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au trésor des souffles

humanité

les générations futures et nous

Nous entendons encore les pas de ceux et celles qui viennent de nous quitter, nous entendons déjà les pas de ceux et celles qui vont nous suivre.

Est-ce que, face aux générations futures, cinq questions au moins  ne nous sont pas posées :

Que répondre à diverses formes d’indifférences par rapport aux générations futures ?(I)

Comment les  générations futures peuvent-elles être menacées par la dictature du court terme et certains effets incommensurablement longs du productivisme ?(II)

 Comment resituer les générations  futures immédiates par rapport aux  générations précédentes   ? (III)

Quels sont les liens entre les générations futures et l’espérance de l’humanité ?(IV)

Quel est notre souffle dans cette chaine des générations ?(V)

 

 

 

I- Que répondre à diverses formes d’indifférences par rapport aux générations futures ?

 

 

A-« Après nous le déluge ! », « Je n’en ai rien à faire, occupons-nous des vivants ! », « Pourquoi épiloguer sur ce qui n’existe pas ? » « Elles devront faire face comme nous l’avons fait, c’est leur affaire. ». « Il y a ceux et celles qui  doivent  s’occuper de leurs fins de mois, il y a ceux et celles qui ont le temps et le luxe  de  pouvoir s’occuper de  fins du monde!». Indifférences dans les pensées et les actes  dont nous pouvons être les témoins ou les acteurs…

 Que répondre ?

Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations passées  se sont intéressées à vous ? Est-ce qu’elles ont contribué à inspirer,  préparer, construire tel ou tel aspect de vos vies ? De quelles libérations, de quelles chances, et /ou  de quelles difficultés, de quelles  aliénations ont-elles été porteuses ? 

Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations présentes s’intéressent à vous ? Est-ce qu’elles contribuent dans vos vies à des solidarités, des coopérations porteuses de fraternité, de bien-être et /ou, au contraire, à des compétitions, des fuites en avant, des formes de mépris  porteuses de difficultés, de souffrances ?

Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations futures s’intéresseront   à vous ? Serez-vous encore, pour quelque temps, sur les lèvres et dans les cœurs des vivants?  Mais , surtout ,  l’avenir de vos petits-enfants  aura-t-il  dépendu en partie de vous, sous quelles formes ? Ne  pas faire aux générations futures ce que l’on ne voudrait pas qu’elles nous fassent. Devons-nous (éthique), voulons-nous (volontés politiques), pouvons-nous (marges de manœuvres) faire en sorte qu’elles soient sujets de leurs propres vies et non objets des vies de générations qui n’auront pas su être aux rendez-vous de leurs responsabilités personnelles et collectives?

 

B-  A vrai dire le système productiviste ne s’ intéresse guère aux   générations futures, dans ses logiques terricides et humanicides il ne laisse que peu de temps et de moyens à la plupart des personnes pour y réfléchir, pour « habiter le temps » comme le disait Jean Chesneaux .Comment arriver, noyés dans les difficultés ou les drames du présent, dépassés par l’accumulation des problèmes et l’accélération du temps, comment arriver à établir des ponts, des liens entre « le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme horizon de responsabilité »?

 

 

II- Comment les  générations futures peuvent-elles être menacées par la dictature du court terme et certains effets incommensurablement longs du productivisme ?

 

 A-D’une part la priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés humainement viables, soit  ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés. On nous affirme que l’on ne peut pas s’occuper du long terme parce que nous sommes  noyés dans les urgences, c’est là un mensonge et/ou une erreur : c’est pour une large part parce que nous n’avons  pas construit de politiques à long terme que nous sommes  noyés dans les urgences. Il faut donc et répondre aux urgences et construire des politiques à long terme, ainsi par exemple des créations massives d’emplois dans l’environnement peuvent pour une part venir des luttes contre les changements climatiques, 2015 a ainsi de multiples liens avec  2050.Dans un raccourci parlant nous pourrions dire qu’il faut répondre et aux fins de mois et aux fins du monde.

