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au trésor des souffles

histoire depuis 1945 à nos jours

histoire des violences de 1945 à nos jours

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 Avant-propos.

Dans les articles sur la paix( voir sur ce site « Paix ») nous commençons par un  article massif relatif aux violences.

 Nous  y avons distingué   « les contenus des violences » en trois grandes catégories.

 Le contenu des grandes violences, massives, terrifiantes, porteuses de nombreuses morts et de grandes souffrances,

le contenu des atteintes aux personnes, aux biens, à la paix publique, à l’environnement,

 le contenu des autres violences à ne pas banaliser.

 Nous n’abordons pas dans les développements qui suivent ces deux dernières séries de violences.

Nous avons voulu proposer ici une synthèse des  « grandes violences » pour deux raisons.

 D’une part il faut avoir une vue globale de l’ensemble de ces souffrances or on oublie telle ou telle catégorie de drames ou tel ou tel drame particulier.

D’autre part il faut avoir  une idée du nombre des victimes, donc ne pas sous-estimer l’ampleur de ces  horreurs depuis 1945 et par rapport à  l’ensemble des drames et  par rapport à tel ou tel drame.

Le contenu des grandes violences est tragiquement clair à définir.

 Ce sont les violences massives, terrifiantes, porteuses de nombreux  morts et de grandes souffrances multiformes.

 

 

 

Deux remarques préalables :

 

Nous  rappellerons  des drames gigantesques précédents 1945, ainsi la grande boucherie de 1914-1918 ,   la Seconde guerre mondiale (1939-1945) ,  les génocides des arméniens(1915-1917) et des juifs(1939-1945).

Nous donnerons parfois les écarts des chiffres des victimes, les historiens et d’autres avec eux évoquent parfois des différences considérables, ainsi par rapport aux morts des plus de 530 conflits armés depuis 1945 les deux extrêmes vont de quinze  millions de victimes à cinquante cinq millions soit l’équivalent de la Seconde guerre mondiale, cela sans prendre en compte de multiples autres tragédies que nous soulignerons et qui arrivent à un total  général gigantesque  cela même dans les recensements  les moins élevés.

Pour établir cette énumération des grandes violences nous analyserons  des formes de grandes violences proches (guerres, massacres, épurations de masse), des aspects où le droit les qualifie (crimes internationaux), des aspects plus politiques (régimes politiques, terrorismes) des domaines de grandes violences (scientifique et industriel, économique, social, culturel, écologique).

 

 Nous  regrouperons   les grandes violences en deux parties :

 Les guerres, les massacres, les épurations de masse de 1945 à nos jours (A),

Les autres grandes violences de 1945 à nos jours(fin 2019) 1-les crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide, crime d’agression), 2- les crimes contre l’environnement 3-les régimes totalitaires et les camps de l’horreur, 4-les régimes autoritaires,  5-les terrorismes, 6-la course aux armements, 7-les grandes violences économiques et sociales, 8- les grandes violences culturelles : les ethnocides  9- les grandes violences écologiques (B)

 

 

 

A- LES  GUERRES ,   LES MASSACRES , LES EPURATIONS  DE MASSE DE 1945 A NOS JOURS

 

 1- Les guerres

1-1  Quelques  généralités

   Il est probable que la guerre n’a pas toujours existé, elle  apparait à la suite de trois séries de causes (climatiques, économiques, démographiques) (voir sur ce blog « Analyses des causes des violences »). 

Cependant les guerres sont omniprésentes dans l’histoire : guerres préhistoriques, guerres des empires, guerres des sociétés féodales, guerres coloniales, guerres révolutionnaires, guerres de décolonisation, guerres de libération, et bien sûr les guerres mondiales de 1914-1918,72 pays en guerre,65 millions de soldats mobilisés et de 1939-1945,68 pays en guerre,70 millions de soldats mobilisés. De nos jours les guerres civiles sont de loin les plus nombreuses, souvent plus ou moins internationalisées, des guerres inter étatiques sont encore présentes.

De 1945 à nos jours, en plus de sept décennies (début 1945-fin 2019) quel a été le nombre de conflits armés ? Il y a eu de l’ordre de cinq cents trente (530) conflits armés.

 Ainsi par exemple, de façon plus précise, de 1945 à 1968 cent conflits armés (Annuaire SIPRI, 1968-69), sur la période 2001-2011 soixante treize conflits étatiques, deux cents vingt deux non étatiques (SIPRI, Yearbook 2013)… Les conflits inter étatiques depuis 1945 sont moins nombreux, neuf conflits armés sur dix sont intra étatiques et de plus en plus ont une portée internationale dans la mesure où plusieurs Etats soutiennent les parties internes au conflit.

1-2       Les malheurs apportés par les guerres ce sont d’abord les morts. 

1-2-1       La Première guerre mondiale  de 1914-1918 est à l’origine de 18,6 millions de morts,. Ce nombre global comprend 9,7 millions de morts pour les militaires (on cite d’ailleurs souvent cette donnée de 10 millions de pertes humaines pour la Grande Guerre) et 8,9 millions pour les civils.

 Il y a eu  2 millions de soldats allemands et 1,5 million de soldats français tués pendant cette guerre. En France  les 40.000 monuments aux morts de la Première Guerre mondiale  témoignent de cette immense boucherie.

Parmi les nombreux ouvrages les plus marquants : Le Feu, Henri Barbusse,(1916,Flammarion), Ceux de 14 , Maurice Genevoix,(1949, Durassié ),A l’Ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque (Ullstein,1929).

Paroles de  poilus. Lettres et carnets du front. (Collectif, sous la direction de  Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume, Librio , 2004,180 pages ),série de témoignages exceptionnels recueillis auprès des auditeurs de Radio France.

Rappelons-nous aussi un des témoignages bouleversants, celui de Roland Dorgelès (Les Croix de bois, Paris, Albin Michel, 1925) relatif aux cadavres d’un champ de bataille des tranchées de 1914-1918:

« Sans regarder, on  sauta dans la tranchée. En touchant du pied ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en arrière, épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse de Bavarois cireux sur d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie, tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eût dit dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés, et, pour les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un monstre sans tête. (…) On hésitait encore à fouler ce dallage qui s’enfonçait, puis, poussés par les autres, on avança sans regarder, pataugeant dans la Mort… »

1-2-2    La Seconde  guerre mondiale, 1939-1945, est à l’origine de cinquante cinq millions de morts, militaires et civils. C’était « une guerre totale » où les   victimes civiles ont été de plus en plus nombreuses.

Au sein de cette guerre le génocide mis en œuvre par les nazis témoigne de l’horreur de l’horreur.

 Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui  que les nazis ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000 tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15000 homosexuels,  3,5 millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre  de 6 millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.

Rappelons-nous  un des témoignages bouleversants  en 1947celui  de Primo Levi dans « Si c’est un homme », ouvrage que Paul Klein synthétise de la façon suivante :

 «  Ce livre est sans conteste l’un des témoignages les plus bouleversants sur l’expérience indicible des camps d’extermination. Primo Levi y décrit la folie meurtrière du nazisme qui culmine dans la négation de l’appartenance des juifs à l’humanité. Le passage où l’auteur décrit le regard de ce dignitaire nazi qui lui parle sans le voir, comme s’il était transparent et n’existait pas en tant qu’homme, figure parmi les pages qui font le mieux comprendre que l’holocauste a d’abord été une négation de l’humain en l’autre. 
Si rien ne prédisposait l’ingénieur chimiste qu’était Primo Levi à écrire, son témoignage est pourtant devenu un livre qu’il importe à chaque membre de l’espèce humaine d’avoir lu pour que la nuit et le brouillard de l’oubli ne recouvrent pas à tout jamais le souvenir de l’innommable, pour que jamais plus la question de savoir « si c’est un homme » ne se pose. 
De ce devoir de mémoire, l’auteur s’est acquitté avant de mettre fin à ses jours, tant il semble difficile de vivre hanté par les fantômes de ces corps martyrisés et de ces voix étouffées. » 

Au sein de cette guerre les holocaustes nucléaires d’août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki ont causé la mort, selon des  estimations de 2005,  d’au moins 240.000 personnes. (Voir sur Hiroshima par exemple  mon ouvrage «  Construire la paix . Les armements détruisent l’humanité. »,tome 1, Editions La Chronique sociale,1988.)

