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VIOLENCES :les luttes contre les causes. (VI)
Nous partirons des analyses des causes des violences parce que nous pensons que la distinction faite entre les causes extra historiques et historiques est non seulement fondée mais, aussi, opérationnelle par rapport à ces luttes.
Préalablement n’est-il pas nécessaire de penser les luttes contre les causes cela à partir des quatre parties précédentes (clarifications, classifications, contenus, causes) ?
Nous envisagerons donc tour à tour :
Des éléments pouvant contribuer à penser les luttes contre les causes des violences (A)
Les luttes contre les causes extra historiques des violences ( B )
Les luttes contre les causes historiques des violences ( C )
A-DES ELEMENTS POUVANT CONTRIBUER A PENSER LES LUTTES CONTRE LES VIOLENCES
Trois précisions terminologiques :
Nous employons cet article « des » et non « les » éléments pour insister sur le fait que les réflexions qui suivent ne sont pas exhaustives et restent ouvertes à d’autres moyens, d’autres alternatives dans ces luttes.
Nous employons le terme « luttes » pour montrer qu’il n’y a pas de remède miracle, que les combats contre ces causes peuvent être longs, que ces luttes sont synonymes de volontés personnelles et collectives, que ces luttes comprennent des finalités et des moyens, que ces remises en cause peuvent être complexes.
Nous employons le terme « penser » qui voudrait prendre en compte des méthodologies mais aussi des objectifs et des moyens, des principes et des modalités, des théories et des pratiques…
Parmi les nombreuses questions qui se posent :
Comment se situer par rapport à la complexité des luttes ? (1)
Que penser des rapports entre les théories et les pratiques de ces luttes ? (2)
Le long terme et le court terme, l’amont et l’aval doivent-ils intervenir et si oui comment ? (3)
Doit-on tenir compte de la globalité et de la diversité des luttes et si oui comment ?(4)
Doit-on envisager des apaisements, des sorties, des fins de violences ? (5)
Dans ces luttes quels rôles jouent les volontés, les hasards et les nécessités ? (6)
Dans ces luttes quels sont les rapports entre les moyens et les fins ? (7)
Nos articles dans ce même blog sur « Les résistances » pourront être complémentaires.
1-Prendre en compte la complexité des causes des violences et des luttes contre ces violences.
-La complexité est omni présente dans ces luttes, pourquoi ? Pour au moins quatre raisons :
Les interactions se sont multipliées, ainsi entre les domaines d’activités, entre les niveaux géographiques.
Les acteurs se sont multipliés, ainsi les acteurs publics et privés, ainsi les acteurs locaux, régionaux, nationaux, continentaux, internationaux.
Les urgences occupent une place envahissante, la construction de politiques à long terme une place qui devrait être essentielle.
L’accélération du système mondial complique ces luttes.
– Face à la complexité les théories et les pratiques simplificatrices sont très présentes, pourquoi ? Pour au moins trois raisons :
La paresse intellectuelle est une tentation qui contribue à basculer facilement dans le simplisme.
La désignation facile de boucs émissaires est un mécanisme connu qu’on retrouve et dans les causes et dans des réactions contre des violences.
Une partie des mondes médiatiques en reste aux effets des violences et ne remonte ni à la complexité des analyses des causes ni à la complexité des luttes.
-La complexité qu’il faut affronter peut être un alibi pour l’inaction et cela sous au moins trois formes :
Alibi pour ne rien faire parce que c’est trop compliqué. « Qui ne veut pas agir trouve une excuse, qui veut agir trouve un moyen » dit un proverbe.
Alibi pour mettre en avant le simplisme et proposer une solution qui risquera d’ aggraver une situation.
Alibi pour renvoyer à d’autres responsabilités diluées et sans effets.
-La prise en compte de la complexité peut avoir quels effets ? Au moins cinq :
Elle en appelle au courage de ne pas tomber dans le simplisme et de faire front avec ténacité. Elle en appelle à la patience pour organiser ces luttes.
Elle en appelle aux fronts communs, aux rassemblements, aux coopérations, pour donner plus de chances de remettre en cause des violences.
Elle en appelle à l’humilité en se méfiant du discours-vérité.
Elle se veut en liens avec l’intergénérationnel : on entend encore les pas de ceux et celles qui étaient là, on entend chaque jour nos pas dans ces luttes, on entend déjà les pas de ceux et celles qui vont venir.
2-Veiller à une interpellation réciproque entre des théories et des pratiques des luttes contre les violences
« Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie disait Einstein. »Dans un schéma porteur ne faudrait-il pas « agir en homme de pensée et penser en homme d’action » comme l’affirmait Bergson ? En fait deux exigences sont là :
– Des théories relatives aux causes des violences peuvent éclairer des luttes, faire preuve de cohérence, s’attaquer à des interactions porteuses de violences.
