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au trésor des souffles

Environnement

Protection: fondements, moyens

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Introduction

 

Quel est l’enjeu de la protection mondiale de l’environnement ? Ni plus ni moins la survie de  l’humanité et de l’ensemble du vivant.

 

Dans cette introduction nous poserons trois questions. Qu’entend-on par « protection ? »(1) Cette protection n’est-elle pas dérisoire ? (2)   Quelles sont les volontés des différents acteurs pour lui donner le jour ? (3)

 

1 ) Qu’entendre par « protection » de l’environnement ?

 

Du point de vue des déclarations essentielles du droit international de l’environnement( DIE) : la Déclaration de Stockholm (juin 1972)

proclame dans son principe 1 : « L’homme a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. » La Déclaration de Rio (juin 1992) proclame dans son principe 7 : « Les Etats doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre. »

Du point de vue des conventions on peut souligner par exemple l’ artIcle 192 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (10-12-1982) selon lequel : « Les Etats ont  l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin. »

 Nombreuses sont donc les formes de protection. Il s’agit d’améliorer, de conserver, de protéger, de rétablir. Le terme de  conservation est-il un des plus larges, comprenant à la fois la protection et l’amélioration ? Comment y voir plus clair dans cet ensemble ?

 

 En fait le DIE intervient à travers toute la panoplie des formes de protection d’amont en aval : précaution, prévention, conservation, amélioration, réparation, remise en état…

 

Et le DIE intervient à travers deux grands types de protection qui sont complémentaires : il existe d’une part des conventions de lutte contre les pollutions relatives à l’air, aux sols, aux forêts, au milieu marin, aux eaux douces… et, d’autre part, des conventions de conservation mondiale et régionale de la nature, de protection de la diversité biologique, de  protection du vivant.

 

 2) Une  protection  dérisoire au regard du temps qui reste ?

 

  Les « fleuves » de « la dégradation mondiale de l’environnement »  sont tels qu’on peut légitimement se demander si les « ruisseaux » de la protection n’ont pas quelque chose de dérisoire dans la mesure où les remises en cause  sont  trop tardives, trop peu nombreuses, trop peu radicales.

Nous en appellerons aux moyens enfin mis au monde, massifs, radicaux. Ces deux derniers termes, souvent employés, ne relèvent pas d’une sorte de rite de réassurance ou de manifestation d’impuissance, mais d’une prise de conscience, d’une volonté, d’une stratégie de protection.

Intervient aussi un facteur non seulement aggravant mais terrifiant : l’accélération de la débâcle écologique laisse  probablement peu de temps pour éviter l’irréparable. Dans quelques dizaines d’années les générations à venir seront donc en première ligne. Les défis qu’elles vont rencontrer, les obstacles qu’elles devront surmonter seraient certainement moins terribles si, enfin, se mettait en route une « métamorphose » des quelques générations qui les auront précédées.

Il faut  donc contribuer à penser, projeter et soutenir des remises en cause vitales.

 

3) Des acteurs  loin d’être à la hauteur des enjeux ?

 

Ce serait plus qu’une erreur, ce serait un non-sens d’affirmer que rien n’est fait pour la protection de la planète, des acteurs agissent, mais sont-ils  à la hauteur des enjeux?

Les Etats, en particulier dans le cadre des conférences des Nations Unies sur l’environnement, avaient certes pris conscience que nous n’avons qu’une seule Terre,   ils consacraient alors le droit de l’homme à l’environnement (Conférence de Stockholm, juin 1972). Ils avaient  ensuite  adopté deux conventions (l’une sur la biodiversité, l’autre sur les changements climatiques), une Déclaration sur les principes du développement durable, un Agenda 21 pour le XXIème siècle, c’était là un certain  souffle de la Conférence de Rio, en juin 1992.

Mais à Johannesburg en juin 2002 et à Rio en juin 2012 (« Rio moins vingt » et non « plus vingt » ont dit certains commentaires par rapport à la Conférence de 1992), les deux conférences ont été celles de récessions des volontés politiques, juridiques et financières.

 Certes les conventions internationales et régionales mises en œuvre par les Etats contre les pollutions et pour la conservation de la nature sont nombreuses, mais par exemple les moyens d’application sont trop souvent dérisoires et des engagements financiers ne sont pas pris ou ne sont pas tenus, pour ne citer qu’un exemple : ceux de la Convention de 1994 de  lutte contre la désertification.

D’autre part le temps perdu pour décider, par exemple de la réduction des gaz à effet de serre, n’a-t-il pas quelque chose de pathétique ? « A l’auberge de la décision les gens dorment bien » dit un proverbe. La Convention sur les changements climatiques est de 1992, le Protocole de Kyoto est de 1997, son entrée en vigueur date de 2005, l’accord de l’après Kyoto se fera en 2015 à Paris, son entrée en vigueur devrait voir le jour en 2020.Il aura donc fallu presque 30 ans entre la convention et un accord engageant tous les Etats (le Protocole de Kyoto n’engageait que certains Etats dans les réductions de gaz à effet de serre), cela sans compter tout le temps perdu avant la Convention de 1992 depuis pratiquement la découverte de l’effet de serre en 1895 et des premières mesures systématiques de CO2 en 1957 (voir « Incertitude juridique, incertitude scientifique et droit des changements climatiques »,article de JML , éditions PULIM, 2000 n°3).

