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VIOLENCES : les contenus ( III ) 

Nous repartons de la classification proposée (voir II précédent), dans chacun des trois regroupements nous ferons  une dizaine de synthèses sur les formes des violences, soit au total trente et une synthèses, c’est-à-dire trente et un résumés de l’essentiel des contenus des violences.

Les pages qui suivent  n’ont pas vocation à énumérer la totalité des violences, elles ont  donc une part d’injustice pour ne pas souligner telle ou telle souffrance de façon plus précise, mais elle ont vocation à rappeler l’ensemble des formes des violences, donc à une certaine exhaustivité.

Ce sont  souvent là de terribles descentes aux enfers. Cette énumération très longue et très impressionnante des contenus des violences est nécessaire pour mieux réfléchir ensuite aux causes et aux alternatives, elle est nécessaire aussi parce qu’il s’agit de contribuer à  participer à un devoir de mémoire qui en appelle à la vigilance et à des  politiques de prévention.

 

Nous envisagerons tour à tour :

 Le contenu des grandes violences, massives, terrifiantes, porteuses de nombreuses morts et de grandes souffrances (A),

le contenu des atteintes aux  personnes , aux biens, à la paix publique, à l’environnement (B), 

le contenu des autres violences à ne pas banaliser (C).

 

 

 

 

A- Le contenu des grandes violences : massives, terrifiantes, porteuses de nombreuses morts et de grandes souffrances

 Nous les regrouperons en dix points :

1- les guerres, les massacres, les épurations de masse,

2- les crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide, crime d’agression),

 3– les crimes contre l’environnement

 4- les régimes totalitaires et les camps de l’horreur,

5-les régimes autoritaires,

 6 – les terrorismes,

 7-la course aux armements,

8- les grandes violences économiques et sociales,

 9- les grandes violences culturelles : les ethnocides,

 10- les grandes violences écologiques.

Pour établir cette énumération des grandes violences nous combinerons  des formes proches de grandes violences (guerres, massacres, épurations de masse), des aspects où le droit les qualifie (crimes internationaux), des aspects plus politiques (régimes politiques, terrorismes) des domaines de grandes violences (scientifique et industriel, économique, social, culturel, écologique).

 

 

1-Les guerres, les massacres, les épurations de masse

 

  1. a) Les guerres

Il est probable que la guerre n’a pas toujours existé, elle  apparait à la suite de trois séries de causes (climatiques, économiques, démographiques) (voir sur ce blog « Analyses des causes des violences »). 

Cependant les guerres sont omniprésentes dans l’histoire : guerres préhistoriques, guerres des empires, guerres des sociétés féodales, guerres coloniales, guerres révolutionnaires, guerres de décolonisation, guerres de libération, et bien sûr les guerres mondiales de 1914-1918,72 pays en guerre,65 millions de soldats mobilisés et de 1939-1945,68 pays en guerre,70 millions de soldats mobilisés. De nos jours les guerres civiles sont de loin les plus nombreuses, souvent plus ou moins internationalisées, des guerres inter étatiques sont encore présentes.

De 1945 à nos jours, en plus de sept décennies (début 1945-fin 2018) quel a été le nombre de conflits armés ? Il y a eu de l’ordre de cinq cents vingt (520) conflits armés.

 Ainsi par exemple, de façon plus précise, de 1945 à 1968 cent conflits armés (Annuaire SIPRI, 1968-69), sur la période 2001-2011 soixante treize conflits étatiques, deux cents vingt deux non étatiques (SIPRI, Yearbook 2013)… Les conflits inter étatiques depuis 1945 sont moins nombreux, neuf conflits armés sur dix sont intra étatiques et de plus en plus ont une portée internationale dans la mesure où plusieurs Etats soutiennent les parties internes au conflit.

Les malheurs apportés par les guerres ce sont d’abord les morts. 

 La Première Guerre mondiale  de 1914-1918 est à l’origine de 18,6 millions de morts,. Ce nombre global comprend 9,7 millions de morts pour les militaires (on cite d’ailleurs souvent cette donnée de 10 millions de pertes humaines pour la Grande Guerre) et 8,9 millions pour les civils.

 Il y a eu  2 millions de soldats allemands et 1,5 million de soldats français tués pendant cette guerre. En France  les 40.000 monuments aux morts de la Première Guerre mondiale  témoignent de cette immense boucherie.

Rappelons nous un des témoignages bouleversants, celui de Roland Dorgelès (Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1925) relatif aux cadavres d’un champ de bataille des tranchées de 1914-1918: « Sans regarder, on  sauta dans la tranchée. En touchant du pied ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en arrière, épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse de Bavarois cireux sur d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie, tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eût dit dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés, et, pour les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un monstre sans tête. (…) On hésitait encore à fouler ce dallage qui s’enfonçait, puis, poussés par les autres, on avança sans regarder, pataugeant dans la Mort… »

La Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, est à l’origine de cinquante cinq millions de morts, militaires et civils. C’était « une guerre totale » où les   victimes civiles ont été de plus en plus nombreuses.

Au sein de cette guerre le génocide mis en œuvre par les nazis témoigne de l’horreur de l’horreur.

 Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui  que les nazis ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000 tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15000 homosexuels,  3,5 millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre  de 6 millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.

Rappelons nous  un des témoignages bouleversants en 1947celui  de Primo Levi dans « Si c’est un homme », ouvrage que Paul Klein synthétise de la façon suivante : «  Ce livre est sans conteste l’un des témoignages les plus bouleversants sur l’expérience indicible des camps d’extermination. Primo Levi y décrit la folie meurtrière du nazisme qui culmine dans la négation de l’appartenance des juifs à l’humanité. Le passage où l’auteur décrit le regard de ce dignitaire nazi qui lui parle sans le voir, comme s’il était transparent et n’existait pas en tant qu’homme, figure parmi les pages qui font le mieux comprendre que l’holocauste a d’abord été une négation de l’humain en l’autre. 
Si rien ne prédisposait l’ingénieur chimiste qu’était Primo Levi à écrire, son témoignage est pourtant devenu un livre qu’il importe à chaque membre de l’espèce humaine d’avoir lu pour que la nuit et le brouillard de l’oubli ne recouvrent pas à tout jamais le souvenir de l’innommable, pour que jamais plus la question de savoir « si c’est un homme » ne se pose. 
De ce devoir de mémoire, l’auteur s’est acquitté avant de mettre fin à ses jours, tant il semble difficile de vivre hanté par les fantômes de ces corps martyrisés et de ces voix étouffées. » 

Au sein de cette guerre les holocaustes nucléaires d’août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki ont causé la mort, selon des  estimations de 2005,  d’au moins 240.000 personnes.

Rappelons nous   un des témoignages bouleversants, celui  de l’écrivain Mizukawa : « Une mère aveugle serrant contre elle son enfant mort, des larmes ruisselants de ses yeux détruits. C’était dans mon enfance, ma mère me tenait par la main. Vision de cauchemar inoubliable. »

Depuis 1945 jusqu’à  fin  2018 les conflits armés pendant plus  de sept décennies, 73 ans, ont été à l’origine d’au moins dix à quinze millions de victimes. Il faut souligner l’incertitude de ce total puisque on avance parfois, au plus, l’équivalent de la Seconde Guerre mondiale soit 55 millions de morts.

Un témoignage bouleversant, symbolique de tant et tant d’autres souffrances, témoignage  de Maida, douze ans, en 2001 en Macédoine à Skopje : « Guerre est le mot le plus triste qui sort de mes lèvres tremblantes. C’est le plus mauvais des oiseaux qui remplit les murs de sang et qui fait du monde un enfer. »

Depuis 1945 la guerre du Vietnam (seconde guerre d’Indochine) a été l’une des plus meurtrières. Elle opposait, d’une part, le Nord Vietnam procommuniste, soutenu militairement par la Chine et l’Union soviétique et, d’autre part, le Sud Vietnam, soutenu militairement par les Etats-Unis. Cette guerre va de 1964 à 1973, elle continue entre les deux Vietnam de 1973 à 1975, elle est synonyme de souffrances gigantesques. Les victimes du côté vietnamien sont de plus de 1 million de combattants et de 4 millions de civils, la population vietnamienne a été écrasée, du côté des Etats-Unis de 58.000 militaires.
En nombre de victimes une autre guerre a été particulièrement gigantesque quant aux pertes humaines puisque, de 1986 à 1996, en RDC (République Démocratique du Congo) il y a eu au moins 4 millions de victimes.

Les malheurs des guerres ce sont aussi des souffrances physiques, morales, souvent à vie, des combattants et des populations.

La Grande Guerre fit 20 millions de blessés dont de nombreux invalides à vie, et des millions de veuves et d’orphelins.

En France cette hécatombe dans la population française, en plus des 1,5 million soldats morts, est de 5,5 millions de blessés, plus de1,2 million d’invalides, 600.000 veuves de guerre, et près de 1 million d’orphelins, autant de personnes plongées dans des détresses physiques, morales et matérielles.

Evoquer cette grande boucherie de 1914-1918 c’est penser à la survie dans les tranchées, une forme d’enfer extrême sur terre : attaques, mitrailleuses, obus, explosions de surface et souterraines, gaz de combat, combats à la baïonnette et au couteau, cadavres, cris plaintes et souffrances des blessés, peurs de mourir, lassitudes, crises de folie, suicides, exécutions pour en appeler à la « combativité » , prises de conscience des abattoirs programmés par les folies et les erreurs du commandement, manques de sommeil, de nourriture et d’eau, puanteurs multiples, conditions sanitaires catastrophiques, noyades, froid, pluie, boue, poux, rats, vermine …(Voir en particulier la terrifiante et remarquable série documentaire « Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale »).

Les malheurs des guerres ce sont aussi

 les destructions matérielles (villes, villages, routes, voies ferrées, aéroports, ponts …),

les  destructions culturelles (monuments, musées, bibliothèques, œuvres d’art…) qui sont autant de violations des patrimoines locaux , nationaux, continentaux,  mondiaux  des générations passées, présentes et futures…

 les destructions environnementales (faune, flore, forêts, paysages, air, sol, eau, étendues agricoles, monuments…), la guerre est destructrice non seulement des êtres humains mais aussi de l’environnement (voir article sur ce blog « Les atteintes à l’environnement et les conflits armés »), et article de JML, Droit de la guerre, droit de l’environnement, colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre 2008. Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, Dalloz, 2009), dans ces articles est proposée au départ une synthèse des effets nombreux et catastrophiques de la préparation de la guerre, puis du conflit et enfin de l’après-conflit sur l’environnement, c’est une vision globale terrible.

 

  1. b) Les massacres

Selon Jacques Sémelin « le massacre peut être commandé ou spontané, méthodique ou non mais, par définition, il est toujours limité. Sa finalité n’est pas de détruire le groupe-victime en tant que tel mais de créer en son sein un effet de terreur de nature à faciliter sa soumission ou à l’inciter à fuir un territoire donné. Le massacre est au service d’une stratégie de conquête ou de mise en esclavage de populations. On le retrouve dans toutes les formes de guerres : de la guerre antique à la guerre moderne, en passant par la guerre coloniale. »
Le massacre peut exister aussi en dehors de la guerre, par exemple sous la forme d’une opération militaire spécifique à telle ou telle situation, par exemple aussi sous la forme d’actes terroristes importants.

