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au trésor des souffles

Environnement III

Sommes-nous fraternisés par les périls communs?

  Sommes-nous fraternisés par les périls écologiques ?

 

En exergue une citation sur le péril atomique ne pourrait-elle pas être la même  pour le péril écologique ?

« En face du péril atomique  qui ne ressemble à aucun autre, qui est incommensurable à tout autre, de ce péril qui, par son amplitude, impose à l’espèce tout entière de nouvelles façons de penser et d’agir, en face de ce péril dont il est honorable autant que raisonnable d’avoir peur, il ne devrait plus y avoir ni pays, ni continent, ni monde libre ou pas libre, mais rien que des hommes, citoyens de la planète, tous mêlés, confondus, fraternisés par une égale menace. »

(Jean Rostand, Quelques  discours, éditions club humaniste, 1970 p : 15, cet auteur était écrivain, biologiste et ardent pourfendeur des armes nucléaires. )

Nous constaterons  qu’en ce qui concerne le péril écologique si la menace n’est pas « égale » à court et moyen termes puisqu’elle touche d’abord les populations les plus pauvres de la planète, la menace devient de plus en plus  « égale »  puisqu’elle atteint de plus en plus vite  l’ensemble  du vivant, humain et non humain, et que, très probablement, aucun ilot de préservation écologique ne pourra être sauvegardé dans un océan de débâcle écologique.

Introduction

 

1-Les vécus face aux situations apocalyptiques.

 Les réalités  sont là pour nous montrer que , dans les situations écologiques dramatiques, des solidarités locales, nationales  et internationales se mettent  en place,  cela de façon dérisoire  ou plus importante , ainsi dans de terribles  inondations, tsunamis , incendies, cyclones et tremblements de terre…

Il serait cependant erroné d’avoir une vue idyllique des effets de ces périls qui rapprocheraient massivement et automatiquement l’ensemble des citoyen(ne)s du monde.

 On constate en  effet aussi lors de ces catastrophes des silences, des accusations de boucs émissaires, des absences de solidarités, des pillages, des refus d’accueil de déplacés environnementaux en situation dramatique, des inégalités criantes,  des budgets de protection de l’environnement et d’assistance écologique  scandaleusement et dramatiquement dérisoires face aux catastrophes…

 

2-Ouvrages, films, jeux vidéo  et périls écologiques.

-Cette question des rapports de la fraternité  avec des formes d’apocalypses, ou bien  avec « La »  fin du monde elle-même, fait l’objet de nombreux ouvrages,  films et jeux  vidéos Ainsi les « films catastrophes » ou de « fins du monde » sont de plus en plus nombreux, ils se manifestent souvent sous une forme écologique aux causes internes à notre planète,  par exemple une inexorable montée des eaux, de gigantesques tremblements de terre  ou aux causes externes, sous la forme par exemple d’un astéroïde exterminateur.

Dans l’ouvrage  le film ou le jeu vidéo on se situe  soit plus ou moins longtemps avant ces apocalypses ou cette fin du monde, soit juste avant, soit quelque temps après.

 On constate qu’une  situation  est souvent celle d’un amour  essayant de vivre  au milieu de situations conflictuelles extrêmes de groupes ou de survivants qui s’entretuent.

On constate aussi que s’organisent des solidarités avant, pendant ou après la catastrophe.

 

3-Qu’entendre  par périls communs?

Il s’agit des  drames et des menaces qui s’étendent sur l’ensemble du vivant. Existent aujourd’hui quatre séries de périls communs, lesquels ?

La  débâcle écologique qui est profonde, multiforme, rapide (réchauffement climatique, effondrement de la  biodiversité  , épidémies …).Nous choisissons ici de titrer sur elle parce qu’elle nous parait déjà de type apocalyptique ce qui ne veut pas dire que la question posée sur la fraternité n’est pas elle aussi essentielle pour les autres périls. Plusieurs périls  interviennent d’ailleurs ensemble.  Les autres périls s’appellent :

Les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques) dont les effets sanitaires et environnementaux peuvent être incommensurables.

 Les inégalités criantes  : sanitaires, alimentaires, environnementales, financières, économiques, culturelles…

 Enfin  la techno science et les marchés financiers qui ont pris en grande partie  la place des conducteurs (Etats, entreprises) et sont de moins en moins contrôlés par  les êtres humains. Nous analyserons certes les drames et les menaces écologiques mais  nous ne pouvons cependant passer sous silence leurs rapports avec les autres périls communs relatifs à la  justice, la paix et la démocratie.

 

 

 4-Qu’entendre par fraternités ?

  Par rapport aux acteurs il s’agit de fraternités entre personnes, groupes, populations,  peuples, générations.

Il s’agit aussi de fraternités entre des collectivités, ainsi entre des villages, des villes, des régions, des pays, des continents  et à l’échelle internationale. Ces fraternités doivent vivre  aux différents niveaux géographiques, du local au global en passant par les continents et les pays…

 Par rapport à leurs contenus les fraternités ont, entre autres, pour noms solidarités, coopérations, partages,  aides, concordes, soutiens, compassions, dialogues, réconciliations, dignités…D’une façon plus générale voilà des solidarités avant (à titre préventif) pendant (à titre d’assistance) et après les catastrophes (à titre  de  réparation autant que cela est possible.)

 

5-La question que nous proposons est une de celles au cœur des périls  écologiques.

(Sur ces périls voir en général « Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit, sous la direction de J.M. Lavieille, J.Bétaille,  M.Prieur , éditions Bruylant, 2012.)

Cette question  est donc relative aux rapports entre, d’une part, les drames et les menaces écologiques et, d’autre part, les fraternités. Elle renvoie à trois séries d’interrogations :

I- Fraternisés par les périls écologiques : quels fondements ?

II- Fraternisés par les périls écologiques : quels obstacles ?

III-Fraternisés par les périls écologiques : quels moyens ?

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I-Fraternisés par les périls écologiques : quels fondements ?

 

Face aux périls écologiques qu’est-ce qui peut fonder la fraternité ?

 Certainement des situations communes, encore faut-il comprendre la globalité et la  force  de ces réalités du  « commun » (A). La responsabilité devant les périls écologiques n’est-elle pas le second fondement de cette fraternité et, si oui, quelle responsabilité ? (B)

 

A-Ne sommes-nous pas fraternisés par « le commun » ?

Voilà donc le destin commun, les périls communs,  les fragilités communes, les projets  communs et les éléments de l’environnement appartenant au commun.

 

1-Le destin commun en appelle à la fraternité.

Dans l’immensité du temps la planète Terre, nous disent des scientifiques, disparaitra brûlée par le soleil  qui, avant de s’éteindre, détruira l’ensemble des planètes du système solaire.

Une espèce s’éteint en moyenne en 5 à 10 millions d’années, le genre homo a deux millions d’années, l’homo sapiens 200.000 ans, mais  nous avons très certainement utilisé  la plus grande partie de nos réserves environnementales, d’aucuns  pensent même que l’humanité s’éteindra un peu avant ou un peu après 2100.

Une certitude : les situations écologiques apocalyptiques vont se multiplier à moins d’une remise en cause gigantesque que, à ce jour, on ne voit pas arriver.

Notre destin commun est donc de faire face à des catastrophes qui vont s’étendre et en rapidité et en diversité  et en profondeur et en nombre sur la planète. Elles toucheront l’ensemble du vivant, humain et non humain.

Faire face signifie essayer de prévenir d’éviter des souffrances et essayer d’en soulager d’autres. Eviter tout ou partie de telle ou telle catastrophe, soulager tout ou partie de telle ou telle autre.

La question est, avec quelques différences, à peu près la même que celle posée par les effets d’une guerre nucléaire. A un certain degré de destruction  les survivants, en sortant de leurs abris anti atomiques , envieraient les morts.( Voir « Le froid et les ténèbres : le monde après une guerre atomique », Carl Sagan, Paul R. Ehrlich, éditions Belfond,1998.)

 

2- Les périls communs en appellent à la fraternité.

Etre frères n’est-ce pas  se rassembler contre des périls communs. Ils s’appellent  et s’appelleront très certainement débâcle écologique, armes de destruction massive, inégalités criantes, toute-puissance de la techno science et des marchés financiers. C’est être frères contre les périls communs eux-mêmes, c’est l’attitude non violente fondée sur le  respect des personnes et  les remises en cause de mécanismes anti fraternels. 

 

3-Les fragilités communes en appellent à la fraternité.

 Ce sont aussi les douleurs de la vie, une sorte de fraternité de la douleur, qui peuvent nous relier en étant à l’écoute des fragilités, celles des autres et les nôtres. Vont dans ce sens des religions, des cultures, des œuvres d’art, qui nous disent «  çà n’est pas un fardeau que tu portes c’est ton frère. »  Enfants en détresse et/ou en danger sur notre terre : un sur deux aujourd’hui et combien demain ?

Appelons en à deux philosophes illustrant ce côte à côte entre la fraternité et la fragilité.

Paul Ricœur (1913-2005) (« Soi-même comme un autre ») (« Le concept de responsabilité: Essai d’analyse sémantique ») distingue la morale fondée sur des normes, des obligations, et l’éthique fondée sur des actions estimées bonnes. L’éthique est au centre de la vie « avec et pour l’autre »,   c’est « l’aveu partagé de la fragilité et finalement de la mortalité ». 

Juridiquement  on doit réparer une faute ou subir une sanction à la suite d’une action, mais se développe aussi la responsabilité sans faute, la responsabilité pour autrui. Chacun serait responsable d’autres personnes dont il a la charge ou la garde en raison de leur vulnérabilité. L’homme est responsable du vulnérable, du fragile, du  faible . L’éthique médicale particulièrement est liée à la sollicitude, à la spontanéité bienveillante. « L’estime de l’autre comme soi-même correspond à l’estime de soi-même comme un autre. « 

 Emmanuel Lévinas (1906-1995) (« Totalité et infini ») (« Soi-même comme un autre ») distingue l’éthique c’est-à-dire « ce qui est estimé bon » de la morale « qui s’impose comme obligation. »

Il s’agit de dire « l’humain de l’homme » donc de proposer une éthique de l’éthique. Rencontrer l’autre c’est avoir une idée de l’infini. La responsabilité pose la primauté d’autrui, la figure d’autrui est synonyme de fragilité, elle en appelle à ma sollicitude, elle fonde ma liberté. Dès que son visage apparait il m’oblige, cette responsabilité s’impose à moi.

L’éthique n’est pas la recherche du perfectionnement personnel mais la  responsabilité à l’égard d’autrui. Autrui c’est d’abord un visage, il exige sollicitude, l’homme doit accepter d’être « le gardien de son frère. »La question essentielle est  « Qu’as-tu fait de ton frère? ».La réponse doit être donnée dans le face à face et aussi dans la cité des citoyens.

Levinas emprunte aux Frères Karamazov de Dostoïevski  la « devise »   : « Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les autres. ». « Vous connaissez ,  écrit-il, cette phrase de Dostoïevski : « Nous sommes tous responsables de tout devant tous et moi plus que tous les autres. ». Non pas à cause de telle ou telle culpabilité effectivement mienne, à cause des fautes que j’aurais commises, mais parce que je suis responsable d’une responsabilité totale, qui répond de tous les autres et de tout chez les autres, même de leur responsabilité.»

 

 

4-Les projets communs en appellent à la fraternité.

Et puis ne sommes-nous pas  aussi  fraternisés par les projets communs ?

 Etre frères c’est se rassembler à travers le temps pour préserver le bien commun et pour construire du commun  c’est-à-dire penser et mettre en oeuvre les biens communs  dans un accès universel, et  relier, dans l’espace et dans le temps, le proche et le lointain ?

Ces projets ne  sont-ils pas témoignages de fraternités s’ils répondent aux urgences, s’ils construisent des politiques à long terme et si les moyens mis en œuvre sont conformes aux fins proposées ?