Rappelons-nous    un des témoignages  bouleversants, celui  de l’écrivain Mizukawa :

 « Une mère aveugle serrant contre elle son enfant mort, des larmes ruisselants de ses yeux détruits. C’était dans mon enfance, ma mère me tenait par la main. Vision de cauchemar inoubliable. »

1-2-3   Depuis 1945 jusqu’à  fin  2019 les conflits armés pendant plus  de sept décennies, 74 ans, ont été à l’origine d’au moins dix à quinze millions de victimes. Il faut souligner l’incertitude de ce total puisque on avance parfois  l’équivalent de la Seconde guerre mondiale soit 55 millions de morts.

Un témoignage bouleversant, symbolique de tant et tant d’autres souffrances, témoignage  de Maïda, douze ans, en 2001 en Macédoine à Skopje :

 « Guerre est le mot le plus triste qui sort de mes lèvres tremblantes. C’est le plus mauvais des oiseaux qui remplit les murs de sang et qui fait du monde un enfer. »

 

1-2-4  Depuis 1945 les guerres les plus terrifiantes en nombre de victimes ont été

 En Chine : certains historiens estiment que la seconde partie de la guerre civile en Chine de 1945 à 1949 aurait fait au moins 5 millions de victimes.(1949 c’est l’indépendance de la Chine.)

Depuis 1945 la guerre du Vietnam (seconde guerre d’Indochine) a été l’une des plus meurtrières. Elle opposait, d’une part, le Nord Vietnam procommuniste, soutenu militairement par la Chine et l’Union soviétique et, d’autre part, le Sud Vietnam, soutenu militairement par les Etats-Unis. Cette guerre va de 1964 à 1973, elle continue entre les deux Vietnam de 1973 à 1975, elle est synonyme de souffrances gigantesques. Les victimes du côté vietnamien sont de plus de 1 million de combattants et de 4 millions de civils, la population vietnamienne a été écrasée, du côté des Etats-Unis de 58.000 militaires.
En nombre de victimes une autre guerre a été particulièrement gigantesque quant aux pertes humaines puisque, de 1986 à 1996, en RDC (République Démocratique du Congo) il y a eu au moins 4 millions de victimes.

Les autres guerres gigantesques et terrifiantes en nombre de morts, celle de Corée (1950-1953) 2 millions de victimes, celle du Biafra au Nigeria  ( 1967-1970) 2 millions, au Soudan(1983-2005),2 millions… Et d’autres guerres encore…En août 1947 la partition de l’Inde et du Pakistan, pays qui deviennent indépendants, entraine une guerre faisant un million de victimes et un des plus grands déplacements de population, l’une hindoue, l’autre musulmane, plus de 12 millions de personnes allant d’un  côté ou de l’autre.

 

1-3   Les malheurs des guerres ce sont aussi des souffrances physiques, morales, souvent à vie, des combattants et des populations.

La Grande Guerre fit 20 millions de blessés dont de nombreux invalides à vie, et des millions de veuves et d’orphelins.

En France cette hécatombe dans la population française, en plus des 1,5 million soldats morts, est de 5,5 millions de blessés, plus de1, 2 million d’invalides, 600.000 veuves de guerre, et près de 1 million d’orphelins, autant de personnes plongées dans des détresses physiques, morales et matérielles.

Evoquer cette grande boucherie de 1914-1918 c’est penser à la survie dans les tranchées, une forme d’enfer extrême sur terre : attaques, mitrailleuses, obus, explosions de surface et souterraines, gaz de combat, combats à la baïonnette et au couteau, cadavres, cris plaintes et souffrances des blessés, peurs de mourir, lassitudes, crises de folie, suicides, exécutions pour en appeler à la « combativité » , prises de conscience des abattoirs programmés par les folies et les erreurs du commandement, manques de sommeil, de nourriture et d’eau, puanteurs multiples, conditions sanitaires catastrophiques, noyades, froid, pluie, boue, poux, rats, vermine …(Voir en particulier la terrifiante et remarquable série documentaire « Apocalypse, la 1ère Guerre mondiale »).

1-4      Les malheurs des guerres ce sont aussi

 les destructions matérielles (villes, villages, routes, voies ferrées, aéroports, ponts …),

les  destructions culturelles (monuments, musées, bibliothèques, œuvres d’art…) qui sont autant de violations des patrimoines  locaux , nationaux, continentaux,  mondiaux  des générations passées, présentes et futures…

 les destructions environnementales (faune, flore, forêts, paysages, air, sol, eau, étendues agricoles, monuments…), la guerre est destructrice non seulement des êtres humains mais aussi de l’environnement (voir article sur ce site  « Les atteintes à l’environnement et les conflits armés »),

 et article de JML, Droit de la guerre, droit de l’environnement, colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre 2008. Actes du colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, Dalloz, 2009),

dans ces articles est proposée au départ une synthèse des effets nombreux et catastrophiques de la préparation de la guerre, puis du conflit et enfin de l’après-conflit sur l’environnement, c’est une vision globale terrible.

 

 

 2- Les massacres

 

Selon Jacques Sémelin (-Pour sortir de la violence, Jacques Sémelin, les éditions ouvrières, 1983). « le massacre peut être commandé ou spontané, méthodique ou non mais, par définition, il est toujours limité. Sa finalité n’est pas de détruire le groupe-victime en tant que tel mais de créer en son sein un effet de terreur de nature à faciliter sa soumission ou à l’inciter à fuir un territoire donné. Le massacre est au service d’une stratégie de conquête ou de mise en esclavage de populations. On le retrouve dans toutes les formes de guerres : de la guerre antique à la guerre moderne, en passant par la guerre coloniale. »

Un exemple terrible est celui du  massacre à   Madagascar alors colonie française .C’est un crime colonial français face au  soulèvement. Après l’insurrection du 29 mars 1947 l’armée française se livre à  un massacre de 20 000 à 30 000 malgaches en avril mai 1947 .La guerre va de 1947 à 1958, il y a eu  au moins 100.000 victimes, l’indépendance de Madagascar date de 1960.

Le massacre peut exister aussi en dehors de la guerre, par exemple sous la forme d’une opération militaire spécifique à telle ou telle situation, par exemple aussi sous la forme d’actes terroristes importants.

 

 

3-   Les épurations de masse

 

 Jacques Semelin –(Pour sortir de la violence, Jacques Sémelin, les éditions ouvrières, 1983).écrit « Si la finalité du massacre peut être aussi bien interne qu’externe, la technique de l’épuration est fortement liée à la gestion intérieure des peuples. Elle vise à consolider, renforcer, accroître le pouvoir de ceux qui la décident et qui, par là-même, révèlent le caractère tyrannique de leur régime. L’épuration de masse répond souvent à des critères idéologiques en s’abattant sur des groupes politiques, des catégories économiques ou des classes sociales particulières. La logique de l’épuration (sélection, regroupement, déportation) est proche de la logique du génocide même si elle n’a pas pour objet l’éradication des populations visées. Les chiffres des morts des grandes épurations de masse sont de l’ordre de ceux des grands génocides et parfois les dépassent.»

Trois des exemples terrifiants sont ceux

de la famine organisée par Staline contre les paysans ukrainiens pour mettre en œuvre l’industrialisation forcée et écraser les révoltes en 1932-33, 6 à 8 millions de morts,

des camps du totalitarisme stalinien entre 1928 et 1953, au moins 25 millions de victimes,(voir ci-dessus « les camps de l’horreur »)

 des répressions massives sous la révolution culturelle en Chine de 1966 à 1976, de 1 à 3 millions de morts.