 

  1. c) Les épurations de masse

 Jacques Semelin écrit « Si la finalité du massacre peut être aussi bien interne qu’externe, la technique de l’épuration est fortement liée à la gestion intérieure des peuples. Elle vise à consolider, renforcer, accroître le pouvoir de ceux qui la décident et qui, par là-même, révèlent le caractère tyrannique de leur régime. L’épuration de masse répond souvent à des critères idéologiques en s’abattant sur des groupes politiques, des catégories économiques ou des classes sociales particulières. La logique de l’épuration (sélection, regroupement, déportation) est proche de la logique du génocide même si elle n’a pas pour objet l’éradication des populations visées. Les chiffres des morts des grandes épurations de masse sont de l’ordre de ceux des grands génocides et parfois les dépassent.»
Trois exemples terrifiants sont ceux de la famine organisée par Staline contre les paysans ukrainiens pour écraser les révoltes en 1932-33, des camps du totalitarisme stalinien entre 1928 et 1953(voir ci-dessous développement sur les totalitarismes),les répressions massives sous la révolution culturelle en Chine de 1966 à 1976.

 

 

2- Les crimes internationaux : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide, crime d’agression

Notre objectif est de donner ici une idée juridique précise de ces crimes tout en rappelant aussi certains d’entre eux.
Des tribunaux spécifiques ont été créés pour juger de tel ou tel crime puis, après leur mission, ils avaient ou ont vocation à disparaitre. Est enfin venu le jour où une cour permanente a été créée, la CPI en 1998.

Selon l’article 5 du Statut de la Cour pénale internationale(CPI) du 12 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, la compétence de la Cour est limitée aux « crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. En vertu du présent Statut, la Cour a compétence à l’égard des crimes suivants : a) Le crime de génocide ; b) Les crimes contre l’humanité ; c) Les crimes de guerre ; d) Le crime d’agression. »

Ce sont donc les formes de crimes internationaux. De 2004 à 2018 dix ouvertures d’enquêtes ont vu le jour : République démocratique du Congo(2004), Ouganda(2004), Darfour-Soudan (2005 puis 2014), République centrafricaine(2007),Kenya(2010),Libye(2011),Côte d’ivoire (2011),Mali(2013),Géorgie(2016),Burundi(2017).Sur les vingt suspects huit ont eu un non-lieu, deux ont été acquittés, dix ont été condamnés à ce jour fin 2018.

En mars 2020 la CPI a décidé d’ouvrir une enquête en Afghanistan sur les crimes présumés commis par les talibans, les forces de sécurité afghanes, l’armée américaine et le personnel de l’agence américaine de renseignements (CIA).

 

  1. a) Les crimes de guerre

 Quand éclate une guerre,  des crimes de guerre l’accompagnent souvent. Ils sont très loin d’être toujours dénoncés et condamnés.

Les « crimes de guerre » sont des violations graves du droit international humanitaire, elles sont commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis, pendant un conflit armé international ou interne, ces violations entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs.

Les crimes de guerre sont des infractions graves au droit international humanitaire applicable en cas de conflits armés(les quatre conventions de Genève du 12-12-1949 et le Protocole I de 1977), autrement dit dans les conflits internationaux (entre Etats).
Cependant, et heureusement, ils sont pris également en compte dans les conflits non internationaux (internes, autrement dit les guerres civiles), ces conflits armés non-internationaux dépendent quant à eux de l’article 3 commun aux Conventions de Genève ainsi que du second Protocole additionnel de 1977relatif à « la protection des victimes des conflits non internationaux. » « L’article 8 §2 alinéa e) du Statut de la Cour s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. Il s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux. »

Le Statut de la CPI dans son article 8 précise :
« 1.La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle.
2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir
l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des
biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
i) L’homicide intentionnel ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale viii) La prise d’otages.
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un
quelconque des actes ci-après :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités; ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires; iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés
dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil; (…) » (Voir la suite énumération sur site  icc-cpi-int).

  En décembre 2017 une résolution sur les amendements à l’article 8 du Statut de Rome ajoute trois crimes de guerre à la compétence de la Cour : l’usage d’armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques ou des toxines, d’armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X, ou d’armes à laser.

 

  1. b) Les crimes contre l’humanité

 

Contrairement au crime de guerre qui a lieu pendant un conflit armé, le crime contre l’humanité, comme d’ailleurs le crime de génocide, peut avoir lieu en période de paix ou en période de guerre. Nombreux sont les crimes contre l’humanité.


Un exemple de tribunal spécifique était, bien sûr, celui de Nuremberg face aux crimes nazis. Selon l’article 6 du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 les crimes contre l’humanité sont constitués par « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou tout autre acte inhumain contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou ces persécutions sont commis à la suite d’un crime contre la paix ou d’un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes ».
Selon l’article 7 paragraphe 1 du Statut de la Cour pénale internationale
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d) Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. »

 

 

  1. c) Le crime de génocide

Rappelons les génocides du XXème siècle : génocides des arméniens (1915-1917), des juifs et des tsiganes (1933-1945), des cambodgiens (1975-79), des rwandais(1994).
Jacques Sémelin écrit « Le génocide est toujours un ethnocide, un massacre, une épuration et en même temps il est plus que tous ces éléments réunis. Il a pour finalité la destruction totale du groupe-victime. La spécificité du génocide réside dans la volonté de détruire totalement une collectivité humaine définie en tant que telle. »

Selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9-12-1948 il s’agit des « actes criminels, commis en temps de guerre ou de paix, dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Selon l’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale
« Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

En ce qui concerne le génocide au Cambodge (1975-1978, au moins deux millions de victimes) un tribunal composé de juges cambodgiens et internationaux a été créé en 2006, il a jugé les derniers dirigeants du régime génocidaire, il a fallu attendre le jugement du 16 novembre 2018 pour que deux d’entre eux soient condamnés comme responsables de crimes qualifiés de « génocide ».

 

  1. d) Le crime d’agression

 

Depuis 1945 les crimes d’agression d’un Etat contre un autre ont été nombreux, les Nations Unies les ont parfois sanctionnés par l’embargo et/ou des sanctions militaires mais, le plus souvent, elles sont restées paralysées par l’utilisation du droit de veto d’un membre permanent du Conseil de sécurité (voir article sur « Qu’est-ce que la paix? Construire la paix ! »).
Selon l’article 8 bis du Statut de la Cour pénale internationale, rajouté conformément à la résolution du 11 juin 2010 :
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
2.Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre1974 :
a)L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre État ;b)Le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un État contre le territoire d’un autre État ;c)Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État d)L’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre État ;e)L’emploi des forces armées d’un État qui se trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de l’accord pertinent ;f)Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État tiers ;g)L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes. »

La compétence de la CPI en ce domaine ne pouvait pas s’exercer avant le 1er janvier 2017, année où au moins deux tiers des Etats devront confirmer leur volonté d’activer cette compétence. Chaque Etat pourra refuser la compétence de la CPI s’agissant du crime d’agression. Par ailleurs, la compétence de la CPI sera liée à la constatation par la Conseil de Sécurité d’un acte d’agression, ou à défaut devra être autorisée par une Section (chambre) préliminaire de la CPI. En décembre 2017 l’Assemblée des Etats Parties au Statut de la CPI a déclaré la compétence prévue pour le crime d’agression à compter du 17 juillet 2018.

 

3- Et les crimes contre l’environnement ?

 

Certes les crimes contre l’environnement sont consacrés de façon spécifique. Il s’agit de l’article 8, paragraphe 2,b, IV du Statut de la CPI : « Constitue un crime de guerre le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu».

Mais, d’une part, ils sont consacrés comme crimes de guerre et non comme crimes écologiques, autrement dit ces crimes ne sont qu’une forme de crime de guerre. D’autre part cette disposition ne peut être invoquée que dans le cadre des conflits armés internationaux et non pas des conflits internes. Enfin la preuve du caractère intentionnel est certainement difficile à établir, comme d’ailleurs celle de la violation du principe de proportionnalité. De façon plus précise il s’agirait, par exemple, de dégager la notion d’un nouveau crime international, le crime d’écocide, cela en période de conflit armé et, aussi, en période de paix.

Dans l’avenir ne faudrait-il pas soit ajouter un amendement au Statut de la CPI qui consacrerait de façon autonome ces crimes contre l’environnement, soit les inclure dans une future Vème convention de Genève sur la protection de l’environnement en période de conflit armé ? (Voir l’article à venir sur ce blog : Les conflits armés et la protection de l’environnement.)

 

4- Les régimes totalitaires et les camps de l’horreur

 

 

  1. Les violations massives des droits de l’homme

 

Ces violations sont omniprésentes dans les régimes totalitaires. Les totalitarismes du XXème siècle ont été le nazisme c’est-à-dire le régime politique (« national-socialisme ») en Allemagne de 1933 à 1945, le stalinisme c’est-à-dire le régime politique ( « Républiques socialistes soviétiques ») en Union soviétique de 1928 à 1953,et le régime politique au Cambodge de 1975 à 1979 (les khmers rouges et le « Kampuchéa démocratique »).
A cela il faut ajouter la période totalitaire sous la Chine de Mao, pendant « la Révolution culturelle » de 1966 à 1976, et la Corée du Nord de 1948 à nos jours dont le régime est souvent qualifié de totalitaire dans la mesure, entre autres, où existent des camps de détention de travail forcé.
Un des points communs de ces régimes est le ciment totalitaire du parti unique dirigé par le dictateur. (Voir sur ce blog  l’article : « Le contraire absolu de la démocratie : le totalitarisme. »)

Pour Hannah Arendt, philosophe américaine d’origine allemande qui avait fui le nazisme, (« Les origines du totalitarisme », 1951,publié en français: Le Système totalitaire, Le Seuil,1972), le totalitarisme est le résultat d’un ensemble d’éléments :une idéologie officielle couvrant tous les aspects de la vie individuelle et collective, une main mise sur tous les moyens d’information et de propagande, un isolement de l’individu, « isolé et désolé », par la destruction des anciennes structures(familles ,syndicats, associations, églises), un parti unique dirigé par le dictateur, une terreur dont la police politique est un instrument, une mobilisation de la population dès la petite enfance, enfin, horreur de l’horreur ,des camps de concentration. Donc réduire le totalitarisme au dictateur c’est faire une analyse incomplète, le totalitarisme c’est un système composé d’un ensemble d’éléments parmi lesquels le dictateur et le parti unique ont des rôles essentiels. Arendt met en avant la convergence entre le nazisme et le stalinisme.

Pour Raymond Aron, sociologue français, (« Démocratie et totalitarisme »,Gallimard, 1965) le totalitarisme repose un ensemble d’ éléments suivants : le monopole de l’activité politique par un parti, l’existence d’une idéologie monopolistique, le monopole des moyens de force et de persuasion détenus par ce parti, la subordination des activités à l’idéologie du parti, la terreur politique et idéologique, les camps de concentration. Aron en comparant les deux totalitarismes fait une différence : le nazisme est un « totalitarisme volontaire », l’homme « ne doit pas se donner pour but de ressembler à une bête de proie, il y réussit trop bien. » Par contre le stalinisme est un « totalitarisme involontaire », « qui veut faire l’ange fait la bête », les lendemains radieux annoncés étaient porteurs de présents massacreurs.

 

  1. b) Les manifestations les plus terrifiantes : les camps de l’horreur

   Les nazis éliminaient les juifs, les tziganes, les homosexuels et les handicapés, les staliniens éliminaient les opposants au régime communiste, les khmers rouges éliminaient tous ceux qui avaient un capital matériel et/ou intellectuel.