Les Etats-Unis et la Chine représentent en 2013 près de la moitié des émissions mondiales des gaz à effet de serre, or d’une part les Etats-Unis  à ce jour ont une responsabilité particulière dans l’aspect dérisoire des remises en cause  de ces émissions en refusant d’adhérer au Protocole de Kyoto et en retardant des avancées dans les négociations, et d’autre part la Chine  a vu ses émissions littéralement exploser ces dernières années. L’Union européenne ne s’est pas montrée toujours unie, ses remises en cause ne sont pas encore à la hauteur des enjeux et ses alliances dans les négociations internationales n’ont pas été assez pensées.

Quant aux organisations internationales et régionales elles font sans doute ce qu’elles peuvent dans le cadre de leurs compétences d’attribution, mais leurs moyens en général et leurs budgets en particulier sont révélateurs de leurs faiblesses.

Pour ce qui est des organisations non gouvernementales  certes ellesont développé leurs capacités de dénonciations et de propositions mais, là aussi, leurs moyens devraient être moins faibles par rapport aux enjeux et leurs liens internationaux devraient être beaucoup mieux organisés  et plus  opérationnels.

On pourrait passer ainsi en revue d’autres acteurs (collectivités territoriales, entreprises, personnes…) et  faire les mêmes constatations à travers des analyses plus poussées des forces et des faiblesses de chaque acteur, en allant jusqu’aux individus, à travers des responsabilités très variables.

Dès lors une question essentielle se pose, elle saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : comment, à tous les niveaux géographiques, à partir de tous les acteurs, à travers le plus grand nombre possible d’activités, construire des logiques nombreuses, radicales, massives, d’une protection mondiale de l’environnement?

 Ne faut-il pas faire  apparaitre des choix vitaux, concrets en évoquant un recensement global de ce  qui existe par rapport aux  fondements puis aux moyens de cette protection ?  Ne faut-il pas  faire de même, en termes prospectifs, en évoquant  des alternatives  tant pour les fondements que pour les moyens de la protection ?

 

Nous nous demanderons donc d’abord sur quels fondements reposent et devraient reposer la protection mondiale de l’environnement (I) ?

 Ensuite nous nous  demanderons quels moyens sont mis et devraient être mis en œuvre pour la protection mondiale de l’environnement (II) ?

 

I-Les fondements de la protection mondiale de l’environnement

 

La protection est portée par de nombreux courants (A),

elle se construit à travers des rapports de forces (B),

elle  dépend de choix vitaux (C).

Nous utiliserons souvent le mot « radical », il sera pris au sens de réforme profonde, de remise en cause. On veut remonter aux causes profondes des phénomènes, prendre des mécanismes à la racine, mettre en œuvre des contre-mécanismes, des contre-logiques, changer des éléments d’un système, puis peu à peu ce système lui-même, le productivisme.

 

A- Une protection portée par de multiples courants

Que peut nous montrer un recensement, certes non exhaustif mais significatif, de ces courants, quelles conclusions en tirer (1) ?

 Les deux courants majeurs  et opposés relatifs à la nature n’appellent-ils pas une synthèse  qui contribuerait à cette  protection (2) ?

 

1) Des théories et des pratiques environnementales au Nord et au Sud de la planète : des diversités  à  étendre  et à radicaliser

  1. a) Dans des pays du Nord il y a eu, de 1945 à nos jours, au moins une dizaine de courants, d’ampleur variable, liés à la protection de l’environnement, s’exprimant  par de nombreux écrits et de nombreuses actions à travers des partis politiques, des associations, des mouvements de citoyens et de nombreux auteurs…

Des usagers de la nature qui s’organisent pour dénoncer diverses pollutions et atteintes à la nature,

 Des adeptes des modes de vie « naturels » relatifs par exemple à l’alimentation, à la santé, au naturisme…

Des consommateurs modifiant des comportements, consommateurs qui sont conscients de risques sanitaires de certains produits alimentaires, ces personnes, ces associations cherchent des aliments qui ne contiennent pas de produits chimiques, et aussi des aliments non transformés. Ces consommateurs font plus confiance aux « produits bio »,aux produits fermiers, ils regardent la provenance, la liste des ingrédients, ils cherchent à respecter les cycles saisonniers. De même des consommateurs investissent le domaine économique par le commerce équitable, l’économie sociale et solidaire, l’épargne solidaire, les monnaies solidaires au service de la protection de l’environnement.

Des conservationnistes ,  favorables aux aires protégées, aux sanctuaires, inspirés entre autres par Henry David Thoreau (Walden  ou la vie dans les bois, 1854),

Des militants de l’écologie profonde, défenseurs de la valeur intrinsèque des êtres vivants, inspirés en particulier par Arne Naess (Vers l’écologie profonde, collection Domaine sauvage, 2009),

Des partisans du développement durable qui veulent « répondre aux besoins de développement et d’environnement des générations présentes sans compromettre ceux des générations futures » (ainsi les quarante chapitres d’Agenda 21, voir par exemple ce document sur le site agora21.org),

 Des militant(e)s de l’écologie politique anti productivistes qui mettent en avant, de façon modérée ou plus radicale, des sociétés écologiquement viables, (voir l’excellente revue « Ecologie et politique », avec en particulier les écrits de Jean-Paul Deléage.)

