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 VIOLENCES : les clarifications ( I )

 

 Parmi les ouvrages qui  ont contribué à inspirer ces deux  premières parties (clarifications, classifications) nous soulignerons surtout :

-Pour sortir de la violence, Jacques Sémelin, les éditions ouvrières, 1983.
– Entretien dans « Alternatives non-violentes », Johan Galtung , n°34,1979. 
– Agressivité et combativité, Denise Van Caneghem, puf, 1978.
-Violence et pouvoir, François Stirn, Hatier, 1978.
-La non-violence, François Vaillant, cerf ,1991.
-Stratégie de l’action non-violente, Jean-Marie Muller, Seuil, 1981.

-et bien sûr la remarquable revue « Alternatives non-violentes », en particulier le numéro 38 sur les « violences banales » (septembre 1980).

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Pour ce travail préalable et nécessaire de clarification nous distinguerons

 la notion  de violences d’autres notions  proches (A),

 puis nous essaierons de repérer des éléments relatifs au contenu de cette notion  de violences (B).

 

 

A- Violences et clarifications avec d’autres notions proches

Peut-être comprendrons-nous mieux les violences et la non-violence en liens avec les conflits (2)

cela en analysant d’abord des notions proches (1)

 

 

1-Confrontation, conflit, agressivité, combativité et violences

a ) La confrontation

Quel est son contenu ? Les relations entre personnes, entre collectivités sont faites, pour une part plus ou moins importante, de confrontations, c’est-à-dire de mises en présence et de comparaisons. On confronte des valeurs, des besoins, des intérêts, des pouvoirs, des idées, des textes… cela à travers des individus et des collectivités. Qu’est-ce qu’une confrontation positive ? Cette confrontation suppose l’affirmation de soi, en tant que personne ou que collectivité, et aussi un respect à travers un certain dialogue. « Il n’y a pas deux personnes qui ne s’entendent pas, il y a seulement deux personnes qui n’ont pas discuté »dit un proverbe africain. Mais qu’est-ce donc qu’une confrontation négative ? Lorsque la confrontation débouche sur un sentiment de concurrence ou de non reconnaissance ou de mépris, alors une situation peut devenir conflictuelle. Les concurrences, les non reconnaissances et les mépris étant omniprésents dans nos sociétés productivistes, les conflits sont, eux aussi, omniprésents.

b ) Le conflit

Quelle est la place du conflit ? Certains pensent que le conflit est une des « lois de la vie »,  « le libre jeu du conflit c’est l’antidote de la guerre, la guerre c’est la loi de la mort » écrivait Odette Thibault (« Non à la guerre disent-elles », éditions Chronique sociale,1982). La guerre d’une certaine façon c’est le refus du conflit, on pense que, pour supprimer le conflit, il faut supprimer celui que je déclare être mon ennemi.(Pierre Desproges écrivait à ce sujet : « L’ennemi est bête, il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui !) La place du conflit est donc essentielle dans les relations entre personnes, entre personnes et collectivités, entre collectivités.

 Mais le conflit peut-il être facteur de changement ? Dans le conflit l’autre (une personne, une collectivité), si on le perçoit comme tel et si on l’accepte comme tel, pose souvent une ou des questions de plus. La maitrise des peurs personnelles et/ou collectives est ici très importante. C’est à travers le conflit que va se jouer une certaine transformation personnelle et/ou collective. 

Quels sont donc les mauvais moyens de règlement des conflits ? Le plus souvent on ne sait pas régler nos conflits. Soit on utilise la violence d’oppression en imposant sa loi, soit on accepte la violence de soumission en renonçant à ce que l’on juge être essentiel. 