Sous le nazisme la décision de « la solution finale » est prise le 20 janvier 1942 (pour certains historiens en décembre 1941).Dachau(l’ouverture de ce premier camp est annoncée par Himmler) fonctionnait depuis mars 1933, Auschwitz dès juin 1940.Le système concentrationnaire comprenait en particulier 4 camps d’extermination immédiate (Treblinka, Belzec, Chelmno, Sobidor),2 camps d’extermination et de concentration(Auschwitz-Birkenau avec au moins 1, 1million de victimes, Madjanek), 14 camps de concentration ( Ravensbruck, Buchenwald, Mauthausen, Dachau… et aussi le seul en territoire français, Struthof).En marge des centrales concentrationnaires et de leurs commandos il y avait les camps de transit ou d’internement qui dépendaient du système et deux camps de représailles pour prisonniers de guerre.
Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui que les nazis ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000 tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15.000 homosexuels, 3,5 millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre de 6 millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.

Sous le stalinisme la décision de création du Goulag est du 7 avril 1930, 10 à 19 millions de personnes ont été envoyés dans ces camps de rééducation par le travail. Les bagnards (les zeks) du Goulag étaient affectés à des chantiers terrifiants, par exemple creuser la roche à mains nues dans la construction du canal de la mer Blanche. Le système concentrationnaire était gigantesque, il comprenait des centaines de camps et 17 camps principaux, parmi les pires les camps de Magadan, de Kolyma, le plus grand était le Bamlag. Ces camps étaient synonymes d’arbitraire, de misère, de mort.
Le stalinisme dans son ensemble est responsable d’au moins 25 millions de victimes, à travers les camps, les purges, les famines organisées, ainsi celle terrifiante contre les paysans d’ Ukraine en 1932-1933 qui fit 6 millions de victimes.
Sous les Khmers rouges, du 17 avril 1975 (leur entrée dans Phnom Penh) au 7 janvier 1979 (l’arrivée des Vietnamiens au Cambodge), au nom d’une révolution radicale c’est, en fait, un génocide qui prend la forme d’un monde concentrationnaire, il s’installe dans le pays à travers évacuations des villes, déportations, famines, oppressions, persécutions, disparitions, centres de torture… Parmi ces derniers « S-21 », un lycée de la capitale Phnom Penh, où sont torturées et exécutées plusieurs dizaines de milliers de victimes.
On considère que plus du quart de la population a été décimé, en trois ans, huit mois et vingt jours, soit plus de 2 millions de cambodgiens sur 7 millions. Là aussi l’horreur de l’horreur.
Telles sont les manifestations de ces formes d’enfer que sont les totalitarismes.

 

5 – Les régimes autoritaires

 

Fondés sur le parti unique et/ou l’armée ces régimes violent les droits de l’homme, en particulier les libertés. La population est tenue d’une main de fer, les souffrances sont grandes, les opposants politiques font l’objet de multiples répressions (prisons, tortures…) et sont souvent dans la clandestinité ou à l’étranger. Les différences avec les totalitarismes sont celles de l’absence de camps de l’horreur et d’une emprise moins totalisante, mais terrible, sur la population. Dans le totalitarisme le système s’est totalement refermé sur lui même, l’air est devenu totalement irrespirable, « tout dans l’Etat, rien contre l’Etat, rien en dehors de l’Etat », dans le régime autoritaire le système laisse encore, ici ou là, quelques poches d’air, quelques marges de manœuvres rarissimes.

 

 

6- Les terrorismes

 

 

  1. a) C’est la menace et la mise en œuvre de moyens de terreur au service d’une cause. Cette cause peut être légitime, par exemple libérer un territoire d’une occupation armée étrangère, ou cette cause peut être illégitime, par exemple la destruction d’une race.Mais la légitimité d’une cause ne signifie pas la légitimité de tous les moyens pour lafaire triompher.Ainsi, il était combien légitime de lutter contre le nazisme mais tous les moyens pour le faire n’étaient pas légitimes, les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, moyens massifs de terreur, n’étaient pas légitimes. Quelque soit la cause, légitime ou non, les moyens de terreur sont inacceptables, ils constituent une forme de grande violence
  2. b) Il y a trois types d’acteurs terroristes :des personnes, des réseaux, des Etats. Des personnes motivées par des injustices, des vengeances privées, des causes liées à des conflits armés, des idéologies totalitaires. Des réseauxplus ou moins importants et plus ou moins organisés, éliminent, selon leurs choix et/ou selon les situations, des autorités, des militaires, des policiers, des membres de la population ciblés ou pris au hasard. Des Etats,que l’on doit alors qualifier de terroristes, terrorisent une partie plus ou moins massive de la population et éliminent des opposants en particulier en les faisant disparaitre. Il existe une Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (20-12-2006, entrée en vigueur le 23-12-2010) qui qualifient ces actes de « crimes contre l’humanité ». Selon l’article 2, « on entend par « disparition forcée » l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État.
  3. c) Les moyens de terreur les plus utilisés par les terroristes sont les attentats qui peuvent être individuels, plus importants (facilités par la circulation d’armes) ou  massifs (marchés, gares, grands magasins, immeubles, tours…) et les enlèvements (revendiqués ou non, aux motivations politiques et/ou financières suivis ou non de libérations). Dans la logique de prolifération gouvernementale et non gouvernementale d’armes de destruction massive, les attentats basés sur ces types d’armements (en 1995 l’utilisation du gaz sarin dans le métro de Tokyo) pourraient se développer dans les temps à venir.
  4. d) Le terreau du terrorisme apparait plus souvent soit sur fond de désespoir à partir d’injustices vécues comme insupportables, soit sur fond d’idéologies de dominations à tendances totalitaires ou totalitaires. Certains pensent que c’est  essentiellement le système d’exploitation inhumaine , producteur d’injustices et d’humiliations, qui crée le terreau de la plupart des  terrorismes. (Voir les développements sur ce blog «  les analyses des causes des violences et les luttes contre ces causes. »)
  5. e) L’ampleur du nombre d’ attentats est de l’ordre de 96.600 de septembre 2001 à décembre 2016, ils ont coûté la vie à plus de 190.000 personnes et blessé plus de 340.000.Ces attentats  sont massifs dans des pays asiatiques, par exemple au Pakistan de 2007 à 2014 : 7000 victimes, le 17 décembre 2014 à Peshawar 148 morts, massifs dans des pays africains, par exemple au Nigeria le 3 janvier 2015 ce sont 2000 civils chrétiens et musulmans qui sont massacrés par Boko Haram. Dans des pays européens, ils sont  revendiqués en particulier par Al-Qaida au Yémen. En France, le 8 janvier 2015, l’ensemble de la  direction d’un journal, Charlie Hebdo, et des clients d’un magasin juif sont exécutés. Le 11 janvier 2015 ont lieu les plus gigantesques manifestations de l’histoire de France, 4 millions de personnes dans les rues, soutenues par des manifestations dans de nombreux  pays étrangers, contre ces attentats et pour la liberté d’expression. Le 13 novembre 2015 Paris fait l’objet d’attentats revendiqués par l’organisation de l’ Etat    islamique, ils  causent la  mort de 130 personnes, l’état d’urgence est décrété. Le ramadan 2016 est sanglant, ainsi des attentats en Arabie saoudite, en Turquie, au Yemen, en Jordanie, en Irak…Dans ce dernier Etat à Bagdad le 3 juillet 2016 l’Etat islamique provoque la mort de près de 300 personnes, ainsi Daesh est capable de frapper sur une partie de la planète.
  6. f) Les luttes contre le terrorisme mises en place après le 11 septembre 2001 se sont intensifiées peu à peu : plans de surveillance et de sécurité, développement des services de renseignements, coopérations judiciaire et policière entre Etats, entreprises de déconditionnement ,  remise en cause de circuits financiers …Trois difficultés sont grandes. La première consiste à  ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales  au nom de la sécurité, on bascule alors dans les dérives du sécuritaire. L’exemple caricatural est celui de l’emprunt à la panoplie des régimes autoritaires de « la déchéance de nationalité ». La seconde difficulté consiste à s’attaquer aux véritables causes du terrorisme, essentiellement au terreau des injustices, dans des quartiers « défavorisés »,  dans les « zones urbaines sensibles » où ces inégalités  sont criantes, et aussi  aux guerres porteuses de souffrances et de haines, « si on répond à la haine par la haine on ne fait que l’étendre  en surface et en profondeur » disait Gandhi. La troisième difficulté est celle des labyrinthes des circuits financiers dans lesquels sont directement et indirectement impliqués différents acteurs, nombreux et  quelquefois puissants.

 

 

7- La course aux armements

 

 

C’est à nouveau l’escalade des dépenses militaires mondiales qui augmentent de 40% de 2000 à 2009 …puis vient une baisse  importante de 2009 à 2013,  en 2014 c’est la hausse qui  reprend, 1547 milliards de dollars (à titre de comparaison le budget de l’UNESCO pour 2014-2015 était de 653 millions de dollars).

En 2020 le SIPRI a recensé des dépenses militaires mondiales de 1981 milliards de dollars, soit chaque jour 5,42 milliards de dollars.

 En 2019 selon le SIPRI de Stockholm les dépenses militaires mondiales ont été de 1912 milliards de dollars (avec en tête les Etats-Unis 610 milliards de dollars, puis la Chine 228, l’Arabie Saoudite 69,4, la Russie 66,3, l’Inde 63,9, la France 57,8 milliards de dollars…

Chaque jour le monde dépense donc plus de  5 milliards de dollars(5,42) en armements. Voilà des logiques humanicides et terricides.

C’est une des formes de violence les plus gigantesques à travers quatre mécanismes que l’on énumère  très rarement de façon complète :

 

a)D’abord  cette course alimente les conflits armés c’est-à-dire que des armes peuvent en être une cause secondaire ou principale, elles vont être autant d’étincelles dans des lieux qui sont souvent des poudrières.

 

b)Ensuite fabriquer des armes c’est préparer la mort de victimes dans des conflits armés qui, selon certains, de 1945 à 2013 ont entrainé l’équivalent du nombre de victimes de la Seconde guerre mondiale, 55 millions de morts, et c’est préparer beaucoup d’autres morts, blessés et souffrances pour les années à venir.

 

  1. c) C’est aussi penser que la paix repose sur des menaces, quelquefois même sur le chantage à la mort absolue avec les armes de destruction massive. Or l’augmentation en quantité et en qualité des armements accroit l’insécurité généralela véritable paix ne peut pas reposer sur des peurs réciproques,elle se construit côte à côte face aux défis communs rencontrés par les générations présentes et déjà futures.
  2. d) Enfin, réalité presque toujours passée sous silence, les sommes gigantesques englouties dans les armements auraient pu aller vers des besoins criants,de santé, d’infrastructures de l’eau, d’éducation, d’environnement…

Cette forme de violence, quand on veut essayer de la penser, est une des plus terribles que l’humanité s’est faite et se fait à elle-même, elle « déchire ses entrailles », elle répand son propre sang, elle laisse criantes, hurlantes, d’innombrables souffrances auxquelles elle se devait de répondre.

 (Voir nos deux ouvrages JML, Construire la paix, 1er tome : les armements détruirons l’humanité, 2ème tome :l’humanité détruira les armements, éditions La Chronique sociale,1988.)

 

 

8- Les grandes violences économiques et sociales

 

  1. a) La violence totalisante du système productiviste mondial terricide et humanicide peut se résumer ainsi  :

Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait  en 2016 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs(Etats, entreprises…) ?

Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que  5 milliards de dollars partent chaque jour en 2017 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (+3°C à 6°C vers 2100 et plus d’un  mètre (deux?) d’élévation du niveau des mers ?)

 

 

  1. b) La puissance du pouvoir financier constitue une grande violence

Les Etats à ce jour (fin  2018) n’ont pas encore les volontés massives et radicales de faire face aux nouveaux conducteurs de la planète, les marchés financiers, de plus en plus puissants depuis 1971 (c’était  la fin de la convertibilité du dollar en or  qui a précipité la spéculation internationale sur les monnaies et amplifié  la puissance des bourses, des banques et des marchés financiers).

Les liens entre des Etats, des firmes multinationales et les marchés financiers contribuent à transformer l’ensemble en géants mais ne s’agit-il pas de  géants aux pieds d’argile dans la mesure où, en fin de compte, des logiques terricides et humanicides   sont à l’œuvre ?

Ces marchés financiers comprennent six classes d’actifs : le marché actions, le marché obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des changes, le marché des matières premières. Deux chiffres symboliques de cette force : en avril 2016 les transactions quotidiennes(!) sur le marché des changes étaient de 5100 milliards de dollars, pour l’année 2017 le gestionnaire américain d’actifs Black Rock gérait 6000 milliards de dollars et réalisait un bénéfice de 3,7 milliards.

A titre de comparaisons le chiffre d’affaires annuel en 2017 des dix premières entreprises du monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017 était pour 139 Etats inférieur à 10 milliards de dollars dont 30 inférieur à 3 , alors que le PIB des Etats-Unis était de 19362 et celui de la France( cinquième dans la liste des 193 Etats) de 2574, le budget bi annuel des Nations Unies pour 2018-2019 est de 5,4 milliards de dollars.

Ce sont là quelques rapports de forces financiers qui en disent très longs sur des rapports de force internationaux.

 

 

  1. c) Des injustices globales dans le monde aujourd’hui

« Les victimes des injustices économiques sont ainsi, sans le moindre remords, sacrifiées sur l’autel de l’ordre public. Jusqu’à quand ? » écrit Eduardo Galeano (Le Monde diplomatique, Guerre aux pauvres, août 1996).
Les quatre réalités qui suivent  sont souvent soulignées  par des institutions spécialisées des Nations Unies, des organes subsidiaires et des programmes de cette organisation internationale.
Ainsi en 2016, selon l’UNICEF, un enfant sur deux dans le monde est en situation de détresse et/ou de danger (misères, sous-nutrition, maladies, guerres…). Si une civilisation se juge en particulier au sort qu’elle réserve à ses enfants… le jugement de condamnation est sans appel.
En 2014, selon l’OMS, dans les pays à faibles revenus 4 décès sur 10 touchaient des enfants de moins de 15 ans, dans les pays à revenus élevés 1 enfant sur 100.L’inégalité devant la mort existe pour l’enfant selon le pays où il vit.
En 2014, selon le PNUD, moins de 10% de la population mondiale dispose de 82% du patrimoine mondial, alors que 70% de cette population mondiale disposent de 3% du patrimoine mondial. C’est ce que l’on appelle une violence structurelle gigantesque.
Fin 2015, selon les Nations Unies, 4,5milliards de personnes se trouvent dans le besoin avec le minimum vital, 1,5milliard de personnes est en situation de survie (avec moins de 1,25 dollar par jour) et 1 milliard vit dans l’aisance. On voit particulièrement bien ici que le système ne répond pas aux besoins importants ou criants de la grande majorité de la population mondiale.

Deux réalités   parmi d’autres : en 2019 

 1 % de la population  possède près de la moitié  de la fortune mondiale

 1% est responsable de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.

 

 

  1. d) Des injustices particulières dans le monde aujourd’hui

Nous rappelons dix séries d’inégalités terribles, cette liste des drames est très loin d’être exhaustive. Les drames de la faim, de l’absence d’eau potable, de l’absence de toilettes, des maladies qui tuent sans vaccinations ou soins, drames de l’inégalité de l’accès aux médicaments, des inégalités dans l’espérance de vie, des inégalités dans l’éducation, des inégalités relatives au niveau de vie, des inégalités devant la protection sociale, des inégalités relatives à l’empreinte écologique. (Voir statistiques précises dans l’article à venir sur ce blog : « L’injustice et les luttes contre les inégalités.»)

 Face au drame de la faim (820 millions de personnes  en 2018, soit 10,8%de la population mondiale, étaient sous-alimentées dans le monde ), ou face au drame de l’absence d’accès à l’eau potable et à l’assainissement… on décide… qu’on décidera plus tard de s’attaquer  aux  causes de ces situations  inhumaines .Le réchauffement climatique est devenu une cause qui s’ajoute aux autres et aggrave ces deux drames mondiaux.

Les violences des migrations forcées est massive. Ainsi par exemple pour l’année  2015 c’est l’accroissement  du nombre de réfugiés et de déplacés, 60 millions de personnes selon le HCR, soit l’équivalent de presque toute la population française. Sur ce total 20,2 millions essaient d’échapper aux guerres et aux persécutions, c’est un niveau sans précédent depuis 1992.En 2017 voilà un nouveau record du nombre de déplacés : 68,5 millions de personnes.

Les déplacés environnementaux seraient peut-être  de l’ordre de 150 à 300 millions vers 2100… Si de grandes villes asiatiques devenaient irrespirables ce type de migrations forcées pourrait être, selon certains, de un à deux milliards de personnes…

 

 

  1. e) Des inégalités criantes dans le monde selon Oxfam en 2021

 

Le rapport d’Oxfam 2021 est particulièrement terrible. Nous reproduisons le passage qui suit :

« Quand l’ultra-richesse prospère au détriment des plus pauvres et des femmes. »

-« Les chiffres de l’indécence : des inégalités mondiales hors de contrôle. »

« Dans son nouveau rapport, Oxfam s’est attachée à calculer les inégalités mondiales pour mieux les dénoncer. Et les chiffres donnent le vertige, mettant en lumière un fossé abyssal entre une minorité d’ultra-riches et le reste de l’humanité. Les femmes et les filles sont les premières à payer le prix de ce système économique injuste et défaillant. Dans ce constat, la France est loin d’être épargnée et s’engage elle-aussi sur la voie des inégalités croissantes.

« Des écarts entre les riches et les pauvres qui donnent le vertige

« Les chiffres que fait paraître Oxfam dans son rapport “Celles qui comptent” illustrent à eux-seul l’ampleur des inégalités mondiales :

« -La richesse des 1% les plus riches de la planète correspond à plus de 2 fois la richesse de 90 % de la population mondiale, soit 6,9 milliards de personnes.

« -Les milliardaires du monde entier, qui sont aujourd’hui au nombre de 2 153, possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60% de la population mondiale.

« -Les deux tiers des milliardaires tirent leur richesse d’un héritage, d’une situation de monopole ou de népotisme.

« -Dans le même temps, près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 5 dollars par jour. Le rythme de réduction de la pauvreté s’est ralenti de moitié depuis 2013.

« L’accaparement des richesses mondiales par une minorité se fait au détriment des plus vulnérables, bien plus nombreuses et nombreux, qui se voient piégé-e-s dans la plus grande pauvreté. »

-« Les femmes et les filles, grandes perdantes d’une économie injuste et sexiste. »

« Dans son rapport, Oxfam met particulièrement en lumière les conséquences de ce système économique sur les femmes et les filles :

« -Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses en plus que les femmes.

« -Les femmes représentent les deux tiers des travailleurs dans le secteur du soin.

« -Les femmes assurent plus des trois quarts du travail domestique non-rémunéré. Ménage, cuisine, gestion du budget, soin des proches, collecte de bois et d’eau dans les pays du « Sud », la valeur monétaire de ce travail représente au moins 10 800 milliards de dollars chaque année, en prenant en compte celui réalisé par les femmes de 15 ans et plus. C’est trois fois la valeur du secteur du numérique à l’échelle mondiale !

« -Dans le monde, 42 % des femmes ne peuvent pas avoir un travail rémunéré en raison de la charge trop importante du travail domestique et de soin qu’elles doivent porter chez elles. »

 

 

9- Les grandes violences culturelles.

 

  1. a) L’ethnocide : c’est la destruction radicale, globale et délibérée d’une culture.

L’ethnocide se fait le plus souvent dans le but d’exploiter économiquement et politiquement les membres de la culture assassinée. Il conduit à la destruction physique partielle des membres de cette culture, il va souvent de pair avec des massacres. Les traces de la culture assassinée sont partiellement ou massivement détruites   : ouvrages, musées, œuvres, monuments, écoles…

 

  1. b) Existent aussi d’autres formes de violences culturelles qui s’appellent l’assimilation, plus ou moins imposée par un rapport de forces, c’est-à-dire l’effacement d’une culture sous la domination d’une autre, et l’uniformisation, qui fait peu à peu disparaitre les différences, « l’uniformisation uniformisante » était pour Kostas Axelos une violence terrible et omniprésente.

 

 

10-Les grandes violences écologiques

 

a ) Peut-on parler de « grandes violences » ?

Ne doit-on pas considérer les problèmes  drames et les menaces relatifs à l’environnement comme de grandes violences ? Nous pouvons le penser dans la mesure où ils portent massivement atteinte aux peuples, aux personnes et aux générations futures, et dans la mesure où la plupart d’entre eux sont d’origine humaine et que l’homme n’a pas pris, à ce jour, les moyens assez massifs et radicaux de les combattre.
Si l’on regroupe ces problèmes, ces menaces et ces drames environnementaux on peut dire que : la dégradation des sols s’étend, la déforestation continue, les déchets ne cessent d’augmenter, le nucléaire a engagé les générations présentes et futures, l’eau se raréfie et se dégrade, le milieu marin est souvent traité en poubelle, la couche d’ozone reste menacée, les gaz à effet de serre entrainent un réchauffement climatique, les espèces animales et végétales sont décimées.

b)Les inégalités sont présentes aussi dans l’environnement, ne sont-elles pas des formes de violence ?

 

Elles se traduisent par une empreinte écologique très variable en particulier selon les Etats (voir ci-dessus) et par des effets très inégaux sur les populations. Des ONG insistent sur cette dimension, ainsi l’alliance internationale « Justice Climatique Maintenant ! » met en avant les liens entre le social et l’environnemental, le réchauffement atteint toute la Terre mais d’abord les pays et les peuples les plus pauvres. Le mouvement contre le » racisme environnemental » dénonce depuis les années 1980 le fait que les populations noires et pauvres sont les plus touchées aux Etats-Unis par exemple par la proximité des déchets toxiques, un auteur sociologue comme l’américain Robert Bullard relie droits de l’homme et environnement, des juristes environnementalistes , ainsi en France Alexandre Kiss et Michel Prieur dès les années 1970, iront aussi en ce sens contribuant à faire du droit de l’homme à l’environnement un droit à vocation universelle.

 

b)L’énumération des principales situations écologiques violentes est impressionnante.

 

Une des plus grandes  violences est celle du réchauffement climatique,  cette  gigantesque machine infernale produite par ce système productiviste.

Le grand « vainqueur » est , à ce jour( fin novembre 2018), ce réchauffement climatique. (voir  notre ouvrage,  écrit pour cette 4ème édition en collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris,  Droit international de l’environnement, Ellipses, 2018).

