au trésor des souffles
Reconversion financiere et catastrophes ecologiques
reconversion financiÈre et catastrophes Écologiques
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Reconversion financière : introduction, annonce des six parties.
Avant-propos
De 1972 à 2021, en 49 ans, l’idée puis les balbutiements de la mise en œuvre du « désarmement financier » ont vu le jour mais il y a un élément gigantesque nouveau qui devrait en appeler massivement à ce contre-mécanisme.
En 1972, juste après l’abandon de la convertibilité du dollar en or en août 1971, un économiste américain de l’Université de Yale , James Tobin (1918-2002), propose une taxe relative aux transactions financières spéculatives sur les marchés internationaux des devises. Elle aurait pour but de réduire la volatilité des cours et les risques de crise. Collectés par chaque Etat les fonds seraient reversés à un organisme international géré par le FMI. Cette taxe à l’origine ne concernait donc que le marché des changes.
En décembre 1997 au moment de la crise financière asiatique, Ignacio Ramonet, Directeur du Monde diplomatique de 1990 à 2008 , écrit un article « Désarmer les marchés financiers », article qui devint fondateur. « La mondialisation du capital financier est en train de mettre les peuples en état d’insécurité généralisée. Elle contourne et rabaisse les nations et leurs Etats en tant que lieux pertinents de l’exercice de la démocratie et garants du bien commun. »(…) « La taxation des revenus financiers est une exigence démocratique minimale. » Il propose de créer une ONG , « Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens (Attac) » pour réclamer la mise en œuvre de cet « impôt mondial de solidarité. »
En juin 1998 est ainsi créée « l’Association pour la taxation internationale des transactions financières et pour l’action citoyenne » qui existe aujourd’hui dans 40 pays, cette ONG est fondée sur plus de mille groupes locaux. Des membres d’Attac sont à l’origine du premier Forum social mondial de Porto Alegre en 2001 et des forums sociaux européens.Attac est donc pleinement impliquée dans le mouvement altermondialiste.
Pour faire trop court et arriver jusqu’à ce jour, le 8 juillet 2021 un collectif de 124 économistes et experts financiers dans une tribune au « Monde » demande « au G20 de mettre en œuvre au plus vite des taxes sur les transactions financières pour lutter contre la volatilité de l’économie et générer des investissements publics nécessaires de toute urgence, pour sauver des vies en renforçant les systèmes de soins de santé, et pour couvrir une partie des coûts causés par le réchauffement climatique. »Ils affirment en conclusion « Il est temps que le marché le plus riche du monde soit enfin mis à contribution. »
En ce demi siècle on a également traversé trois conférences environnementales au sommet : en juin 1972 à Stockholm la « Conférence des Nations Unies sur l’environnement » est la première prise de conscience interétatique des atteintes à l’environnement, en juin 1992 à Rio la « Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement » représente un certain sursaut en particulier juridique face à la dégradation de l’environnement, en juin 2012 de nouveau à Rio la « Conférence des Nations Unies sur le développement durable » est malheureusement synonyme d’une récession des volontés. La prochaine Conférence de Stockholm en juin 2022, la quatrième, se déroulera sept mois après la 26ème CP de novembre 2021 sur les changements climatiques dans le sillage de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat (Voir nos onze articles sur ce blog et notre site.).
Ce qu’il y a de nouveau c’est que la débâcle écologique est encore plus rapide que beaucoup (experts, « décideurs », citoyens) ne le pensaient
et que donc les marges de manœuvres diminuent pour les remises pouvant permettre ni plus ni moins la survie de l’humanité et de l’ensemble du vivant.
C’est ce qui fait dire à certains que la lenteur des gouvernements pour agir devant l’urgence climatique constitue une forme de « crime climatique. »
Introduction
Face aux mécanismes autoritaires, injustes, anti écologiques et violents qui constituent la plus grande part du système mondial , doivent voir le jour des contre-mécanismes démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, du local au mondial en passant par le national et le continental.
L’un d’entre eux pourrait être extraordinairement porteur et peut-être décisif. Lequel ?
(J’ai depuis longtemps aimé ce terme de « reconversion », depuis 1988 ( date de mes deux ouvrages « Construire la paix », éditions La Chronique sociale) j’ai beaucoup écrit sur les « reconversions des industries d’armements » et sur « les reconversions des recherches scientifiques relatives aux armes de destruction massive. »)
Ici il s’agit de ce que l’on pourrait appeler une « gigantesque reconversion financière » qui est liée au désarmement financier.