 Un des grands défis n’est-il pas de  construire un monde viable   dans nos terroirs, le village, la ville, la  région, dans notre patrie,  le  pays, dans notre  matrie , le  continent, dans notre  foyer d’humanité et  du  vivant ,  la  Terre. Ces différents lieux de vie ne doivent-ils pas se reconnaitre, se protéger, se compléter, s’interpeller, se limiter et s’incliner les uns vers les autres ?

 

5-Les éléments communs de l’environnement en appellent à la fraternité.

Des théories et des pratiques ,  celle de Patrimoine commun de l’humanité, celle de biens communs, au-delà de leurs différences(conceptions de la propriété et de la responsabilité, des acteurs les mettant en œuvre, de leur étendue, de leur gestion…), ont probablement des points communs :

 mettre en avant des éléments qui,

en dépassant le quadrillage étatique,

en mettant des limites à la marchandisation du monde,

 en étant pensés sur le long terme,

voudraient   contribuer à préserver ce que l’humanité et la nature peuvent avoir d’essentiel.

(Voir Jessica Makowiak et Simon Jolivet (dir.), «  Les biens communs environnementaux : quel(s) statut(s) juridique(s) ? », Limoges : Presses universitaires de Limoges, 2017. Voir en particulier notre article  relatif à «La  Déclaration universelle du bien commun de l’humanité. »)

-Ainsi le patrimoine commun de l’humanité(PCH) reposera sur un anthropo-éco-centrisme, c’est-à-dire sur le fait que, pour l’exprimer simplement, la Terre dépend  des êtres humains et que les êtres humains  dépendent de la Terre.

 Ce PCH doit être démocratique, juste, écologique et pacifique. Ce sera une gestion synonyme de partage entre pays, entre peuples, entre générations présentes et futures, sans oublier le respect du PCH créé par les générations passées. Ce patrimoine se transmet pour les générations futures, et pour le vivant (faune, flore).

 Ce PCH reposera sur une gestion synonyme de limites établies au nom des responsabilités des êtres humains et du respect des êtres vivants. (Voir Hans Jonas, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. (de 1979, paru en France en 1991, Flammarion.)

 Le PCH prend et prendra différentes formes, outre les quatre qui suivent on peut en imaginer et en construire d’autres, on devra les articuler les unes aux autres pour renforcer la protection générale. A long terme ce devrait être là un contre-mécanisme très important contre le productivisme, il n’aura ni des logiques d’intérêts nationaux, ni des logiques de primauté du profit et d’une fuite en avant autodestructrice.

Le PCH au sens propre aujourd’hui  est celui d’éléments qui  appartiennent  juridiquement  à l’humanité. Il s’agit des fonds marins (« la Zone ») (Convention sur le droit de la mer du 10-12-1982, article 136), de la Lune et des autres corps célestes (Accord du 5-12-1979, article 11), du génome humain (Déclaration du 11-11-1997, article 1er).

Le PCH au sens large aujourd’hui est celui d’éléments constitués par des espaces internationalisés qui doivent être  explorés et exploités dans l’intérêt de l’humanité. Il s’agit de l’espace extra atmosphérique (Traité du 27-1-1967, article 1er§1), de l’Antarctique (Traité du 1-12-1959, préambule).

Le PCH au sens plus large aujourd’hui est celui d’éléments constitués par certains biens naturels et culturels ou mixtes, qui restent sous les souverainetés étatiques, mais qui nécessitent d’être protégés dans l’intérêt de l’humanité parce qu’ils présentent un intérêt exceptionnel.  (Conclue dans le cadre de l’UNESCO, c’est la Convention sur le patrimoine mondial, 16-11-1972).

On peut légitimement soutenir qu’il faudrait rajouter ici une quatrième série d’éléments :

Le PCH au sens très large comprendrait les ressources biologiques ,que les Etats ont certes le droit souverain d’exploiter (article 3 de la Convention sur la diversité biologique du 5-6-1992), mais les Etats seraient contrôlés (interdictions possibles) par une autorité internationale, gardienne de ce patrimoine naturel mondial, par exemple la future Organisation mondiale de l’environnement(OME),celle-ci interviendrait alors au nom de la nature et au nom des générations futures(protocole à la Convention sur la biodiversité, et compétence à prévoir pour l’OME).

 

 -Ainsi cet intérêt commun de l’humanité est lié aussi à des biens communs. 

Ils sont qualifiés d’ « indispensables pour la vie collective des individus et des peuples » par le projet de « Déclaration universelle du bien commun de l’humanité » (Forum mondial des alternatives, 2012), il est affirmé qu’il s’agit « de l’alimentation, de l’habitat, de la santé, de l’éducation et des communications matérielles et immatérielles. »

Il faut donc « garantir l’accès aux biens communs et à une protection sociale universelle ». Cette déclaration conçoit plus globalement le « Bien commun de l’humanité comme possibilité, capacité et responsabilité de produire et de reproduire la vie de la planète et l´existence physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains à travers le monde.»

Quelles sont les critiques faites à cette dernière conception ?

 La critique est double : c’est celle très réactive des souverainetés étatiques qui verront dans cette entreprise une forme de dépossession,

c’est celle du productivisme qui ne peut accepter de remettre en cause des logiques d’exploitation sans limites de la Terre.

 Que penser de ces critiques ?

Face  aux souverainetés irréductibles, une solidarité mondiale doit avoir le droit du dernier mot, cette avancée sera d’autant plus nécessaire que la débâcle écologique s’aggravera.

 Face au productivisme, condamnable et condamné,  un système  viable pour l’ensemble du vivant (humain, et non humain) doit voir le jour. N’est-ce pas aussi une question de responsabilité ?

 

B-Ne  sommes-nous  pas responsables devant les périls écologiques ?

La pensée de Hans Jonas n’est-elle pas  ici essentielle ?(1). De même que les analyses de nombreux auteurs contemporains ?(2).Nous soulignerons enfin une responsabilité particulière contenue déjà dans les deux développements précédents, celle que l’on peut  qualifier de transgénérationnelle(3).

 

 1-« Le principe responsabilité. »

« Le principe responsabilité » de Hans Jonas en 1979 marque la pensée environnementale, cet ouvrage contribue à fonder une « éthique pour la civilisation technologique ».

 Il s’agit donc de la pensée de Hans Jonas (1903-1993) ( « Le Principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique ». Parution allemande en 1979, traduction française  chez Flammarion, Champs, 1990 ). Et avec une traduction et une présentation de Jean Greisch , aux éditions Le Cerf, 1990.)Voir aussi sur Hans Jonas l’article de Jean Greisch, » L’amour du monde et le principe responsabilité », dans l’ouvrage précité  « La responsabilité. », Editions Autrement ,. Série Morales n°14, janvier 1994).

 Cette philosophie s’exprime en quelques  idées essentielles.

  –  La civilisation technologique menace l’humanité, une éthique nouvelle doit voir le jour.

  Jean Rostand écrivait « Tous les espoirs sont permis à l’homme même celui de disparaitre ». Jonas pense que doit être détruite toute technologie qui comporte le risque de détruire l’humanité .C’est l’humanité qui est l’objet de la responsabilité.

 « Nulle éthique antérieure n’avait à prendre en considération la condition globale de la vie humaine et l’avenir lointain et l’existence de l’espèce elle-même […]. Personne n’était tenu responsable pour les effets ultérieurs non voulus de son acte bien intentionné, bien réfléchi, et bien exécuté. […] Tout cela s’est transformé de manière décisive. La technique moderne a introduit des actions d’un ordre de grandeur tellement nouveau, avec des objets tellement inédits, et des conséquences tellement inédites, que le cadre de l’éthique antérieure ne peut plus les contenir. »        

 -La peur doit pousser  à agir, la responsabilité est  le  principe  vital .

 Hans Jonas  insiste sur la peur  qui favorise la responsabilité. Non pas la peur paralysante  mais celle qui pousse à agir. On mesure  et on connait les risques, la peur devient alors  une force.

La responsabilité est une vertu mais c’est surtout un principe. C’est le fondement d’une nouvelle conception   éthique .

Le problème le plus crucial pour la civilisation technologique, c’est de savoir comment agir sans compromettre « la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. »

 « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie »

 

 -La responsabilité nous engage vis-à-vis de tout homme, de tout lointain dans le temps et également  par rapport à  l’ensemble de   l’environnement . 

 La responsabilité n’intéresse plus aujourd’hui le seul prochain immédiat, mais tout prochain et même tout objet : elle embrasse « l’environnement », entendu comme la totalité de ce qui est.

On retrouve ce point commun avec d’autres philosophies qui est relatif à la fragilité, la vulnérabilité. Autrui me regarde, il m’assigne à responsabilité.

 

– L’humanité est fragile, vulnérable, nous sommes responsables de son futur.

Hans Jonas écrit « Le fait que depuis peu la responsabilité s’étende au-delà jusque à l’état de la biosphère et de la survie future de l’espèce humaine, est simplement donné avec l’extension du pouvoir sur ces choses, qui est en premier lieu un pouvoir de destruction. Le pouvoir et le danger dévoilent une obligation qui, par la solidarité avec le reste, une solidarité soustraite au choix, s’étend de l’être propre à l’être en général, sans même un consentement particulier. »

Notre responsabilité est engagée vis à vie des générations passées, présentes, futures  et par rapport à l’ensemble du vivant.

 La philosophie de Hans Jonas est proche, globalement ou sur certains points,  de celles de certains auteurs que nous allons  évoquer…  et réciproquement leurs pensées sont souvent proches, globalement ou sur certains points ,  de celle de l’auteur du « Principe responsabilité.»

 

 2-Les responsabilités selon des auteurs contemporains qui remettent en cause le productivisme.

 Nous constatons que des philosophes, des économistes, des sociologues, des anthropologues et d’autres auteurs analysent de façon radicale le système qu’ils qualifient selon les cas de capitaliste, de  néo libéral, de  technoscientiste, ou  de productiviste, système  qui a étendu son emprise sur la Terre.

Chaque auteur le fait dans la cadre de sa pensée générale  et en insistant sur tel et tel élément  mais ce point commun saute aux yeux.

  Nombreux ont été ces auteurs, ainsi   Claude Levi Strauss, Jacques Ellul, Ivan Illich, Guy Debord , Bernard Charbonneau, Edgar Morin, Herbert Marcuse, André Gorz, Cornelius Castoriadis , François Partant, René Dumont, Théodore Monod, Jean Rostand, Kostas Axelos,  Paul Virilio, Serge Latouche…

 

 -Un choix vital face au système mondial : la détermination de limites des activités humaines.

  Deux idées fortes, entre autres, sont présentes dans leurs écrits :

d’une part  le système productiviste est lancé dans une course en avant autodestructrice, il faut donc être en rupture globale avec ce système,

 d’autre part une croissance illimitée sur une planète limitée nous amène vers une gigantesque collision entre l’environnement et les activités humaines, il faut donc « retrouver le sens de la limite » (expression de l’introduction de l’ouvrage « Radicalité,20 penseurs vraiment critiques »collection Frankenstein,2013).

 

 – Les logiques autodestructrices  de la fuite en avant.

Ces logiques s’appellent : la recherche effrénée du profit, la course à la marchandisation du monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions humanicides et terricides, la croissance sacro-sainte, la vitesse facteur de répartition de richesses et de pouvoirs, la dictature du court terme, le vertige de la puissance, la compétition élevée au rang d’impératif naturel de nos sociétés, l’accélération d’un système porteur d’une crise du temps.

Et puis, à travers une explosion démographique mondiale qui continue, cette fuite en avant est aussi celle d’une machine à gagner fonctionnant comme une lame qui met d’un côté ceux et celles dont les besoins fondamentaux sont plus ou moins satisfaits et de l’autre ceux et celles, de très loin les plus nombreux, dont les besoins fondamentaux restent criants.

