piétonnes et cyclables, un retour du petit commerce, un marché de producteurs locaux, des espaces verts, des équipements urbains adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux handicapés…
Les réseaux de l’alimentation lente « slow food », pour contrer les « fast food », reposent sur l’éducation au goût, le temps donné aux repas, la défense de la biodiversité des cultures, ce réseau comprend de l’ordre de 1500 antennes locales dans 150 pays.
De façon plus globale on trouve le « Slow production » qui met en avant des productions durables, le « Slow travel » qui veut des touristes prenant leur temps pour rencontrer personnes et monuments, le « Slow parenting » qui est un réseau de parents voulant prendre du temps pour leurs enfants…De même on trouve le « débranchement régulier » (Unplay challenge) qui éloigne un moment les accrocs de leurs écrans.
La revue Politis titrait ainsi « C’est l’heure du slow » (novembre-décembre 2011). Il est très probable que ces mouvements vont apparaitre ou se développer dans de multiples domaines et lieux de la planète. L’imagination ne doit-elle pas se déployer pour développer les théories et les pratiques de l’éloge de la lenteur ?
En second lieu des moyens de réintégrer le temps :
Réintégrer le temps, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre culture, dans notre art de vivre, pourrait être mis en œuvre à travers les moyens suivants proposés à titre indicatif et qui sont parfois partiellement en route :
Un respect des droits des générations futures fondé sur les principes de prévention, de précaution, et sur le principe de non-régression des acquis environnementaux (voir « La non régression en droit de l’environnement », sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, Bruylant , 2012) .Michel Prieur est l’inspirateur infatigable de ce dernier principe essentiel.
Un respect du patrimoine mondial culturel des générations passées fondé , entre autres , sur l’attribution de fonds massifs pour leur entretien .
Une partie du temps qui serait libérée, grâce à un revenu universel d’existence attribué à chaque être humain, accompagné de revenus d’activités.
Une prise en compte des « droits du temps humain », évoqués par Jean Chesneaux dans son ouvrage déjà cité « Habiter le temps », par exemple dans une « charte mondiale » disait-il, donc juridiquement non contraignante, incitative, puis un jour, pourrait-on ajouter, dans une convention internationale. On peut aussi évoquer une charte des temps du vivant aussi compliquée que passionnante à élaborer.
Des déplacements repensés dans l’urbanisation à tous les niveaux géographiques.
Une désacralisation de la vitesse, en particulier dans l’éducation de la maternelle à l’université, et donc une contribution à la désacralisation de la compétition.
En troisième lieu à titre de « travaux pratiques » une proposition de l’auteur de cet article :
A l’échelle internationale nous proposons la création d’une Fédération mondiale d’ONG agissant pour le ralentissement du système international productiviste, une sorte d’ « internationale de la lenteur. » Il ne s’agirait ici que de traiter un élément du système international productiviste mais un élément essentiel.
Les contradictions ne sont pas évidentes à penser et à organiser, celles entre cet appel à différents types de lenteurs et ce temps qui reste pour construire un contre système viable.
Quels devenirs du monde ? ! … Remarques terminales
Quels sont et seraient les processus généraux de mise en œuvre de ces moyens viables(A) ?
Comment se situer par rapport aux générations de l’anthropocène (B) ?
Quelle est très probablement( ?) « La » question la plus vitale aujourd’hui(C) ?
Un dialogue imaginaire entre des auteurs préférés sur le monde à venir peut-il nous éclairer(D) ?
A-Quels sont et quels seraient les processus généraux de mise en œuvre de ces moyens viables ?
Nous pensons que le schéma général de développements déjà en route et de déclenchements nouveaux des moyens pour un monde viable serait probablement le suivant :
1– Des résistances et des pratiques alternatives de plus en plus nombreuses « à la base », par des personnes, des associations, des mouvements, d’autres acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques productivistes qui assassinent peu à peu l’humanité et la plus grande partie du vivant…
2– Des discours et des remises en cause, d’importances très variables, aux « sommets » des différents niveaux géographiques, sous les pressions des catastrophes et de la base…
3–Des fissures au cœur des mécanismes du productivisme, celles des marchés financiers, du marché mondial, de la technoscience , sous les pressions et des catastrophes et de la base et du sommet…
4-Peut-être aussi l’arrivée de « l’improbable » souvent évoquée par Edgar Morin ? Le pire, l’entre-deux ou le meilleur pour les êtres humains et le vivant ?
B- Comment se situer par rapport aux générations de l’anthropocène ?
Les trois fois trois générations :
1-Nous avons reçu de trois générations passées ( 1850 à 1945 environ), un environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en marche sous les logiques du productivisme (en route en fait depuis le XVème siècle) et de l’anthropocène en route voilà près de 170 ans à travers les explosions des énergies fossiles et de la démographie.
2-Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ), ont produit un environnement pour une large part détruit et plongeant dans des apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides, en particulier à travers le réchauffement climatique et les atteintes à la diversité biologique.
3-Les trois générations qui ont commencé à voir le jour et qui viennent (2030 à 2110 environ) se trouveront donc devant une question vitale : cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés, quels moyens, quelles marges de manœuvre, se transformer sinon en une forme d’aube d’humanité en tout cas en un monde viable ?
C- Quelle est très probablement( ?) « La » question la plus vitale en ces débuts de la troisième décennie du XXIème siècle ?
Nous pensons qu’il est peu probable que dure longtemps, ( quelques décennies au-delà de la fin du siècle ?) une situation intermédiaire, faite d’apocalypses et de tentatives pour en sortir.