-Mais réciproquement des pratiques relatives à ces luttes peuvent aussi éclairer des théories. La lumière des théories ne doit pas aveugler. Des échecs, de nouvelles idées issues de la pratique peuvent contribuer à des remises en cause partielles ou plus globales de théories.
Dans cette optique des luttes sur de petites échelles territoriales peuvent parfois contribuer à préparer des réformes ou des remises en cause plus étendues dans l’espace.
Dans cette optique aussi, pour les théories comme pour les pratiques , s’inspirer de tel ou tel pays, de tel ou tel acteur (associations, ONG, mouvements de citoyens…) peut être porteur.
Théories et pratiques ne doivent-elles pas se reconnaitre, s’interpeller, se compléter les unes les autres et finalement s’incliner les unes vers les autres ?
3-Répondre à deux exigences : le long terme et le court terme des luttes contre les violences, autrement dit agir en amont et en aval.
On se ment à soi-même et on ment aux autres en affirmant qu’on n’a pas le temps de s’occuper du long terme parce que l’on doit répondre aux urgences.
-En fait moins on construit des réponses (des politiques, des pratiques…) à long terme… plus on est noyé sous les urgences.
-Il faut donc surtout répondre aux causes profondes des violences en remontant en amont vers ces causes profondes et aussi soulager des souffrances immédiates en aval.
4–Prendre en compte deux réalités : la diversité et la globalité des luttes contre les violences.
–Penser la diversité des luttes contre les violences signifie qu’il faut déterminer des moyens plus spécifiques à telle ou telle violence, ainsi par rapport à des violences dans des écoles, des violences par rapport aux femmes battues…
–Il est pourtant nécessaire qu’une certaine globalité intervienne aussi.
Globalité signifie qu’il vaut mieux avoir à titre complémentaire deux, trois ou plus, analyses d’une situation donnée. Ainsi ne pas croire à un remède miracle mais épouser une certaine complexité pour se donner plus de chances de réussir. On peut aussi très bien privilégier tel ou tel moyen et utiliser toute une panoplie.
Globalité signifie qu’il faut comprendre des interactions éventuelles entre différentes violences, par exemple entre des violences à l’école, des difficultés de quartiers et des situations familiales.
Globalité signifie qu’on peut être amené à envisager la nécessité de moyens plus généraux.
5-Des apaisements de violences, des fins de violences, sortir de la violence…
-Des violences peuvent-elles s’apaiser ? Sûrement mais on peut être loin de la disparition des causes.
Après des meurtres un serial killer est arrêté. Le soulagement est réel pour des habitants mais continuent les douleurs des familles. Le procès selon son déroulement peut correspondre à une forme d’apaisement ou donner lieu à d’autres souffrances.
Un déchainement de violences collectives peut être suivi d’un apaisement, ainsi lorsque s’arrête un bombardement, mais les souffrances des survivants continuent. Et la guerre peut-être toujours présente jusqu’au traité de paix qui peut constituer une avancée réelle et durable ou qui peut contenir les germes d’une autre guerre à venir, « la paix enceinte d’une future guerre » disait Gaston Bouthoul.
-Des violences peuvent-elles finir ? Des violences particulières (telle ou telle guerre) peuvent finir lorsque les causes sont véritablement résolues.
L’ensemble d’une catégorie de violences (les guerres) peut beaucoup plus difficilement finir, certains penseront même que c’est impossible.
Par contre une diminution du nombre de guerres et des victimes est envisageable dans la mesure où l’on s’attaque aux causes profondes. Les générations futures peuvent aussi, au contraire, se retrouver face à une multiplication des guerres et des victimes dans la mesure en particulier où se développent la course aux armements et le réchauffement climatique porteurs de conflits armés.
Enfin, terrible rappel nécessaire, il faut redire ici que des monstres qui disparaissent un moment, tels par exemple des totalitarismes, peuvent resurgir sous d’autres formes. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » écrivait Bertolt Brecht).
-La violence peut-elle finir ? Au moins trois arguments ne plaident pas en faveur de cette idée. D’abord les rapports de force sont là, les laisser en l’état correspond à de multiples violences, les faire évoluer et les remettre en cause ne se fait pas sans actions et réactions . Ensuite les interactions qui se multiplient ne vont pas en ce sens. Enfin les défis de l’humanité sont immenses, ils s’appellent la débâcle écologique, la course aux armements en particulier des armes de destruction massive, les injustices criantes, la toute-puissance de la techno science et des marchés financiers.
Par contre on peut penser non pas à la fin de toutes des violences mais à une certaine « sortie de la violence », à un grand nombre de violences si voyait le jour la mise en œuvre massive de moyens justes, pacifiques, démocratiques et écologiques à tous les niveaux géographiques.