  – Des dénis, des mensonges et des silences accompagnent cette fuite en avant.

Il n’est pas étonnant que cette fuite en avant s’accompagne de nombreux dénis personnels et collectifs de la réalité : on pense que la catastrophe ne se produira pas ou qu’on y échappera. (Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Le Seuil, 2002.)

  Il n’est pas étonnant non plus que cette fuite en avant s’accompagne de silences et de mensonges sur les effets, sur les causes de telle ou telle catastrophe écologique, ou même sur l’existence de certaines d’entre elles que l’on espère garder dans les secrets de la planète et qui peuvent constituer autant de bombes à retardement.

 

  – Pour une pédagogie  de dénonciation des impasses.

Face à cette fuite en avant doivent exister des limites nécessaires, voila donc une pédagogie des impasses.

  Jacques Ellul demandait avec force : « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites ? »216 (J. Ellul, Le Bluff technologique, Hachette, 1988)

Ivan Illich insistait sur le fait que la crise obligera l’homme à « choisir entre la croissance  indéfinie et l’acceptation de bornes  multidimensionnelles. »

Cornelius Castoriadis en  appelait à  nous défaire des « fantasmes de l’expansion illimitée.» ( voir  C. Castoriadis, La Montée de l’insignifiance, les carrefours du labyrinthe (IV), Seuil, 1996 ;

Edgar Morin en appelle « à fédérer les voies de la réforme de l’éducation, de l’écologie, de la politique, de l’économie. Une utopie concrète à l’horizon de nos actions s’impose comme une urgence indispensable. » (La Voie. Pour l’avenir de l’humanité. Editions Pluriel ,2016)

Voir également : A. Gorz, Écologica , Galilée, 2008 ;  S. Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004 ; et ceux plus haut cités, tous des défricheurs de la pensée.

On peut bien sûr constater  que ces  auteurs ,  à travers leurs critiques radicales du système productiviste, se tournent aussi  vers des alternatives. Penser et mettre en œuvre ces alternatives voilà qui se rattache à de nouvelles politiques écologiquement et socialement responsables.

 

-Pour une pédagogie des catastrophes.

 On peut penser que cette rencontre entre les êtres humains et la catastrophe  pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici entre autres ce que l’on appelle « la pédagogie des catastrophes. »

(Voir notre article « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. » in « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011.)

 Mais la catastrophe n’est pas vertueuse en elle-même, elle est avant tout porteuse de souffrances et après les  catastrophes on  tire un peu, beaucoup ou… pas du tout de véritables leçons, celles qui doivent aller jusqu’aux remises en cause des mécanismes  profonds qui sont aux origines de ces catastrophes.

3-La responsabilité et la fraternité  transgénérationnelles.

(Voir notre article « La fraternité est-elle transgénérationnelle ? » )

 

-Qu’en est-il du long terme dans la fraternité transgénérationnelle ?

 Il implique une acceptation de se situer dans le temps. Lorsque Hans Jonas écrit  « agis de telle sorte que tes actions soient compatibles avec la permanence d’une vie  authentiquement humaine sur terre »il y a bien l’idée que nos remises en cause présentes peuvent être porteuses d’une fraternité dont nous ne verrons pas les effets.

 La fraternité du long terme n’appelle-t-elle pas aussi à essayer de changer notre rapport à la mort ? L’idée  de consentir à quelque chose qui nous précède et qui va nous succéder n’est-ce pas une façon d’accepter sa propre finitude ?Est-ce que cette forme de fraternité ne nous invite pas à essayer de  changer également notre rapport à la  paix, au pouvoir, à la violence ? Nous ne disons pas aux générations futures « votre mort c’est notre vie. Ta mort  c’est ma vie » qui est le cri  de la guerre, mais nous leur disons « Votre vie c’est notre vie. Ta vie c’est ma vie. » (Sur ces analyses voir l’ouvrage remarquable de Jacques Semelin « Pour sortir de la violence », Editions ouvrières ,1983.)

-La  fraternité transgénérationnelle

 Elle se traduit par  les principes de solidarité et de responsabilité trans générationnelle et intra générationnelle. Il appartient à l’humanité de les créer, de les maintenir et de les développer.

 -La spécificité de ce principe repose sur  la non-discrimination transgénérationnelle, inscrite dans le projet de Déclaration universelle des droits de l’humanité de 2015. « Les générations présentes ne devraient entreprendre aucune activité ni prendre aucune mesure qui auraient pour effet de provoquer ou de perpétuer une forme de discrimination pour les générations futures », cela au sens bien sûr des Pactes internationaux des droits de l’homme de 1966, mais aussi au sens des droits-solidarités en particulier à la paix et à l’environnement.

Cette spécificité du principe repose ensuite sur la protection de l’environnement et de la santé. D’abord environnement et santé, y compris pour les générations futures, sont liés comme l’affirme la CIJ en 1997, ensuite comme l’exigent quelques conventions,« chaque génération humaine  a le devoir de faire en sorte que  le legs des ressources de la terre soit préservé et qu’il en soit fait usage avec prudence ». Enfin, plus globalement, l’impératif de la protection de  l’environnement repose sur la vie  de l’humanité et de l’ensemble du vivant,  donc sur la fraternité dans ses dimensions universelle et temporelle. 

 –Non seulement ce principe a une certaine spécificité  mais  ses interdépendances existent avec d’autres principes qui , eux aussi, se « transgénérationnalisent ». Ainsi le principe des responsabilités des générations présentes envers les générations futures, consacré dans la Déclaration de l’UNESCO de 1997,le principe de  solidarité par exemple sous la forme de l’assistance écologique qui est un devoir de la communauté internationale consacré par la Déclaration de Rio de 1992 , le principe de non régression selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante ,  le principe de dignité de l’humanité qui implique la satisfaction des besoins fondamentaux ainsi que la protection des droits intangibles.

A cela s’ajoute la proximité du principe de fraternité transgénérationnelle avec un concept  transgénérationnel  qui exige que des limites soient fixées aux activités humaines , concept qui est à  base d’ autolimitation et de contrainte, concept sur lequel se greffent les principes de précaution, de sobriété, de coopération, de non-régression  et d’autres à venir.


Ainsi sont les fondements essentiels de la fraternité devant les périls écologiques :  des   communs et des  responsabilités.

Mais de nombreux obstacles existent, lesquels ?

Fraternisés par les périls  écologiques : quels obstacles ? (II)

Bernard Clavel écrivait « Je ne vois pas comment la fraternité peut se développer sous des cieux où la justice est faussée par la soif de richesse, l’appétit de gloire ou l’ivresse du pouvoir.»

De nombreux  obstacles entravent à des degrés divers les fraternisations face aux périls   communs.

Ils  sont généraux (A), il  existe aussi un obstacle  qui est  particulier (B).

 

A-Les obstacles généraux face aux fraternisations devant les périls écologiques.

Ces obstacles tiennent aux périls écologiques eux-mêmes (1) et à certaines logiques du système mondial (2).

 

1-La rapidité et les interactions des périls écologiques, obstacles aux fraternités.

Le réchauffement  climatique et l’effondrement de la diversité biologique s’accélèrent, ils sont encore plus rapides que ne le pensaient  souvent nombre d’experts.

 Et les interactions entre les éléments de l’environnement se multiplient.

Ces deux facteurs peuvent entrainer impuissance, indifférence et sidération.

Ces deux facteurs peuvent contribuer  à un sentiment d’impuissance, à un « ce que l’on fait ou rien c’est pareil » ce qui ne favorise guère des solidarités. Ce sentiment d’impuissance, au niveau personnel et/ou collectif, pourra  être  vécu de plusieurs façons : le nombre d’acteurs favorables au productivisme peut décourager, les montagnes des habitudes personnelles et collectives sont  trop difficiles à soulever, le fait que « le local » bouge parfois mais que « le global » semble immobile, enfin les interactions entre les atteintes sont très nombreuses, interactions dans chacun des grands domaines d’activités, par exemple pour l’environnement entre le réchauffement climatique et l’extinction des espèces, et interactions entre les domaines d’activités, par exemple entre les atteintes à l’environnement et la paix, entre les injustices  et l’environnement.

 Ces deux facteurs peuvent être accompagnés  au niveau personnel et /ou collectif, d’une indifférence dans la mesure où l’on n’est pas encore touché. Elle prend différentes formes qui peuvent s’additionner : mauvaise ou sous-information, insouciance de la prévention, manque de vigilance, lâcheté et passivité devant des injustices, acceptation parfois aveugle du pouvoir et de l’argent, fuite en avant,  absence de courage… habitudes qu’on ne peut plus et ne veut plus faire bouger .« Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes » écrivait un pasteur protestant, Martin Niemoller , envoyé en camp de concentration,  Einstein lui-même soulignait que le monde est dangereux à vivre par ceux qui font le mal et par ceux qui regardent et laissent faire. Rainer Maria Rilke, dans son poème « Heure grave», nous interpellait : « Qui meurt quelque part dans le monde, /Sans raison meurt dans le monde ,  /Me regarde. »

-Cette rapidité des catastrophes écologiques et des interactions peut provoquer de nombreuses sidérations personnelles et collectives. Face à des situations de  débâcle écologique on peut être frappé de paralysie, de tétanie, sans réactions et  cela pour un temps très variable,  que l’on se trouve dans la zone d’impact ou de destruction. Les comportements instinctifs sont ceux de sidération et de fuite panique, de lutte instinctive .Viennent ensuite   les comportements acquis qui seront ceux de d’évacuation, de la mise à l’abri, de recherche de proches et  de  secours que l’on appelle ou  auxquels on participe parfois dans un premier temps si on en a la force.

 

 2-Des logiques du productivisme, obstacles aux fraternités.

Ces logiques, le plus souvent, ne vont pas dans le sens de coopérations, de solidarités, de fraternités.

La compétition économique. John Galbraith, économiste américain, dans « Le nouvel Etat industriel »(1967), montre en particulier que beaucoup de guerres ont été et sont liées au contrôle des matières premières, ainsi par exemple le pétrole. Ces guerres sont « des formes extrêmes de la concurrence industrielle ». Cet auteur dénonce la production de guerre comme étant « un gaspillage nécessaire qui permet la justification des dépenses d’armements et la poursuite de la course au profit ». La compétition peut être un des ressorts du nationalisme lequel en appelle à la domination sur d’autres pays voire  à la haine d’autres peuples.

De façon plus globale le Club de Lisbonne, animé par Riccardo Petrella, dans « Les limites à la compétitivité »(2005), dénonce « l’évangile de la compétition », mais « la bonne nouvelle » n’existe que pour les gagnants, la machine à gagner devient de plus en plus une machine à exclure, elle est donc productrice de violences.

On retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de loin les plus nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui pensent que la compétition est naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire , et ceux et celles (moins nombreux, mais quelque chose de minoritaire n’est pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui pensent que la compétition est un produit de l’histoire, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que les solidarités et les coopérations peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui s’appellent la débâcle écologique, les armes de destruction massive, les inégalités criantes, la techno science et les marchés financiers non remis à leurs places.

Ainsi la recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers, de financiarisation du monde, avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques tournées vers eux-mêmes.

L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité, le sens de l’autre n’est pas son premier  souci.

Le culte de la croissance synonyme du « toujours plus », de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, sociaux, environnementaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains. Croissance qui va  reculer, se tasser, être en berne, mais qui  va revenir,  repartir, rebondir  et qu’il faut soutenir,  favoriser ,  éternel refrain de la  relance … Sainte croissance protégez-nous d’abord  !

 La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des bientôt huit milliards d’  habitants de notre planète.