 

 

 

 

 

 B-       LES AUTRES GRANDES VIOLENCES DE 1945 A NOS JOURS

 

 

 

Nous envisagerons tour à tour

 1-les crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide, crime d’agression), 2- les crimes contre l’environnement 3-les régimes totalitaires et les camps de l’horreur, 4-les régimes autoritaires,  5-les terrorismes, 6-la course aux armements, 7-les grandes violences économiques et sociales, 8- les grandes violences culturelles : les ethnocides  9- les grandes violences écologiques

 

1- Les crimes internationaux : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide, crime d’agression

 

1-1 Notre objectif est de donner ici une idée juridique précise de ces crimes tout en rappelant aussi certains d’entre eux.

Des tribunaux spécifiques ont été créés pour juger de tel ou tel crime puis, après leur mission, ils avaient ou ont vocation à disparaitre.

 Est enfin venu le jour où une cour permanente a été créée, la CPI en 1998, dont le Statut de Rome est entré en vigueur en 2002 et qui comprend 123 Etats parties en 2019 (sur 193 Etats membres des Nations Unies.)

 

Selon l’article 5 du Statut de la Cour pénale internationale(CPI) du 12 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, la compétence de la Cour est limitée aux « crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. En vertu du présent Statut, la Cour a compétence à l’égard des crimes suivants : a) Le crime de génocide ; b) Les crimes contre l’humanité ; c) Les crimes de guerre ; d) Le crime d’agression. »

Ce sont donc les formes de crimes internationaux. De 2004 à 2018 dix ouvertures d’enquêtes ont vu le jour : République démocratique du Congo(2004), Ouganda(2004), Darfour-Soudan (2005 puis 2014), République centrafricaine(2007),Kenya(2010),Libye(2011),Côte d’ivoire (2011),Mali(2013),Géorgie(2016),Burundi(2017).Sur les vingt suspects huit ont eu un non-lieu, deux ont été acquittés, dix ont été condamnés à ce jour fin 2018.

 

 

1-2      Les crimes de guerre

 

 Quand éclate une guerre,  des crimes de guerre l’accompagnent souvent. Ils sont très loin d’être toujours dénoncés et condamnés.

Les « crimes de guerre » sont des violations graves du droit international humanitaire, elles sont commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis, pendant un conflit armé international ou interne, ces violations entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs.

Les crimes de guerre sont des infractions graves au droit international humanitaire applicable en cas de conflits armés(les quatre conventions de Genève du 12-12-1949 et le Protocole I de 1977), autrement dit dans les conflits internationaux (entre Etats).
Cependant, et heureusement, ils sont pris également en compte dans les conflits non internationaux (internes, autrement dit les guerres civiles), ces conflits armés non-internationaux dépendent quant à eux de l’article 3 commun aux Conventions de Genève ainsi que du second Protocole additionnel de 1977relatif à « la protection des victimes des conflits non internationaux. » « L’article 8 §2 alinéa e) du Statut de la Cour s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. Il s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux. »

Le Statut de la CPI dans son article 8 précise :
« 1.La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle.
2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir
l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des
biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
i) L’homicide intentionnel ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale viii) La prise d’otages.
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un
quelconque des actes ci-après :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités; ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires; iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés
dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil; (…) » (Voir la suite énumération sur site  icc-cpi-int).

  En décembre 2017 une résolution sur les amendements à l’article 8 du Statut de Rome ajoute trois crimes de guerre à la compétence de la Cour : l’usage d’armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques ou des toxines, d’armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X, ou d’armes à laser.

 

 

1-3         Les crimes contre l’humanité

Contrairement au crime de guerre qui a lieu pendant un conflit armé, le crime contre l’humanité, comme d’ailleurs le crime de génocide, peut avoir lieu en période de paix ou en période de guerre. Nombreux sont les crimes contre l’humanité.


Un exemple de tribunal spécifique était, bien sûr, celui de Nuremberg face aux crimes nazis. Selon l’article 6 du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 les crimes contre l’humanité sont constitués par « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou tout autre acte inhumain contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou ces persécutions sont commis à la suite d’un crime contre la paix ou d’un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes ».
Selon l’article 7 paragraphe 1 du Statut de la Cour pénale internationale(Statut du 17 juillet 1998,son entrée en vigueur est du 1er juillet 2002) :
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d) Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. »

 

 

 1-4-       Le crime de génocide

 

Rappelons les génocides du XXème siècle : génocides des arméniens (1915-1917), des juifs et des tsiganes (1933-1945), des cambodgiens (1975-79), des rwandais(1994).(voir  l’article précédent  « Histoire du monde de 1945 à nos jours.)


Jacques Sémelin (ouvrage déjà cité ci-dessus) écrit « Le génocide est toujours un ethnocide, un massacre, une épuration et en même temps il est plus que tous ces éléments réunis. Il a pour finalité la destruction totale du groupe-victime. La spécificité du génocide réside dans la volonté de détruire totalement une collectivité humaine définie en tant que telle. »

 

Selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9-12-1948 il s’agit des « actes criminels, commis en temps de guerre ou de paix, dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Selon l’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale
« Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

En ce qui concerne le génocide au Cambodge (1975-1978, au moins deux millions de victimes) un tribunal composé de juges cambodgiens et internationaux a été créé en 2006, il a jugé les derniers dirigeants du régime génocidaire, il a fallu attendre le jugement du 16 novembre 2018 pour que deux d’entre eux soient condamnés comme responsables de crimes qualifiés de « génocide ».Le directeur de la prison S21, où des dizaines de  milliers de personnes ont été torturées et exécutées, avait été condamné en  2010. Il est mort « à l’hôpital » en 2020.

 

 

 1- 5    Le crime d’agression

 

Depuis 1945 les crimes d’agression d’un Etat contre un autre ont été nombreux, les Nations Unies les ont parfois sanctionnés par l’embargo et/ou des sanctions militaires mais, le plus souvent, elles sont restées paralysées par l’utilisation du droit de veto d’un membre permanent du Conseil de sécurité (voir article sur « Qu’est-ce que la paix? Construire la paix ! »).
Selon l’article 8 bis du Statut de la Cour pénale internationale, rajouté conformément à la résolution du 11 juin 2010 :
« 1. Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
2.Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre1974 :
a)L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre État ;b)Le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un État contre le territoire d’un autre État ;c)Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État d)L’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre État ;e)L’emploi des forces armées d’un État qui se trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de l’accord pertinent ;f)Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État tiers ;g)L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes. »

La compétence de la CPI en ce domaine ne pouvait pas s’exercer avant le 1er janvier 2017, année où au moins deux tiers des Etats devront confirmer leur volonté d’activer cette compétence. Chaque Etat pourra refuser la compétence de la CPI s’agissant du crime d’agression. Par ailleurs, la compétence de la CPI sera liée à la constatation par la Conseil de Sécurité d’un acte d’agression, ou à défaut devra être autorisée par une Section (chambre) préliminaire de la CPI. En décembre 2017 l’Assemblée des Etats Parties au Statut de la CPI a déclaré la compétence prévue pour le crime d’agression à compter du 17 juillet 2018.

 

 

2 –     Qu’en est-il des crimes contre l’environnement ?

Certes les crimes contre l’environnement sont consacrés de façon spécifique. Il s’agit de l’article 8, paragraphe 2,b, IV du Statut de la CPI : « Constitue un crime de guerre le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu».

Mais, d’une part, ils sont consacrés comme crimes de guerre et non comme crimes écologiques, autrement dit ces crimes ne sont qu’une forme de crime de guerre. D’autre part cette disposition ne peut être invoquée que dans le cadre des conflits armés internationaux et non pas des conflits internesEnfin la preuve du caractère intentionnel est certainement difficile à établir, comme d’ailleurs celle de la violation du principe de proportionnalité. De façon plus précise il s’agirait, par exemple, de dégager la notion d’un nouveau crime international, le crime d’écocide, cela en période de conflit armé et, aussi, en période de paix.