6-Les volontés sont essentielles mais existent aussi des nécessités et des hasards dans les luttes contre les violences.
-Notre analyse générale se veut claire dans le choix du type de discours. Il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-à-dire qui n’admet pas du tout le doute. Il y a ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution. Enfin il y a ceux et celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la prospective c’est-à-dire un mélange de hasards, de nécessités et de volontés, cela dans des proportions variables, discours qui admet une pluralité de possibles.
-Les volontés personnelles et collectives pour lutter contre les violences sont essentielles, à tous les niveaux géographiques.(Voir sur ce blog les articles relatifs aux « Volontés politiques »).
Mais même lorsque des volontés sont en route, la remise en cause d’une violence n’est pas complètement sûre, pourquoi ? Parce qu’existent aussi les hasards et les nécessités.
-Nietzsche écrivait : « Nous autres nains malins avec nos volontés et nos fins, nous sommes molestés, renversés et souvent piétinés à mort par ces géants imbéciles, les hasards. »(…) « Nous luttons pied à pied avec le géant hasard. »
Ces hasards peuvent contribuer à aller vers le pire, l’ entre-deux ou le meilleur.
-Aux volontés et aux hasards s’ajoutent des nécessités que l’on maitrise un peu, beaucoup ou pas du tout. Ainsi nous ne contrôlons que peu le temps de reconstitution d’une forêt , ainsi l’accélération du système mondial comprend des éléments que nous pouvons maitriser et d’autres qui nous échappent (voir sur ce même blog « L’accélération du système mondial »).
Il y a donc une certaine pluralité de possibles : des pires, des entre-deux, des meilleurs.
-Même avec nos volontés nous sommes loin de maitriser complètement un changement modeste, donc à plus forte raison le changement d’un système puissant. Mais ce système a ses faiblesses et, loin de maitriser lui aussi son avenir, le voilà devenu un géant aux pieds d’argile dans la mesure où ses logiques d’autodestruction sont en marche.
C’est une raison de plus pour unir nos faiblesses, « s’unir ou périr » disait Einstein. Nous voilà peu à peu fraternisés par les périls communs, pour les surmonter ensemble.
7-Proposer et mettre en œuvre des moyens conformes aux finalités proclamées
Dans ces luttes, comme dans d’autres, les rapports entre les fins et les moyens posent deux séries de questions.
-Il s’agit de résister face aux confusions entre les moyens et les fins, autrement dit de remettre à leurs places les moyens c’est-à-dire la techno science et le marché mondial, de les mettre au service des êtres humains. Il faut aussi respecter les fins c’est-à-dire les êtres humains en personnes, en peuples et en humanité (générations passées à travers le patrimoine culturel, générations présentes et à venir.), l’Autre n’est pas un moyen, agir moralement c’est reconnaitre tout homme comme fin et de le traduire en acte.
-Il s’agit de résister en pensant et en mettant en œuvre des moyens conformes aux fins que l’on met en avant. Si l’on veut la démocratie il faut des moyens démocratiques, si l’on veut la justice il faut des moyens justes, si l’on veut la paix il faut des moyens pacifiques, si l’on veut la protection de l’environnement il faut des moyens écologiques.
-Face aux théories et aux pratiques dominantes voire écrasantes à travers l’histoire qui correspondent à la pensée de Machiavel « Qui veut la fin veut les moyens », il faut résister en se fondant sur cette pensée radicale et lumineuse de Gandhi : « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence. » ( voir « Tous les hommes sont frères », Folio essais, Gallimard). Autrement dit aucun moyen n’est neutre, si l’on veut lutter pour la paix on ne peut que résister avec des moyens pacifiques, la course aux armements est un des moyens opposés à la paix parce qu’elle ne fait qu’accroitre l’insécurité, les guerres, les injustices et la dégradation mondiale de l’environnement.
-La fin ne justifie pas n’importe quel moyen. Dit autrement : la légitimité d’une cause n’implique pas la légitimité de tous les moyens pour la faire triompher. Ainsi il était oh combien légitime de lutter contre le nazisme mais il n’était pas légitime de lancer deux bombes nucléaires pour y contribuer.
Les luttes contre les violences impliquent de penser et de mettre en œuvre des moyens conformes aux finalités de paix, de justice, de démocratie et d’écologie.
Soyons maintenant plus concrets quant aux luttes contre les violences en reprenant les analyses relatives à leurs causes.
Nous dresserons une sorte de panorama général dont l’intérêt sera d’être relativement exhaustif, par contre chaque moyen fera l’objet d’une analyse trop rapide…
B-LES LUTTES CONTRE LES CAUSES EXTRA HISTORIQUES DES VIOLENCES
Ces luttes peuvent être conçues sous deux formes : d’abord elles correspondent à une façon globale de se situer de façon critique face à ces analyses, ensuite il s’agit de repérer ce qu’il peut y avoir comme causes éventuelles de violences et de lutter contre elles.