La domination sur la nature synonyme d’ objet au service des êtres humains, ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables. Certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).Peu importe les effets collatéraux pires que le mal.

La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter.

La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés viables, soit ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.

L’accélération synonyme de course omniprésente  à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, une des hypothèses les plus probables étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant ».(Voir par exemple Harmut  Rosa « Accélération », La Découverte, 2010.)

 L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des collectivités et des individus plus lents ?

L’obstacle qui suit  est plus directement et plus spécifiquement contraire à la fraternité.

 

 

B-Un obstacle particulier : la fabrication de l’adversaire et de l’ennemi.

Deux contextes ne facilitent guère les fraternités(1). Des fabrications de boucs émissaires, d’ennemis  peuvent se développer(2). Mais  ne faut-il pas se demander quel  est le véritable ennemi, n’est-ce pas le système mondial autodestructeur ? (3) 

 

1-Des contextes de compétition et de militarisation.

 La compétition est synonyme, nous répète-t-on, d’ « impératif naturel de nos sociétés ». Elle alimente les logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques. Elle est omniprésente, omnisciente, omnipotente dans le système productiviste. La logique de la compétition  est élevée au rang « d’impératif naturel » de la société. Elle est au dessus  du « vivre ensemble » et au dessus du « bien commun ». « Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les  perdants. « Malheur aux faibles et aux exclus » écrivait Riccardo Petrella dans son  article sur « L’Evangile de la compétitivité » (Le Monde diplomatique, septembre 1991.) «  Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences  de la machine économique » écrivait également André Gorz ( Ecologica , éditions Galilée, 2008.L’ouvrage réunit sept textes parus entre 1975 et 2007).

La militarisation du monde existe sous de multiples formes, ainsi  des espaces militarisés,  des recherches, des  productions et des ventes d’  armements,  des conflits armés, des grandes manœuvres,  des éducations à la guerre, des administrations extrêmes de multiples peurs, des fabrications d’ennemis, par exemple de  nouvelles classes jugées dangereuses,  les déplacés environnementaux. Tournés vers l’ennemi ils ne voyaient pas que le sol s’effondrait sous le poids des armements.

 

2-Les  fabrications  des « ennemis ».

Alors que le sol s’effondre on construit des citadelles et on  désigne l’ennemi. On peut alors arriver aux guerres entre Etats et aux guerres civiles.

-Les différences entre concurrents, adversaires et ennemis.

Aujourd’hui dans le langage courant un ennemi  est différent d’un adversaire ou d’un concurrent. Dans le domaine économique on parlera de concurrents, dans le domaine sportif d’adversaires, dans le domaine militaire d’ennemis.

Mais les situations ne sont pas aussi simples. Le raisonnement par domaine peut être relatif, on considèrera par exemple que des concurrents peuvent se comporter en véritables ennemis. On passe d’une appellation à une autre, ne parlons pas de haines qui ,  par exemple, peuvent intervenir chez certains supporters sportifs sans parler de compétitions économiques où « la guerre » fait de nombreuses victimes qui perdent leurs emplois.

Un autre critère intervient, l’ennemi c’est celui qui est désigné comme tel. Il est souvent désigné des deux côtés, un groupe terroriste peut ainsi avoir  des cibles et être ciblé. Il arrive aussi que des ennemis soient attaqués sans déclaration de guerre. 

On pourrait penser que la violence départage les trois séries de réalités. Or il y a une violence des concurrences à travers des compétitions. Par contre l’emploi de certains moyens utilisés ne fait guère de doutes, le feu des  armes sur le terrain est synonyme de lutte contre l’ennemi.

«  L’ennemi est bête. Il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui » disait magnifiquement, absurdement et dramatiquement Pierre Desproges.

 

-Les mécanismes de fabrication de l’ennemi.

La fabrication des  « ennemis » se fait essentiellement  par l’administration des peurs,  C’est une fabrication  souvent  réciproque, 

« Le virage sécuritaire » de différents pays  consiste à restreindre des droits humains pour , dit-on, répondre à des menaces sans pour autant répondre à une meilleure protection des citoyens. Le sécuritaire est lié à l’imaginaire répressif et au fonctionnement du mécanisme de boucs émissaires, dénoncés à l’ intérieur et à l’extérieur. 

Demain  les nouvelles classes dangereuses  massives  seront probablement les déplacés environnementaux dont les Etats n’ont pas commencé à penser et négocier  un statut international , alors  que certains pensent déjà   par exemple  les  parquer sur des océans  ou derrière des murs  et des miradors.

 

-Une forme de  sécuritaire se voulant absolu est celle  des  armes de destruction massive à travers la prolifération gouvernementale et , dans de faibles proportions , non-gouvernementale. Est-ce qu’elle ne correspond pas à une sorte de vaste chantage à la mort ? C’est une fausse paix qui repose sur la peur d’être détruit, on capitalise un certain nombre de peurs face à un ennemi réel ou hypothétique, en produisant une arme monstrueuse qui est censée nous en préserver. La guerre correspond  à l’équation « ta mort c’est ma vie » or,  avec les armes de destruction massive on arrive à une équation selon laquelle « ta mort c’est ma mort » puisque l’emploi de telles armes menace aussi leurs utilisateurs. D’où l’urgente nécessité pour l’humanité de s’engager dans cette nouvelle équation : « ta vie c’est ma vie ». Est-ce que « changer notre rapport à la mort n’est pas changer notre rapport à la paix, à la peur, à la violence ? » ( Voir  l’ouvrage remarquable de Jacques Sémelin, « Pour  sortir de la violence », Editions ouvrières, 1983).Pas de paix véritable fondée sur la peur mais, souligne l’auteur, « la volonté d’évoluer vers la maîtrise de nos craintes, la gestion de nos conflits, la non-violence de nos actions » et, peut-on ajouter,  la construction d’une véritable sécurité commune.

-Le désir mimétique et le mécanisme victimaire.

 René Girard, dans « De la violence à la divinité »(2007), qui réunit quatre de ses ouvrages, en particulier « La violence et le sacré » (1972), « Bouc émissaire »(1982), met en avant d’éclairants instruments d’analyse qui « ne sont pas des idées philosophiques, des concepts sociologiques. Ce sont des rapports humains très simples. » Il s’agit du « désir mimétique » et du « mécanisme victimaire. »
Le désir est copié sur un autre désir, il est « mimétique », il y a un sujet désirant, un autre sujet désirant à imiter, un objet désiré. Le ressort du conflit s’appelle la concurrence « rivalitaire », chacun désire ce que désire autrui. Apparaît ainsi les cycles des jalousies, des haines et des vengeances. Se laisser prendre par ces concurrences religieuses, nationales, idéologiques, voilà qui va multiplier les violences…L’escalade des jalousies , l’escalade des « comparaisons venimeuses », celle aussi des représailles, accompagnent la mondialisation.

Les sociétés dites primitives pensaient que les puissances divines qui nous donnent la vie peuvent aussi à tout moment la retirer. Le sacré a une double face : il est vénéré parce qu’il fait vivre, il fait peur parce qu’il tue. Il existe donc une violence fondatrice du sacré puisque ces puissances divines provoquent en nous des pulsions de vie et de destruction. Ainsi « la violence et le sacré sont inséparables.»
Les cultures archaïques ont ainsi cherché à domestiquer la violence en faisant appel au religieux, c’est le sacrifice qui va servir d’exutoire temporaire. Dès les sociétés primitives c’est pour se protéger des désirs de destruction qui rendent à tout moment possible la violence réciproque, œil pour œil, dent pour dent, que les hommes ont inventé « la violence unanime du sacrifice qui les réconcilie aux dépens d’une victime émissaire ».Le mécanisme a fonctionné contre des animaux, des personnes, des groupes, des peuples, des Etats. C’est le « tous contre un.» On veut arrêter la violence par la violence. Ce mécanisme a été mis en œuvre de façon terrifiante à travers différentes périodes.
Loin de s’arrêter la violence a proliféré, le mécanisme est en train de se casser, parce que les transcendances ne sont plus ce qu’elles étaient, parce que nous commençons à comprendre que nous sommes les acteurs de violences à travers par exemple des injustices planétaires, parce que l’utilisation d’armes de destruction massive, sortes de formes de violences sacralisées, peuvent faire disparaître les ennemis mais aussi ceux qui les emploient.
René Girard pensait qu’il faut rompre avec le sacrifice d’autrui quelle que soit la  cause avancée. Il faut rompre aussi avec le sacrifice de soi, désir de se sacraliser qui n’a rien à voir avec les risques que l’on peut prendre pour combattre une violence en donnant place à la vie.

 

-Les effets des  mécanismes de fabrication des boucs émissaires et des ennemis.

 Dans les  mécanismes de fabrication des boucs émissaires et des ennemis les effets sont de trois  ordres.

Cette fabrication est non seulement catastrophique par les souffrances qu’elles engendrent mais aussi par les sommes gigantesques qu’elles monopolisent et qui ne vont pas vers des besoins criants . Enfin , on l’oublie presque toujours, par le temps perdu qu’elle demande alors qu’il devrait être consacré aux remises en cause à travers  des moyens  écologiques, justes, démocratiques  et  pacifiques, du local au mondial, moyens consacrés à un monde viable.

 

3-L’ennemi  aujourd’hui c’est  un  système mondial   condamnable et condamné.

Le véritable  ennemi  n’est-ce pas  le système mondial fondé sur ce trio infernal : le productivisme, le capitalisme et  l’anthropocène ?

Pourquoi ? Parce qu’il est autodestructeur. Cette autodestruction se manifeste sous quatre formes :

Première forme d’autodestruction : les  périls communs, c’est-à-dire des séries de  drames et de menaces, ils sont soulignés dans l’introduction de cet article.

Deuxième forme d’autodestruction : le productivisme nous dépasse et avance dans l’autodestruction. D’une part il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à penser et à mettre en œuvre.
D’autre part ce système a des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.

Troisième  forme d’autodestruction : le productivisme ne réalise pas le bien commun.

Ainsi du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent. Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et à en créer de nouvelles, il est pour une large part injuste.

Quatrième  forme d’autodestruction : le productivisme contribue aux confusions entre les fins et les moyens.

Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rangs de moyens, plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme producteurs, dépossédés comme citoyens, « marchandisés » comme êtres vivants…Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.

 

Ainsi ce système n’est-il pas condamnable et condamné ?

 – Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait  en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs  qu’étaient  les Etats et les entreprises, autrement dit ,pour faire court, le politique et l’économique ?

 Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique  qui menace l’ensemble du vivant (3°C à 6°C -ou plus- d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et à cette même date un  mètre  -ou plus-  d’élévation du niveau des mers ?

Ces deux petits passages ci-dessus, actualisés d’année en année, sont souvent repris dans mes écrits et mes interventions orales. Cela me fait penser à ce qu’un vieil ami disparu m’avait dit  « L’amour n’a qu’un mot, il le redit sans cesse mais il ne le répète jamais, c’est l’amour. » De même on peut redire sans cesse que le productivisme a deux mots qui le qualifient « Condamnable et condamné. » On peut les redire sans cesse, mais on ne les répétera jamais… assez.

Dans sa compétition totalisante, terricide et humanicide, le productivisme n’est-il  pas l’un des contraires  de ce que peuvent être  l’amour,  l’amitié, la fraternité ? Eux aussi  peuvent être pris dans les filets de ce système inhumain, il faut alors beaucoup de forces, de chances, de solidarités  pour les trouver ou les retrouver et pour participer à l’avènement d’un monde viable face aux périls communs en particulier écologiques.

 

Ainsi les obstacles généraux qui contrarient les fraternités dans les catastrophes écologiques s’appellent la débâcle écologique elle-même et les logiques du productivisme.

