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au trésor des souffles

Environnement

La machine infernale

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Des  étudiants chaque année m’ont demandé  ce que je trouvais de plus sombre dans la dégradation mondiale de l’environnement.

 Affectivement : les drames et les souffrances des victimes passées, présentes et à venir.

 Intellectuellement : la machine infernale que constitue la dégradation.

 Quels sont ces mécanismes (I)

 et quels sont les facteurs d’aggravation(II) ?

 

I-Les mécanismes de la machine infernale de la débâcle écologique.

 

 L’accélération de la dégradation environnementale  fonctionne comme une sorte de machine infernale qui comprend quatre  séries de mécanismes :

 -Le système mondial  s’accélère dans son ensemble (voir sur ce blog « L’accélération du système mondial »)

 -L’aggravation de la dégradation environnementale  rend les urgences omniprésentes,  l’urgence devient une « catégorie centrale » du politique, elle fait  d’ailleurs corps  avec le court terme qui constitue  une des dix logiques profondes du productivisme (voir sur ce blog les trois billets sur « Le productivisme ».)

Un des exemples les plus criants est celui des déplacés environnementaux, ce silence scandaleux  dans  l’Accord de Paris sur le climat en dit long sur ce qui constitue  déjà, aux yeux de certains, de nouvelles classes dangereuses en voie d’explosion dans les décennies à venir.(voir sur ce blog « Les déplacés environnementaux »)

– Penser  et mettre en œuvre  les réformes et les remises en cause environnementales prend du temps (introduction du  long terme, complexité des interactions, enchevêtrement des ordres  juridiques, inertie de systèmes économiques, obstacles financiers, institutionnels, éducatifs, psychologiques et juridiques des mises en œuvre de textes , actions trop tardives, difficultés des remises en cause personnelles et collectives enfin, par-dessus tout, puissance des logiques productivistes)

– …or le système mondial  s’accélère.

II- Des facteurs aggravants de cette machine infernale.

Parmi les facteurs aggravants (il y en a d’autres) deux cités ici :

 -En matière environnementale (comme dans tel ou tel autre domaine) il y a de véritables bombes à retardement, elles mettent du temps à se préparer mais elles peuvent soit continuer sous la forme de  pollutions diffuses soit  exploser violemment et basculer dans l’urgence, ainsi très vraisemblablement par exemple de véritables Tchernobyls  sous-marins sont en route. 

-Autre facteur aggravant :il existe aussi  un divorce très impressionnant entre, d’une part , des données scientifiques, des avertissements d’auteurs de diverses disciplines et de militants d’ONG  et, d’autre part, les temps de réactions, de décisions et d’applications  de nombreux autres acteurs : alors que la dégradation environnementale s’accélère  et atteint ici et là des seuils d’irréversibilité, il est fréquent de constater que des conférences internationales décident,selon les cas,  pour une part,pour une large part ou pour la totalité … que l’on décidera plus tard. Cela signifie que plus l’on attend plus  les solutions devront être  radicales et massives.

 Sans remonter à l’avertissement du scientifique suédois Arrhénius  en 1896,rappelons, exemple criant , que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm qu’est évoqué pour la première fois au niveau de tous les Etats le danger du réchauffement climatique, qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention, 1997 pour qu’arrive son protocole, 2005 pour qu’il entre en vigueur, 2015 pour un nouvel accord qui entre en vigueur fin 2016 soit au total près de 45 ans !

Près de quarante cinq ans (1972-2016) pour faire les « premiers pas » !

Certes un chemin de mille pas commence par quelques pas, mais quel est le temps qui reste pour construire cet intérêt commun de l’humanité ?

 

Bref : les réformes et les remises en cause  pour casser cette machine infernale doivent être tellement titanesques  qu’il n’est pas sûr que nos générations et les prochaines   aient beaucoup de temps devant elles pour éviter, si faire encore se peut, un  nombre de plus en plus important  d’irréversibilités.

 

Nous avons reçu de trois générations passées (   1850 à 1945 environ), un environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en marche sous les logiques  du productivisme (en route en fait depuis le XVème siècle) et de l’anthropocène en route voilà près de 170 ans à travers les explosions des énergies fossiles et de la démographie.

-Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ),… et en voie de disparition, ont produit un environnement pour une large part détruit et plongeant dans  des apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides, en particulier à travers le réchauffement climatique et les atteintes à la diversité biologique.

-Les  trois générations qui ont commencé à voir le jour et  qui viennent  (2030 à 2110 environ)  se trouvent donc devant  une question vitale : cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés et quels moyens, et quelles marges de manœuvres  se transformer en aube d’humanité ?