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au trésor des souffles

Paix

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VIOLENCES : introduction

 

« La violence c’est le négatif de la tendresse. » André Gorz.

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Quelle serait la « substantifique moelle » de ces articles (expression de Rabelais dans Gargantua, 1534, signifiant l’essentiel, le plus profond) ? Autrement dit en  terminant ces sept billets sur les violences l’analyse débouche-t-elle  sur une réalité et une conviction ?

La plupart des violences, à tous les niveaux géographiques, n’ont-elles pas pour causes les injustices ? LES LUTTES CONTRE LES INJUSTICES  ne sont-elles donc pas  une des grandes remises en cause des violences?

 

 

Dans cette introduction

 nous partirons de réalités synonymes de violences massives et terrifiantes (1),

 puis de l’explosion du mot dans le langage courant et d’une multitude de réalités (2),

 enfin de son étymologie, sa sémantique, sa mythologie et sa cosmogonie (3).

Il sera alors temps de proposer une analyse qui se voudrait globale, critique et créatrice (4).

 

 

1-Des violences massives et terrifiantes

Hiroshima, Auschwitz, le Goulag, la guerre du Vietnam et celle du Congo(RDC), les génocides du Cambodge et du Rwanda : voilà quelques unes des souffrances les plus gigantesques de la seconde moitié du XXème siècle, précédées par celles du début de ce même  siècle, ainsi le génocide  des arméniens  de 1915-17, ainsi la grande boucherie de 1914-18, symbolisée par l’enfer de Verdun.

Le XXIème siècle commence  par  les attentats de New York et continue par de multiples drames ,  celui de la faim, celui de l’absence d’eau potable et d’assainissement, celui d’un enfant sur deux, en 2018 dans le monde, « en situation de détresse et/ou de danger », autrement dit d’une multitude d’injustices… et d’autres violences massives et terrifiantes telles que les catastrophes écologiques, celles du  réchauffement climatiques et de l’effondrement de la biodiversité, sans oublier des effets sanitaires, sociaux et économiques violents  de différents virus … A cela s’ajoute la course aux armements, qui contribue aux conflits armés, qui est porteuse d’un pouvoir de destruction pouvant signifier la fin de l’humanité et d’une grande partie du vivant et qui est synonyme, ce que l’on passe presque toujours sous silence, de sommes gigantesques englouties et enlevées à des besoins criants, forme de violence massive, terrifiante et permanente depuis 1945.

 

2- Une explosion de l’utilisation du mot violence et les réalités multiformes des violences

Ce terme a de plus en plus envahi le vocabulaire d’une partie des mondes médiatiques, des mondes politiques et d’un nombre de personnes plus ou moins important selon les lieux et les périodes, cela dans la vie quotidienne.

 C’est  devenu un mot qui a quelque chose de « fourre-tout », en tous les cas porteur d’innombrables situations ,  soulignons de nombreuses réalités :

 Ainsi comme elles peuvent venir  aux esprits et aux cœurs :

  Bien sûr les violences  des guerres, des génocides, des ethnocides, des crimes contre l’humanité, des épurations de masse, des totalitarismes ,  des massacres ethniques, des terrorismes, des tortures, de  régimes politiques autoritaires,

de la course aux armements, violences des complexes scientifico-militaro-industriels, violences des ventes d’armes, violences des armes légères et des armes lourdes, violences des menaces des armes nucléaires, biologiques et chimiques,

des violences  constituées par des  violations des droits de l’homme, des droits des peuples, des droits des  générations futures,  violences contre le patrimoine culturel des générations passées,

violences de violations de libertés, d’égalités, de fraternités, violations du droit à la paix, du droit à l’environnement,

déplacements  forcés, drames des migrants morts sur les mers, violences dans des camps de réfugiés,

 violences faites aux femmes, allant jusqu’aux féminicides, violences faites  aux enfants, ainsi par exemple  les violences sexuelles, violences  aux êtres humains, violences au vivant,

violences des  injustices en général, d’une injustice particulière, violences du chômage, de la pauvreté, de la misère, de la faim, de l’absence d’eau, de l’absence de  toilettes, de l’absence d’école, d’hôpital, de transports,

 violences d’une manifestation, d’une révolte, d’une répression, violences   des casseurs, violences de  l’Etat ,

  violences institutionnelles, idéologiques, politiques, économiques, sociales, techniques, scientifiques, culturelles, écologiques, médiatiques, informatiques,

  violences  du marché mondial, des marchés financiers, des paradis fiscaux, de firmes multinationales,  violences  étatiques et interétatiques, violences sur des  réseaux sociaux,

 violences policières, militaires,  violences de la justice, de l’administration,

violences de religions, violences contre des croyants, entre des croyants, entre  des croyants et des incroyants, silences du ciel,

 violences physiques, psychologiques, matérielles,  violences de solitudes, violences d’un monde  malade, violences de menaces sur l’avenir, violences de  compétitions,

violences de la mort d’êtres chers, de  celle  de personnes admirées, en particulier de militant(e) s des droits de l’homme, des droits de la femme, morts d’acteurs, de chanteurs, d’écrivains, de sportifs,