« Désarmement » et « reconversion » marchent tous deux côte à côte, ils se protègent, se complètent, s’inclinent l’un vers l’autre.
Le désarmement financier doit contribuer à remettre à leur place les marchés financiers qui dirigent le système mondial au détriment des Etats et des peuples.
La reconversion financière doit orienter ces gigantesques richesses vers l’ensemble des besoins criants et d’abord ceux de l’environnement et de la santé.
Nous entendons ainsi par gigantesque reconversion financière la mise en œuvre de trois éléments :
-Premier élément :
Une reconversion d’une ampleur financière inconnue jusque là, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars.
On est quelquefois impressionné devant des plans de l’UE de quelques centaines de milliards d’euros et devant ceux des Etats-Unis de quelques milliers de milliards de dollars.
Il s’agirait donc ici de l’ordre de 10, 20,30 fois plus que ces derniers ou beaucoup plus encore, soit 10.000 à 20.000, 30.000 milliards de dollars ou beaucoup plus encore.
-Deuxième élément :
Une reconversion par la création de nouveaux moyens c’est-à-dire de ressources gigantesques nouvelles. Si de nombreuses anciennes ressources subsisteront il faudra donner le jour à de nouvelles et donc aller chercher ces sommes colossales où elles se trouvent et changer leur destination .
Beaucoup de terrien.ne.s n’ont aucune idée de leur ampleur réelle. Il faut ajouter que les camouflages de certaines d’entre elles les recouvrent d’un linceul de silence difficile à remettre en cause.
-Troisième élément :
Une reconversion par la priorité donnée aux besoins vitaux c’est-à-dire avant tout ceux de l’environnement et de la santé, mais aussi ceux de l’alimentation, de la protection sociale, de l’accès à l’emploi, du logement, de l’éducation, cela par des remises en cause allant dans le sens d’un monde viable.
Or on constate le plus souvent le contraire , un seul exemple parmi beaucoup d’autres : en juillet 2021, selon l’Agence internationale de l’énergie, l’ensemble des plans de relance post-Covid, de l’ordre de 2300 milliards de dollars, consacrent seulement 46 milliards soit 2% aux énergies propres ce qui est dramatiquement dérisoire , c’est donc l’inverse qui verrait le jour , une reconversion massive vers des besoins environnementaux et sanitaires vitaux.
Cette reconversion ne contribuerait-elle pas à l’hypothétique passage de ce monde autodestructeur à un monde viable ?
-Ce ne serait pas « Le » grand remède miracle, il n’y en a pas. Ce serait un moyen parmi d’autres mais très important par le montant des sommes et leurs destinations multiples vers des besoins criants.
-Ce ne serait pas une forme d’atteinte aux autres contre-mécanismes face au productivisme autodestructeur mais, au contraire, pour eux un puissant soutien, un côte à côte avec ces autres nombreux moyens viables.
-Ce ne serait pas une utopie abstraite, détachée des conditions de sa réalisation. Nous croyons à l’utopie concrète , celle qui prend les moyens de se réaliser. Et de toute façon , écrivait René Dumont, le choix est on ne peut plus clair : c’est « L’utopie ou la mort »(titre de son ouvrage lumineux publié en 1973) .
-Certains diront que c’est supposer la question résolue : on remettrait en cause le système mondial autodestructeur dans un de ses piliers centraux particulièrement puissant, le domaine financier.
Mais la question reste entière puisque la réponse dépend des volontés, des moyens et des marges de manœuvres pour la réaliser.
-D’autres diront qu’on ne peut pas par les finances changer le système productiviste puisque ce sont elles qui représentent un des piliers de l’autodestruction. Il serait au contraire impératif de mettre fin à l’argent, point final.
Si nous laissons la question des alternatives à venir ouvertes en ce domaine, nous pensons que la reconversion est exigée par les drames et les menaces, qu’elle est faisable, qu’elle doit être la plus rapide possible et qu’elle peut contribuer à changer un des fondements du productivisme, son autoreproduction, en cassant certaines logiques.
Nous proposons ici d’entrer dans six questions :
Pourquoi une gigantesque reconversion financière ? (I)
Quels sont les facteurs favorables à cette gigantesque reconversion financière ? (II)
Quels sont les obstacles à cette reconversion financière ?(III)
Où se trouvent les finances de cette reconversion financière ?(IV)
Comment mettre en œuvre cette reconversion financière ? (V)
A quelles logiques profondes répond cette reconversion financière ? (VI)