1 – Une attitude globale : apprendre à se méfier de la fatalité, être ouvert(e)s à la prospective
a- Ne faut-il pas apprendre à se méfier de la fatalité ?
Nous ne sommes pas en dehors de l’histoire des êtres humains et du vivant.
Nous sommes plus ou moins liés à une histoire personnelle et à une histoire collective qui nous ont précédés. Nous sommes partie prenante pendant notre vie des histoires présentes et même de celles d’après dans certains de leurs effets.
Autrement dit : il ne faut pas fuir nos responsabilités en pensant et en agissant comme si des éléments extra historiques agissaient à notre place et produisaient par exemple des violences.
Concrètement deux contre-mécanismes face à ses analyses s’appellent l’esprit de responsabilité et l’esprit critique. Plus concrètement encore ils doivent être présents dans l’éducation, de la maternelle à l’université, et dans l’ensemble des médias et des lieux de vie (familles, professions, institutions, associations, syndicats…).
b- Ne faut-il pas apprendre à penser l’avenir en termes de prospective ?
En effet il y a au moins trois façons de penser l’avenir personnel et/ou collectif.
-Penser l’avenir en se livrant, pieds cœur et esprit soumis, à une prophétie c’est à dire à un discours-vérité dans lequel la fatalité est omniprésente.
-Penser l’avenir en faisant plus ou moins confiance à des prévisions scientifiques qui affirment que, si différents éléments interviennent, l’avenir se présentera sous tels et tels aspects prévisibles.
–Penser l’avenir en étant ouvert(e)s, en termes prospectifs, à une pluralité de possibles : les pires, les entre-deux, les meilleurs. L’avenir, dans cette perspective, est un mélange de volontés, de nécessités, de hasards, cela dans des proportions variables.
Pour mieux entrer dans cette prospective l’esprit d’imagination est important, l’imagination doit être favorisée de la maternelle à l’université et dans les multiples lieux de vie. On la trouve aussi en particulier chez certains auteurs et dans des associations alternatives.
c- Que faire face à chaque analyse « extra historique » des violences ?
D’abord avoir cette attitude générale que l’on vient de souligner, c’est à dire construire ce refus de la fatalité en s’appuyant sur l’esprit critique, sur l’esprit de responsabilité et aussi s’ouvrir à la prospective en s’appuyant sur l’imagination.(voir ci-dessus a) b) ).
Ensuite prendre en compte ce qui, dans chaque analyse, peut être facteur de violence :
-Par rapport à ceux et celles qui croient à la nature humaine mauvaise, à la pulsion de mort, à la fatalité biologique de la violence : mettre en avant les analyses de l’agressivité acquise (IV partie précédente). On peut faire reculer des violences par la socio culture en particulier de la maternelle à l’université.
-Par rapport à ceux et celles qui croient à des interventions de l’au-delà porteuses de violences : mettre en avant des interventions porteuses de paix en ce monde existant.
-Par rapport à la lutte des contraires : ne pas interpréter cette analyse comme une fatalité mais comme un appel aux levées de contradictions, aux volontés de synthèses, à l’élaboration de compromis, compromis qui sont des moyens non-violents favorisant des conciliations.
-Par rapport aux violences de notre univers : savoir que dans l’univers existent aussi du silence, des harmonies, des merveilles. Et qu’il est vrai que, si nous venions à être menacés par quelques astéroïdes, c’est une raison de mettre en commun des moyens de surveillance et des moyens de protection autant que faire se peut. C’est de toute façon une occasion de plus de réaliser la chance qu’est la vie sur Terre pour la transformer en chance de vivre sur Terre cela en faisant face aux défis communs qui, à ces exceptions près, ne sont pas dans l’espace. Pour le reste la science-fiction est là, et heureusement lorsqu’elle est bonne ou géniale.
– Par rapport à un désir de l’autre qui nous menacera toujours : c’est là une conception bien proche d’un « enfer » indéfiniment constitué par les autres. Sortir de cette fatalité c’est remettre en cause des compétitions, des concentrations d’avoirs de pouvoirs de savoirs, des jalousies, des haines, c’est mettre en avant les constructions de réconciliations, de solidarités, de partages, de coopérations, de mises en commun, de côtes à côtes face aux défis communs, c’est entrer en fraternités. C’est être parties prenantes de l’histoire de l’humanité.