Des écologistes luttant aussi pour la démocratie sous des régimes autoritaires, c’était le cas dans les pays de l’Est avant les révolutions de 1989, où les luttes pour la transparence des informations n’étaient pas sans risques et répressions,

Des militant(e)s du ralentissement du système à travers des ONG agissant dans des activités de plus en plus nombreuses,  par exemples les « villes lentes »…

Des objecteurs de croissance qui militent pour une remise en cause de la surconsommation là où elle existe, pour une relocalisation d’activités, une réduction de l’empreinte écologique, une simplicité volontaire. ( Voir par exemple les écrits de Serge Latouche, de Paul Ariès…Voir aussi le journal « La Décroissance. »)

Des adeptes de l’économie collaborative qui créent et développent des pratiques de partage dans les transports(covoiturages…),dans le logement(colocations… ) et dans d’autres domaines. Cette économie repose en particulier sur une mutualisation de biens, d’espaces et d’outils à travers leur usage  plutôt que leur possession, elle a pour origines la crise économique et la crise écologique.

 

  1. b) Dans les pays du Sud  les mouvements précédents existent peu ou prou. Ce que l’on veut souligner ici ce sont des séries de théories et de pratiques existantes  certes aussi dans les pays du  Nord mais  particulièrement présentes dans les pays du Sud.

Un premier courant, le plus important, dénonce  les  responsabilités du Nord, des pays développés. Il revendique le droit au développement, une aide pour s’adapter à la protection de l’environnement, il insiste parfois sur  une dette écologique des pays du Nord vis-à-vis du Sud, des pays en développement.

Un second courant, qui prend une certaine ampleur sous le coup de la dégradation de l’environnement au Sud, dénonce le productivisme du Nord et celui du Sud quand il existe, il en appelle à des remises en cause au Nord mais aussi au Sud.

Enfin on doit insister sur le fait que de  nombreux groupes de personnes, des minorités, des peuples autochtones (de l’ordre de 370 millions « habitants premiers » de certains territoires) luttent pour sauver des écosystèmes essentiels et en eux-mêmes et pour la vie ou la survie de ces personnes et de ces populations.

 

c)Dans des pays du Nord et du Sud  voilà d’une part la dénonciation du « racisme environnemental » qui apparait dans les années 1980 en particulier aux Etats-Unis , des mouvements veulent remettre en cause le fait que ce sont les populations les plus pauvres, ainsi les noirs aux Etats-Unis, qui, le plus souvent, sont victimes de diverses pollutions. D’autre part des mouvements sur « la justice climatique » ont vu le jour, ils se manifestent  par exemple au moment de la Conférence sur les climats à Copenhague en décembre 2009, sont mis en avant les liens entre les changements sociaux et  environnementaux, certes la Terre entière est atteinte par le réchauffement climatique mais les plus touchés sont d’ores et déjà les populations et les pays les plus pauvres. Les luttes pour  une effectivité universelle du droit à l’environnement doivent se multiplier, elles sont économiques, sociales, juridiques, culturelles…

 

  1. d) Des conclusions à tirer de la diversité de ces courants. Ne peut-on pas penser qu’il faudrait prendre en  compte au moins  quatre conclusions ?

        1- Il faut laisser vivre et se développer  la diversité des théories et des pratiques de protection. Etant donné l’ampleur et la rapidité de la dégradation il y a de la place pour tous, pour les modérés et les radicaux, pour les luttes partielles et  celles plus globales.

        2-Il n’en reste pas moins, qu’il faut essayer de privilégier, les théories et les pratiques  radicales, partielles ou plus globales, par des volontés personnelles et collectives, à travers des moyens écologiques, justes, démocratiques et pacifiques.

        3-Il faut avoir conscience que les interdépendances, entre les lieux, les activités et les acteurs, existent et se multiplient  pour le pire mais, aussi, pour le meilleur. Elles peuvent à un moment donné remettre en cause, en tout ou partie, un mécanisme du productivisme.

        4-Un élément qui pourra peser dans certains rapports de forces consiste à créer et à renforcer les réseaux d’ONG  à tous les niveaux géographiques.

Afin  que la protection avance ne faut-il pas aller également vers une synthèse relative aux façons de se situer par rapport à la nature ?

 

2) Des conceptions différentes de la nature : un choix à faire, celui du patrimoine commun de l’humanité, à étendre, à radicaliser

Sur ces conceptions voir par exemple bien sûr l’ouvrage de François Ost, La nature hors la loi. L’écologie à l’épreuve du droit, La Découverte, 1995.Voir aussi article de Serge Gutwirth, Trente ans de théorie du droit de l’environnement : concepts et opinions. Environnement et Société, 26, 2001, 5-17.

  1. a) La conception  dominante  de la nature : l’anthropocentrisme

Quel est l’essentiel de cette conception ?  La nature est un objet au service des êtres humains. L’homme est tout-puissant par rapport au non-humain, il doit se comporter en « maitre et possesseur de la nature », l’homme exerce, par le droit de propriété, un pouvoir absolu sur la nature qui est un objet de droit.