Dans l’avenir ne faudrait-il pas 

soit ajouter un amendement au Statut de la CPI qui consacrerait de façon autonome ces crimes contre l’environnement,

soit les inclure dans une future Vème convention de Genève sur la protection de l’environnement en période de conflit armé ? (Voir l’article  sur ce site à la rubrique « Environnement »: Les conflits armés et la protection de l’environnement.)

La première formule aurait, entre autres, pour avantage d’être plus simple que  la seconde.

Peu à peu l’idée avance  portée en particulier par différents auteurs, associations et partis politiques.

 

 

3-       Les régimes totalitaires et les camps de l’horreur

 

3-1      Les violations massives des droits de l’homme

Ces violations sont omniprésentes dans les régimes totalitaires. Les totalitarismes du XXème siècle ont été le nazisme c’est-à-dire le régime politique (« national-socialisme ») en Allemagne de 1933 à 1945, le stalinisme c’est-à-dire le régime politique ( « Républiques socialistes soviétiques ») en Union soviétique de 1928 à 1953,et le régime politique au Cambodge de 1975 à 1979 (les khmers rouges et le « Kampuchéa démocratique »).
A cela il faut ajouter la période totalitaire sous la Chine de Mao, pendant « la Révolution culturelle » de 1966 à 1976, et la Corée du Nord de 1948 à nos jours dont le régime est souvent qualifié de totalitaire dans la mesure, entre autres, où existent des camps de détention de travail forcé.
Un des points communs de ces régimes est le ciment totalitaire du parti unique dirigé par le dictateur. (Voir sur ce blog  l’article : « Le contraire absolu de la démocratie : le totalitarisme. »)

Pour Hannah Arendt, philosophe américaine d’origine allemande qui avait fui le nazisme, (« Les origines du totalitarisme », 1951,publié en français: Le Système totalitaire, Le Seuil,1972), le totalitarisme est le résultat d’un ensemble d’éléments :une idéologie officielle couvrant tous les aspects de la vie individuelle et collective, une main mise sur tous les moyens d’information et de propagande, un isolement de l’individu, « isolé et désolé », par la destruction des anciennes structures(familles ,syndicats, associations, églises), un parti unique dirigé par le dictateur, une terreur dont la police politique est un instrument, une mobilisation de la population dès la petite enfance, enfin, horreur de l’horreur ,des camps de concentration. Donc réduire le totalitarisme au dictateur c’est faire une analyse incomplète, le totalitarisme c’est un système composé d’un ensemble d’éléments parmi lesquels le dictateur et le parti unique ont des rôles essentiels. Arendt met en avant la convergence entre le nazisme et le stalinisme.

Pour Raymond Aron, sociologue français, (« Démocratie et totalitarisme »,Gallimard, 1965) le totalitarisme repose un ensemble d’ éléments suivants : le monopole de l’activité politique par un parti, l’existence d’une idéologie monopolistique, le monopole des moyens de force et de persuasion détenus par ce parti, la subordination des activités à l’idéologie du parti, la terreur politique et idéologique, les camps de concentration. Aron en comparant les deux totalitarismes fait une différence : le nazisme est un « totalitarisme volontaire », l’homme « ne doit pas se donner pour but de ressembler à une bête de proie, il y réussit trop bien. » Par contre le stalinisme est un « totalitarisme involontaire », « qui veut faire l’ange fait la bête », les lendemains radieux annoncés étaient porteurs de présents massacreurs.

 

3-2      Les manifestations les plus terrifiantes : les camps de l’horreur

 

 Les nazis éliminaient les juifs, les tziganes, les homosexuels et les handicapés,

 les staliniens éliminaient les opposants au régime communiste,

les khmers rouges éliminaient tous ceux qui avaient un capital matériel et/ou intellectuel.

 

3-2-1     Sous le nazisme la décision de « la solution finale » est prise le 20 janvier 1942 (pour certains historiens en décembre 1941).Dachau(l’ouverture de ce premier camp est annoncée par Himmler) fonctionnait depuis mars 1933, Auschwitz dès juin 1940.Le système concentrationnaire comprenait en particulier 4 camps d’extermination immédiate (Treblinka, Belzec, Chelmno, Sobidor),2 camps d’extermination et de concentration(Auschwitz-Birkenau avec au moins 1, 1million de victimes, Madjanek), 14 camps de concentration ( Ravensbruck, Buchenwald, Mauthausen, Dachau… et aussi le seul en territoire français, Struthof).En marge des centrales concentrationnaires et de leurs commandos il y avait les camps de transit ou d’internement qui dépendaient du système et deux camps de représailles pour prisonniers de guerre.
Les historiens, en particulier Raul Hilberg, estiment aujourd’hui que les nazis ont exterminé 5,1 millions de juifs ( 3 millions dans les camps,800.000 dans les ghettos,1,3millions massacrés en dehors des camps) et d’autre part 250.000 tziganes,200.000 handicapés physiques et mentaux , 15.000 homosexuels, 3,5 millions de prisonniers de guerre soviétiques et 1,1 million de déportés ne relevant pas des « crimes » précédents. Le Tribunal international de Nuremberg a estimé le nombre de victimes juives à 5,7millions et a employé le nombre de 6 millions repris par la suite. L’extermination a été celle des deux tiers de la population juive d’Europe et du tiers du peuple juif dans son entier.

 

3- 2-2    Sous le stalinisme la décision de création du Goulag est du 7 avril 1930, 10 à 19 millions de personnes sont  envoyés dans ces camps de rééducation par le travail. Les bagnards (les zeks) du Goulag étaient affectés à des chantiers terrifiants, par exemple creuser la roche à mains nues dans la construction du canal de la mer Blanche. Le système concentrationnaire était gigantesque, il comprenait des centaines de camps et 17 camps principaux, parmi les pires les camps de Magadan, de Kolyma, le plus grand était le Bamlag. Ces camps étaient synonymes d’arbitraire, de misère, de mort.
Le stalinisme dans son ensemble est responsable d’au moins 25 millions de victimes, à travers les camps, les purges, les famines organisées, ainsi celle terrifiante contre les paysans d’ Ukraine en 1932-1933 qui fit 6 millions de victimes.


3-2-3        Sous les Khmers rouges,
 du 17 avril 1975 (leur entrée dans Phnom Penh) au 7 janvier 1979 (l’arrivée des Vietnamiens au Cambodge), au nom d’une révolution radicale c’est, en fait, un génocide qui prend la forme d’un monde concentrationnaire, il s’installe dans le pays à travers évacuations des villes, déportations, famines, oppressions, persécutions, disparitions, centres de torture… Parmi ces derniers « S-21 », un lycée de la capitale Phnom Penh, où sont torturées et exécutées plusieurs dizaines de milliers de victimes.
On considère que plus du quart de la population a été décimé, en trois ans, huit mois et vingt jours, soit plus de 2 millions de cambodgiens sur 7 millions. Là aussi l’horreur de l’horreur.

Telles sont les manifestations de ces formes d’enfer que sont les totalitarismes.

 

 

4– Les régimes autoritaires

Fondés sur le parti unique et/ou l’armée ces régimes violent les droits de l’homme, en particulier les libertés. La population est tenue d’une main de fer, les souffrances sont grandes, les opposants politiques font l’objet de multiples répressions (prisons, tortures…) et sont souvent dans la clandestinité ou à l’étranger. Les différences avec les totalitarismes sont celles de l’absence de camps de l’horreur et d’une emprise moins totalisante  mais tout de même terrible  sur la population. Dans le totalitarisme le système s’est totalement refermé sur lui même, l’air est devenu totalement irrespirable, « tout dans l’Etat, rien contre l’Etat, rien en dehors de l’Etat », dans le régime autoritaire le système laisse encore, ici ou là, quelques poches d’air, quelques marges de manœuvres rarissimes.