violences de maladies, violences de l’arrivée de virus, violence de la place écrasante de l’homme dans la nature,

violence d’une tempête, d’un  orage ,  d’un ouragan, d’un incendie, d’un tsunami ,  d’un tremblement de terre, d’une inondation, de glissements de terrain,

violences de la mort d’animaux qui nous ont accompagnés,

violences d’accidents industriels, d’accidents nucléaires, de pollutions visibles et invisibles, pollutions de l’air, des sols, des mers,

 violences contre  les animaux, celles aussi contre l’ensemble du vivant, violences des atteintes portées à la diversité biologique,

violences des changements climatiques et de leurs cortèges de drames et de menaces à court et long termes,

 violences racistes, violences  des appels  au   meurtre , de celles de négationnismes, violences contre des homosexuel(le)s, contre des étrangers, des immigrés, contre des fonctionnaires par exemple aux guichets, violences des indifférences,

violences d’une bagarre, d’un vol, d’un forcené, d’un crime, d’un crime contre un enfant, violence  d’un  enlèvement ,

violences des  agressions sexuelles, violences des viols, violences contre des enfants,

violences de certains  divorces, d’ abandons, d’un mariage forcé, de discriminations de  personnes handicapées, de moqueries collectives, de harcèlements familiaux, professionnels et  de toutes sortes,

  violences familiales,  administratives, professionnelles, harcèlements, burn out(épuisement général),

violences scolaires entre élèves, violences contre des enseignants, violences d’enseignants contre des élèves, violences scolaires institutionnelles,

  violences dans la rue, à la maison, à l’école, au bureau, dans des  entreprises, dans des stades, dans des prisons, dans des hôpitaux et des maisons de retraites,

violences de certaines vieillesses, de certaines fins de vies, de certaines mises au monde,

violences d’un accident, d’une chute, d’une maladie,  d’une disparition, d’une absence,

 violences d’accidents de transports,

  violences d’un coup de poing, d’une gifle, d’une fessée, d’une parole, d’une critique, d’un regard, d’un lourd silence, d’un long silence, d’un oubli,

 violences de nuisances  sonores en général, de celles d’un bruit infernal en particulier,  violences de cris, odeurs parfois violentes,

violences d’un reportage, d’un film, d’une vidéo,  d’un livre, d’un article, d’une photo, d’une musique, de l’absence de musique, d’une histoire,

 violences d’incivilités, d’injures, d’insultes, de déclarations,  violences de secrets, violences des profanations de cimetières,

violences aussi  d’un  fantasme, d’un rêve, d’un  souvenir, d’une lumière,

violences de la grande histoire et celles de la petite histoire,

violences de l’univers,

violences visibles et invisibles,

violences du passé, du présent, de l’avenir,

 violences d’une multitude de souffrances…

Après une telle liste impressionnante  tellement vaste  on se demanderait presque « Qu’est-ce qui n’est pas violent ? »

Et après tout, diraient certains dont nous ne sommes pas, est-ce si étonnant ?

L’univers, par exemple le Big Bang, est violent, la naissance n’a-t-elle pas, elle  aussi, quelque chose de violent (« Eclore est une fracture » disait Shakespeare) ?

En arrivant à qualifier de violent un peu tout et quelquefois  n’importe quoi, on se demande alors si pourrait  être qualifié de violent …

-Tout ce qui est synonyme d’une  souffrance ?

-Et , aussi,   tout ce qui nous déplait ?

–D’une certaine façon tout ce qui s’éloigne un peu, un peu plus, beaucoup  ou immensément et  dramatiquement de « la tendresse », pour reprendre la magnifique et terrible définition d’André Gorz (« La violence c’est le négatif de la tendresse »?)

 Mais beaucoup d’évènements ci-dessus  ne sont pas comparables.

N’y a-t-il pas des clarifications et des classifications à opérer ? N’y a-t-il pas des violences de différentes natures et des  degrés dans les violences ?

 Ne suis-je pas, moi-même, tantôt victime, tantôt témoin, tantôt acteur de telle ou telle violence ?

Ne faut-il pas distinguer les violences personnelles et les violences collectives ? Ont-elles des points communs, des différences, des oppositions ?

A ce simple niveau on constate donc qu’il est beaucoup plus proche des réalités et beaucoup plus juste et nécessaire  de parler  « des » violences et non pas de « la » violence.

Pour y voir plus clair les notions qui suivent nous éclaireront-elles ?