Quelles sont les critiques  faites  à cette conception ?Certes des textes ont limité ce caractère absolu du droit de propriété sur la nature, mais peu à peu le marché a réduit  les éléments de l’environnement à des marchandises. La nature, au service des besoins et des intérêts de l’homme, est entrée dans la marchandisation du monde.

 

  1. b) La conception résistante de la nature : l’éco centrisme

Ayant vu le jour dans des civilisations très anciennes, en particulier amérindiennes, cette conception recommence à se développer depuis quelques décennies jusqu’à ces dernières années, par exemple  un chapitre de la constitution de l’Equateur est consacré aux droits de la nature, une loi des droits de la Terre Mère a été adoptée en Bolivie en 2010. LaConférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère a adopté en 2010, à Cochabamba en Bolivie, une déclaration finale dans laquelle  est affirmé que «  la Terre-Mère doit être reconnue  comme source de vie, comme un être vivant, avec lequel nous avons une relation indivisible, interdépendante, complémentaire et spirituelle.»

 Quel est l’essentiel de cette conception ? La nature est un sujet, elle a une valeur intrinsèque, en elle-même, indépendamment de toute utilité pour les êtres humains. L’homme  fait partie d’un ensemble, le vivant. La nature est sujet de droit, elle doit être défendue.

Quelles sont les critiques faites à cette conception ? Quatre critiques existent. Cette conception empêche de faire la différence entre l’humain et le non humain, on ne peut pas savoir ce que la nature veut, à force d’étendre le droit à tout on le dévalorise, le retour à la nature a quelque chose de dangereux parce qu’on remet en cause l’homme.

 

  1. c) Le choix d’une  conception d’une nature, patrimoine commun de l’humanité : l’anthropo-éco-centrisme

Cette synthèse ne doit pas être inconsistante, simpliste, elle doit dépasser la contradiction des deux visions précédentes pour contribuer à une véritable protection mondiale de l’environnement.

Quel est l’essentiel de cette conception ?La nature est un donné et un construit pour les êtres humains (anthropocentrisme) et pour elle-même (éco centrisme). La nature n’est pas objet ni sujet de droit, elle est projet de droit.

 Cette synthèse va prendre le « meilleur » de chaque ensemble de théories et de  pratiques en les transformant les unes par les autres.

De l’anthropocentrisme  on garde les humains et on remet en cause la marchandisation, la société du marché, pas seulement en la contrôlant mais en la remettant à sa place, en lui fixant des limites.

De l’éco centrisme on garde l’ensemble du vivant et on met de côté l’effacement de la différence entre l’humain et le non humain, cela en mettant en avant les responsabilités des êtres humains vis-à-vis de l’ensemble du vivant (humanité, faune, flore).

Ainsi le patrimoine commun de l’humanité(PCH) reposera sur un anthropo-éco-centrisme, sur le fait que, pour l’exprimer simplement, la Terre dépend  des êtres humains et que les êtres humains  dépendent de la Terre.

 Ce PCH doit être démocratique, juste, écologique et pacifique. Ce sera une gestion synonyme de partage entre pays, entre peuples, entre générations présentes et futures, sans oublier le respect du PCH créé par les générations passées. Ce patrimoine se transmet pour les générations futures, et pour le vivant (faune, flore).

 Ce PCH reposera sur une gestion synonyme de limites établies au nom des responsabilités des êtres humains et du respect des êtres vivants. (Voir Hans Jonas, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. (de 1979, paru en France en 1991, Flammarion.)

 Le PCH prend et prendra différentes formes, outre les quatre qui suivent on peut en imaginer et en construire d’autres, on devra les articuler les unes aux autres pour renforcer la protection générale. A long terme ce devrait être là un contre-mécanisme très important contre le productivisme, il n’aura ni des logiques d’intérêts nationaux, ni des logiques de primauté du profit et d’une fuite en avant autodestructrice.

Le PCH au sens propre est celui d’éléments qui  appartiennent  juridiquement  à l’humanité. Il s’agit des fonds marins (« la Zone ») (Convention sur le droit de la mer du 10-12-1982, article 136), de la Lune et des autres corps célestes (Accord du 5-12-1979, article 11), du génome humain (Déclaration du 11-11-1997, article 1er).

Le PCH au sens large est celui d’éléments constitués par des espaces internationalisés qui doivent être  explorés et exploités dans l’intérêt de l’humanité. Il s’agit de l’espace extra atmosphérique (Traité du 27-1-1967, article 1er§1), de l’Antarctique (Traité du 1-12-1959, préambule).

Le PCH au sens plus large est celui d’éléments constitués par certains biens naturels et culturels ou mixtes, qui restent sous les souverainetés étatiques, mais qui nécessitent d’être protégés dans l’intérêt de l’humanité parce qu’ils présentent un intérêt exceptionnel.  (Conclue dans le cadre de l’UNESCO, c’est la Convention sur le patrimoine mondial, 16-11-1972).