 

 

5-   Le terrorisme

 

 5-1    C’est la menace et la mise en œuvre de moyens de terreur au service d’une cause. Cette cause peut être légitime, par exemple libérer un territoire d’une occupation armée étrangère, ou cette cause peut être illégitime, par exemple la destruction d’une race. Mais la légitimité d’une cause ne signifie pas la légitimité de tous les moyens pour la faire triompher. Ainsi, il était combien légitime de lutter contre le nazisme mais tous les moyens pour le faire n’étaient pas légitimes, les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, moyens massifs de terreur, n’étaient pas légitimes. Quelque soit la cause, légitime ou non, les moyens de terreur sont inacceptables, ils constituent une forme de grande violence.

5-2     Il y a trois types d’acteurs terroristes : des personnes, des réseaux, des Etats. Des personnes motivées par des injustices, des vengeances privées, des causes liées à des conflits armés, des idéologies totalitaires. Des réseaux plus ou moins importants et plus ou moins organisés, éliminent, selon leurs choix et/ou selon les situations, des autorités, des militaires, des policiers, des membres de la population ciblés ou pris au hasard. Des Etats, que l’on doit alors qualifier de terroristes, terrorisent une partie plus ou moins massive de la population et éliminent des opposants en particulier en les faisant disparaitre. Il existe une Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (20-12-2006, entrée en vigueur le 23-12-2010) qui qualifient ces actes de « crimes contre l’humanité ». Selon l’article 2, « on entend par « disparition forcée » l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État. »

5-3     Les moyens de terreur les plus utilisés par les terroristes sont les attentats qui peuvent être individuels, plus importants (facilités par la circulation d’armes) ou  massifs (marchés, gares, grands magasins, immeubles, tours…) et les enlèvements (revendiqués ou non, aux motivations politiques et/ou financières suivis ou non de libérations). Dans la logique de prolifération gouvernementale et non gouvernementale d’armes de destruction massive, les attentats basés sur ces types d’armements (en 1995 l’utilisation du gaz sarin dans le métro de Tokyo) pourraient se développer dans les temps à venir.

5-4      Le terreau du terrorisme apparait plus souvent soit sur fond de désespoir à partir d’injustices vécues comme insupportables, soit sur fond d’idéologies de dominations à tendances totalitaires ou totalitaires. Certains pensent que c’est  essentiellement le système d’exploitation inhumaine , producteur d’injustices et d’humiliations, qui crée le terreau de la plupart des  terrorismes. (Voir les développements sur ce blog «  les analyses des causes des violences et les luttes contre ces causes. »)

5-5      L’ampleur du nombre d’attentats est de l’ordre de 96.600 de septembre 2001 à décembre 2016, ils ont coûté la vie à plus de 190.000 personnes et blessé plus de 340.000.

Ces attentats  sont massifs dans des pays asiatiques, par exemple au Pakistan de 2007 à 2014 : 7000 victimes, le 17 décembre 2014 à Peshawar 148 morts, massifs dans des pays africains, par exemple au Nigeria le 3 janvier 2015 ce sont 2000 civils chrétiens et musulmans qui sont massacrés par Boko Haram. Dans des pays européens, ils sont  revendiqués en particulier par Al-Qaida au Yémen. En France, le 8 janvier 2015, l’ensemble de la  direction d’un journal, Charlie Hebdo, et des clients d’un magasin juif sont exécutés. Le 11 janvier 2015 ont lieu les plus gigantesques manifestations de l’histoire de France, 4 millions de personnes dans les rues, soutenues par des manifestations dans de nombreux  pays étrangers, contre ces attentats et pour la liberté d’expression. Le 13 novembre 2015 Paris fait l’objet d’attentats revendiqués par l’organisation de l’ Etat    islamique, ils  causent la  mort de 130 personnes, l’état d’urgence est décrété. Le ramadan 2016 est sanglant, ainsi des attentats en Arabie saoudite, en Turquie, au Yemen, en Jordanie, en Irak…Dans ce dernier Etat à Bagdad le 3 juillet 2016 l’Etat islamique provoque la mort de près de 300 personnes, ainsi Daesh est capable de frapper sur une partie de la planète.

5-6      Les luttes contre le terrorisme mises en place après le 11 septembre 2001 se sont intensifiées peu à peu : plans de surveillance et de sécurité, développement des services de renseignements, coopérations judiciaire et policière entre Etats, entreprises de déconditionnement ,  remise en cause de circuits financiers …

Trois difficultés sont grandes. La première consiste à  ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales  au nom de la sécurité, on bascule alors dans les dérives du sécuritaire. L’exemple caricatural est celui de l’emprunt à la panoplie des régimes autoritaires de « la déchéance de nationalité ».

La seconde difficulté consiste à s’attaquer aux véritables causes du terrorisme, essentiellement au terreau des injustices, dans des quartiers « défavorisés »,  dans les « zones urbaines sensibles » où ces inégalités  sont criantes, et aussi  aux guerres porteuses de souffrances et de haines, « si on répond à la haine par la haine on ne fait que l’étendre  en surface et en profondeur » disait Gandhi.

 La troisième difficulté est celle des labyrinthes des circuits financiers dans lesquels sont directement et indirectement impliqués différents acteurs, nombreux et  quelquefois puissants.

 

 

 

6- La course aux armements

 

6-1     C’est à nouveau l’escalade des dépenses militaires mondiales qui augmentent de 40% de 2000 à 2009 …puis vient une baisse  importante de 2009 à 2013,  en 2014 c’est la hausse qui  reprend, 1547 milliards de dollars (à titre de comparaison le budget de l’UNESCO pour 2014-2015 était de 653 millions de dollars).

En 2018, toujours selon le SIPRI,  le total mondial a continué à augmenter, 1822 milliards de dollars soit pour cinq Etats 60% de ce total. Il s’agit des Etats-Unis 649 milliards de dollars (36% du total mondial), de la Chine 250 (14%), de l’Arabie saoudite 68 (3,7%),de l’Inde  67 (3,6%),de la France 64 (3,5%),de la Russie 62 (3,4%).

 Chaque jour le monde dépense donc plus 5 milliards de dollars (5,25 en 2019, soit 1919 milliards de dollars pour l’année) en armements. Voilà des logiques  humanicides et terricides.

 

6-2     C’est une des formes de violence les plus gigantesques à travers quatre mécanismes que l’on énumère  très  rarement de façon complète :

 D’abord  cette course alimente les conflits armés c’est-à-dire que des armes peuvent en être une cause secondaire ou principale, elles vont être autant d’étincelles dans des lieux qui sont souvent des poudrières.

 Ensuite fabriquer des armes c’est préparer la mort de victimes dans des conflits armés qui, selon certains, de 1945 à 2013 ont entrainé l’équivalent du nombre de victimes de la Seconde guerre mondiale, 55 millions de morts, et c’est préparer beaucoup d’autres morts, blessés et souffrances pour les années à venir.

 C’est aussi penser que la paix repose sur des menaces, quelquefois même sur le chantage à la mort absolue avec les armes de destruction massive. Or l’augmentation en quantité et en qualité des armements accroit l’insécurité généralela véritable paix ne peut pas reposer sur des peurs réciproques, elle se construit côte à côte face aux défis communs rencontrés par les générations présentes et déjà futures.

 Enfin, réalité presque toujours passée sous silence, les sommes gigantesques englouties dans les armements auraient pu aller vers des besoins criants, de santé, d’infrastructures de l’eau, d’éducation, d’environnement…

Dans un ensemble d’estimations possibles on pourrait  comparer les dépenses militaires mondiales de 1945 à fin 2019 et ces besoins criants, de santé, d’infrastructures de l’eau, d’éducation, d’environnement…La vérité sauterait aux yeux pourvu qu’on les ouvre

Cette forme de violence, quand on veut essayer de la penser, est une des plus terribles que l’humanité s’est faite et se fait à elle-même, elle « déchire ses entrailles », elle répand son propre sang, elle laisse criantes, hurlantes, d’innombrables souffrances auxquelles elle se devait de répondre.