Un obstacle particulier va consister à désigner des boucs émissaires des catastrophes au lieu de dénoncer des mécanismes et de les remettre en cause, au lieu surtout de comprendre que le véritable ennemi c’est le système mondial autodestructeur qu’il s’agit de remettre en cause.

 Pour surmonter ces obstacles et mettre en œuvre des fraternités quels moyens doivent voir le jour ?

 III-Fraternisés par les périls écologiques :   quels moyens ?

 

Nous rappellerons la panoplie des moyens écologiques contribuant à passer d’un monde autodestructeur à un monde viable.(A) Nous insisterons sur un moyen vital porteur de fraternité, l’assistance écologique (B).

A-La panoplie des moyens écologiques et les mises en œuvre de fraternités.

Les moyens doivent être nombreux, leur mise en œuvre est porteuse de multiples solidarités face aux périls écologique c’est-à-dire face aux drames et aux menaces.(1)Nous soulignerons un  moyens plus spécifique aux catastrophes.(2) Enfin nous insisterons sur le moyen le plus puissant, une grande reconversion financière(3).

 

1-Des moyens écologiques synonymes de fraternités.

Qui veut la protection de l’environnement doit  penser et mettre en œuvre des moyens écologiques :

 Supprimer enfin l’un des plus grands drames du monde, celui de l’absence d’accès à l’eau potable et à l’assainissement,

Mettre en œuvre  des transitions énergétiques massives,

 Réduire et éliminer  les modes de production, de consommation et de transport écologiquement non  viables ,

 Lutter contre l’effondrement de la biodiversité,

Réparer les dégradations de régions  dans le monde ,

Conclure de nouvelles conventions et s’emparer des principes de droit de l’environnement,

Créer massivement des emplois  écologiques et relocaliser des activités,

Créer et développer des moyens juridiques et des moyens généraux de protection,

 Ralentir l’explosion démographique…

(Voir mes articles sur  ce blog intitulés  « Quels moyens écologiques ? »)

Ces moyens sont liés avec des moyens justes, démocratiques, pacifiques.(Voir aussi nos articles.)  Ainsi par exemple par rapport à la paix l’éducation aux droits de l’homme ,  à l’environnement et à la paix est porteuse en particulier de  la valeur de fraternité.

 

2-Un  moyen important pour des  fraternités à venir.

-La création d’un statut international des déplacés environnementaux. Le processus sera long mais  s’il n’y en a pas ou s’il est mal pensé les situations seront d’autant plus dramatiques et  les conflits seront nombreux et massifs.

(Voir mes articles de ce blog sur les raisons de fait du projet, les raisons de droit , son contenu, son avenir en liens avec d’autres réponses , les aspects normatifs puis  institutionnels  à travers  l’essentiel du projet de deux équipes universitaires de Limoges, selon la  dernière version  de mai 2013,projet considéré comme l’un des plus porteurs..)

 

3-Des moyens financiers vitaux  contribuant puissamment à faire face aux apocalypses écologiques.

 

-Il s’agit ici d’une   gigantesque  reconversion financière  fondée sur  trois éléments :

Premier élément :

Une reconversion d’une  ampleur financière inconnue jusque là, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars.

 On est quelquefois impressionné  devant des  plans  de  l’UE de quelques centaines  de milliards d’euros   et  devant ceux des   Etats-Unis  de quelques milliers de milliards de dollars.

 Il s’agirait donc  ici de l’ordre de 10, 20,30  fois plus que ces derniers  ou beaucoup plus encore, soit 10.000 à 20.000, 30.000 milliards de dollars  ou  beaucoup plus encore.

 Deuxième élément :

Une reconversion par la création de nouveaux moyens c’est-à-dire de ressources gigantesques nouvelles. Si  de nombreuses anciennes ressources subsisteront  il faudra donner le jour à de nouvelles  et donc   aller chercher ces sommes colossales  où elles se trouvent et  changer leur   destination .

Beaucoup de terrien.ne.s  n’ont aucune idée de leur ampleur réelle. Il faut ajouter  que les camouflages de certaines d’entre elles  les recouvrent d’un linceul de silence difficile à remettre en cause.

Troisième élément :

Une reconversion par la priorité donnée aux  besoins vitaux   c’est-à-dire avant tout ceux  de l’environnement et de la santé ,  mais aussi ceux  de  l’alimentation, de la protection sociale, de l’accès à l’emploi, du logement, de l’éducation, cela par des remises en cause allant dans le sens d’un monde viable.

 Or on constate le plus souvent le  contraire , un seul exemple parmi beaucoup d’autres :  en juillet 2021, selon l’Agence internationale de l’énergie, l’ensemble des plans de relance post-Covid, de l’ordre de 2300 milliards de dollars, consacrent seulement 46 milliards soit 2% aux énergies propres ce qui est dramatiquement dérisoire , c’est donc l’inverse qui verrait le jour , une reconversion massive vers des besoins environnementaux et sanitaires vitaux.

 Cette reconversion ne  contribuerait-elle pas à l’hypothétique  passage de ce  monde autodestructeur à un monde viable ?

 Ce ne serait pas  « Le » grand remède miracle, il n’y en a pas. Ce serait un moyen parmi d’autres mais  très important par le montant des sommes et leurs  destinations multiples vers des besoins criants.

 Ce ne serait pas une forme d’atteinte aux autres  contre-mécanismes face au productivisme autodestructeur    mais,  au contraire, pour eux un puissant soutien, un côte à côte  avec ces autres  nombreux moyens viables.

Ce ne serait pas une utopie abstraite, détachée des conditions de sa réalisation. Nous croyons à l’utopie concrète ,  celle  qui prend les moyens de se réaliser. Et  de toute façon ,  écrivait René Dumont, le choix est on ne peut plus clair : c’est « L’utopie ou la mort »(titre de son ouvrage lumineux publié en 1973) .

 Certains  diront que c’est supposer la question résolue : on remettrait en cause le système mondial autodestructeur dans un de ses piliers centraux particulièrement puissant ,  le domaine financier.

Mais  la question reste entière puisque   la réponse dépend des volontés, des moyens et des marges de manœuvres  pour la réaliser.

D’autres diront qu’on ne peut pas par les finances changer le système productiviste puisque ce sont elles qui représentent  un des piliers de l’autodestruction. Il serait au contraire impératif de  mettre fin à l’argent, point final.

Si nous laissons la question des alternatives à venir ouvertes en ce domaine,

 nous pensons que  la reconversion est exigée  par les  drames et les menaces  ,  qu’elle est faisable  , qu’elle doit être la plus rapide possible et qu’elle peut contribuer à changer un des fondements du productivisme, son autoreproduction, en cassant certaines logiques.

Elle se manifestera surtout par la création de nouvelles ressources.

 -Les créations massives  de « nouvelles ressources financières du XXIème siècle »

 Les imaginations d’experts et de citoyen.ne.s  sont  ici et là en route pour penser les créations de nouvelles ressources dans la décennie qui vient. « Le désarmement financier » a commencé à être pensé il y a longtemps, ses auteurs étaient souvent  dans le désert, les temps sont probablement en train de changer. Des débuts de réalisation voient le jour sous telle ou telle forme.

 Ces nouvelles ressources financières massives  ont pour noms

  –  une  taxation , importante et mondiale, des transactions financières. Cette taxation  doit inclure les obligations, les actions, les devises et les produits dérivés. Une grande ONG comme Attac insiste sur ce point : « Il y a chaque année entre un million deux cent mille milliards et un million huit cent mille milliards de dollars de transactions financières, dont environ les trois quarts portent sur les produits dérivés échangés sur des marchés opaques. »Il est difficile d’imaginer dans la vie du système mondial des sommes aussi colossales.

    –   un impôt  progressif et mondial sur les capitaux, en particulier un  impôt   pour les grandes fortunes,

    – une taxation  des fonds  spéculatifs,                                                                      

    -des ressources issues des bénéfices des firmes multinationales,

    -une taxation importante des géants du numérique,

     -des ressources issues de la taxation des  émissions de CO2  pour tous les transports internationaux,

     – des capitaux  provenant de la suppression  complète et rapide des  subventions des énergies fossiles,

     –les transferts de dépenses militaires vers les dépenses prioritaires  d’environnement et de santé, mais aussi  de la protection sociale, de l’alimentation, du logement, de l’éducation et  de la culture…

    …Et toute nouvelle ressource allant dans le sens de « l’intérêt commun de l’humanité » c’est-à-dire de la démocratie, la justice, la protection de l’environnement, la paix pour les générations passées (  protection de leur patrimoine culturel) , présentes et futures(non-discrimination environnementale).

 (Voir nos articles sur « La grande reconversion financière face aux apocalypses écologiques. »)

 

 B-Pour une véritable assistance écologique

 Introduction

 Lorsque l’on parle d’assistance écologique plusieurs réalités peuvent venir à l’esprit, elles sont relatives aux souffrances, aux urgences, aux déplacés environnementaux, aux catastrophes écologiques.

 -Souffrances des sinistrés, ainsi le tsunami du 26 décembre 2004, sur le littoral de l’Océan Indien, a causé la mort de près de 300.000 personnes, il y a eu plus de 500.000 blessés, les  dégâts  matériels ont été gigantesques. Ces souffrances sont  accompagnées, selon  les catastrophes, de linceuls de silence ou de fortes médiatisations, d’indifférences ou de solidarités. Pour ce drame de 2004 la médiatisation a été intense et prolongée, les solidarités  ont été nombreuses et massives.

  -Urgences : l’assistance écologique demeure inscrite dans les  logiques de l’urgence, on veut répondre à des souffrances immédiates, on ne se trouve pas dans l’élaboration de politiques à  long terme. Ainsi pour ce même tsunami la mobilisation massive a été synonyme d’aide humanitaire, d’aides financières et de nombreuses actions de solidarité.

 -Déplacés environnementaux : il existe des liens entre ces personnes, ces familles, ces populations et l’assistance écologique qui,  lorsqu’elle  est mise en oeuvre, peut  contribuer selon les situations à aider des sinistrés à rester sur place ou à se déplacer à l’intérieur du pays ou à partir dans un autre État ,ainsi ce même tsunami  en Asie du Sud- Est  a entrainé  le déplacement d’au moins 5 millions de personnes (note 1).

 -Enfin les catastrophes écologiques : elles peuvent être appréhendées ici de deux façons (note 2).

  Au sens général  il s’agit de ces moments et de ces lieux où des bouleversements tournent au désastre, basculent dans le drame.

 Leur place est de plus en plus impressionnante à travers leur nombre, leur ampleur, leur accélération, leurs enchaînements, leurs interactions, à travers aussi cette urgence qui devient, au détriment du long terme (alors qu’il faut agir aux deux niveaux), un élément central en particulier des mondes médiatiques et politiques.

 Leurs causes sont de plus en plus complexes, ici des causes naturelles, là des causes humaines mais, depuis que certaines activités humaines sont devenues une  force physique perturbatrice de la biosphère, voilà des causes naturelles et humaines qui s’enchevêtrent de plus en plus, par exemple des inondations dans des zones qui auraient dû être inconstructibles, par exemple, certains tremblements de terre qui seraient causés par la fracture hydraulique d’exploitation du gaz de schiste.

 Les effets des catastrophes écologiques sont dramatiques  à travers les victimes, les souffrances physiques et morales des survivants, les destructions matérielles, environnementales, sociales, culturelles, les effets aussi  en termes d’inégalités criantes entre personnes, peuples, régions, pays, continents, par rapport aux préventions, aux secours et aux réparations.

 Au delà de ces catastrophes certains pensent que c’est tout un système que l’on peut qualifier de « catastrophique » tant il est vrai que le productivisme est porteur de mécanismes terricides et humanicides (note 3).

  Au sens juridique  la catastrophe est parfois définie par des textes nationaux, nous nous en tiendrons aux définitions données au niveau international par quatre textes de nature  juridique différente.