Quel serait le moyen le plus porteur pour régler un conflit ? Lanza del Vasto (« Technique de la non-violence », Denoël, 1971 ; Gallimard, 1988) écrivait « Face au conflit cinq attitudes sont possibles : la neutralité, la bagarre, la fuite, la capitulation, la non-violence.» En ce sens l’attitude la plus porteuse serait celle d’une résolution non-violente des conflits (voir par exemple l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits(IRNC).Ne faudrait-il pas arriver à ce que toutes les parties au conflit trouvent, ensemble, dans la confrontation des idées  et dans le respect des personnes, des solutions justes ?

c ) L’agressivité, la combativité

Existe-t-il une différence entre les deux ? Jacques Sémelin écrit (dans l’ouvrage souvent cité ici : « Pour sortir de la violence », les éditions ouvrières, 1983) « Le langage courant réserve deux sens bien distincts au mot agressivité : une agressivité-affirmation de soi, synonyme de vitalité, d’énergie, de force et pas nécessairement de violence; et une agressivité-animosité synonyme d’antipathie, de malveillance, d’irrespect, de cruauté, voire de haine. » Denise Van Caneghem exprime aussi cette différence (« Agressivité et combativité », puf, 1978) : « Nous proposons d’appeler combativité l’ensemble des combats adaptatifs pour l’individu et son espèce. La combativité est tout ce qui témoigne d’une parole circulante ou en gestation, liée à l’amour de la vie. La combativité est un moyen au service des « besoins fondamentaux » (faim, sexualité…) dont dépend la survie de l’espèce. Je réserve le mot agressivité à toutes les formes de destructivité liées à l’amour de la mort et qui, objectivement, accroissent la solitude, la peur de l’autre et de soi. L’agressivité apparaît comme un sous-produit, un déchet d’une combativité coupée de ses inhibiteurs, de ses freins naturels et surtout de toute possibilité de ritualisation. L’agressivité est une fin en soi évoluant vers la destructivité. » Bref : ne pourrions-nous pas affirmer qu’ il s’agit de maitriser son agressivité-animosité et de la transformer en combativité, synonyme de vitalité ?

 

 

2-Violences, non-violence et règlement des conflits

a ) Violences et règlement des conflits

Comment la violence se rattache-t-elle au règlement des conflits ? On peut penser qu’un conflit non géré ou un conflit mal géré peut donner lieu à des affrontements violents. C’est la violence d’oppression ou la violence de soumission. Autrement dit, et c’est une définition classique des non-violents, la violence est un dérèglement du conflit. Jean-Marie Muller écrit (« Stratégie de l’action non-violente », Seuil, 1981) « La violence enraye le fonctionnement du conflit et ne lui permet pas de remplir sa fonction qui est d’établir la justice entre les adversaires. (…) Le conflit risque alors de ne plus être le moyen de rechercher une solution juste mais l’élimination de l’adversaire.»

b ) Non-violence et règlement des conflits

Quelles sont les forces du règlement non-violent ? Il en existe au moins deux : la force de la justice et, moins connue, la valorisation de l’objet du conflit.
La force de la justice doit inspirer un compromis, c’est-à-dire une avancée tenant compte de l’essentiel des positions en présence et faisant appel à l’imagination, une synthèse porteuse entre les parties au conflit. La compromission doit être refusée, elle peut-être « enceinte » d’une violence. Schématiquement on peut dire qu’il faut alors refuser l’injustice et choisir l’affrontement non-violent.
La valorisation de l’objet du conflit est primordiale, en quoi consiste-elle ? Jacques Sémelin l’explique ainsi « Dans la non-violence il y a une décontamination mimétique du conflit de personnes pour tenter de limiter celui-ci à la question du partage ou de la possession de l’objet. Cette valorisation de l’objet du conflit est une façon de se le réapproprier et d’agir de façon non-violente pour sa résolution. »

 

 

B-Violences et clarifications d’éléments contenus dans cette notion

La violence n’a-t-elle pas quelque chose à voir avec la force, la contrainte ? (1)

 N’est-elle pas liée à l’ordre, au désordre ? Pour qui, pour quoi, et à travers quels moyens ? (2).