 (Voir nos deux ouvrages JML, Construire la paix, 1er tome : les armements détruisent l’humanité, 2ème tome : l’humanité détruira les armements, éditions La Chronique sociale,1988.)

 

 

 

7-      Les grandes violences économiques et sociales 

 

7-1   La violence totalisante du système productiviste mondial terricide et humanicide peut se résumer ainsi   :

 

Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait  en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs(Etats, entreprises…) ?

Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (+3°C à 6°C vers 2100 et plus d’un  mètre (deux?) d’élévation du niveau des mers ?)

 

7-2      La puissance du pouvoir financier constitue une grande violence

 

Les Etats à ce jour fin 2020  n’ont pas encore les volontés, massives et radicales, de faire face aux nouveaux conducteurs de la planète, les marchés financiers, de plus en plus puissants depuis 1971 (c’était  la fin de la convertibilité du dollar en or  qui a précipité la spéculation internationale sur les monnaies et amplifié  la puissance des bourses, des banques et des marchés financiers).

Les liens entre des Etats, des firmes multinationales et les marchés financiers contribuent à transformer l’ensemble en géants mais ne s’agit-il pas de  géants aux pieds d’argile dans la mesure où, en fin de compte, des logiques terricides et humanicides   sont à l’œuvre ?

Ces marchés financiers comprennent six classes d’actifs : le marché actions, le marché obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des changes, le marché des matières premières. Deux chiffres symboliques de cette force : en avril 2016 les transactions quotidiennes(!) sur le marché des changes étaient de 5100 milliards de dollars, pour l’année 2017 le gestionnaire américain d’actifs Black Rock gérait 6000 milliards de dollars et réalisait un bénéfice de 3,7 milliards.

A titre de comparaisons le chiffre d’affaires annuel en 2017 des dix premières entreprises du monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017 était pour 139 Etats inférieur à 10 milliards de dollars dont 30 inférieur à 3 , alors que le PIB des Etats-Unis était de 19362 et celui de la France( cinquième dans la liste des 193 Etats) de 2574, le budget bi annuel des Nations Unies pour 2018-2019 est de 5,4 milliards de dollars.

Ce sont là quelques rapports de forces financiers qui en disent très longs sur des rapports de force internationaux.

 

7-3      Des injustices globales dans le monde aujourd’hui

« Les victimes des injustices économiques sont ainsi, sans le moindre remords, sacrifiées sur l’autel de l’ordre public. Jusqu’à quand ? » écrit Eduardo Galeano (Le Monde diplomatique, Guerre aux pauvres, août 1996).
Les quatre réalités qui suivent  sont souvent soulignées  par des institutions spécialisées des Nations Unies, des organes subsidiaires et des programmes de cette organisation internationale.
Ainsi en 2018, selon l’UNICEF, un enfant sur deux dans le monde est en situation de détresse et/ou de danger (misères, sous-nutrition, maladies, guerres…). Si une civilisation se juge en particulier au sort qu’elle réserve à ses enfants… le jugement de condamnation est sans appel.
En 2014, selon l’OMS, dans les pays à faibles revenus 4 décès sur 10 touchaient des enfants de moins de 15 ans, dans les pays à revenus élevés 1 enfant sur 100.L’inégalité devant la mort existe pour l’enfant selon le pays où il vit.
En 2014, selon le PNUD, moins de 10% de la population mondiale dispose de 82% du patrimoine mondial, alors que 70% de cette population mondiale disposent de 3% du patrimoine mondial. C’est ce que l’on appelle une violence structurelle gigantesque.
Fin 2015, selon les Nations Unies, 4,5milliards de personnes se trouvent dans le besoin avec le minimum vital, 1,5milliard de personnes est en situation de survie (avec moins de 1,25 dollar par jour) et 1 milliard vit dans l’aisance.

On voit particulièrement bien ici que le système ne répond pas aux besoins importants ou criants de la grande majorité de la population mondiale.

 

7-4       De grandes  injustices  spécifiques  dans le monde aujourd’hui

Nous rappelons dix séries d’inégalités terribles, cette liste des drames est très loin d’être exhaustive.

 Les drames de la faim, de l’absence d’eau potable, de l’absence de toilettes, des maladies qui tuent sans vaccinations ou soins, drames de l’inégalité de l’accès aux médicaments, des inégalités dans l’espérance de vie, des inégalités dans l’éducation, des inégalités relatives au niveau de vie, des inégalités devant la protection sociale, des inégalités relatives à l’empreinte écologique. (Voir statistiques précises dans l’article sur ce site  : « L’injustice et les luttes contre les inégalités.»)

 

 Face au drame de la faim (821 millions de personnes  en 2017 soit un habitant sur neuf dans le monde ), ou face au drame de l’absence d’accès à l’eau potable et à l’assainissement… on décide… qu’on décidera plus tard de s’attaquer  aux  causes de ces situations  inhumaines .Le réchauffement climatique est devenu une cause qui s’ajoute aux autres et aggrave ces deux drames mondiaux.

Historiquement rappelons deux drames terrifiants entrainant deus  famines  épouvantables ,  celui volontaire  du stalinisme en 1933 contre les paysans d’Ukraine avec 6 millions de victimes, celui  en  Chine de mai 1958à 1961  du « Grand Bond en avant » qui voit l’effondrement de l’agriculture et une famine de 36 millions de morts à la suite de transferts massifs de l’agriculture vers l’industrialisation forcée.(dernière estimation d’historiens).

Les violences des migrations forcées est massive. Ainsi par exemple pour l’année  2015 c’est l’accroissement  du nombre de réfugiés et de déplacés, 60 millions de personnes selon le HCR, soit l’équivalent de presque toute la population française. Sur ce total 20,2 millions essaient d’échapper aux guerres et aux persécutions, c’est un niveau sans précédent depuis 1992.En 2017 voilà un nouveau record du nombre de déplacés : 68,5 millions de personnes.

Les déplacés environnementaux seraient peut-être  de l’ordre de 150 à 300 millions vers 2100(ou beaucoup plus ?)… Si de grandes villes asiatiques devenaient irrespirables ce type de migrations forcées pourrait être, selon certains, de un à deux milliards de personnes…

 

 

8    – Les grandes violences culturelles.

 

8-1        L’ethnocide ,  destruction radicale, globale et délibérée d’une culture.

 

L’ethnocide se fait le plus souvent dans le but d’exploiter économiquement et politiquement les membres de la culture assassinée. Il conduit à la destruction physique partielle des membres de cette culture, il va souvent de pair avec des massacres. Les traces de la culture assassinée sont partiellement ou massivement détruites   : ouvrages, musées, œuvres, monuments, écoles…

 

8-2    Existent aussi d’autres formes de violences culturelles qui s’appellent l’assimilation, plus ou moins imposée par un rapport de forces, c’est-à-dire l’effacement d’une culture sous la domination d’une autre, et l’uniformisation, qui fait peu à peu disparaitre les différences, « l’uniformisation uniformisante » était pour Kostas Axelos une violence terrible et omniprésente.

 

 

 

9 –       Les grandes violences écologiques

 

9-1       Peut-on parler de grandes violences ?

Ne doit-on pas considérer les problèmes  drames et les menaces relatifs à l’environnement comme de grandes violences ?

Nous pouvons le penser dans la mesure où ils portent massivement atteinte aux peuples, aux personnes et aux générations futures, et dans la mesure où la plupart d’entre eux sont d’origine humaine et que l’homme n’a pas pris, à ce jour, les moyens assez massifs et radicaux de les combattre.


Si l’on regroupe ces problèmes, ces menaces et ces drames environnementaux on peut dire que : la dégradation des sols s’étend, la déforestation continue, les déchets ne cessent d’augmenter, le nucléaire a engagé les générations présentes et futures, l’eau se raréfie et se dégrade, le milieu marin est souvent traité en poubelle, la couche d’ozone reste menacée, les gaz à effet de serre entrainent un réchauffement climatique, les espèces animales et végétales sont décimées.