 Dans le cadre de « la Stratégie internationale de prévention des catastrophes » la définition est la suivante : « une perturbation grave du fonctionnement d’une communauté ou d’une société causant des dommages généralisés à la vie humaine, aux biens, à l’économie ou à l’environnement auxquels la communauté ou société affectée n’est pas en mesure de faire face par ses propres moyens. »

 Dans le cadre de la Conférence mondiale sur la prévention de catastrophes, en janvier 2005 à Hyogo au Japon, le Cadre d’action   adopté pour 2005-2015 affirme qu’il s’applique « aux catastrophes  provoquées par des aléas d’origine naturelle ou imputables à des aléas ou risques environnementaux connexes ». Il envisage «  la gestion de risques de catastrophes dans une perspective globale, prenant en considération tous les aléas et leurs interactions, qui peuvent avoir de lourdes conséquences pour les systèmes sociaux, économiques, culturels et environnementaux. »

 Dans le cadre de la Convention de Tampère, du 18 juin 1998, sur « la mise  à disposition de ressources de télécommunications pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les opérations de secours en cas de catastrophe », l’article 1.6 dispose : « On entend par catastrophe une grave perturbation du fonctionnement d’une société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à la santé humaine, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène naturel ou une activité humaine et qu’il s’agisse d’un évènement soudain ou du résultat de processus complexes se déroulant sur une longue période. »

 Dans le cadre de la Commission du droit international(CDI)  l’article 2 du projet de 2009 relatif à « la protection des personnes en cas de catastrophe » avance la définition suivante : « On entend par catastrophe une perturbation grave du fonctionnement de la société, à l’exclusion d’un conflit armé, causant des pertes en vies humaines, matérielles, ou  environnementales importantes et généralisées.»(note 4).

 Dans cette définition  les conflits armés sont mis de côté dans la mesure où ils font l’objet d’un droit spécifique. Les causes sont passées sous silence. Le risque de dommage ne suffit pas, il faut des pertes effectives. On constate  que la qualification essentielle est celle de « perturbation grave du fonctionnement de la société », donc n’est pas évoquée la capacité d’une société de faire face ou non à cet  événement, ce qui compte c’est un grave  dysfonctionnement qui se produit.

 La  définition proposée par la Convention de Tampère  semble  la plus opérationnelle non seulement par sa globalité (causes et effets) mais aussi parce qu’elle ne met pas de côté les conflits armés,  il y a en effet des catastrophes écologiques pendant les conflits armés et, surtout, la protection de l’environnement pendant les guerres civiles et inter étatiques  est dramatiquement insuffisante.

Michel Prieur écrit « Les catastrophes écologiques sont d’abord des catastrophes humaines qui affectent également l’environnement. Les effets brutaux ou immédiats et les effets insidieux ou à long terme affectent à la fois l’homme et l’environnement, confirmant tragiquement que l’homme et l’environnement sont inséparables (Déclaration de Rio) ou indissociables (préambule de la Charte de l’environnement du 1er mars 2005). »(note 5)

 

 Ces réalités  soulignées, on peut constater que l’assistance écologique renvoie à de multiples questions : comment  la fonder en droit ? Quelle est sa nature juridique ?  S’agit-il d’un droit des victimes à recevoir une aide, d’un devoir de la communauté   internationale ? Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une entreprise de plus d’acteurs puissants voulant mieux asseoir leur domination à travers une forme d’ingérence  écologique, ou bien n’est-ce pas un alibi pour faire oublier leur impuissance face aux drames écologiques ? Lorsque est  mise en oeuvre  l’assistance écologique : qui décide, qui intervient  qui est secouru ? Quels sont les moyens utilisés, ne faut-il pas les renforcer et, si oui, comment le faire face aux catastrophes  à venir liées en particulier aux changements climatiques ?

 Nous nous demanderons d’abord si l’assistance écologique a acquis les dimensions d’un principe international,  ensuite nous nous interrogerons sur sa mise en œuvre.

 D’où une première partie relative à la consécration insuffisante de l’assistance écologique, principe de droit international de l’environnement (1), et une seconde partie relative à l’application dramatiquement insuffisante de l’assistance écologique, forme de solidarité internationale (2).

 

  1. La consécration dramatiquement insuffisante de l’assistance écologique, principe de droit international de l’environnemen

 Quelques années avant la Conférence de Rio de juin 1992, rares étaient les auteurs qui analysaient, comme Alexandre Kiss, comme Pierre-Marie Dupuy, les prémisses d’un devoir d’assistance écologique.

 Où en sont aujourd’hui les fondements juridiques de l’assistance écologique(a) et quelle est sa nature juridique(b) ?

 

  1. Les fondements juridiques de l’assistance écologique

 Elle s’inscrit dans la filiation de l’assistance humanitaire, mais n’a-t-elle pas aussi des fondements plus spécifiques et ne doit-on pas essayer de mieux la consacrer ?

 

-La filiation de l’assistance écologique avec l’assistance humanitaire, elle-même en voie de consolidation coutumière

  A l’origine, on le sait, il y a une expérience de l’urgence à travers les pratiques de médecins français en particulier en 1968 au Biafra, ils créent Médecins sans frontières en 1971, Médecins du monde en 1981, lesquels constatent que des actions d’ONG sont entravées par des gouvernements, par des groupes armés.

 En janvier 1987, ces deux ONG et la Faculté de droit de Paris Sud organisent une conférence de droit et de morale humanitaire dans laquelle sont mis en avant « le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des États d’y apporter leur contribution ».

 Peu à peu, de 1988 à 1992, apparaît un ensemble de résolutions de l’Assemblée générale(AG) et du Conseil de sécurité des Nations Unies, résolutions qui donnent naissance à une coutume internationale.

 Du point de vue de l’AG des Nations Unies , le 8 décembre 1988 est adoptée une résolution intitulée« assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre » (cette dernière expression vise les violations des droits de l’homme). L’apport principal de ce texte juridiquement non contraignant est de poser le principe du libre accès aux victimes qui ne saurait être entravé ni par l’État affecté ni par les États voisins.

Juste après cette résolution, un tremblement de terre en Arménie amène l’Union soviétique à demander l’aide des sauveteurs français. La phase suivante date du 14 décembre 1990, puisque l’AG adopte une résolution ajoutant l’idée de « couloirs humanitaires »pour renforcer le libre acheminement de l’assistance humanitaire à travers le pays sinistré.

 Du point de vue du Conseil de sécurité des Nations Unies : au lendemain des sanctions militaires contre l’Irak, le Conseil de sécurité adopte le 5 avril 1991 une résolution qui insiste pour que l’Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires à tous ceux qui ont besoin d’assistance dans toutes les parties de l’Irak (il s’agissait des Kurdes assassinés par la dictature). Il y a, affirme le Conseil de sécurité, un lien entre l’intérêt de la communauté internationale et la protection internationale des droits de l’homme. Ainsi, des relais humanitaires ont été installés par les alliés sous l’autorité de l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies.

 Enfin le Conseil de sécurité, le 3 décembre1992, adopte une autre résolution pour acheminer l’aide humanitaire dans l’ensemble de la Somalie, il affirme que « l’ampleur de la tragédie humaine causée par le conflit en Somalie constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales », ainsi l’application du droit d’assistance humanitaire est ici conçue comme un moyen de restaurer la paix.

Cette filiation étant rappelée, soulignons le second point relatif à des  textes spécifiques.

 -Les fondements juridiques de l’assistance écologique reposant sur des textes spécifiques de droit international de l’environnement (DIE)

 L’assistance au pays victime d’une catastrophe écologique est prévue par certains textes particuliers.

 Du point de vue des déclarations : dans la Déclaration de Stockholm de 1972 le principe 9 consacre indirectement l’assistance écologique : « Les déficiences de l’environnement imputables à des catastrophes naturelles posent de graves problèmes, le meilleur moyen d’y remédier est l’assistance en tant que de besoin ».

Mais c’est le principe 18 in fine de la Déclaration de Rio de  juin 1992qui est beaucoup plus direct : « […]. La communauté internationale doit faire tout son possible pour aider les États sinistrés ».

 Du point de vue des conventions internationales, la Convention sur le droit de la mer(10-12-1982) prévoit une coopération en cas de risque imminent de dommage ou de dommage effectif au milieu marin par pollution.

 Une convention (Bruxelles, 29-11-1969) prévoit l’intervention en haute mer sur les navires battant pavillon étranger en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par hydrocarbures et substances dangereuses.

 Après le drame de Tchernobyl a été adoptée une convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique (26-9- 1986).

 Du point de vue des conventions régionales, par exemple, l’accord de Bonn (9-6- 1969) sur la pollution en mer du Nord par les hydrocarbures et autres substances dangereuses organise une coopération rapide. Tous ces accords sur les mers régionales sont bâtis sur le modèle de Bonn de 1969 et prévoient, face à l’absence pour un Etat partie ne disposant pas de matériels et de personnels suffisants, de demander assistance aux autres États Parties.

 Du point de vue bilatéral, un certain nombre d’accords entre deux États prévoit des modalités d’intervention étrangère, ainsi l’accord franco-allemand(3 février 1977) sur l’assistance mutuelle en cas de catastrophes.

 –Comment aller  plus loin dans cette consécration ?

 La consécration de l’assistance écologique est donc actuellement insuffisante, il faut la renforcer.

 Certes, sur le plan de la théorie des relations internationales,on peut toujours la fonder à la fois sur les intérêts nationaux lorsqu’une catastrophe menace d’autres États, et aussi sur les intérêts communs des Etats qu’il peut y avoir à faire face à des périls communs.

On peut aussi  fonder l’assistance écologique sur l’intérêt commun de l’humanitédans la mesure où il faut faire face aux effets des catastrophes écologiques, de plus en plus nombreuses et dramatiques, cela au nom des générations présentes et futures.

 Mais du point de vue juridique qu’en est-il ?

 Existe-t-il une règle générale de droit international autorisant l’intervention d’un État étranger dans un État victime d’une catastrophe naturelle ?

Si l’on se réfère à la Charte des Nations Unies, on sait que la souveraineté étatique y est consacrée et que, d’autre part, les compétences des Nations Unies vont jusqu’aux sanctions du chapitre VII qui, lui, n’est pas de l’ingérence.

 Le Conseil de sécurité , conformément a ses compétences, n’a pas joué de rôle direct par rapport à la protection de l’environnement. On peut cependant dire que, lorsque le Conseil de sécurité contribue à régler un conflit armé il s’agit d’un effet indirect positif aussi sur l’environnement si la prévention a réussi ou si le conflit se termine.

 Cependant une évolution a vu le jour, elle est très tardive  et mal acceptée par des Etats mais elle a enfin commencé. Le 17 avril 2007 le Conseil a débattu pour la première fois des changements climatiques et de leur capacité à engendrer des conflits et un désordre international.

Il est très probable que la protection de l’environnement sera peu à peu et de plus en plus considérée par le Conseil de sécurité comme une composante de la paix. La sécurité environnementale est alors conçue comme une composante du maintien de la paix et  de la sécurité  internationales. (note 6)

 En ce sens l’adaptation aux changements climatiques et  l’atténuation de leurs effets ont été évoquées comme « un des éléments dans la prévention des conflits en Afrique de l’Ouest », cela dans une déclaration du président du Conseil de sécurité avec l’accord des Etats membres(10-7-2009). Autrement dit à terme le Conseil de sécurité envisagera probablement certaines  catastrophes écologiques comme « portant atteinte au maintien de la paix et de la sécurité internationales.»

On pourrait aussi invoquer comme fondement de l’assistance écologique la coopération qui constitue un des buts des Nations Unies, de même que le respect effectif et universel des droits de l’homme.

  On pourrait, enfin et surtout, conclure une Convention sur l’assistance humanitaire et l’assistance écologique.