On peut légitimement soutenir qu’il faudrait rajouter ici une quatrième série d’éléments :

Le PCH au sens très large comprendrait les ressources biologiques ,que les Etats ont certes le droit souverain d’exploiter (article 3 de la Convention sur la diversité biologique du 5-6-1992), mais les Etats seraient contrôlés (interdictions possibles) par une autorité internationale, gardienne de ce patrimoine naturel mondial, par exemple la future Organisation mondiale de l’environnement(OME),celle-ci interviendrait alors au nom de la nature et au nom des générations futures (protocole à la Convention sur la biodiversité, et compétence à prévoir pour l’OME).

Cet intérêt commun de l’humanité est lié aussi à des biens communs. Ils sont qualifiés d’ « indispensables pour la vie collective des individus et des peuples » par le projet de « déclaration universelle du bien commun de l’humanité » (Forum mondial des alternatives, 2012), il est affirmé qu’il s’agit « de l’alimentation, de l’habitat, de la santé, de l’éducation et des communications matérielles et immatérielles. »Il faut donc « garantir l’accès aux biens communs et à une protection sociale universelle ». Cette déclaration conçoit plus globalement le « Bien commun de l’humanité comme possibilité, capacité et responsabilité de produire et de reproduire la vie de la planète et l´existence physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains à travers le monde.»
Ces théories et ces pratiques , encore en gestation, celle de Patrimoine commun de l’humanité, celle de Biens communs, au-delà de leurs différences(conceptions de la propriété et de la responsabilité, des acteurs les mettant en œuvre, de leur étendue, de leur gestion…), ont probablement un point commun : mettre en avant des éléments qui, en dépassant le quadrillage étatique, en mettant des limites à la marchandisation du monde, en étant pensés sur le long terme, voudraient contribuer à préserver ce que l’humanité et la nature peuvent avoir d’essentiel.

 

Quelles sont les critiques faites à cette conception ?La critique est double : c’est celle des souverainetés étatiques qui verront dans cette entreprise une forme de dépossession, c’est celle du productivisme qui ne peut accepter de remettre en cause des logiques d’exploitation sans limites de la Terre.

 

Que penser de ces critiques ?Face aux souverainetés irréductibles, une solidarité mondiale doit avoir le droit du dernier mot. Face au productivisme, condamnable et condamné,  un système  viable pour l’ensemble du vivant (humain, et non humain) doit voir le jour.

Construire la protection se fait aussi à travers des rapports de forces, de multiples acteurs interviennent.

 

B- Une protection construite à travers des rapports de forces

Nous partirons de trois séries de situations, celles de la biodiversité et de l’eau(1),

 celle des changements climatiques(2). (Sur les dominations environnementales des puissants voir par exemple Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent la planète », Seuil, 2007.)

 

1)Les exemples de la diversité biologique et de l’eau : des acteurs à privilégier, des alliances à construire et à renforcer

 

  1. a) Des rapports de force relatifs à la diversité biologique

Des biotechnologies porteuses de créations de nouveaux médicaments et cosmétiques représentent des marchés  de l’ordre probablement de plusieurs centaines de milliards de dollars, le chiffrage est cependant difficile. Les rapports de forces font intervenir des chercheurs, des laboratoires, des Etats, des populations locales, des ONG. Ils se situent juridiquement dans le cadre en particulier de l’application de la Convention sur la diversité biologique (5 juin 1992) et du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques  et le partage juste et équitable découlant de leur utilisation (29 octobre 2010).

Des laboratoires du Nord et leurs chercheurs vont identifier des plantes et aussi des animaux (insectes…) dans des pays du Sud. Ils déposent ensuite avec des firmes multinationales des brevets, par exemple sur les biomolécules.

De leurs côtés certains pays du Sud adoptent des législations nationales (plus d’une quarantaine a ce jour sur les 188 qui ont signé la Convention), législations qui sont censées protéger ces États fournisseurs face aux États utilisateurs et aux firmes multinationales. Certains Etats adoptent des positions radicales fondées sur la propriété totale des brevets. D’autre part des pays du Sud se regroupent depuis 2002 (Cancun) pour être en rapports de forces face aux pays du Nord et aux firmes multinationales (Pierre Lefevre, A qui appartient la biodiversité ? Alternatives économiques, n° 254, 1-2007.)

Pour leur part des populations locales agissent (manifestations, recours,…), il s’agit de prouver que telle ou telle firme n’est pas à l’origine de l’invention. Ce fut le cas dans un procès en 2005, une firme des Etats-Unis avait déposé en 1990 un brevet sur un arbre en Inde (l’arbre de Neem) qui avait des propriétés antiparasitaires, la bio piraterie fut démontrée.

Dans le cadre de ces rapports de forces des experts interviennent aussi, certains font valoir la nécessité de créer un certificat d’origine des ressources génétiques.

A tout cela il faut ajouter des organisations qui s’inscrivent à leurs façons dans ces rapports

de  forces : ainsi par exemple l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI),

l’ Office  européen des brevets, en France par exemple le Muséum d’histoire naturelle.

Ont aussi un poids important les alertes des scientifiques qui mettent leurs compétences au

service  de leur sauvegarde des espèces (par exemple la Conférence internationale, Biodiversité, sciences et gouvernance, Appel de Paris du 22.1.2005).