 La situation est simple à schématiser :

Si l’Accord de Paris(2015) sur le climat était  appliqué en l’état : l’augmentation de la température serait de l’ordre de 3,5°C vers la fin du siècle. Situation  encore gravissime.

Si  l’Accord n’était pas appliqué le réchauffement serait de 4°C à 6°C, voire plus, vers 2100.Autant dire que la 6 ème extinction des espèces (humains compris) serait en voie d’effacer le  vivant ou la plus grande partie du vivant. 

Si l’Accord contribuait à donner le jour à de nouveaux engagements, massifs et appliqués, le vivant aurait alors  probablement  des chances de survie.

La liste des atteintes relatives à l’environnement et au vivant est impressionnante :

 En ce qui concerne l’air : réchauffement climatique, phénomènes climatiques extrêmes, appauvrissement de la couche d’ozone, retombées des pluies acides, pollutions chimiques diffuses et accidentelles, pollutions radioactives diffuses et accidentelles d’origine civile et militaire, pollutions urbaines, nuisances sonores, pollutions lumineuses, pollutions de l’espace orbital…Le seul exemple en Chine de la pollution atmosphérique provoquée, entre autres, par les industries lourdes dans les zones urbaines, est dramatique : morts prématurées, explosions des cancers du poumon, suffocations, masques en rupture de stocks…A Pékin en février 2014 le taux de concentration des microparticules dans l’air est de 16 fois le maximum mis en avant par l’OMS, dans certaines villes 36 fois ce maximum. Toujours selon l’OMS la pollution atmosphérique touche neuf urbains sur dix dans le monde (  étude  sur 1 600 villes de 91 pays, 7 mai 2014). Sont particulièrement touchées des villes du Pakistan, de l’Inde, de la Chine…
En ce qui concerne les eaux douces : absence d’accès à l’eau potable, absence d’assainissement, inondations, problèmes de quantité de réserves d’eau produisant des situations de stress hydrique et de pénuries d’eau, sécheresses de plus en plus terribles, jamais vues auparavant, dans des lieux de plus en plus nombreux de la planète, atteintes à la qualité de cours d’eau et de nappes phréatiques à partir de pollutions agricoles, industrielles, domestiques, assèchements et empoisonnements de nappes phréatiques, effets écologiques de certains barrages et de modifications de tracés de cours d’eau…
En ce qui concerne le milieu marin : pollutions venant des fleuves et des côtes (pollutions telluriques), pollution par immersion de déchets, de déchets dangereux, de déchets radioactifs, pollutions volontaires et accidentelles de navires et de plates-formes, pollutions à partir d’aéronefs jetant des déchets, dégradations des ressources marines et côtières, surexploitation et disparitions d’espèces marines, filets destructeurs de fonds marins, plaques et mers de déchets dans le milieu marin, enfin bien sûr côtes rongées, déchiquetées par les avancées et la montée des océans…
En ce qui concerne les sols : l’épiderme de la Terre est ici menacé, là malade à travers la désertification, les atteintes sont très nombreuses par surexploitation, surpâturage, déboisement, par pesticides, nitrates, métaux lords, pluies acides, déchets mis en décharge, transports et stockages de déchets toxiques, atteintes par extensions des surfaces urbaines …
En ce qui concerne les forêts : déforestation par surexploitation, par empiètements, feux de forêt, diminution de la variété d’espèces forestières, pollutions multiples, pluies acides, réchauffement climatique, certains insectes ravageurs, certains champignons aussi…
En ce qui concerne la flore, la faune, les paysages : Appauvrissement de la diversité biologique, espèces de la faune et de la flore décimées et menacées d’extinction, marchandisation du vivant(voir article sur ce site), risques liés aux organismes génétiquement modifiés, artificialisation de la nature, prolifération de certaines espèces posant des problèmes écologiques, prolifération de certaines espèces posant des problèmes économiques et écologiques, régressions d’habitats naturels, urbanisation incontrôlée, destructions de paysages, destructions de cultures vivrières au profit de grandes monocultures…

 

  1. d) Les effets environnementaux sur la santé des êtres humains :

 

En 2012 l’OMS avançait le fait que 23% des décès dans le monde était liés à l’environnement (tabac non compris) soit un décès  sur quatre, soit 12,6 millions de victimes dues pour la plus grande part aux pollutions de l’air, celles-ci en 2014 selon l’OMS ont causé la mort  de 7 millions de personnes.

 Certains auteurs avancent des chiffres beaucoup plus élevés, cela est lié en particulier à la définition plus ou moins large donnée à l’environnement, chiffres allant jusqu’à  40% des décès , voire plus, dans le monde résultent de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques , radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, dans des airs, des sols et des eaux…

Le tabac en 2014 a tué 5 millions de personnes(en France 78000), l’alcool a tué 3 millions de personnes(en France 49000).

Ne soulignons ici que quelques effets dramatiques et massifs  de la dégradation environnementale. Les catastrophes écologiques mais aussi : les pollutions de l’air, des sols, des eaux de surface et souterraines et leurs effets sanitaires, la sécurité alimentaire qui est de moins en moins assurée dans certaines régions, les contaminations des aliments par des pollutions chimiques, radioactives, par des additifs alimentaires, par la dioxine, par des farines animales…l’exposition de travailleurs et de populations à des substances dangereuses(drame de l’amiante)et d’une façon générale l’augmentation impressionnante du nombre de cancers d’origine environnementale…(voir par exemple Dominique Belpomme, Avant qu’il ne soit trop tard, Fayard,2007). La seule pollution de l’air, selon l’OMS ( étude  du 24 mars 2014), a causé la mort de 7 millions de personnes en 2012, soit un décès sur 8, les 2/3 de ces victimes étaient en Asie.
De façon plus globale au moins 40% des décès (des auteurs donnent des chiffres beaucoup plus élevés, tout dépend en particulier de la conception restreinte ou plus large que l’on a de l’environnement) dans le monde résulteraient de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques, radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, pollutions de l’air, des sols et des eaux…
Des études prévisionnelles mettent en particulier en avant une explosion des cancers dans le monde de 75% de 2012 à 2030 et de 95% dans les pays les plus pauvres, on passerait de 12,7millions de personnes atteintes en 2008 à 20,3millions en 2030, et on passerait de 7,6millions de morts par cancers en 2008 à 13,2millions en 2030.(The Lancet Oncology,juin2012,étude menée dans le cadre du Centre international de recherche sur le cancer(CIRC, Lyon),organisme lié à l’OMS.) L’étude souligne que certains cancers (côlon, rectum, sein, prostate) semblent associés au développement économique et au mode de vie.
Va aussi dans ce sens par exemple l’ouvrage d’un toxicologue (André Cicolella, Toxique planète, Seuil,2013) qui dénonce le « scandale invisible des maladies chroniques », il montre la transmission d’un héritage toxique à destination des générations futures, il en appelle à de nouvelles politiques de santé mondiale qui prennent en compte une remise en cause des origines environnementales des « perturbateurs endocriniens », il affirme que les maladies chroniques(cardiovasculaires, respiratoires, cancers, diabète…) peuvent reculer si nous repensons nos façons de vivre, de travailler, de se déplacer.

C’est  dans ce contexte que  des virus ont une apparition aux effets sanitaires sociaux et économiques catastrophiques, une des causes profondes étant la place de plus en plus écrasante de l’homme dans la nature qu’il déstabilise. C’est bien là une forme de violence sur la nature qui réagit.

 Des scientifiques australiens et américains ont mené une vaste étude publiée en avril 2020 sur les animaux susceptibles de transmettre des maladies aux humains. Les conclusions du rapport suggèrent que le contact humain accru avec les animaux sauvages est sans doute à l’origine de la pandémie  de coronavirus.

Les auteurs de l’étude fondent leur théorie sur 142 virus connus pour avoir été propagés aux humains par des animaux. Ces données ont ensuite été comparées avec la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

 « L’intrusion de l’homme dans des zones de biodiversité augmente le risque de contagion de nouvelles maladies infectieuses [par le contact] entre les humains et les animaux sauvages. […] « La propagation de virus par les animaux est l’un des résultats directs de nos actions sur les animaux et leur habitat », affirme l’étude.

A cette étude  il faudrait ajouter en particulier  la fonte du pergélisol (ou  permafrost), en particulier en Sibérie qui, pensent certains scientifiques, libèrerait non seulement du méthane contribuant  puissamment au réchauffement climatique, mais libérerait  aussi des virus inconnus…

Telles sont les grandes violences. Qu’en est-il du second regroupement des formes de violences que nous proposons ?

 

 

B- Les  contenus des violences et les atteintes  aux  personnes ,  aux biens, à la paix publique, à l’environnement

Le document utilisé sera celui très significatif d’un Etat, la France, définissant des crimes et délits, nous ferons ainsi à travers le code pénal un récapitulatif des atteintes portées aux personnes, aux biens, à la paix publique, puis à travers le code de l’environnement des atteintes portées à celui-ci. Ces atteintes ne sont-elles pas autant de formes de violence ?
Nous les regrouperons en onze points dont nous ferons onze synthèses :

1-Les crimes contre l’humanité,

2-Les atteintes à la vie de la personne,

3-Les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne,

4-La mise en danger de la personne,

5-Les atteintes aux libertés de la personne,

6-Les atteintes à la dignité de la personne humaine,

7-Les atteintes à la  personnalité ,

8-Les atteintes aux mineurs et à la famille,

9-Les atteintes contre les biens,

10-Les crimes et délits contre la nation, l’Etat, la paix publique, la confiance publique, autres crimes et délits,

11-Les atteintes à l’environnement.

 

1-Les crimes contre l’humanité selon le droit interne français

a)Le titre premier du Code pénal s’intitule« Des crimes contre l’humanité »,le chapitre premier s’intitule « Du génocide »,selon l’article 211-1 « Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants :
-atteinte volontaire à la vie ;-atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ;-soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;-mesures visant à entraver les naissances ;-transfert forcé d’enfants

b)Le chapitre II s’intitule «Des autres crimes contre l’humanité»,c’est l’article 212-1 qui les définit « Constitue également un crime contre l’humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique :
1° L’atteinte volontaire à la vie ; 2° L’extermination ; 3° La réduction en esclavage ; 4° La déportation ou le transfert forcé de population ; 5° L’emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; 6° La torture ; 7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; 8° La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international ; 9° La disparition forcée ; 10° Les actes de ségrégation commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime ; 11° Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique. »

2- Les atteintes à la vie de la personne

  1. a) Les atteintes volontaires à la vie: Lorsque un être humain en tue volontairement un autre on qualifie cet acte d’homicide volontaire. S’il n’y a pas préméditation c’est un « meurtre », s’il y a préméditation c’est un « assassinat.»En France ce crime est jugé par une Cour d’assises.
  2. b) Les atteintes involontaires à la vie: le fait de causer, dans des conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3 , par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ,la mort d’autrui constitue un homicide involontaire. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposées par la loi ou le règlement les peines encourues sont aggravées.

3- Les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne

  1. a) Les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne :
    -Les tortures et actes de barbarie.
    -Les violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner, les violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, les violences ayant entrainé une incapacité totale de travail de plus de huit jours, les violences ayant entrainé une incapacité de travail de moins de huit jours ou n’ayant entrainé aucune incapacité de travail lorsqu’elles sont commises sur un mineur, sur une personne vulnérable(…voir par exemple en France la liste Art.222-13 du Code pénal),les violences habituelles sur un mineur ou sur un personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connues de leur auteur sont punies de peines importantes ;les appels téléphoniques malveillants réitérés ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui.
    -Les menaces : la menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes.
  2. b) Les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne :

 elles sont constituées par le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont aggravées.
 Le nombre de personnes atteintes peut être important dans une forme donnée, par exemple selon l’OMS la route a tué 1,3 million de personnes en 2013 et en a blessé 25 à 50 millions.