Ce serait difficile mais, si elle était bien pensée, cette convention comblerait une lacune criante. Les dispositions normatives et institutionnelles devraient être porteuses,  en particulier respecter l’indépendance des ONG et dégager de puissants moyens d’assistance écologique à différents niveaux géographiques.

  Bref : il y a donc quatre possibilités de renforcer les fondements de l’assistance écologique :

consolider ceux de l’assistance humanitaire,

 conclure d’autres conventions spécifiques,

 en appeler de plus en plus  à la Charte des Nations Unies, l’environnement étant une composante de la sécurité environnementale,

 enfin conclure une Convention spécifique plus globale, opérationnelle et créant un gigantesque fonds spécifique.

 

  b- La nature juridique de l’assistance écologique

 N’est-elle pas à la fois un principe de droit international de l’environnement, un droit des victimes et un devoir de la communauté internationale ?

 – L’assistance écologique, un principe de droit international de l’environnement(DIE)

 L’assistance écologique prend place dans cet ensemble de règles générales que l’on trouve dans des déclarations et des conventions de DIE. En tant que principe de DIE, l’assistance écologique a deux caractères : c’est une forme de coopération et elle se situe en aval.

C’est une forme de coopération, la coopération est un des grands principes de DIE, c’est ici une coopération en cas de situation critique.

D’autre part l’assistance écologique se situe en aval de la protection de l’environnement (contrairement par exemple aux principes de précaution et de prévention qui sont en amont), c’est-à-dire que l’assistance écologique arrive, de façons variables selon les situations, juste avant la catastrophe, pendant celle-ci et pendant un certain temps juste après la catastrophe. La catastrophe marque un point d’arrêt dans le temps (d’arrêt, de rupture, ou d’irréparable).

 –L’assistance écologique, un droit des victimes

 Ce droit a deux caractères.

 D’abord l’assistance écologique est liée aux droits de l’homme,  c’est un corollaire du droit à la vie. Le fait de laisser des victimes sans assistance représente une menace àla vie humaine, une atteinte à la dignité de l’être humain. Donc, chaque sinistré a le droit de recevoir cette assistance.

 Ensuite  la conséquence de ce droit des victimes c’est le libre accès à celles-ci.  L’État affecté est invité à faciliter la mise en oeuvre des secours et pour cela il faut bien sûr arriver aux victimes. Ce libre accès est particulièrement celui des organisations internationales et des ONG compétentes.

 –L’assistance écologique, un devoir de la communauté internationale

 Exprimé dans le principe 18 de la Déclaration de Rio, on peut considérer que ce devoir a deux caractères.

D’abord c’est la notion d’urgence qui va constituer le fondement du passage  du principe de non-ingérence à celui du devoir d’assistance. L’urgence correspond à des situations qui causent ou qui menacent de causer de façon imminente un dommage grave à un ou plusieurs États, ces situations sont provoquées par des causes naturelles et/ou par des activités humaines liées à l’environnement.

 

 Ensuite  la Communauté internationale a le devoir d’agir dans la mesure où l’État sinistré n’arrive pas à faire face à la catastrophe. Il s’agit de la communauté des Etats, à travers en particulier les institutions onusiennes.

 Certes on ménage la susceptibilité de l’État d’accueil en lui reconnaissant le droit de refuser l’aide étrangère, ce qu’il fait parfois dans un premier temps, le plus souvent elle est ensuite acceptée.

 On peut également relier cette situation aux prémisses d’un élément nouveau : « la responsabilité de l’Etat  de protéger sa population ».

Elle apparait, cela très tardivement après bien des drames. Dans le sillage du devoir d’assistance (« devoir d’ingérence à des fins humanitaires ») et à la suite du rapport en 2004 d’un groupe de personnalités, un Sommet des Nations Unies, en septembre 2005, accepte, dans le document final, de reconnaitre cette responsabilité de protéger, c’est  « la responsabilité première d’un Etat  de protéger sa population » du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique, des crimes contre l’humanité. Au cas où les moyens pacifiques seraient insuffisants et où les autorités nationales échoueraient à protéger leur population, la communauté internationale des Etats devrait agir collectivement par l’entremise du Conseil de sécurité et conformément à la Charte des Nations Unies.(note 7)

Dans cette perspective ne peut-on pas considérer que la responsabilité de l’Etat de protéger sa population devrait, un jour, s’étendre  à la sécurité environnementale, cela dans certaines situations catastrophiques ? La communauté internationale ne devrait-elle pas avoir à ce moment là  les moyens de se  substituer à l’Etat ?

Un des problèmes essentiels  qui resterait à résoudre  serait celui du retrait automatique de forces armées, sous l’égide des Nations Unies, après leur contribution  à l’assistance écologique face à la catastrophe, étant entendu bien sûr que les moyens utilisés seraient pacifiques mais massifs, en particulier des hélicoptères, des ponts mobiles, des hôpitaux de campagne, d’autres moyens de faire face aux urgences  que, souvent, seules les armées possèdent et maitrisent.

 Telle est cette consécration internationale insuffisante de l’assistance écologique. Des  avancées juridiques pour la consolider et la rendre plus porteuse sont nécessaires. Des volontés politiques, celles d’Etats, celles aussi de la société civile en particulier d’ONG, doivent permettre de  remédier à cette situation.

 Mais qu’en est-il donc aujourd’hui de l’application de l’assistance écologique ?

 

2-La mise en œuvre dramatiquement insuffisante de l’assistance écologique, forme de solidarité internationale 

 

Se posent  certes des questions relatives aux intervenants et aux victimes (a) mais aussi  des problèmes relatifs aux moyens de l’assistance écologique(b).

 a-Les intervenants  de l’assistance écologique et  les victimes secourues

 D’abord conçue pour faciliter le travail des ONG, l’assistance écologique tendait  à s’appliquer à l’initiative  des gouvernements occidentaux avant d’être ensuite  pour une large part  institutionnalisée, internationalisée et coordonnée dans le cadre des Nations Unies.

 Qu’en est-il des intervenants  et des victimes ? Comment avancer dans l’organisation de l’assistance écologique ?

 –Les intervenants

Ce sont d’abord sur place des solidarités entre sinistrés, des arrivées de sauveteurs de l’État sinistré, des réseaux associatifs d’ONG déjà sur place. Toutes ces aides vitales peuvent  cependant vite avoir leurs limites liées en particulier  à l’ampleur de la catastrophe.

 La porte s’ouvre alors aux sauveteurs de pays étrangers, aux ONG,  aux organisations internationales.

 L’État sinistré a un rôle prioritaire dans l’organisation des secours, il arrive cependant que sa désorganisation soit telle que son impuissance sera réelle.

 Les problèmes de coordination sont  souvent complexes entre les secours locaux, nationaux, régionaux, internationaux , ainsi la catastrophe de décembre 2004 en Asie en témoigne.

Enfin, il peut y avoir une certaine  militarisation ou une militarisation certaine, selon les cas, de l’assistance écologique à travers différentes équipes et moyens  militaires, par exemple des hélicoptères intervenant en  nombre important.

-Les victimes

Voilà donc ces moments où il peut ne plus y avoir d’espoir et où, si on en trouve la force, il faut commencer à espérer. Ces moments existent, entre autres, au coeur de catastrophes écologiques. Voilà des survivants, une personne, une famille, la population d’un village, d’une ville, qui trouvent des forces au-delà de leurs forces et qui arrivent à se remettre debout. Pablo Neruda faisait dire à son peuple martyr : « Aucune agonie ne nous fera mourir. » On pourrait affirmer cela de sinistrés qui nous laissent sans voix en se remettant debout avec un courage qui semble inépuisable.

L’assistance écologique ne doit pas être sélective, elle doit être tournée vers toutes  les victimes, et toutes les victimes de toutes les catastrophes écologiques dont les origines sont  naturelles et/ou humaines. (note 8)

 Le rôle des médias de ce point de vue est très important en particulier par rapport  au contenu (effets et aussi causes de la catastrophe écologique) et à la durée  de la couverture médiatique.

 -Ne  pourrait-on  pas essayer  de renforcer  l’organisation des secours ?

Ne faut-il pas organiser une coordination des ressources et des spécialités ? On le peut et on le doit. Si l’on veut avancer, il y a probablement au moins trois formes de solutions :

 La plus simple consiste à continuer de renforcer l’organe de coopération humanitaire des Nations Unies. Cette solution nécessaire  ne sera cependant  pas à la hauteur des défis  de demain.

La solution la plus centralisée consisterait à créer une sorte de Samu mondial qui placerait toutes les équipes (ONG comprises) sous son autorité. Sur le terrain les difficultés à surmonter ne seront pas évidentes.

 

 La  solution probablement  la plus opérationnelle et à penser sur le long terme consisterait à créer « une Agence internationale  des casques verts »(Alexandre Kiss avait été un des premiers à employer cette expression) qui en particulier soutiendrait les équipes sur place. Cette Agence mondiale d’assistance écologique serait organisée internationalement et par grande région et sous-région du monde et prête à se déployer à tout moment. Elle serait dotée de puissants moyens. Pour une cohérence générale elle pourrait être  par exemple rattachée, comme  la future Agence des déplacés environnementaux, à la future Agence mondiale de l’environnement.  C’est la solution qui semblerait  la plus porteuse.

 

 b-Les moyens mis en œuvre à travers l’assistance écologique

Partons de deux exemples dramatiques : l’un relatif aux incendies, l’autre aux accidents nucléaires.

  Existe une immense remise en cause à accomplir : face aux incendies présents et à venir  les deux cents Etats ne peuvent-ils avoir chacun une véritable  flotte de canadairs ? La solidarité entre Etats qui en envoient quelques uns ici et là  est une heureuse pratique mais dramatiquement insuffisante. Une somme gigantesque, à partir de ressources nouvelles évoquées plus haut,  pour constituer une flotte opérationnelle dans chaque pays , serait une forme de  puissante fraternité.

Le monde en 2019 comptait 450 centrales nucléaires en service dans 31 pays,  en France 57 réacteurs nucléaires en activité sont répartis sur 19 sites. Le jour où interviendra un accident nucléaire majeur dans une centrale par exemple française  le plan ORSEC de secours en cas d’accident nucléaire majeur sera  très probablement dramatiquement dérisoire. Dramatiques seront le caractère soudain de la catastrophe, l’impréparation collective, les effets -à court moyen et très long termes- sanitaires et environnementaux…Par exemple  posons-nous une question   : combien de lits d’hôpitaux opérationnels  et de personnels spécialisés pour les victimes contaminées par la radioactivité ? Question tristement connue face à d’autres situations…

 

 L’assistance écologique se développe à travers deux séries de moyens : ceux liés à une action préalable à une situation critique, ceux liés à une situation critique qui s’est produite. Face aux catastrophes, dont le nombre et l’ampleur vont vraisemblablement devenir plus importants, quels moyens massifs mettre en  place  ?

 

 –Les moyens relatifs à l’action préalable à une situation critique

 Ces moyens sont constitués par  les échanges d’informations relatifs aux organes devant être alertés, aux plans prévoyant des situations critiques, aux programmes d’assistance, aux surveillances de zones déterminées.

 La Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire prévoit par exemple que les États déterminent et notifient à l’AIEA les experts, le matériel pouvant être fourni en cas de besoin, ainsi que les conditions financières de cette assistance.

 A titre préventif les moyens de mieux prévenir les désastres sont constitués entre autres par  des systèmes  d’alerte dans les océans sur les secousses sismiques, des digues plus élevées, des constructions parasismiques, des lignes électriques particulièrement résistantes, l’entretien des mangroves de régions côtières, sans oublier bien sûr un renforcement pensé des consolidations de lieux d’urgence en particulier des aéroports par exemple dans des zones à risques sismiques…

 A titre préventif aussi les interdictions de constructions en terrains considérés comme dangereux (c’est un point crucial qui se heurte   à la puissance de l’argent ) et, bien entendu, l’organisation de lieux d’accueil de sinistrés, sans oublier l’organisation de l’évacuation de populations.