 9-2       Les inégalités sont présentes aussi dans l’environnement, ne sont-elles pas des formes de violence ?

 

Elles se traduisent par une empreinte écologique très variable en particulier selon les Etats (voir ci-dessus) et par des effets très inégaux sur les populations. Des ONG insistent sur cette dimension, ainsi l’alliance internationale « Justice Climatique Maintenant ! » met en avant les liens entre le social et l’environnemental, le réchauffement atteint toute la Terre mais d’abord les pays et les peuples les plus pauvres. Le mouvement contre le » racisme environnemental » dénonce depuis les années 1980 le fait que les populations noires et pauvres sont les plus touchées aux Etats-Unis par exemple par la proximité des déchets toxiques,

un auteur sociologue comme l’américain Robert Bullard relie droits de l’homme et environnement, des juristes environnementalistes ,

ainsi en France Alexandre Kiss et Michel Prieur dès les années 1970, iront aussi en ce sens contribuant à faire du droit de l’homme à l’environnement un droit à vocation universelle.

 

9-3        L’énumération des principales situations écologiques violentes est impressionnante.

Une des plus grandes  violences est celle du réchauffement climatique,  cette  gigantesque machine infernale produite par ce système productiviste.

Le grand « vainqueur » est , à ce jour( fin novembre 2020), ce réchauffement climatique. (voir  notre ouvrage,  écrit pour cette 4ème édition en collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris,  Droit international de l’environnement, Ellipses, 2018).

 La situation est simple à schématiser :

Si l’Accord de Paris(2015) sur le climat était  appliqué en l’état : l’augmentation de la température moyenne de la terre serait de l’ordre de 2,5 ° à 3,5°C vers la fin du siècle. Situation  encore gravissime.

Si  l’Accord n’était pas appliqué le réchauffement serait de 4°C à 6°C, voire plus, vers 2100.Autant dire que la sixième  extinction des espèces (humains compris) serait en voie d’effacer  la plus grande partie du vivant. 

Si l’Accord contribuait à donner le jour à de nouveaux engagements, massifs et appliqués, le vivant aurait alors  probablement  des chances de survie.

 

La liste des atteintes relatives à l’environnement et au vivant est impressionnante :

 9-3-1    En ce qui concerne l’air : réchauffement climatique, phénomènes climatiques extrêmes, appauvrissement de la couche d’ozone, retombées des pluies acides, pollutions chimiques diffuses et accidentelles, pollutions radioactives diffuses et accidentelles d’origine civile et militaire, pollutions urbaines, nuisances sonores, pollutions lumineuses, pollutions de l’espace orbital…Le seul exemple en Chine de la pollution atmosphérique provoquée, entre autres, par les industries lourdes dans les zones urbaines, est dramatique : morts prématurées, explosions des cancers du poumon, suffocations, masques en rupture de stocks…A Pékin en février 2014 le taux de concentration des microparticules dans l’air est de 16 fois le maximum mis en avant par l’OMS, dans certaines villes 36 fois ce maximum. Toujours selon l’OMS la pollution atmosphérique touche neuf urbains sur dix dans le monde (  étude  sur 1 600 villes de 91 pays, 7 mai 2014). Sont particulièrement touchées des villes du Pakistan, de l’Inde, de la Chine…

9-3-2    En ce qui concerne les eaux douces : absence d’accès à l’eau potable, absence d’assainissement, inondations, problèmes de quantité de réserves d’eau produisant des situations de stress hydrique et de pénuries d’eau, sécheresses de plus en plus terribles, jamais vues auparavant, dans des lieux de plus en plus nombreux de la planète, atteintes à la qualité de cours d’eau et de nappes phréatiques à partir de pollutions agricoles, industrielles, domestiques, assèchements et empoisonnements de nappes phréatiques, effets écologiques de certains barrages et de modifications de tracés de cours d’eau…

9-3-3   En ce qui concerne le milieu marin : pollutions venant des fleuves et des côtes (pollutions telluriques), pollution par immersion de déchets, de déchets dangereux, de déchets radioactifs, pollutions volontaires et accidentelles de navires et de plates-formes, pollutions à partir d’aéronefs jetant des déchets, dégradations des ressources marines et côtières, surexploitation et disparitions d’espèces marines, filets destructeurs de fonds marins, plaques et mers de déchets dans le milieu marin, enfin bien sûr côtes rongées, déchiquetées par les avancées et la montée des océans…

9-3-4   En ce qui concerne les sols : l’épiderme de la Terre est ici menacé, là malade à travers la désertification, les atteintes sont très nombreuses par surexploitation, surpâturage, déboisement, par pesticides, nitrates, métaux lords, pluies acides, déchets mis en décharge, transports et stockages de déchets toxiques, atteintes par extensions des surfaces urbaines …

9-3-5   En ce qui concerne les forêts : déforestation par surexploitation, par empiètements, feux de forêt, diminution de la variété d’espèces forestières, pollutions multiples, pluies acides, réchauffement climatique, certains insectes ravageurs, certains champignons aussi…

9-3-6    En ce qui concerne la flore, la faune, les paysages : Appauvrissement de la diversité biologique, espèces de la faune et de la flore décimées et menacées d’extinction, marchandisation du vivant(voir article sur ce site), risques liés aux organismes génétiquement modifiés, artificialisation de la nature, prolifération de certaines espèces posant des problèmes écologiques, prolifération de certaines espèces posant des problèmes économiques et écologiques, régressions d’habitats naturels, urbanisation incontrôlée, destructions de paysages, destructions de cultures vivrières au profit de grandes monocultures…

 

9-3-7        Les effets environnementaux sur la santé des êtres humains :

 

      En 2012 l’OMS avançait le fait que 23% des décès dans le monde était liés à l’environnement (tabac non compris) soit un décès  sur quatresoit 12,6 millions de victimes dues pour la plus grande part aux pollutions de l’air, celles-ci en 2014 selon l’OMS ont causé la mort  de 7 millions de personnes.

 

 Certains auteurs avancent des chiffres beaucoup plus élevés, cela est lié en particulier à la définition plus ou moins large donnée à l’environnement, chiffres allant jusqu’à  40% des décès , voire plus, dans le monde résultent de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques , radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, dans des airs, des sols et des eaux…

Le tabac en 2014 a tué 5 millions de personnes(en France 78000), l’alcool a tué 3 millions de personnes(en France 49000).

Ne soulignons ici que quelques effets dramatiques et massifs  de la dégradation environnementale. Les catastrophes écologiques mais aussi : les pollutions de l’air, des sols, des eaux de surface et souterraines et leurs effets sanitaires, la sécurité alimentaire qui est de moins en moins assurée dans certaines régions, les contaminations des aliments par des pollutions chimiques, radioactives, par des additifs alimentaires, par la dioxine, par des farines animales…l’exposition de travailleurs et de populations à des substances dangereuses(drame de l’amiante)et d’une façon générale l’augmentation impressionnante du nombre de cancers d’origine environnementale…(voir par exemple Dominique Belpomme, Avant qu’il ne soit trop tard, Fayard,2007). La seule pollution de l’air, selon l’OMS ( étude  du 24 mars 2014), a causé la mort de 7 millions de personnes en 2012, soit un décès sur 8, les 2/3 de ces victimes étaient en Asie.
De façon plus globale au moins 40% des décès (des auteurs donnent des chiffres beaucoup plus élevés, tout dépend en particulier de la conception restreinte ou plus large que l’on a de l’environnement) dans le monde résulteraient de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques, radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, pollutions de l’air, des sols et des eaux…

9-3-8     Des études prévisionnelles mettent en particulier en avant une explosion des cancers dans le monde de 75% de 2012 à 2030 et de 95% dans les pays les plus pauvres, on passerait de 12,7millions de personnes atteintes en 2008 à 20,3millions en 2030, et on passerait de 7,6millions de morts par cancers en 2008 à 13,2millions en 2030.