  1. c) Les agressions sexuelles : le viol, les autres agressions sexuelles, le harcèlement sexuel.
  2. d) Le harcèlement moral :il s’agit du fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel .
  3. e) Le trafic de stupéfiants.

4- La mise en danger de la personne

Constituent une mise en danger de la personne : le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger, l’entrave aux mesures d’assistance et l’omission de porter secours, l’expérimentation sur la personne humaine, l’interruption illégale de la grossesse, la provocation au suicide, l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse.

5- Les atteintes aux libertés de la personne

Ce sont l’enlèvement, la séquestration, le détournement d’un moyen de transport (aéronef, navire ou tout autre moyen de transport).

6- Les atteintes à la dignité de la personne humaine

  1. a) Les discriminations.

 Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de l’apparence physique, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation ou identité sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales.
Les discriminations sont autant d’atteintes au principe de non-discrimination qui est consacré par exemple par l’article 2 de la DUDH de 1948, mais surtout par les Pactes internationaux des droits de l’homme (16-12-1966) : dans le Pacte des droits civils et politiques c’est l’article 2 alinéa1. « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. ». Dans le Pacte des droits économiques ,sociaux et culturels c’est l’article 2 alinéa 2 « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

  1. b) Les autres atteintes à la dignité humaine

Elles sont constituées par la traite des êtres humains, le proxénétisme, le recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, l’exploitation de la mendicité, les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, le bizutage, les atteintes au respect dû aux morts.

7- Les atteintes à la personnalité

Ces atteintes s’appellent l’atteinte à la vie privée, l’atteinte à la représentation de la personne, la dénonciation calomnieuse, l’atteinte au secret, les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques, les atteintes à la personne résultant de l’étude génétique de ses caractéristiques ou de l’identification par ses empreintes génétiques.

8- Les atteintes aux mineurs et à la famille

Il s’agit du délaissement de mineur, de l’abandon de famille, des atteintes à l’exercice de l’autorité parentale, des atteintes à la filiation, de la mise en péril des mineurs.

9- Les atteintes aux biens

Ces atteintes sont des crimes ou des délits déterminés par le code pénal. Ces formes de violence sont le vol simple, le vol aggravé, l’extorsion, le chantage, la demande de fonds sous contrainte, l’escroquerie, l’abus de confiance, l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité, le recel, les destructions, dégradations et détériorations, le blanchiment simple et le blanchiment aggravé.

10- Les crimes et délits contre la nation,  l’Etat , la paix publique, la confiance publique, autres crimes et délits

  1. a) Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation :La trahison et l’espionnage, l’attentat et le complot, le mouvement insurrectionnel, la levée de forces armées, les atteintes à la sécurité des forces armées ,les atteintes au secret de la défense nationale
  2. b) Le terrorisme,

Nous l’avons examiné dans le développement sur les grandes violences.

  1. c) Les atteintes à l’autorité de l’Etat: atteintes à la paix publique (entraves à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation), la participation délictueuse à un attroupement, la participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique, les groupes de combat et les mouvements dissous.
  2. d) Les atteintes à l’administration publique, à l’action de la justice, les atteintes aux Etats étrangers et des organisations internationales publiques(corruption), les atteintes à la confiance publique(les faux, la fausse monnaie, la falsification des marques de l’autorité).
    e) Les autres crimes et délits :en matière de santé publique (protection de l’espèce humaine, protection du corps humain, protection de l’embryon humain).

f )Les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux : il s’agit du fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité.

11-Les atteintes à l’environnement

De nombreuses atteintes sont définies à partir des législations nationales, régionales, internationales,  ces atteintes   violent  des mécanismes de protection des espèces, de protection des espaces, elles violent le droit de la pêche en eau douce ou en milieu marin, le droit de protection de la forêt.

Existent ainsi des lois, et leur non respect est porteur de violences environnementales, sur les installations classées, sur les risques technologiques majeurs, sur les pollutions sectorielles (air, eau, bruit, déchets domestiques, industriels, radioactifs, produits chimiques, produits phytosanitaires et pesticides, organismes génétiquement modifiés), sur le droit des paysages et des sites, sur le droit de l’environnement urbain, rural , culturel, droit de l’environnement côtier.

Telles sont les violences contre les personnes, les biens, l’environnement. Quelles sont donc les autres violences que l’on qualifie parfois de « banales » ?

 

 

 

C- les  autres violences  à ne  pas  banaliser

 

 Jacques Sémelin écrit « Il y a aussi les violences « banales » dont nous sommes les témoins, les victimes… ou les acteurs. » Cette violence est plus ou moins intégrée à une partie de nos modes de vie, il arrive parfois ou souvent  que nous n’en ayons pas conscience, contrairement aux violences spectaculaires.
Nous les regroupons en onze points dont nous ferons onze synthèses :

1-Les discriminations,

2-Les violations des différences,

 3-Les violences d’oppressions,

4-L’instrumentalisation des rapports humains,

5-La marchandisation de rapports humains

6-Les effets de l’accélération du système international,

7-Les harcèlements dans la vie quotidienne,

 8- Les incivilités,

 9-Les violences médiatiques,

10- Les douces violences,

11-Les violences des casseurs d’horizons. Terme que nous proposons.

1-Les discriminations

 

Nous les avons déjà évoquées ci-dessus dans « les atteintes à la dignité de la personne », dès lors pourquoi les souligner à nouveau ici ? Parce que c’est une façon d’insister sur le fait qu’elles peuvent être sanctionnées mais aussi banalisées ici et là, que nous en soyons des témoins, des victimes ou des acteurs.

Ce mot « discrimination » vise des différenciations contraires au principe d’égalité, on remet en cause l’égalité au détriment de certaines personnes, en raison par exemple de leur appartenance raciale, confessionnelle, plus généralement par application de critères sur lesquels la loi interdit de fonder des « discriminations juridiques arbitraires » (opinion politique, sexe, état de santé, handicap, origine, ethnie, race, orientation sexuelle, activité syndicale…).

Nous voulons insister surtout et avec force sur le fait que le principe de non-discrimination est au cœur de la justice. C’est l’un des plus fondamentaux. C’est l’article 1er de la DUDH « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (il faut lutter pour que les avancées soient réelles) et ils sont différents, ces différences sont une richesse, une chance.

 Très proche de ce développement est celui qui suit  mais nous le présentons sous un autre angle, celui des différences.

 

2- Les violations des différences

 « La violence banale c’est l’absence de respect des différences : l’adulte qui voudrait que l’enfant lui ressemble à tout prix. (…) » (Jacques Sémelin).
Politiquement, philosophiquement, humainement il s’agit ici des rapports entre une unité donnée et des diversités, et finalement aussi de nos rapports aux autres.
En premier lieu une unité donnée, par exemple un pays, ne doit pas éliminer les différences, il faut prévenir et dénoncer ces pratiques de domination, ces regards de capture qui débouchent souvent sur des drames épouvantables.

En second lieu une unité donnée ne doit pas exacerber les différences, ce regard est lui aussi destructeur à travers la formation des ghettos, le repli identitaire peut se traduire par des pratiques inhumaines.

En troisième lieu le fait d’effacer les différences n’est-il pas plus ou moins dommageable ? Ce regard d’assimilation consiste à dire que l’autre est notre égal parce qu’il devient comme nous.

En quatrième lieu se situe le regard d’ouverture, il repose sur le respect des différences, c’est le regard d’intégration. On reconnaît des similitudes et des différences, c’est le grand principe de non-discrimination. Nous sommes égaux, c’est l’article premier de la DUDH « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits(…) » , il faut lutter pour conquérir, protéger, développer ces égalités, et nous sommes différents (ces différences qui existent ne doivent pas être discriminantes.)

3- Les violences d’oppressions

La violence banale c’est la violence d’oppression vécue parfois au quotidien : humiliations de l’autre dans son travail, lourdes atmosphères éducatives, pressions administratives, pressions  fiscales parfois insupportables  de l’Etat sur le citoyen, dévalorisation des femmes…

 

4- L’instrumentalisation des rapports humains

« La violence banale c’est l’instrumentalisation des rapports humains : on incorpore la violence technicienne par exemple par un « traitement mécanique » de l’autre » écrit Jacques Sémelin.
L’autre devient ici ou là un simple numéro, ou bien presque un inconnu dès qu’il nous a rendu service, ce sont deux formes d’instrumentalisation, l’autre est traité comme un objet.

 

5-La marchandisation des rapports humains

 L’autre devient un simple pion que l’on fait sauter, sans ménagements ni remerciements, pour dégraisser une administration ou une entreprise, c’est une forme de marchandisation, l’autre est traité comme une marchandise.

(Sur la marchandisation du monde voir nos articles sur ce même blog.)

 

6- L’accélération du système international et ses violences

C’est une violence qui comprend de multiples formes visibles ou plus difficiles à voir. Là également nous pouvons en être les témoins, les acteurs et souvent les victimes

 (Sur ce phénomène dans sa globalité voir sur ce même blog : «L’accélération du système mondial.»

  1. a) Les effets de l’accélération sur l’ensemble de la société 
    L’accélération porte atteinte à la démocratie, elle a aussi des effets sur le travail, elle contribue à l’accroissement des contrôles, elle augmente le poids de l’urgence au détriment du long terme, elle contribue au développement des inégalités. L’accélération a des effets sur les actualités, elle contribue aux désynchronisations environnementales. La compétition et la vitesse marchent côte à côte. L’accélération  contribue aussi à « l’administration des peurs »
  2. b) Les effets de l’accélération sur les personnes 
    On a le sentiment d’être débordé. Les rencontres sont souvent plus rapides. Le présent est comprimé, compressé. Les rencontres du réel et du virtuel ne simplifient pas les choses, d’autant plus qu’elles sont en situation d’accélération. Le temps « mange l’espace. »Sont bien présentes l’augmentation du nombre d’actions « par unité de temps » et la réduction de chaque « épisode de vie. » Un stress et une nervosité s’installent ici et là. La capacité de comprendre n’est-elle pas atteinte par cette accélération ?

 

 

7- Les harcèlements professionnels, familiaux, scolaires et d’autres lieux de la vie quotidienne

Le harcèlement dans certains pays est sanctionné par la loi, nous l’avons souligné dans le code pénal français mais, à ce jour, dans beaucoup d’autres pays le chemin sera long pour sortir de la banalité.

  1. a) Le harcèlement moral sur le lieu de travail repose sur la répétition d’actes, de comportements, de paroles qui tendent à humilier, à déstabiliser voire à détruire l’autre.