 

 

 BD’autre part dans cette course au profit, dans ce système où le marché et la techno science tendent à occuper toute la place, certains  mécanismes se mettent en route. Ils ont des conséquences bien au-delà du long terme, sur des échelles de temps  incommensurablement longues.

C’est ici qu’est  posée  la question de la consécration des crimes contre le droit à l’environnement des générations futures.

L’irréversibilité de l’enfouissement des déchets radioactifs est contraire au droit de l’humanité à l’environnement. C’est un crime qui a très certainement une spécificité, celle d’effets environnementaux et sanitaires qui ont tendance à être sans limites dans le temps. Des personnes physiques et morales responsables pourraient être condamnées. On pourrait  imaginer aussi une condamnation symbolique morale des générations présentes pour non-assistance à  générations futures en danger. Tout cela reste à penser puis à préciser. Il  est déjà tard mais sans doute toujours temps.

 

 C’est ici  qu’est posée aussi  la question  de la consécration  des crimes  contre le droit à la paix des générations futures.

En élargissant le domaine de la paix qui est aussi celui du  droit à la sécurité et du droit au désarmement pour les générations futures. Ainsi les recherches (qui ne sont à ce jour , mars 2015, jamais interdites  par les traités internationaux, exceptionnellement dans un traité sous-régional), la mise au point, la fabrication, l’utilisation, le commerce des armes de destruction massive existantes (nucléaires, biologiques, chimiques) et à venir devraient être qualifiés de crime contre la paix des générations présentes, des générations futures  et du vivant. C’est un crime qui, comme le précédent, a très certainement une spécificité, celle d’effets environnementaux et sanitaires qui ont tendance à être sans limites dans le temps. On détruit la sécurité, la  liberté de choix, la vie de générations futures.( Voir : Les recherches scientifiques sur les armes de destruction massive : des lacunes du droit positif à une criminalisation par le droit prospectif, intervention au colloque international du « Réseau droit, sciences et techniques »(RDST), mars 2011 à Paris,  J. Bétaille, S.Jolivet,J.M.Lavieille, D.Roets, in Droit, sciences et techniques :quelles responsabilités ? Editions LexisNexis, 2011.)

C’est ici qu’est posée  également  la question  du respect des générations futures par rapport non pas aux recherches sur le génome humain qui peuvent être oh combien porteuses , mais sur certaines dérives qui porteraient atteinte à leur dignité.L’article 10 de la Déclaration universelle sur le génome humain du 11 novembre 1997 est le suivant « Aucune recherche concernant le génome humain, ni aucune de ses applications, en particulier dans les domaines de la biologie, de la génétique et de la médecine, ne devrait prévaloir sur le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité humaine des individus ou, le cas échéant, de groupes d’individus. » Il convient donc de partir de cette base dans un texte consacré aux droits des générations futures, ainsi  » Aucune recherche concernant le génome humain, ni aucune de ses applications, en particulier dans les domaines de la biologie, de la génétique et de la médecine, ne doit porter atteinte au respect  des droits des générations présentes et futures. »

(Pour d’autres exemples voir par exemple le site «  generations-futures.fr » qui porte en particulier sur les pesticides.)

 

 

III- Comment resituer les générations futures immédiates par rapport aux  générations précédentes ? 

 

 On pourrait appeler cela les « trois fois trois générations. »

A-Nous avons reçu de trois générations passées ( 1850 à 1945 environ), un environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en marche sous les logiques du productivisme (en route en fait depuis le XVème siècle) et de l’anthropocène en route voilà près de 170 ans à travers les explosions des énergies fossiles et de la démographie.

 

B-Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ),  ont produit un environnement pour une large part détruit et plongeant dans des apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides, en particulier à travers le réchauffement climatique et les atteintes à la diversité biologique.