 

1- Force, emploi de moyens exerçant une contrainte et violences

a ) Force et violences

La violence est-elle liée à toute force ou seulement à une force ayant atteint un certain degré ? Mais à partir de quand y-a-t-il un excès de la force ?
N’y aurait-il pas violence lorsque des acteurs (personnes et/ou collectivités), à des degrés variables, par la force, portent atteinte à d’autres acteurs, sur les plans physique, moral, matériel ou culturel ?

b ) Contrainte et violences

Ainsi, comme l’écrit François Stirn (Violence et pouvoir, Hatier, 1978) « La violence consiste dans un emploi de la force pour contraindre l’autre, nier son autonomie, ou son intégrité physique, ou même parfois sa vie. (…) Elle peut donc être définie par l’emploi de moyens portant atteinte à la liberté ou à l’existence d’individus ou de groupes (…). »
Les violences évoquent la force mais aussi l’ordre, le désordre et les moyens qui y sont liés.

 

2- Ordre, désordre et violences

a ) Ordre établi, refus de cet ordre

Les violences peuvent avoir ici deux aspects : les unes sont synonymes de tel ou tel ordre établi que l’on construit et/ou que l’on défend, les autres sont synonymes de refus face à cet ordre établi, ordre que l’on combat.

b ) L’étendue et le contenu d’un ordre

 Un des critères les plus opérationnels est celui de l’étendue du lieu, on peut ainsi distinguer les ordres locaux, nationaux, continentaux, mondiaux. On peut compléter ce critère par les domaines, on examine  ainsi par exemple l’ordre commercial international.

Un ordre peut se juger sur son contenu, c’est à dire sur les libertés, les égalités, la paix, la protection de l’environnement. Est-ce que telle ou telle situation dans tel lieu est porteuse  un peu,  moyennement, beaucoup ou pas du tout de ces quatre grands critères ? Par exemple quelles sont les égalités et les inégalités en ce lieu ? Cet ordre est-il juste ou injuste ?

 

c ) Les moyens de refus ou de défense d’un ordre et les violences

 Si l’on refuse un ordre injuste une question qui se pose est celle des moyens que l’on veut employer pour le remettre en cause, s’agit-il  de  moyens légaux (élections, adoptions de nouvelles  lois…), de  moyens non-violents (non-coopération).Certains ont même  mis en œuvre  des luttes armées, ainsi par exemple des mouvements de libération. 
Si l’on veut défendre un ordre juste la même question se pose donc par rapport à la nature des moyens employés.

 

Remarques terminales

1-Telles sont ces quelques clarifications relatives aux violences. Si l’on devait retenir un seul élément fondamental lequel serait-il ?

Une des notions essentielle est  celle de conflit, plus ou moins présent entre  personnes, entre personnes et collectivités, entre collectivités. Le conflit peut-être facteur de changement, c’est à travers lui que vont se jouer des transformations personnelles et collectives.

 Malheureusement le plus souvent on ne sait pas régler les conflits. Soit on utilise la violence d’oppression en imposant sa loi, soit on accepte la violence de soumission en renonçant à ce que l’on juge être essentiel.

 En ce sens une  3ème attitude la plus porteuse est  celle d’une résolution non-violente des conflits (voir par exemple l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits(IRNC).Or une des choses les plus importantes de la vie, régler les conflits, on ne nous l’a pas apprise. Il devrait y avoir,  de la maternelle à l’université et dans tous les lieux de vie, des théories et des pratiques de règlement non-violent des conflits, à ce jour  quand cela existe c’est une exception. Ne faudrait-il pas arriver ainsi  à ce que toutes les parties au conflit trouvent, ensemble, dans la confrontation des idées  et dans le respect des personnes, des solutions justes? Confrontation, respect, justice sont ici des maitres mots.

 

2-Quelles sont donc les classifications des violences ?  (VOIR  II )