C- LES LUTTES CONTRE LES CAUSES HISTORIQUES DES VIOLENCES
Nous distinguerons d’abord les contre-mécanismes économiques (1), ils ont une grande place parce que le poids de la mondialisation économique et financière productiviste est gigantesque. Viennent ensuite les luttes contre les autres causes historiques des violences (2). Vient alors une énumération de propositions de réformes et de remises en cause « directement » liées à une société pacifique (3) Enumération enfin de propositions de réformes et de remises en cause « indirectement » liées à une société pacifique (4).
1- L’énumération des luttes contre les causes économiques des violences
Face à chaque cause :
a- Face à la propriété : développer la notion et les pratiques de biens communs et celles de patrimoine commun de l’humanité.
(Voir par exemple « Les biens communs environnementaux : quel(s) statut(s) juridique(s) ? » dans Les cahiers du crideau, pulim 2017,sous la direction de Jessica Makowiak et Simon Jolivet, voir entre autres notre article sur « Le projet de déclaration universelle du bien commun de l’humanité »)
b- Face à la propriété privée des moyens de production : partager les avoirs et les pouvoirs.
c- Face à la rareté : répartir les richesses et faire un usage prudent des richesses naturelles.
d- Face aux injustices : supprimer les inégalités les plus criantes. Cette violence structurelle est parmi les plus massives, il faut la remettre en cause par un partage équitable des fruits des sociétés locales, nationales, régionales et de la société internationale.
Les puissants ne partagent que rarement d’eux-mêmes, ils arrivent à le faire si des intérêts communs deviennent criants, de type écologique par exemple.
Mais la plupart du temps les partages sont les fruits de rapports de forces entre les dominants et les dominés d’un lieu donné à un moment donné .Ainsi seront les remises en cause des paradis fiscaux, des évasions fiscales, les créations de taxations de change, d’impôts sur le capital, sur les firmes multinationales, ainsi sera la remise en cause de la place du conducteur occupée par les marchés financiers, ainsi sera la remise en cause de la toute-puissance de la techno science alors au service du vivant …
e- Face aux compétitions : mettre en route et développer des solidarités, des causes communes, des coopérations.(voir nos quatre articles sur « Les compétitions »)
2- L’énumération des luttes contre les autres causes historiques des violences
a- Face à l’agressivité acquise : ne pas surestimer l’influence des gènes et transformer une socio culture compétitive et agressive en socio culture de coopérations , de causes communes, de vivre ensemble, de fraternité.
b- Face à la soumission à l’autorité : apprendre l’esprit critique, construire son autonomie, construire une participation égale des citoyen(ne)s aux prises de décision dans leur pays.
c- Face à un mécanisme de transgression du sacré : créer et développer des fêtes qui aient un sens, autant de moments de fraternité sous de multiples formes.
d- Face au désir mimétique et au sacrifice du bouc émissaire : lutter contre les inégalités, refuser les slogans de haine, découvrir et faire découvrir les responsabilités personnelles et collectives, promouvoir les chances et les bienfaits du « vivre ensemble ».
e- Face au consentement à la violence : créer et développer des associations et des ONG porteuses d’éducation à la non-violence en particulier à la désobéissance civile devant des injustices, et porteuses d’actions de solidarités dans l’urgence et le long terme.
f- Face à la spirale du ressentiment et de la colère : pour éviter que naissent les haines lutter contre les inégalités, respecter les différences, organiser les intégrations, rétablir des dialogues, faire en sorte que les circuits financiers de ces haines soient asséchés et que la coopération s’intensifie en matière de renseignement et de justice, mettre en avant les bienfaits du « vivre ensemble » .
g- Face à la paranoïa et à la dépression collectives : apprendre à apprivoiser et à respecter les différences, mettre en avant projets communs sous-régionaux, régionaux, intercontinentaux pacifiques, vastes et à long terme.
h- Face à des idées dont l’usage peut être meurtrier : bien comprendre et faire comprendre de la maternelle à l’université, dans les médias, dans différentes administrations et entreprises que, pour chaque être humain, son village, sa ville, sa région c’est son terroir, son pays c’est sa patrie, son continent c’est sa matrie, la Terre c’est son foyer d’humanité. Ces différents territoires et lieux de vie doivent créer et développer des solidarités face aux périls communs et non s’affronter dans des conflits dérisoires et porteurs de souffrances.
i-Face à la fabrication de l’image de l’ennemi et face à l’administration des peurs
D’abord une position parmi d’autres peut être ici la suivante :
Dans la plupart des résistances c’est contre un adversaire que l’on lutte, il s’agit d’une personne, de personnes, d’une organisation, de mécanismes, de systèmes. On se retrouvera aussi dans ceux et celles qui disent que tel mécanisme, tel système est un ennemi.
Aujourd’hui il y a trois grandes formes d’adversaires : les haines faites de racismes et de xénophobies, les injustices criantes qui sont de formes de mépris de l’autre, enfin le productivisme qui tend à ne plus avoir de limites dans sa financiarisation , sa techno science, sa destruction de la nature.