1-La question des questions apparait donc avec lucidité (« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil » écrivait René Char) :
Les quelques générations futures qui arrivent auront-elles assez de marges de manœuvres pour que ces moyens viables voient le jour ?
2-Les volontés ? Elles peuvent les avoir , entre autres à travers des rapports de force et une pédagogie radicale des catastrophes.
Ne pas oublier que « les puissants » , qui ont concentré des avoirs des pouvoirs et des savoirs, ne partagent pratiquement jamais d’eux-mêmes,
ils ne le font que si des rapports de force les y obligent,
ou, exceptionnellement, s’ils ont une conscience aigue de drames et de menaces qui les touchent aussi, s’ils réalisent que nous sommes fraternisés par les périls communs.
3-Les moyens ? Ils existent , nous en avons souligné une trentaine de séries, on peut aussi en imaginer de nouveaux, il faut s’en emparer, du local au mondial.
4-Les marges de manœuvres ? Celles-ci vont-elles encore se réduire ?Vont-elles longtemps exister ? En 2021 nous pensons qu’on ne peut pas répondre à cette question. Si elles disparaissent de plus en plus l’humanité plongera vraisemblablement dans des formes de fin des temps, des horloges d’apocalypses multiples sonneront…Si elles existent et si les acteurs s’en saisissent ce monde peut devenir viable.
D- Un dialogue imaginaire entre des auteurs bien-aimés peut-il nous éclairer ?
Tour à tour évoquons sur l’avenir du monde quelques pensées de Jean Rostand , Albert Camus, Edgar Morin, Antonio Gramsci, Jacques Ellul…et Pierre Dac …
« Il n’est pas plus insensé de s’abandonner à un espoir, celui de la survie de l’humanité, que de le repousser au nom d’un prétendu réalisme qui n’est que le consentement défaitiste au suicide de l’espèce. »(Jean Rostand)
« J’ai toujours pensé que l’homme qui espérait dans la condition humaine était un fou et que celui qui désespérait des évènements était un lâche. » (Albert Camus)
« Le désespoir révèle les limites de l’espoir et l’espoir les limites du désespoir. Mais le désespoir correspond à la face inerte de la réalité et l’espoir à l’action. Dans ce sens l’espoir est plus vrai que le désespoir. » (Edgar Morin)
« Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. »(Antonio Gramsci)
« Lorsque n’existe aucun espoir raisonnablement acceptable l’espérance doit jouer. C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut commencer à espérer. » (Jacques Ellul)
« Tant que l’espoir demeure au niveau de l’espérance il n’y a pas lieu de désespérer puisque rien de ce qui est fini n’est jamais totalement achevé tant que tout n’est pas totalement terminé. » (Pierre Dac).
Epilogue, dénouement
Les souffrances causées par divers drames, la gravité des menaces, la complexité des défis en appellent à penser et à mettre en œuvre ces séries de moyens viables et d’autres encore .
Ces remises en cause porteuses d’espoirs verraient ainsi le jour si les prochaines générations futures en ont le temps.
Si ces moyens viables , et d’autres allant dans ce sens, ne sont pas mis en œuvre nous pensons que les fleuves de souffrances et de désespoirs grossiront encore.
Si l’avenir donne le jour à ces moyens viables, nous croyons que des ruisseaux de joies et d’espoirs chanteront.
Et dans la rosée du matin ceux et celles qui nous suivront cueilleront alors des souffles du monde.
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Je ne résiste pas à l’émotion de terminer aussi sur le partage de la fin de mon poème préféré entre tous.
Viendra le moment où, comme maillon de la chaine humaine, après avoir eu la chance et la force d’aimer, de vivre et de lutter, avec Pablo Neruda (Troisième livre des Odes , Ode à l’âge, Gallimard, 1978) nous pourrons dire :
(…)Maintenant,
temps, je t’enroule,
je te dépose dans ma
boîte sylvestre
et je m’en vais pêcher
avec ta longue ligne
les poissons de l’aurore !
Certains d’entre vous souhaitent les plans des articles, le voici donc ci-dessous.
Quels devenirs ? ! …
En exergue cinq pensées lumineuses
Prologue
Remarques introductives :
-Quels seraient les éléments d’une analyse porteuse?
– Quel concept répondrait à cette analyse qui se voudrait porteuse?
Ière partie- Les devenirs du monde : trois séries de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence.
A-Première série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : des mécanismes puissants et des interactions dans un système d’autodestruction.
B- Deuxième série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : les acteurs, à ce jour, dans l’ensemble, n’ont pas les volontés globales et radicales nécessaires.
C- Troisième série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : l’accélération tend à ruiner différents efforts.
IInd partie- Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles portés par l’optimisme de la volonté
A-Première série d’autres possibles : penser et mettre en œuvre des moyens pour un monde viable.
B-Deuxième série d’autres possibles : faire naitre les déterminations de l’ensemble des acteurs.
C- Troisième série d’autres possibles : reconquérir le temps.
Remarques terminales :
-Quels sont et quels seraient les processus généraux de mise en œuvre de ces moyens viables ?
– Comment se situer par rapport aux générations de l’anthropocène ?
– Quelle est très probablement( ?) « La » question la plus vitale en ces débuts de la troisième décennie du XXIème siècle ?
– Un dialogue imaginaire entre des auteurs bien-aimés peut-il nous éclairer ?
Epilogue, dénouement