L’auteur de cet article et de ce site a un témoignage personnel à apporter sur ces rapports de forces. Son père, Roger Lavieille, fit sa thèse sur la stevia (Etude du Kaa Hê-é). Il  a démontré le premier son pouvoir sucrant 300 fois supérieur au sucre. Il a proposé à la Société internationale de chimie le nom de  »  stévioside. » Avant cette thèse de 1932 des chercheurs allemands travaillaient sur ce pouvoir sucrant et avant eux un botaniste suisse et avant eux tous… des paraguayens qui avaient constaté le pouvoir sucré de cette plante. Quelques mois après sa thèse, mon père reçut une offre téléphonique d’une société japonaise qui lui proposait une collaboration.  Il avait refusé en disant «  La stevia appartient au Paraguay et au peuple paraguayen ». La stevia fait aujourd’hui l’objet de rapports de forces puissants avec de multiples intérêts.

Enfin comment ne pas insister sur le rôle remarquable de nombreuses ONG de conservation de la nature : UICN,WWF, Greenpeace, Conservation international, GRAIN, Pro-Natura International, Wildlife Conservation Society, Fauna Flora International, Friends of Nature, et aussi par exemple les Amis de la Terre, France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux, la Fondation pour la nature et pour l’homme, et tant et tant d’autres.

 

Parmi ces alliances à créer ou à renforcer pour la protection de la biodiversité on trouve celles entre des ONG, entre des ONG et des populations locales, entre des pays du Sud. Les coopérations entre les réseaux scientifiques, elles aussi, sont et seront essentielles.  

 

 

  1. b)  Des rapports de forces relatifs à l’eau

 

Les situations conflictuelles seront vraisemblablement de plus en plus nombreuses : conflits

 entre  utilisateurs de l’eau, conflits entre régions d’un même pays, conflits entre États. Il y

différentes  forces qui se retrouvent dans des lieux symboliques, parmi ceux-ci :

Le plus massif d’entre eux est  le Forum mondial de l’eau qui se tient tous les trois ans (le 1er en 1997 à Marrakech, le 5ème  en 2009 à Istanbul, le 6ème à Marseille en 2012). Ce  Forum regroupe de l’ordre de 25 000 participants, des chercheurs, des représentants d’ONG, des dirigeants d’entreprises privées, des fonctionnaires d’organisations internationales, des gestionnaires publics…Ce Forum est un espace de débats, un lieu d’exposition et de commerce, un instrument de négociations avec l’élaboration d’une déclaration ministérielle (juridiquement non contraignante).

Il y a ensuite d’autres lieux où se retrouvent les représentants de différentes forces : ainsi un Forum alternatif composé essentiellement d’ONG dans la mouvance altermondialiste qui se tient parallèlement au Forum mondial sur l’eau, ainsi  également le « groupe de Lisbonne », penseurs indépendants qui ont travaillé entre autres à un projet de « contrat mondial de l’eau » sous l’animation de Riccardo Petrella en 1998).

Le Forum de Davos s’est intéressé aussi à l’eau, en particulier en 2009 en mettant en avant

le rôle des entreprises. Le Forum rassemblait 1 600 dirigeants d’entreprises, 40 chefs d’Etat et de gouvernement et 300 chercheurs, universitaires et responsables d’ONG.

Le Conseil mondial de l’eau, créé en 1996, comprend plus de 300 membres répartis en cinq collèges (organisations internationales, autorités nationales, ONG, entreprises, monde de la recherche). C’est lui qui est à l’origine du Forum mondial. Ce Conseil est critiqué par les altermondialistes qui lui reprochent d’être dominé par les intérêts privés.

A cela il faudrait ajouter le partenariat mondial de l’eau (Stockholm 1966) mettant en avant

des relations plus étroites entre les gouvernements et les institutions internationales, le panel mondial pour le financement des infrastructures de l’eau (créé en 2000) qui regroupe essentiellement des institutions financières publiques et privées, des firmes internationales de l’eau…

Enfin les Nations Unies interviennent en tant que telles, par exemple en 2000 à travers les

Objectifs du Millénaire pour le développement, c’est à dire sur ce point la réduction de moitié du nombre de personnes sans accès à l’eau et à l’assainissement d’ici 2015, sans oublier par exemple le rapport de l’ONU sur les ressources en eau (mars 2009). Les Nations Unies interviennent aussi à travers leurs institutions spécialisées, ainsi le FMI, la BM souvent très proches des incitations à la privatisation de l’eau, et la FAO, l’OMS, l’UNESCO, qui  ont dans leurs programmes des éléments relatifs aux ressources en eau, le PNUE bien sûr qui relie l’eau et l’environnement.

 

 

 Ces rapports de forces se traduisent par des choix qui sont en particulier les suivants :

 

 Existe un choix majeur pour lequel le plus grand nombre possible d’acteurs doit s’engager : L’eau est-elle un bien commun de l’humanité ou un bien faisant partie de la marchandisation du monde ?

Choisir de faire de l’eau un bien commun de l’humanité signifie qu’il faut clairement  consacrer le droit à l’eau et à l’assainissement et, pour le rendre effectif  , il faut décider des engagements financiers et organiser des  programmations  financières  à tous les niveaux géographiques.