Par contre en ce qui concerne les guerres on déclare donc qui est l’ennemi, les nazis assassinaient leurs victimes et étaient combattus en tant qu’ennemis. Pourtant des résistants et d’autres insistaient sur le fait que c’était le nazisme qui était combattu en tant que système inhumain.
On peut raisonner de même dans le terrorisme. On déclare la guerre à l’ennemi terroriste, ou on lutte contre ce système jugé inacceptable de l’emploi de moyens de terreur. La distinction est importante par rapport aux stratégies de lutte en particulier idéologiques, dans le second cas on insiste beaucoup plus sur des remises en cause en amont de mécanismes considérés comme producteurs de terrorisme.
Ensuite originale et porteuse apparait l’analyse de l’ennemi faite par les non-violents. Jacques Sémelin dans son ouvrage « Pour sortir de la violence », (Pour sortir de la violence, éditions ouvrières, 1983) écrit : « L’ennemi devient le dépositaire de la mort que nous avons projetée sur lui. Nous préférons l’affronter sur celui que nous déclarons notre ennemi. La violence est la grande illusion de l’homme : en tuant l’ennemi il croit se sauver de la mort. » Effectivement il faudrait passer de ce « ta mort c’est ma vie » à un « ta vie c’est ma vie », on en souvent loin en particulier puisque les armes de destruction massive, risquant de tuer tout le monde, sont plutôt tournées vers un « ta mort c’est ma mort ».
Enfin par rapport aux ennemis nous voudrions exprimer une façon de considérer ces situations. L’Evangile de Saint Mathieu est radical :« Vous avez appris qu’il a été dit tu aimeras ton prochain et tu hairas ton ennemi .Eh bien moi je vous le dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs. »
Passage difficile ou impossible à comprendre et à vivre quand les évènements ont été trop graves ou dramatiques. André Laudouze, dominicain engagé, écrivait ce passage que certains trouveront lumineux : « Aimez vos ennemis non parce qu’ils sont vos frères mais pour qu’ils le deviennent. Aujourd’hui, déjà, en ce monde. » On connait pourtant les grandes difficultés de la « Commission vérité et réconciliation » qui a essayé, à partir de 1996, de faire la lumière sur les crimes de l’apartheid et de recommander des poursuites judiciaires.
De ce point de vue, contrairement à ce que l’on pense souvent, et on est alors dans une incompréhension de la non-violence, celle-ci n’a pas pour objectif la recherche d’une réconciliation à tout prix, c’est avant tout un moyen de lutter pour la justice la liberté la paix, et, ainsi que l’écrivent des auteurs non-violents, « on ne peut parler d’action non-violente qu’en situation de conflit. ». Lorsque Martin Luther King, en août 1963, après la marche contre les discriminations raciales, prononce son discours à Washington (« I have a dream ») c’est le cri de la justice d’abord : « (…)Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondements de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse (…) » et çà n’est qu’après cela que « un jour sur les collines rousses de Géorgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. »
Quant à l’administration des peurs elle appelle la confiance,la fraternité,les projets communs et les luttes contre les drames et les menaces.
j- Face à la peur de la mort : changer notre rapport à la mort, essayer de maîtriser nos craintes.
« Evoluer vers la maîtrise de nos craintes, la gestion pacifiée de nos conflits, la non-violence de nos actions.» écrit Jacques Sémelin.
k- Face au dérèglement du conflit : prévoir et mettre en œuvre une résolution non violente des conflits de la maternelle à l’université, dans l’ensemble des lieux de vie (familles, professions, citoyenneté…) et dans les relations entre tous les niveaux géographiques. Cela signifie apprendre et mettre en œuvre des comportements dans lesquels les personnes, comme le disent les théories et les pratiques non-violentes, » se montrent assez fortes pour être reconnues par les autres et se montrent assez imaginatives pour inventer, avec les autres, des solutions justes à leurs problèmes ».
l- Face aux causes démographiques, sociologiques, politiques : ralentir l’explosion démographique mondiale, avancer dans la résolution des conflits sociaux de façon pacifique, créer quand elle n’existe pas, développer quand elle existe, la démocratie représentative et participative.
En termes de propositions plus structurées comment traduire, par de simples énumérations, ces réformes et ces remises en cause ?
3- Enumération de propositions de réformes et de remises en cause « directement » liées à une société pacifique
Elles pourraient être essentiellement les suivantes :
a-Pour contribuer à passer d’un système international pour une large part violent à une communauté mondiale pacifique :
-Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction massive (déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
-Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention internationalisées)
-Remises en cause des ventes d’armes (restrictions, taxations, interdictions, reconversions), créations de ministères du désarmement.
-Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes de destruction massive en particulier nucléaires), application des traités qui existent déjà, signatures et ratifications par les Etats nucléaires du traité d’interdiction des armes nucléaires.
-Mise en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans de multiples lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non violent des conflits, sur l’appartenance à une même humanité…)
b-De façon à la fois plus globale et plus spécifique se situent ici la chance et la force de la non-violence.
L’histoire de la non-violence, en partie méconnue, révèle l’efficacité de ces méthodes d’action qui, comme le disait Jacques de Bollardière , « mobilisent par delà le mépris, la violence et la haine. »(Voir à ce sujet la revue opérationnelle « Non-violence Actualité », et la remarquable revue « Alternatives non-violentes », directeur F Vaillant, ainsi que les travaux, eux aussi remarquables, de l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits-IRNC, créé par F. Marchand , JM Muller, C Mellon, J Sémelin, C Delorme.)
Ces moyens reposent sur un cadre non-violent c’est-à-dire un respect de la dignité humaine, une exigence de justice, une combativité positive (et non une agressivité) face au conflit. (J Sémelin, La non-violence expliquée à mes filles, Seuil, 2000.. Cette méthode de règlement des conflits refuse la violence d’oppression dans laquelle on impose sa loi, elle refuse la violence de soumission dans laquelle on renonce à ce que l’on pense être essentiel. On cherche ensemble, dans le respect des personnes et la confrontation, des solutions justes. (JM Muller, Lexique de la non-violence, ANV,1998). Jacques Sémelin insiste sur « trois principes majeurs : l’affirmation de l’identité du sujet résistant (…), la non coopération collective(…), la médiatisation du conflit c’est à dire susciter la constitution de « tiers » qui appuient sa cause. » (Jacques Sémelin, « Du combat non-violent » dans l’ouvrage « Résister. Le prix du refus », sous la direction de Gérald Cahen, éditions Autrement, Série Morales n°15,1994)
-La non-violence n’a pas le monopole de certains des moyens qui suivent, par exemple les grèves et les pétitions. Il peut même arriver que des forces de mort utilisent des moyens « non-violents », ainsi le boycott des magasins juifs par le régime nazi était un détournement absolu de ce moyen qui dans la non-violence a pour objectifs la justice et la liberté.
-Ces moyens, énumérés à titre indicatif, font partie des pratiques essentielles de l’action non-violente. Il s’agit , de façon non exhaustive, de la non-coopération, la désobéissance civile (Alain Refalo, Les sources historiques de la désobéissance civile, colloque Lyon 2006), l’obstruction non-violente, l’objection de conscience, la grève de la faim, la grève, le sit in (s’asseoir sur la voie publique en particulier des places), le boycott, le refus de l’impôt sur les armements, les pétitions…(JM Muller, Stratégie de l’action non-violente, Seuil,1981).
Les non-violents ont aussi des pratiques d’éducation à la paix, ainsi par exemple « Non-violence Actualité » et son Centre de ressources pour la gestion non-violente des relations et des conflits, avec ses outils pédagogiques, ses jeux coopératifs, ses formations. Des expositions comme « Ni hérisson, ni paillasson » du Centre pour l’action non-violente ont été et sont porteuses pour des jeunes.( Voir aussi JM Muller, De la non-violence en éducation, UNESCO et IRNC, 2002), des pratiques d’interventions civiles de paix où des volontaires, après une formation, ont été envoyés sur des zones de conflits, par exemple au Kosovo, en Palestine, au Guatemala (formation ICP assurée par le Mouvement pour une alternative non violente, MAN).Les non-violents ont également pensé « La dissuasion civile : les principes et les méthodes de la résistance non-violente dans la stratégie française. » (C Mellon, JM Muller, J Sémelin, La dissuasion civile, éditions FEDN, 1985).
4- Enumération de propositions de réformes et de remises en cause » indirectement » liées à une société pacifique
Elles pourraient être principalement les suivantes :
a-Pour contribuer à passer d’un système international pour une large part autoritaire à une communauté mondiale démocratique :
-Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières, impôt mondial sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux…)
-Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de l’environnement, de la culture…)
-Démocratisation des institutions internationales (réformes du Conseil de sécurité et de certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place légitime des pays du Sud, promotion des ONG…)
-Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux, continentaux, internationaux) et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s dans tous les Etats,création et développement des processus participatifs(référendum d’initiative citoyenne).