Marie-France Hirigoyen (« Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien »,éditions La Découverte § Syros,1998), définit le harcèlement moral comme : « toute conduite abusive qui se manifeste notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat social. » Alors que la violence physique laisse des traces, dans le harcèlement moral les traces ne sont pas visibles jusqu’au moment où la santé s’affaiblit.
Le harcèlement moral en entreprise:l’article L.222-33-2 du code pénal punit « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

  1. b) De même le harcèlement moral dans le couple est reconnu dans certains pays, en France la loi du 9 juillet 2010 institue un délit de harcèlement moral au sein du couple. C’est une réalité douloureuse, parfois dramatique, souvent difficile juridiquement à démontrer.
  2. c) Le harcèlement scolaire(surtout à la fin de l’école primaire et au collège) se fonde sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques, principalement l’apparence physique (poids, taille, couleur de peau ou type de cheveux),le sexe, l’identité de genre (garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine, sexisme), orientation sexuelle ou supposée, un handicap (physique, psychique ou mental),un trouble de la parole (bégaiement /bredouillement),l’appartenance à un groupe social ou culturel particulier, des centres d’intérêts différents. C’est un rapport de domination entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes , il s’agit d’agressions qui se répètent régulièrement durant une longue période, la victime est souvent isolée, faible physiquement, dans l’incapacité de se défendre. La victime du harcèlement peut être insultée, menacée, battue.

 Selon le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire (voir  Le Monde, 9 novembre 2017) en France  «  14 % des élèves du primaire,  12 % des collégiens, 2 à 3 % des lycéens se déclarent harcelés.   Les garçons le sont plus fréquemment physiquement, quand les filles sont plus exposées au cyber-harcèlement, en particulier au collège. Ce chiffre revient à dire que 1 élève sur 10 est concerné, mais 5 % de la population scolaire est sévèrement et très sévèrement harcelée.»Enfin 7 % des collégiens et des lycéens affirment être harcelés sexuellement.

 

 d ) Le cyber  harcèlement sur internet et les réseaux sociaux est devenu une réalité. C’est une action répétitive de violence psychologique. Des violences peuvent apparaitre sous formes de moqueries, de mépris, de persécutions, de chantages…

Selon certaines données 12,5% des jeunes français sont victimes de cyber-harcèlement. Les filles sont un peu plus concernées avec 13,4%,  les garçons 11,1%.

Les cyber-harcelés sont plus nombreux à partir de l’âge de 15 ans. Les effets peuvent concerner les résultats scolaires, l’isolement par rapport à la famille, une perte de confiance en soi et, parfois, basculer dans des  drames sous forme de suicides. Des sites internet, en particulier à destination des jeunes, donnent de nombreux conseils pour en sortir.

 

 8-Les incivilités

a)Les définitions des incivilités.

Le mot  date d’il y a plus de trois siècles, il signifiait manque de  courtoisie.

 Aujourd’hui le terme  est multiforme. Beaucoup plus large il renvoie à impolitesse, incivisme, insolence, malveillance, désordre…C’est une série de comportements gênants, irrespectueux et délictueux.

 La  « civilité » correspondrait à un  respect de règles de vie contribuant à vivre en commun.  Ce serait pour une part une forme de « domestication de l’agressivité. »

Les incivilités  sont  souvent qualifiées de nuisances qui vont perturber la vie sociale, remettre en cause une certaine confiance mutuelle, engendrer un trouble anormal à la tranquillité publique.

Ces incivilités sont des formes de manque de respect pour les personnes  ,  leurs biens, les biens publics, elles mettent de côté l’intérêt général.

Ces incivilités sont faites par malveillance, par indifférence ou par méconnaissance.

Ces incivilités peuvent être volontaires ou involontaires, on le voit par exemple pour les incivilités numériques.

Ces incivilités  évoluent selon les sociétés, les périodes, les lieux.

 

  1. b) Une liste indicative d’incivilités

 …  « crachats, attroupements d’individus menaçants ou exubérants, racolages ostentatoires, chahuts et violences à l’école, insultes sur les terrains de sport, mendicité agressive, graffitis et tags, utilisation importune de téléphones portables, comportements dangereux au volant, bousculades, courriers électroniques déplacés. » (énumération » d’ incivilités dans l’espace public urbain », Julie Darmon , slate.fr,Smart Cités,201-1-2017)

 

c ) Les classifications des incivilités

Les deux premières classifications sont simples

On distingue les incivilités en paroles, les incivilités en actes, les incivilités en paroles et en actes.

On distingue aussi les incivilités contre des biens, celles contre des personnes, celles contre des personnes et des biens.

 

La troisième classification est relative aux lieux des incivilités

On peut distinguer ainsi les lieux privés et les lieux publics.

Les lieux privés sont ainsi bien sûr par exemple des immeubles (graffitis, déchets, encombrements, nuisances sonores…)

Les lieux publics concernent les  services techniques des communes, des départements, des régions   mais aussi ceux des services déconcentrés de l’État. Il s’agit par exemple de  dégradations volontaires, d’abandons  de déchets, de vandalismes, de graffitis et de tags.

Les agents publics qui accomplissent des missions de service public  sont souvent en contact avec le public et peuvent être eux aussi  confrontés à l’incivilité. Celle-ci peut prendre la forme d’un vocabulaire familier ou agressif  utilisé par un élève à l’encontre  d’un professeur, de différentes formes d’agressions verbales (énervements, injures, insultes…) à l’encontre d’ agents    chargés d’accueillir le public dans tous types de services (accueil des urgences , état civil, établissements sportifs, etc.).

 

La quatrième  classification distingue les incivilités sociales et les incivilités matérielles.

Le site associatif « grainesdepaix.org » souligne ainsi :

« Les incivilités sociales comprennent  ce qui dégrade les relations humaines : le manque de manières (passer devant un autre, bousculer,…) l’impolitesse (ne pas dire « pardon » ou « merci », …) le refus de respecter les besoins de l’autre (ignorer les besoins d’une personne âgée dans un bus, …)les comportements perturbateurs (vacarme, obstructions, …)la rustrerie (actes gênants, gestes et vocabulaire grossiers, attitudes menaçantes, …) »

« Les incivilités matérielles comprennent tout ce qui dégrade les biens ou l’environnement (déchets, graffitis,  vandalismes …) »

 

La cinquième  classification est fondée sur une distinction juridique.

D’une part existent des comportements gênants qui ne sont pas pénalement sanctionnés (ainsi un certain  manque de respect pour des personnes âgées , des personnes vulnérables, ainsi des crachats dans la rue…).

et d’autre part des comportements qui constituent des infractions tels que des dégradations de biens publics, des nuisances sonores, des graffitis..

.Par rapport aux personnes qu’en est-il des injures et des menaces?  Une injure c’est une parole, un écrit ou un geste adressé à une personne dans le but de la blesser ou de l’offenser. On distingue l’injure publique, qui peut être entendue ou lue par autrui, de l’injure privée. L’injure sur internet peut être considérée comme une injure publique ou privée en fonction de l’accessibilité de la page web où elle a été diffusée.

Une menace désigne le fait d’exprimer à une personne le projet de lui nuire dans le but de lui faire peur.  On distingue deux types de menaces  sur les personnes : la menace de mort et la menace de commettre un crime ou un délit.

Ces deux actes sont punis par la loi. Si on en est  êtes victime  on est  en droit de porter plainte pour insulte et menace, il faudra alors  en apporter la preuve.

 La  sixième   classification se veut plus opérationnelle.

On la retrouve dans l’article cité ci-dessus « Décortiquons les incivilités du quotidien » :

Une première série  d’incivilités est relative à « la gestion des mouvements et des circulations. Tout le monde se gêne, certains provocateurs étant sciemment plus gênants que d’autres. »

 Une deuxième série d’incivilités est relative  à « la manifestation de certaines fonctions physiques (cracher, manger/boire, se couper les ongles, etc.) »

Une troisième série  d’incivilités est relative « à des conflits de territoires (monopoliser une cage d’escalier, rester assis sur un strapontin en cas d’affluence dans les transports en commun, bloquer une sortie). »

 Une quatrième série d’incivilités est relative à « des comportements brouillant la frontière entre l’espace public et l’espace privé. On trouve là des situations d’intrusion d’éléments privés dans l’espace public (discussions au téléphone, écoute de baladeur sans les écouteurs) et des situations de dévalorisation de l’espace public, considéré par l’usager comme ayant moins de valeur que l’espace privé (jet de détritus, chewing-gum collé sur le siège, chaussure sur des banquettes). »

Une cinquième série d’incivilités  est relative à « des propos et  des comportements qui relèvent de la discourtoisie et de l’impolitesse. Il s’agit là de manquements aux rituels, écrits ou non, permettant la cohabitation dans l’espace public. De l’insulte agressive à la simple rudesse du propos. »

 

  1.  d)  Quelques actions contre les  incivilités

Nous sommes ici dans des développements relatifs aux  manifestations des incivilités, non aux  causes de ces formes de violence et aux luttes contre celles-ci. Nous proposons néanmoins quelques éléments allant dans ce sens et quelques questions posées.En premier lieu  soulignons  que la panoplie des sanctions  s’accroit, en particulier à travers des actions municipales. Un certain nombre d’incivilités sont ainsi pénalisées dans certaines villes (déjections d’animaux, poubelles laissées sur les trottoirs aux heures non permises, déchets sauvages sur la voie publique…)En second lieu l’organisation de systèmes de vidéo surveillance apparait ou se développe dans des rues, des bâtiments publics,  des transports …Elle pose des questions relatives au principe même, à sa fréquence, à certaines techniques de plus en plus nombreuses et  intrusives face aux libertés publiques. Leur développement se produit non seulement pour contrer ou retrouver des incivilités mais, aussi et surtout ,   des violences plus  graves, voire  des actes terroristes. Le risque de ce système, qui s’articule parfois à une  annonce de «  tolérance zéro », est d’instaurer un contrôle permanent portant atteinte aux libertés au nom d’une sécurité qui devient ,  ici et là,  peu à peu sécuritaire. En troisième lieu  à titre préventif  l’espace public peut être amélioré face aux incivilités par exemple par la robustesse du mobilier urbain, la limitation de supports aux tags, des espaces plus faciles à nettoyer, l’évitement de zones cachées, les éclairages, la rapidité du nettoyage et des réparations…

En quatrième lieu, en amont des incivilités, peuvent voir le jour ou se développer des actions de communication, d’information, d’éducation  du grand public et des élèves. L’instruction civique dans les classes peut être précieuse , elle  contribue à une prise de conscience  du respect de l’autre et du vivre ensemble. Elle peut correspondre à un travail collectif  sur les droits et devoirs de chacun, Les fédérations sportives et le ministère de la Jeunesse et des Sports travaillent eux aussi à la définition de règles morales, au respect mutuel et à celui des arbitres, à la généralisation des actions de prévention.

De façon générale le maitre mot doit être celui de responsabilité, individuelle et collective.

En cinquième lieu apparaissent dans certains pays depuis une vingtaine d’années  des contrats locaux de sécurité qui veulent  impliquer tous les acteurs de la sécurité (policiers, magistrats, élus locaux, éducateurs…), et dont l’un des buts est de lutter contre ces phénomènes.

Une simple allusion aux causes profondes : les incivilités sont une des nombreuses manifestations  d’un système qui, à des degrés divers, à tous les niveaux géographiques, est synonyme d’irresponsabilité et de compétition,

 et non d’une communauté humaine qui se construit dans la responsabilité et la solidarité.