Pourquoi fermer les yeux sur ce dernier point? Ne faut-il pas aller plus loin dans différents pays  par rapport aux  possibilités d’évacuation de grandes villes  face à des catastrophes majeures? Les mises en place de ces stratégies ne sont-elles pas encore trop rares ?Comment les penser sans basculer dans « l’administration de la peur » , en termes de sécurité et non de sécuritaire ? Le droit comparé, là aussi , ne peut-il pas être  porteur ?

  De façon plus globale le projet de convention internationale portant  statut des déplacés environnementaux   ne doit-il pas voir le jour? Les pratiques régionales et sous-régionales, pour contribuer à faire face aux situations des déplacés environnementaux, ne doivent-elles pas être soutenues par des moyens massifs ?

 –Les moyens relatifs à l’assistance en cas de situation critique qui s’est produite

Il s’agit d’organiser l’assistance : financement des opérations d’assistance, formalités de contrôle et de douane en ce qui concerne le passage de frontières par le personnel de secours et le matériel, conduite des opérations…(note 9)

  Par rapport à la Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire (1986),l’État demandant l’assistance doit préciser le type d’assistance requise, il doit fournir toutes les informations qui peuvent être nécessaires. Tout État peut demander une assistance portant sur le traitement médical ou l’installation provisoire sur le territoire d’un autre État Partie de personnes affectées par un accident nucléaire. Par contre, pour les mesures qui interviennent sur le territoire de l’État qui fournit l’assistance, c’est celui-ci qui doit coordonner les opérations. La Convention fait une large place à l’AIEA dans l’organisation des opérations d’assistance. On peut néanmoins penser, que face à une catastrophe nucléaire d’une certaine ampleur (sans parler de celle d’une ampleur certaine), l’assistance est dépassée et dans l’espace et dans le temps.

 –Répondre  à  l’aspect dramatiquement insuffisant des moyens face aux catastrophes  écologiques majeures

 Face aux catastrophes qui s’annoncent, liées en particulier aux changements climatiques, ne faut-il pas créer un fonds international destiné à l’assistance écologique répondant aux catastrophes écologiques de tous les Etats,et dont les ressources correspondraient à l’une des nombreuses taxations mondiales que l’on imagine ici et là ?

Une des clefs est celle du financement de « l’adaptation aux changements climatiques » prévue dans le cadre du futur accord de décembre 2015 qui entrerait en vigueur en 2020, les cent milliards de dollars qui iront chaque année aux pays en développement pour « s’adapter » pourront être consacrés pour une part –reste à savoir laquelle- à l’assistance écologique.

  Ne faut-il pas aussi créer et développer des moyens technologiques pour repérer, par exemple par satellites, différentes possibilités d’accéder aux victimes et de les secourir ?

 Ne faut-il pas former et organiser des équipes spécialisées beaucoup plus nombreuses dans chaque pays et celles aussi d’une Agence internationale des Casques verts ?

 

 De ce point de vue, il ne s’agit pas d’administrer la peur, de cultiver la peur pour administrer la sécurité,

il s’agit  de la peur salutaire  force de vie, sursaut de vie, celle qui pousse à faire face à ses responsabilités.

 

 Remarques terminales relatives à l’assistance écologique.

 1-Pour terminer nous voudrions insister sur cette double nécessité : organiser l’assistance écologique et construire des politiques à long terme.

 L’assistance humanitaire et l’assistance écologique ont pour raison d’être de secourir les victimes. Elles ne peuvent pas servir  d’alibi ou de substitut à des politiques cohérentes, aux différents niveaux géographiques, politiques destinées à prévenir des exactions et des catastrophes. La prévention, les remises en cause de modes de production, de consommation, de transport écologiquement non viables, tout cela est vital (voir notre billet sur ce blog « Les moyens de la protection mondiale de l’environnement »).

 Cependant  organiser l’assistance écologique, soulager des souffrances immédiates, cela aussi est essentiel. L’imprévoyance des politiques n’est pas une raison pour justifier l’indifférence face aux souffrances des sinistrés.

 2- Mais où sont les courages, où sont les volontés des acteurs qui composent la société  internationale pour construire une véritable assistance écologique

rapide ,

 multiforme ,

cohérente,

 gigantesquement    financée,

dotée de puissants moyens,

 répartie  sur le globe,

 bref : une assistance écologique à la hauteur  des catastrophes  présentes et  à  venir ?

 

 Notes

(1) sur les déplacés environnementaux voir :

 Bétaille Julien, Des« réfugiés écologiques »à la protection des « déplacés environnementaux », éléments du débat juridique, Revue hommes et migrations, n°1284,mars-avril 2010,p144 à 153.

Chemillier-Gendreau Monique, Faut-il  un statut international de réfugié écologique? REDE, 4-2008, p 446 à 454.

Cournil Christel, Emergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux », in Réfugiés climatiques, migrants environnementaux ou déplacés ? Numéro sous la direction de Luc Cambrézy et Véronique Lassailly-Jacob, Revue Tiers Monde, n° 204, octobre-novembre 2010, p 35 à 53.

Cournil Christel, A la recherche d’une protection pour les « réfugiés environnementaux »:actions, obstacles, enjeux et protections, Revue Asylon(s), n°6, novembre 2008.

Cournil Christel, Les défis du droit international pour protéger les « réfugiés climatiques » : réflexions sur les pistes actuellement proposées, in Cournil C, Colard Fabregoule C (dir), Les changements climatiques et les défis du droit, Bruylant, 2010, p345-372.

 Cournil Christel, Les migrations et déplacements climatiques : quelle gouvernance, quels droits ? Draft-Contribution écrite de la communication orale à l’AFSP, 31 août 2011.

 Lavieille Jean-Marc, Marguénaud Jean-Pierre, Bétaille Julien , Présentation du projet de convention sur le statut international des déplacés environnementaux, Revue européenne de droit de l’environnement(REDE),numéro spécial, 2008,n°4.

 Michelot Agnès, Vers un statut de réfugié écologique ? in les catastrophes écologiques et le droit, Bruylant, 2012, p517à540.

 Prieur Michel, le projet de convention sur le statut international des déplacés environnementaux, même ouvrage Bruylant, 2012, p542à549.

 

(2) Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur (sous la  dir.)Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit, Bruylant, 2011, 608 pages.

 

(3) Jean-Marc Lavieille, « Du productivisme autodestructeur à une société humainement viable », Pour un droit commun de l’environnement, Mélanges en l’honneur de Michel Prieur, Dalloz,2007,pp.223-241.

 

(4 ) Eduardo Valencia-Ospina, Deuxième rapport sur la protection des personnes en cas de catastrophe, Assemblée générale des Nations Unies, Commission du droit international, A/cn.4/615, 7 mai 2009, pp.12-16.

 

(5) Michel Prieur, « Le projet de convention sur les déplacés environnementaux », Les catastrophes écologiques et le droit,Bruylant, 2011,pp542-553.

 

(6)  Sur la sécurité environnementale voir L’environnement comme cible, Jean-Marc Lavieille, Patrice Bouveret,  Directeur du CRCPC de Lyon, Rapport du GRIP 2008, N°6  sur « Sécurité collective et environnement ».

Voir aussi sur ce blog le billet intitulé « La paix et le concept de sécurité », la distinction est faite en particulier entre une véritable sécurité environnementale et le sécuritaire environnemental conçu en termes de stratégies militaires.

Voir aussi, de façon  globale et très documentée, les rapports entre l’environnement et la paix ,sur  le site de Ben Cramer,polémologue-journaliste,   athena21.org

 

(7) Un rapport du Secrétaire général des Nations Unies de 2009 a précisé la mise en œuvre de cette responsabilité. Mais surtout le Conseil de sécurité a fait référence à « la responsabilité de protéger » pour le Darfour (avril 2006),la Libye(février 2011),la Côte d’Ivoire(mars 2011),le Yémen(octobre 2011),le Soudan du Sud(juillet 2012).Par contre le projet de résolution(par exemple en février 2012) a échoué par rapport à la Syrie(vetos de la Russie et de la Chine.)

Au moins deux questions restent  présentes : d’abord celle de l’opposition entre une légalité qui peut se trouver bloquée au Conseil de sécurité (d’où le serpent de mer vieillissant de sa réforme) et la légitimité d’une intervention devant une violation particulièrement terrifiante de la protection de la population. Ensuite la nature des moyens d’intervention qui peuvent produire victimes, souffrances et destructions. Cette dernière question se pose dans le cadre d’une intervention légale décidée  par l’ONU et aussi dans le cadre d’une intervention illégale, décidée par un ou plusieurs Etats sans accord du Conseil de sécurité : les effets de bombardements massifs, lorsque ces moyens sont  employés, sont le plus souvent terribles.

 La communauté internationale  souvent se trouve donc, pour n’avoir pas voulu agir en amont à travers des moyens porteurs d’une véritable paix, soit impuissante devant des drames, soit poussée à employer des moyens militaires plus ou moins destructeurs. 

 

 (8) Selon l’International Council for Science (ICSU) (rapport 20 octobre 2005) pour la période 1994 à 2003 les cataclysmes en pourcentages ont été les suivants : les inondations (33 %), les tempêtes (23 %), les épidémies (15 %), les sécheresses (15 %), les tremblements de terre et les tsunamis (7 %), les glissements de terrain (4,5 %), les éruptions volcaniques 1,4 %), les avalanches(0,7 %), (Sources EM-DAT the OFDA/CRED International disaster database).

 (9) Le manque dramatique de moyens se retrouve ici et là,  par exemple au Pakistan (séisme du 8 octobre 2005, selon les autorités pakistanaises  les chiffres provisoires : 49 739 morts et plus de 74 000 blessés ; en Inde : 1 329 morts). Deux semaines après le séisme au nord du Pakistan, 500 000 personnes n’avaient toujours reçu aucune aide selon l’ONU. « Sur l’appel d’urgence de 312 millions de dollars lancé par l’ONU seuls 86 millions avaient été promis ». Le  coordonnateur de l’aide d’urgence des Nations Unies  a dénoncé la faiblesse de la Communauté internationale.

 

 Remarques terminales globales relatives aux  trois articles « Sommes-nous fraternisés par les périls communs ? »

 

1-La fraternité

a pour fondements  nos communs et nos responsabilités.

a pour obstacles ces périls écologiques eux-mêmes et   des logiques autodestructrices  du système mondial.

 a pour moyens une vaste panoplie des remises en cause écologiques et trois moyens particuliers qui s’appellent un statut international des déplacés environnementaux, une assistance écologique puissante, une reconversion financière gigantesque tournée en priorité  vers l’environnement et la santé.

 

2-La fraternité éthiquement est un devoir moral, politiquement  est une valeur essentielle, juridiquement  est un principe porteur. Sur ces trois terrains elle est mise à l’épreuve tous les jours du local au global. Elle est mise à l’épreuve en particulier face aux périls écologiques.

 

3-« L’esprit de fraternité » est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 :
Article premier « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un
esprit de fraternité. 
»

Cet esprit de fraternité   doit  souffler  sur notre Terre  à travers les temps,  il peut  briser des solitudes,  changer  des destins personnels et collectifs, qualifier des vies.

 Il doit faire, de tous envers tous, des tisseurs  et des passeurs de fraternités.

 Face aux périls écologiques les moyens mis en œuvre nous disent et nous diront si  cette fraternité est vivante.

Le rêve final étant, comme l’écrivait  Emile Zola « ( …)  de ramener tous les peuples  à l’universelle fraternité, de  les  sauver tous le plus possible de la commune douleur, de les noyer tous dans une commune tendresse. »