D’autres questions sont liées à ce choix majeur : Le droit à l’eau implique-t-il ou non l’obligation pour les pays développés et d’autres forces dominantes de participer massivement à cet accès à l’eau pour les pays en développement? Faut-il un droit d’accès à l’eau potable permettant aux plus pauvres une gratuité de tant de litres par jour ? Faut-il agir massivement pour économiser l’eau (en particulier dans l’agriculture) ou s’en remettre uniquement à une politique de progression de l’offre ? La ressource de l’eau doit-elle être gérée de façon collective aux différents niveaux géographiques ou gérée uniquement au niveau local, ou au contraire à un niveau étatique centralisé ? Faut-il créer quand elles n’existent pas, et renforcer quand elles existent, des lois sur l’eau pour préserver les écosystèmes et lutter contre les pollutions ou  faut-il ne pas agir en ce sens ? Faut-il créer et développer une participation du public en ce domaine ou y faire obstacle ? (Sur ces questions et sur d’autres voir Bernard Drobenko, « Le droit à l’eau : une urgence humanitaire, Johanet , 2ème édition, 2012.)

 

 

 2) L’exemple des changements climatiques : des alliances à penser et à construire

 

Dans ce domaine  existent des concentrations d’avoirs, de pouvoirs, de savoirs  qui sont nombreuses et puissantes. Or ne s’agit-il pas de partager, de coopérer, de « s’unir ou périr »    (Einstein) ?

 

  1. a) Les rapports de forces  sont  très  présents entre les États.

 

 Ainsi ces rapports de forces existententre les États du Nord et du Sud, entre les États du Nord et les pays émergents.

Chaque État est à resituer par rapport à la production des gaz à effet de serre(GES). Ainsi les Etats-Unis  en 2012 avec 315 millions d’habitants produisent 16% des émissions de CO2, la Chine avec 1,351 milliard d’habitants produit  28% du total mondial. Ces deux pays à eux seuls représentent donc 44% du total mondial.

Il y a aussi de grandes inégalités entre l’habitant moyen de chaque pays : Etats-Unis 20 tonnes de CO2, Union européenne 9 tonnes, Chine 2,7 tonnes, Inde 1,2 tonne…

Il y a d’autre part des relations Nord Sud conflictuelles. Les pays du Sud dénoncent la responsabilité historique (4/5) des pays du Nord dans les émissions de CO2. Des pays du Nord, surtout les Etats-Unis sous la précédente administration (Bush), dénoncent la responsabilité présente et surtout future des pays du Sud dans ces émissions, les pays du Sud passeraient (selon l’AIE) en 2030 à 50 % des GES alors qu’en 2004 ces émissions étaient de 43 %. Un des enjeux est bien sûr que tous les pays industrialisés et tous les pays émergents s’engagent vers un après Kyoto plus radical (Conférence de Paris, 2015), la Conférence de Copenhague (décembre 2009) était censée aller dans ce sens, ce fut un échec. Enfin dans ces rapports de force n’oublions pas les grands pays charbonniers, pétroliers, gaziers.

D’autre part les pays les moins avancés, une soixantaine de pays les plus pauvres du monde,

demandent des aides financières et technologiques, et de façon plus globale les pays en développement font de même. Les pays directement  menacés par la montée des eaux,  en particulier 42 petits Etats insulaires payes, protestent contre l’insuffisance des politiques de réduction des GES.D’autre part, point positif, les pays les plus vulnérables au changement climatique se retrouvent pour peser dans ces rapports de forces, ainsi au niveau des ministres des finances en 2015 voit le jour le « V 20″.

Enfin l’Union européenne, favorable aux réductions des GES, s’est opposée aux Etats-Unis

 favorables  à la domination du marché des GES.

 Le G8, club diplomatique lié au néo-libéralisme, détermine quelques grandes orientations allant dans le sens de ses intérêts. Le G20, qui prend désormais le relai du G8, dans lequel on trouve aussi les pays émergents, représente des intérêts plus compliqués mais allant aussi globalement dans le sens du productivisme. Ces deux lieux ne sont cependant pas à sous-estimer comme moyens de prise de conscience possible d’intérêts communs vitaux à long terme, ceux d’une planète écologiquement viable. L’écologie n’est plus considérée comme un luxe pour les pays émergents confrontés à leur tour à de terribles dégradations.

Parmi les alliances à privilégier pour aller vers des réductions massives de gaz à effet de serre : des accords bilatéraux  entre la  Chine et les Etats-Unis, des rapprochements de pays d’un même continent voire des engagements communs, enfin  des alliances  entre des pays du Nord des pays du Sud et des pays émergents. (Pour une étude approfondie voir Stefan Aykut et Amy Dahan, « Gouverner le climat ? », Presses de Sciences,2015)

 

 

  1. b) Les rapports de forces entre les États et d’autres acteurs, les rapports de forces entre ces autres acteurs.

 

Ainsi des ONG agissent pour le développement durable ou bien de façon plus radicale pour

une société écologiquement viable, par exemple a travers la décroissance.

 

Enfin il ne faut pas oublier le poids du réseau   scientifique international constitué par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat(GIEC). 

 

Ainsi des milieux d’affaires agissent dans le cadre du libéralisme économique ou quelquefois d’un certain développement durable.