 

 

9- Les violences des médias et des technologies de la communication

 

 a-Au niveau du phénomène général

La vitesse de circulation de  l’information s’accompagne d’ une généralisation de l’instantanéité et de l’immédiateté, c’est le culte de l’urgence qui domine sur les écrans. Nous sommes plus ou moins noyés dans un fleuve constant de nouvelles, dans une information continue.
Par contre trop peu nombreuses sont des réflexions porteuses de sens, des analyses des causes des évènements et, lorsque ces réflexions et ces analyses existent, les lecteurs, les téléspectateurs, les internautes, faute de temps ou trop fatigués, seront peut-être plus portés à les mettre de côté ou à en décrocher assez vite.
La diffusion rapide des informations entraîne aussi des réactions de plus en plus rapides et peut contribuer à une forme d’instabilité permanente symbolisée par les « sujets télévisés » qui se succèdent à une cadence accélérée, souvent sans transitions, et en mélangeant l’essentiel et le dérisoire.

 b-Nombreuses sont les questions posées

Le culte de l’immédiat prend place dans le spectacle et réciproquement. La violence médiatique questionne : que montrer et à qui ? Que maintenir à la une et passer sous silence(les linceuls de silence ne sont jamais neutres par exemple sur un conflit) ? Quelles sont les limites des reportages, des témoignages, des divertissements-réalités ? Quels sont les effets des films et des jeux violents en particulier sur les jeunes(après de nombreux rapports on en arrive généralement à penser que tout dépend du contexte général et la psychologie du jeune) ? (Pour une vision globale voir : « Les violences médiatiques : Contenus, dispositifs, effets », sous la direction de Pascal Lardellier. Préface de Serge Tisseron, L’Harmattan, 2003.)
Internet, les téléphones mobiles, les technologies de l’information et la communication sont parfois des moyens de pression et de contrôle sur leurs victimes par des auteurs de violence, en même temps ce sont aussi des moyens de recourir à des aides possibles.

 

10- Les « douces violences »

 

a)Celles-ci peuvent exister dans de nombreuses situations: des pratiques parentales, éducatives, professionnelles, des pratiques de soins, d’apprentissages, d’encadrement… Les « douces » violences s’expriment au travers d’un ensemble d’attitudes souvent banalisées autour du bébé, de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte, du vieillard.
Christine Schuhl, dans « Remédier aux douces violences : outils et expériences en petite enfance »(Editions La Chronique sociale,2011),explique ce dont il s’agit, nous nous en inspirons : De très courte durée, ces moments sont fréquents tout au long d’une journée, ils passent presque inaperçus pour l’adulte.Que sont les douces violences ?« Ce sont des instants éphémères où le professionnel n’est plus dans la relation à l’enfant, ce sont de brefs instants où l’adulte se laisse « emporter » par un jugement, un a priori, une étiquette, un geste brusque, ces gestes, ces paroles, ces regards, peuvent faire obstacles au développement de l’enfant. »

 

b)Activité par activité de très nombreux exemples sont proposés, nous en citons quelques uns :« -Commenter négativement les acquisitions de l’enfant.-Comparer les enfants entre eux. -Culpabiliser l’enfant parce qu’il refuse une activité. -Faire du chantage. -Empêcher l’enfant de dormir parce que c’est l’heure du repas.-Laver le visage de l’enfant avec un gant d’eau froide, sans le prévenir, par derrière.- Ne pas parler à l’enfant durant un soin. -Dire à un enfant qu’il est sale, qu’il pue. -Empêcher l’enfant d’aller aux toilettes.-Ne pas coucher l’enfant lorsque il a sommeil. –Réveiller sans explication rapidement un enfant qui dort. –Discuter à haute voix alors que les enfants essaient de s’endormir ou dorment. -Juger par la dévalorisation.-Parler à l’enfant à la troisième personne (« Sébastien n’est pas gentil, il a encore tout renversé ! »)

 

11- Les  violences  des casseurs d’horizons

 

  Nous proposons cette appellation de « casseurs » qui s’oppose donc  à  éclaireurs d’horizons, tisseurs de confiances, découvreurs  d’autres  possibles, porteurs d’utopies créatrices,  constructeurs  d’alternatives… 

a)-Les pratiques des casseurs d’horizons.

Un témoignage  terrible parmi beaucoup d’autres : (extrait de « Mémoires de maîtres, paroles d’élèves », sous la direction de Jean-Pierre Guéno, Librio, 2003) : « Chaque matin dans ta classe, j’avais peur. Et les jours où tu disais mon nom, je me levais tandis que mon visage se vidait de son sang, je marchais dans le brouillard jusqu’à ton bureau. La salle de classe aux murs très hauts, le plancher avec ses lattes entrecroisées, le silence terrifiant accompagnaient ma traversée vers toi, vers tes paroles qui ressemblaient à des gifles, maîtresse. Je n’ai jamais fermé ce cercueil de l’école. Mon élan se brise encore aujourd’hui aux barbelés de ces peurs qui ont tissé mon enfance. »(Agnès).

De la maternelle à l’université, et dans de multiples autres lieux, familles  mais aussi professions, administrations, entreprises, associations, institutions, partis politiques…, à côté des nombreux  tisseurs et passeurs  de projets et de fraternités, voilà des casseurs d’horizons qui sont à l’œuvre. Leur nombre est important, certes difficile  à déterminer mais ils sont bien là.

Ils assèchent  des visages au lieu de contribuer à les irriguer,

ils sèment des peurs au lieu de faire naitre des confiances,

ils éteignent des braises  au lieu d’allumer des feux,

ils apprennent à ramper au lieu de se mettre debout,

ils en appellent aux compétitions tous azimuts et  recouvrent de linceuls de silence des solidarités existantes ou à construire ,

ils méprisent  des inventions, des créations, des projets en rupture d’inhumanité ,

ils commencent toujours par asséner  un  « Est-ce que c’est possible ? » au lieu d’avoir le courage d’un  « Faut-il le faire ? » et, ensuite, de se demander comment …

b)-Le Petit Prince aurait pu rencontrer un casseur d’horizons.

 On pourrait  ajouter aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint Exupéry… un casseur d’horizons :

« Qu’est-ce que vous faites ? » demanda le Petit Prince,

« Dès que je vois des ailes qui poussent je les rogne, je les casse, je les coupe. »

« Vous aimez çà ? » dit le Petit Prince d’un air effrayé,

« Oh oui j’aime çà, je n’en décolle plus ! » répondit le rogneur d’ailes.

 « Moi, dit le Petit Prince, j’aime l’horizon. J’aime marcher doucement vers une fontaine. »

 

c)-« Le » grand casseur d’horizons

Et il  y a beaucoup plus grand et beaucoup plus puissant que les casseurs  d’horizons, c’est le système mondial dans lequel nous vivons ou survivons.

L’immense  majorité des terriens se retrouve dans un monde en grande partie  autoritaire,  injuste, violent, et dans des  débâcles écologiques nombreuses et en interactions.

 Beaucoup ont pour seuls horizons des drames et des menaces. Le futur est plongé dans les brouillards, des projets disparaissent. « No future ! » disent même des jeunes et des moins jeunes ,  le futur semble en voie de disparition.

 « Le » grand casseur d’horizons est en marche.

Le système  productiviste repose sur les logiques profondes qui s’appellent la recherche du profit, la fructification des patrimoines financiers, la marchandisation du monde, le développement d’armes terrifiantes, la course aux quantités, le culte de la croissance, les discours et les pratiques de la compétition, la priorité donnée au court terme, l’accélération du système.

 Les périls communs sont là : débâcle écologique dépassant des seuils d’irréversibilité, armes de destruction massive terrifiantes, épidémies catastrophiques, inégalités criantes, techno science et marchés financiers de moins en moins contrôlés par  les êtres humains…

 Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait  en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs  qu’étaient  les Etats ?

Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (+3°C à 6°C vers 2100) et à la même période plus d’un  mètre ( voire deux ou trois ?) d’élévation du niveau des mers ?

 Ainsi  on est loin d’un futur comme horizon de responsabilité.

 La mondialisation productiviste est irresponsable et compétitive, alors qu’il faut construire une communauté mondiale responsable et solidaire. Et des chemins de bonnes intentions sont  souvent pavés de renoncements personnels et collectifs  successifs.

 

d)-La résignation face aux casseurs d’horizons.

 La pente la plus forte c’est celle qui nous amène à ne pas marcher vers des fontaines, comme nous y invite le Petit Prince.

C’est celle de la résignation devant les rapports de forces alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel contient plus de possibles que l’on ne croit.

Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du réalisme, laisser la place à des sortes d’experts d’étouffements d’horizons, et finalement de ne pas être à la hauteur des défis.

Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. »

Mettre perpétuellement en avant et avoir à la bouche le terrible « soyons réalistes, restons réalistes »  aujourd’hui en fait, malgré soi et/ou avec soi,

 c’est être probablement fermé sur des mécanismes de mort,

c’est refuser les paris d’autres possibles,

 c’est étouffer l’audace,

c’est pactiser avec l’indifférence,

être paralysé par la peur de ne rien pouvoir faire et ne rien faire,

c’est, enfin et surtout, se laisser glisser sur la pente la plus forte : celle d’un système porteur de souffrances, de drames et de menaces.

 

e)-Les leçons personnelles et collectives  face aux casseurs d’horizons.

 Un témoignage magnifique partagé toujours dans l’ouvrage cité plus haut : « Votre nom, maitresse, chantera jusqu’au bout de mes jours. Le regard que vous avez su porter sur moi m’a insufflé la confiance qui me manquait. Un regard qui savait si bien dire : « Vas-y, tu peux ! Vas-y, tu vas y arriver ! ».Grâce à vous tout devenait possible et ma révolte a trouvé son chemin : les livres et le savoir.»(Maria)

Résister personnellement et collectivement aux casseurs d’horizons c’est    

 Construire  en soi  et avec d’autres la  confiance, exercer  sa capacité de proposition, faire respirer  son imagination, découvrir le travail  en équipe et la vouloir conviviale.

 Former et des enseignants et des parents et des professionnels et des associatifs et quantité d’autres personnes et de groupes qui contribueront  à construire et à partager  « des racines et des ailes », à porter des éducations aux droits de l’homme, des peuples et de l’humanité, des éducations  à l’environnement, à la paix.

S’engager et persister dans des luttes communes, « Dire nous. Contre les peurs et les haines, nos causes communes » écrit Edwy Plenel (Editions Don Quichotte 2016.).

Critiquer et démonter, seul(e)s  et avec d’autres, des mécanismes inacceptables.

 Proposer et mettre en œuvre  des alternatives, à tous les niveaux géographiques, fondées sur des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques.

 Penser et sentir que d’autres nous ont précédés et que d’autres vont nous suivre sur ces chemins de révoltes et de constructions  pour un monde viable. Une fois de plus  Camus avait raison   :   « Il n’y a d’humanisme que celui des hommes révoltés »

 

 

Remarques terminales

1– Nous avons voulu souligner les contenus des violences à travers

  -les grandes violences,

 -les violences contre les personnes, les biens, la paix publique et l’environnement,

-les autres violences à ne pas banaliser.

 

Ce tableau correspond  à d’innombrables souffrances humaines et plus globalement du vivant. Il est synonyme d’innombrables désespoirs, d’innombrables détresses morales, physiques, matérielles…

Violences pardonnées ou dans l’entre-deux  ou impardonnables, violences oubliées ou dans l’entre-deux ou inoubliables, violences qui s’effacent  ou restent dans l’entre-deux ou  disparaissent, violences qui ne s’effacent pas,  ne disparaissent pas.

 Ce tableau correspond aussi, avant pendant ou après ces violences,  à  d’innombrables courages, solidarités, fraternités,  soulagements, forces, espoirs et espérances…

 

2-( suite Voir IV : Une confusion omniprésence et dommageable.)