(The Lancet Oncology,juin2012,étude menée dans le cadre du Centre international de recherche sur le cancer(CIRC, Lyon),organisme lié à l’OMS.)

 L’étude souligne que certains cancers (côlon, rectum, sein, prostate) semblent associés au développement économique et au mode de vie.
Va aussi dans ce sens par exemple l’ouvrage d’un toxicologue (André Cicolella, Toxique planète, Seuil,2013) qui dénonce le « scandale invisible des maladies chroniques », il montre la transmission d’un héritage toxique à destination des générations futures, il en appelle à de nouvelles politiques de santé mondiale qui prennent en compte une remise en cause des origines environnementales des « perturbateurs endocriniens », il affirme que les maladies chroniques(cardiovasculaires, respiratoires, cancers, diabète…) peuvent reculer si nous repensons nos façons de vivre, de travailler, de se déplacer. 

 

9-3-9   Epidémies ,  environnement et grandes violences.

 

Premier point : partons d’abord d’un rappel d’une énumération indicative et non exhaustive  de ces épidémies, accompagnées d’estimations soit très incertaines  soit plus précises (depuis l’arrivée de l’OMS en 1947) du nombre des victimes :

La variole (10000 avant JC…à son éradication  en octobre 1977) 300 millions( ?) de morts.   La rougeole 200 millions( ?) de  victimes (7ème siècle avant JC à … 1960),

La peste de Justinien (empereur) (entre le 6ème et 8ème siècle), 25 à 100 millions( ?),

  La peste noire (entre 1347 et 1353) responsable de la mort de 25 à 34 millions. Elle tue entre le tiers et la moitié de la population de l’Europe et du monde méditerranéen.

Les amérindiens disparaissent à 90% après 1492 par des microbes amenés par les conquistadors.

Encore aujourd’hui  les   ravages de maladies connues .Les chiffres se précisent, l’OMS arrive en 1947. 

La fièvre jaune (référence à la   jaunisse présentée par certains patients) (moustique infecté) aux 17, 18, 19ème,  qui fait encore des ravages , 30.000 morts chaque année.

 Le choléra (bactérie)(1826- 33) un million de victimes, de nos jours chaque année 100.000 décès.

 Le paludisme (parasite transmis par certains moustiques) de l’ordre de 400 000 victimes par an…C’est l’un des grands drames sanitaires du monde. Ainsi en  2018 il y a eu 228 millions de cas et 405.000 décès.

 Depuis un siècle les épidémies principales  dans le monde ont été tour à tour

-La grippe espagnole(H1N1) (septembre1918-avril 1919)  a fait entre 20 et 100 millions de morts, 50 millions de morts est le total le plus probable, le chiffre désormais  le plus souvent avancé. On l’appelle parfois « la mère de toutes les épidémies contemporaines. »

-La grippe asiatique(H2N2) (1956- 1958)  est à l’origine de la mort d’environ 4 millions de personnes.

-La grippe de Hong-Kong(H3N2) (1968–1970) a tué entre 1 et 2 millions de personnes.

Le  virus du sida(VIH) (1981 à nos jours), au moins  40 millions de personnes sont décédées de maladies liées au sida.

– Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) (2002-2003)  a causé la mort de 800 personnes.

-L’épidémie de grippe (H1N1) (« grippe porcine ») (2009-2010),   30.000 morts.

-Une épidémie de méningite bactérienne (2009–2010) a fait  plus de 4000 morts

– L’épidémie d’Ebola (nom d’une rivière proche de l’épicentre) ( 2014- 2016) a tué 11.300 personnes.

-Le  coronavirus  (Covid 19) (2019  à nos jours, fin 2020). A la date du  19  novembre  2020 sur une année, il y avait 55,6 millions de personnes atteintes et 1,338 million de décès.

 

Deuxième point : soulignons quelques critères de la diversité de ces épidémies

Parmi ces critères très nombreux :

Diversités des  virus   (varioles, grippes…), des  bactéries (peste, choléra…) ,diversités des processus de transmissions, diversités  des systèmes de santé à telle ou telle époque et dans  tel ou tel territoire, diversités de la propagation de ces épidémies, diversités des causes profondes…

 

Troisième point : les causes profondes d’apparition et de développement des épidémies s’appellent l’explosion démographique, des phénomènes climatiques tels que sècheresses, pluies, inondations, l’insuffisance de l’hygiène et de l’assainissement,  le manque d’eau potable ,   la mondialisation des transports, des conflits armés qui cassent des systèmes de santé, un sous-développement de certains systèmes de santé…

 

Quatrième  point : peut-on   considérer, au sens  large , les épidémies comme des formes de grandes violences ?

 Nous répondrons par l’affirmative  pour au moins quatre séries de raisons :

elles  sont en elles-mêmes porteuses de destructions et de menaces,

 elles le sont aussi parce qu’elles n’ont pas fait l’objet ici et là de recherches, de préventions et de soins suffisants à cause de choix défaillants ou d’absences de politiques de santé,

elles le sont  parce qu’elles aggravent des inégalités économiques et sociales, des millions de personnes meurent chaque année de maladies curables, quelles violences ! Quelques jours suffiraient de dépenses militaires mondiales consacrés à porter remède à ces scandales écœurants ! Qu’attendent donc les autorités étatiques du monde  dont les  courages se sont  couchés ?

Elles le sont enfin parce que, en amont de leur arrivée, il y a parfois  la place de plus en plus écrasante de l’homme dans la nature,  qui déstabilise des espèces et contribue ainsi à l’apparition de certains virus.

Cinquième point : on peut se demander si des épidémies récentes et à venir ne sont pas clairement liées à la débâcle écologique ?

Ce sont des formes de violences faites à la nature qui déstabilise des  espèces . Ainsi l’urbanisation  galopante  et la déforestation contribuent à produire des contacts non maitrisés des réservoirs d’animaux, on laisse de moins en moins de place à la nature, et çà c’est une forme de grande violence.

Parmi les luttes contre les causes en amont

celles de la restauration d’une nature dégradée en particulier par la déforestations, la protection des espèces qui , lorsqu’elles sont décimées et menacées, vont transmettre plus facilement des maladies à l’homme. La place de plus en plus restreinte accordée à la nature s’aggravera et sa marchandisation aussi si des contre-logiques puissantes ne sont pas mises en place.

Demain des virus peuvent être  plus nombreux et plus présents, certains pourraient venir par exemple de Sibérie en remontant à la surface de zones libérées du permafrost  par le réchauffement climatique.

Peut-être de nouveaux vaccins contribueront-ils à faire  face à ces nouveaux venus ?

 Deux séries de moyens aussi, les uns liés à la santé, les autres à l’environnement, les deux domaines étant de plus en plus interdépendants, dans la mesure , entre beaucoup d’autres exemples , où le réchauffement climatique est une machine à produire des épidémies futures.

 

Sixième point : les luttes contre les épidémies doivent être synonymes de multiples moyens :

 Une coopération et une coordination  mondiales dotées de puissants moyens , des recherches massives et coopératives  de vaccins  , un accès universel aux médicaments et aux vaccins , des politiques de santé dotées de puissants moyens en personnels et en matériels, des gestes barrières nombreux et respectés, des confinements face aux  épidémies…

 

Septième point : un moyen essentiel de lutte essentielle, « laisser de la place à la nature » :

Diminuer les prélèvements des espèces  dans le cadre de la protection de la biodiversité, remettre en cause l’agriculture intensive au profit de l’agro-écologie, remettre en cause les accords de libre-échange au profit d’une primauté de la protection de l’environnement, supprimer les aides dommageables pour la biodiversité, acheter en consommateur responsable, et mettre en œuvre d’autres actions… (voir par exemple « Sauvons la biodiversité .Les10 actions pour agir » Hélène Soubelet, Jean-François Silvain, éditions Rustica, 2019.)

 

On peut lire sur ce site à la rubrique « Paix » une réflexion globale et massive sur « Les violences. »