 

C-Les trois générations qui ont commencé à voir le jour et qui viennent (2030 à 2110 environ) se trouvent donc devant une question vitale : cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés, quels moyens, quelles marges de manœuvre, se transformer en une forme d’aube d’humanité ?

 

 

 IV-Quels sont les liens entre les générations futures et l’espérance de l’humanité ?

 

 A-L’espérance de l’humanité ce sont les vies de ceux et celles qui nous ont précédés à travers ces témoins, connus et inconnus, luttant contre des forces de mort, contre  des mécanismes terricides et humanicides, c’est aussi ce patrimoine culturel qu’elles nous laissent avec l’immense bonheur de le découvrir et de le partager.

 

B-L’espérance de l’humanité ce sont les vies des générations présentes qui, si elles arrivent à mettre en œuvre des moyens démocratiques, justes, écologiques, pacifiques, porteront un projet d’humanité, alors, oui, il les portera à son tour.

 

C-L’espérance de l’humanité ce sont les vies de ceux et celles qui vont nous suivre et qui peuvent nous dire : notre confiance en vous nous la risquons encore et encore. Essayez donc, nous vous les prêtons, de construire  le monde aussi avec nos cœurs, nos esprits, nos yeux et laissez-nous la liberté de  construire ce que nous voudrons être.

 

 

V- Quel est notre souffle dans cette chaine des générations ?

 A-Ne sommes-nous pas comme les maillons d’une gigantesque  chaine ? Générations présentes nous voilà responsables  de la  transmission du patrimoine commun de l’humanité. Cet immense héritage est à la fois un donné et un projet.

Ce patrimoine commun et ces biens communs  passent par nous, ils devraient nous porter au-delà de nous-mêmes, mon  humanité sera d’autant plus vivante que la voilà partie prenante (« un sac pour recevoir ») et donnante («  un sac pour donner ») de la chaine des générations. L’humanité n’est pas une construction fumeuse, elle s’incarne à travers le temps, elle  peut  contribuer à nous transformer personnellement et collectivement, cela à travers des remises en cause de rapports de forces et à travers des pédagogies de catastrophes. Serons-nous indifférents, tièdes, somnolents ou voulons-nous  devenir des veilleurs debout ?

 

B-Ainsi pour résister à l’intolérable et pour construire des sociétés démocratiques, justes, écologiques, pacifiques, le souffle de ceux et celles qui nous ont précédés et celui de ceux et celles qui vont nous suivre peuvent contribuer à nous porter, mais c’est notre souffle, celui des vivants que l’on attend. Et c’est notre souffle qui nous attend.

 

Remarque terminale

Terminons par un vœu ou plutôt un cri : que nos remises en cause donnent plus de marges de manœuvres surtout aux générations qui viennent de naitre et qui naitront dans ces quelques décennies à venir : ne seront-elles pas aux avant-postes de tous les défis? Puissent-elles connaitre la fraternité, l’amitié, l’amour qui  qualifient la vie !

 

 

« Travaux pratiques »

1-Une idée  pour des enseignants ou des étudiants

Proposer à des étudiants d’applaudir les générations futures ?

Une idée qui peut être porteuse : un enseignant, à la fin d’un cours qui évoque les générations futures, peut proposer aux élèves ou aux étudiants qui le veulent « un hommage, aussi dérisoire que symbolique, aux générations futures ».Tournés vers le tableau (sur lequel est éventuellement inscrit un « Vive et que vivent les générations futures ! ») les participants se  lèvent et  applaudissent.

 Instants dérisoires face à celles qui n’existent pas encore, instants symboliques, comme si , à travers le temps, on voulait leur donner du courage et accueillir celui qu’elles  nous  donnent.

2- Une idée pour des réunions d’associations ou d’autres acteurs

Proposer une chaise vide ?

Sur celle-ci est écrit sur un panneau ou un drap « Générations futures » que tous les participants peuvent voir.

Une tribu d’indiens prenait, parait-il , ses décisions en réfléchissant à leurs effets sur trois ou quatre générations , autant que cela était possible.