-Créations d’organisations nouvelles (composées d’Etats, d’ONG, de collectivités territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations internationales, régionales et sous-régionales, développement de réseaux, de coordinations, de fronts communs d’ONG (par exemple celles allant dans le sens d’un ralentissement du système.)
b-Pour contribuer à passer d’un système international pour une large part injuste à une communauté mondiale juste :
-Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre, revenu déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)
-Annulation de la dette publique (celles des Etats,et d’abord celles des Etats du Sud, des collectivités territoriales, des organisations internationales…)
-Priorités données au juste échange et au commerce équitable (le libre échange leur sera subordonné), développement de l‘économie sociale et solidaire, de l’économie collaborative…
-Mise en place d’agricultures durables et autonomes (respect de l’environnement, statut international des matières agricoles, souveraineté alimentaire)
-Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement du pouvoir financier et liées aux activités polluantes, redistribuées vers des besoins criants en santé, en protection sociale, en éducation, en environnement, en emplois…)
c-Pour contribuer à passer d’un système international pour une large part anti écologique à une communauté mondiale écologique :
-Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de production, de consommation, de transport écologiquement non viables)
-Programmes massifs d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau potable et du droit à l’assainissement)
-Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les niveaux géographiques)
-Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables, économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire)
-Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation mondiale de l’environnement, convention sur les droits des déplacés environnementaux, convention créant une Organisation mondiale et régionale d’assistance écologique, conventions de protection des sols, convention de protection des forêts, convention contre les pollutions telluriques …) et de nouveaux protocoles(en particulier de réductions massives et radicales des gaz à effet de serre).
Ces remises en cause auraient des effets massifs sur les créations d’emplois.
Remarques terminales
1-Une synthèse de la démarche suivie.
Nous avons d’abord voulu clarifier la notion de violences en la resituant dans un ensemble de notions qui lui sont proches,
puis est venue l’ énumération des différentes classifications des violences en proposant une classification.
Il s’agissait ensuite de faire la synthèse des contenus d’une trentaine de catégories de violences.
Nous a paru essentiel le fait de dénoncer une confusion dommageable et omniprésente, celle de l’assimilation entre injustices, révoltes et répressions comme se trouvant « dans un même sac. »
Nous avons ensuite souligné les analyses des causes des violences, analyses extra historiques, et surtout analyses historiques,
ce qui nous a conduit à énumérer les luttes contre les causes des violences, reprises pour terminer sous la forme de propositions de réformes et de remises en cause spécifiques ou plus générales contribuant à passer d’une société mondiale pour une large part violente à une communauté mondiale pour une large part pacifique.
2-Les violences militaires, économiques, sociales, écologiques, culturelles peuvent et doivent être remises en cause principalement
-par un règlement pacifique des conflits, un désarmement massif, des alternatives de défense,
-par de gigantesques luttes contre les inégalités, cela à tous les niveaux géographiques, remettre en cause ces réservoirs de multiples violences c’est faire œuvre de paix,
-par la construction d’ une société écologiquement viable,
-par une éducation massive aux droits de l’homme et à la paix.
3-La violence ne mérite pas seulement une condamnation, elle appelle à donner le jour à une alternative : la non-violence.
Nous soulignerons ici l’un des écrits les plus éclairants, celui de Jacques de Bollardière, général devenu militant de la non-violence après avoir dénoncé la torture pendant la guerre d’Algérie et condamné ensuite les armes nucléaires.
« L’homme, dans ce monde de conflits et de tensions, n’a-t-il le choix qu’entre une passivité résignée, un lâche renoncement à l’exigence impérieuse de libération qui constitue son être ou la dégradation de son agressivité en une violence meurtrière qui détruit ce qu’il a d’humain en lui ?
La non-violence est une idée neuve qui perce une terre aride et pousse à travers les décombres des espoirs ruinés avec l’indomptable puissance de vie des jeunes plantes qui cherchent la lumière. Elle s’enracine dans l’espérance, se nourrit de la force de la justice. Son passé trop court et méprisé révèle l’efficacité des méthodes d’action qui mobilisent par delà la violence, le mépris et la haine. Dans ce monde bouleversé, elle reste compatible avec une vision humaine du destin des hommes et avec l’amour qui, inlassablement, s’offre à nous au plus secret de notre être. »
4- Il est tard mais encore temps.
Einstein, vers la fin de sa vie, avait bien résumé la situation : « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr. »
Martin Luther King, qui faisait « le rêve qu‘un jour la justice ruissellera comme l’eau », lançait aussi cet avertissement : « Il nous faut apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous périrons ensemble comme des imbéciles.»
Inégalités criantes, course aux armements, débâcle écologique, toute puissance du marché et de la techno science : lutter contre ces défis doit nous fraterniser. Jean Rostand écrivait « Nous sommes fraternisés par les périls communs. »
Nous avions commencé l’introduction de ces sept articles par une citation d’André Gorz « La violence c’est le négatif de la tendresse », c’est Emile Zola qui aura le dernier mot, lui aussi sur la tendresse :
« (…) Le rêve final sera de ramener tous les peuples à l’universelle fraternité, de les sauver tous le plus possible de la commune douleur, de les noyer tous dans une commune tendresse. »