 

 

3- Etymologie, sémantique, mythologie, cosmogonie et violences

 

Du point de vue de l’étymologie les linguistes nous apprennent que le mot violence vient du grec « bia » qui signifie la force vitale, la force.
Le mot violence vient ensuite du latin « vis » qui signifie la force physique en action, d’où découlent « violentia » désignant un caractère emporté, indomptable et aussi « violentus », désignant une force violente, on parle par exemple de la force du vent. A partir du XVIème siècle le mot signifie abus de la force, on fait violence à quelqu’un. Ainsi violence, viol, violer, violation viennent du latin « violare » qui signifie porter atteinte, attaquer, agresser…

 

Du point de vue de la sémantique il y a  dans le mot violence « viol » ce qui renvoie à différents sens : un rapport sexuel, une pénétration donc, imposé à une personne sans son consentement, une action consistant à violer quelque chose (une loi, un secret…), le fait de forcer une pensée (viol de conscience)… Les mots de cette famille vont ainsi dans le sens d’une atteinte portée à quelqu’un, à quelque chose, il y a une transgression, une agression.

 

Du point de vue de la mythologie, pour les grecs « Bia » est la divinité de la Force, de la Vaillance, de la Violence. C’est elle, écrit Eschyle, qui a aidé à enchainer Prométhée. Bia accompagne le dieu des dieux, Zeus, lui-même dieu de l’univers, dieu souvent violent, brutal, porteur de la foudre.
Le géant Pallas est le père de Bia. Un des fleuves des enfers, Styx, est la mère de Bia. Sa sœur se nomme Niké, la Victoire, ses frères s’appellent Zélos, l’Ardeur, et Cratos, la Puissance.
La violence existe également dans une partie de la mythologie grecque. Parmi de très nombreux exemples celui d’Oedipe qui se rend involontairement coupable du meurtre de son père et du mariage avec sa mère, laquelle ensuite se pend, Œdipe qui se crève les yeux pour ne pas voir ses crimes et termine une vie errante guidée par sa fille Antigone. Violence qui existe de même dans une partie de la mythologie romaine. Parmi de très nombreux exemples celui de la naissance d’une civilisation, pour qu’elle apparaisse l’un des deux fondateurs doit mourir, Romulus tue Rémus pour que naisse Rome.

 

Du point de vue de la cosmogonie, nombreux sont les récits des différentes civilisations relatifs  aux origines du monde, récits liés en partie à différentes formes de violence. Il s’agit souvent de conflits entre forces opposées, entre ordre et désordre, entre lumières et ténèbres, se déchainent également des luttes entre des dieux, entre des héros. 

Et cela… jusqu’aux cosmogonies scientifiques contemporaines : la théorie du Big Bang, proposée à partir de 1922 et établie en 1965, n’est-elle pas symbolique de la description d’une violence incommensurable? Au début il n’y avait rien, ni espace, ni temps, ni matière, ni énergie. Arrive alors -venue d’où?- une boule de feu plus petite qu’un atome, immensément chaude, dont « l’explosion » produit …l’univers.

Comment continuer notre réflexion, quelle démarche proposer?

 

 4- Quelle démarche proposer ?

Il s’agit de construire une analyse  qui se voudrait  globale, critique et créatrice.

Cette démarche peut nous faire entrer dans les complexités des violences cela avec au moins trois objectifs :

– essayer de mieux  comprendre les manifestations des violences, en clarifiant, en classifiant, en énumérant les violences  et en synthétisant leur contenus , en dénonçant aussi une confusion gravissime,

– dresser un panorama général  des analyses des causes, on en découvrira beaucoup ou certaines, souvent lumineuses, quelquefois passées sous silence,

-et, au-delà, essayer de penser et de construire des contre-logiques, des moyens pour lutter contre ces violences, cela non pas dans le vide mais à partir des analyses des causes.

Nous partirons d’un travail de clarification de  la notion de violence. Souvent on mélange un peu tout, par exemple violence et conflit. (I). (5 pages)

 Nous ferons ensuite une synthèse des  classifications des violences et nous proposerons  une classification si possible opérationnelle et globale. (II).(9 pages)

 Nous pourrons  alors  énumérer  les nombreux  contenus des violences, contenus souvent  très impressionnants (III).(42 pages)

Nous dénoncerons une confusion dommageable et omniprésente par exemple dans une grande partie des médias et chez beaucoup d’hommes et de femmes politiques. (IV).(25 pages)

 Nous essaierons ensuite, réflexion essentielle,  de comprendre  les analyses des causes des violences. C’est notre réflexion préférée que celle de ce foisonnement d’idées, vous visiterez des analyses  connues et d’autres à découvrir (V).(25 pages)

Enfin nous en appellerons aux  luttes contre les causes des violences, en dégageant en particulier des alternatives existantes et d’autres possibles (VI).(18 pages).

 

 Un mot sur la longueur de la réflexion :

Avec l’introduction de 7 pages le total de ces articles est de 128 pages.

Cette réflexion sur les violences est donc longue, trop longue et vous la laisserez de côté.

L’auteur en a  bien conscience. Mais il ne peut s’empêcher d’approfondir certaines   synthèses… et les pages défilent. Si l’on veut essayer de penser on entre dans la complexité. « Penser c’est dialoguer avec la complexité  » écrit Edgar Morin.

 Heureusement   ,   et certains d’entre vous connaissent bien cette pratique, il  vous est possible aussi   de lire de petits passages, choisis à partir de titres et de sous-titres. Ou de parcourir simplement  les plans généraux.