 Dans ces rapports de force on retrouve enfin des compagnies pétrolières, des groupes charbonniers et gaziers, des compagnies nucléaires.

 

 Les  réseaux scientifiques, technologiques et financiers qui se constituent autour des énergies renouvelables sont appelés à avoir de plus en  plus de poids, c’est une source d’espoir.

 

Bref : n’est-ce pas à travers ces rapports de forces, sous les pressions inlassables des ONG et les avertissements répétés des scientifiques, que l’on devrait dégager ce qui serait l’intérêt commun de l’humanité ? Cela veut dire passer des intérêts privés, des intérêts nationaux à des intérêts communs des Etats et des peuples, pour arriver ensuite à cet intérêt prenant en compte les générations passées, présentes et futures.

 

Les acteurs locaux, nationaux, continentaux, internationaux sont donc devant des choix vitaux, lesquels ?

 

 C- Une protection fondée sur un  choix vital et des choix essentiels

Ces choix vont être les produits des problèmes des drames et des menaces écologiques, des forces allant dans le sens du productivisme et des forces allant dans le sens de sociétés humainement viables.

Il existe certainement un choix global qui domine tous les autres, il est vital(1),

 existent ensuite des choix que l’on pourrait qualifier d’essentiels (2).

 

1-Le choix vital anti productiviste : la détermination de limites des activités humaines

 

Nombreux ont été les auteurs qui ont préparé ces chemins, parmi beaucoup d’autres : Claude Levi Strauss, Jacques Ellul, Ivan Illich, Guy Debord, Edgar Morin, Herbert Marcuse, Hans Jonas, André Gorz, Cornelius Castoriadis, François Partant, René Dumont, Théodore Monod, Jean Rostand, Serge Latouche…

Deux idées fortes, entre autres, sont présentes dans leurs écrits : d’une part  le système productiviste est lancé dans une course en avant autodestructrice, il faut donc être en rupture globale avec ce système, d’autre part une croissance illimitée surune planète limitée nous amène vers une gigantesque collision entre l’environnement et lesactivités humaines, il faut donc « retrouver le sens de la limite »(expression de l’introduction de l’ouvrage « Radicalité,20 penseurs vraiment critiques »collection Frankenstein,2013).

 

  1. a)  Les logiques de la fuite en avant

Ces logiques s’appellent : la recherche effrénée du profit, la course à la marchandisation du

monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions humanicides et terricides, la croissance sacro-sainte, la vitesse facteur de répartition de richesses et de pouvoirs, la dictature du court terme, le vertige de la puissance, la compétition élevée au rang d’impératif naturel de nos sociétés, l’accélération d’un système porteur d’une crise du temps.

Et puis, à travers une explosion démographique mondiale qui continue, cette fuite en avant

est aussi celle d’une machine à gagner fonctionnant comme une lame qui met d’un côté ceux et celles dont les besoins fondamentaux sont plus ou moins satisfaits et de l’autre ceux et celles, de très loin les plus nombreux, dont les besoins fondamentaux restent criants.

 

 

  1. b)  Les dénis, les mensonges et les silences accompagnant cette fuite en avant

Il n’est pas étonnant que cette fuite en avant s’accompagne de nombreux dénis personnels et collectifs de la réalité : on pense que la catastrophe ne se produira pas ou qu’on y échappera. (Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Le Seuil, 2002.)

 

 Il n’est pas étonnant non plus que cette fuite en avant s’accompagne de silences et de mensonges sur les effets, sur les causes de telle ou telle catastrophe écologique, ou même sur l’existence de certaines d’entre elles que l’on espère garder dans les secrets de la planète et qui peuvent constituer autant de bombes à retardement.

 

 

  1. c)  Pour une pédagogie de compréhension et de dénonciation des impasses

Face à cette fuite en avant doivent exister des limites nécessaires, voila donc une pédagogie des impasses.

  Jacques Ellul demandait avec force : Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites ? Ivan Illich insistait sur le fait que la crise obligera l’homme à « choisir entre la croissance  indéfinie et l’acceptation de bornes  multidimensionnelles. » Cornelius Castoriadis en  appelait à  nous défaire des « fantasmes de l’expansion illimitée.» ( voir  C. Castoriadis, La Montée de l’insignifiance, les carrefours du labyrinthe (IV), Seuil, 1996 ;Voir également : J. Ellul, Le Bluff technologique, Hachette, 1988 ; A. Gorz, Écologica, Galilée, 2008 ;  S. Latouche, Survivre au développement, Mille et une nuits, 2004 ; E. Morin, Pour une politique de civilisation,  Arlea, 2002.)

 

  1. d)  Les limites au sein des activités humaines : un concept   porteur de principes

Ce concept de limites ne se traduit-il pas par au moins quatre principes que l’on retrouve par exemple en droit international de l’environnement? (Voir notre ouvrage de DIE, éditions Ellipses, 2010).

De façon plus globale on retrouve les trois premiers principes dans la remarquable « Plate-forme pour un monde responsable et solidaire », publiée par le Monde diplomatique d’avril 1994, qui est à la fois « un état des lieux des dysfonctionnements de la planète et une mise en avant de principes d’action pour garantir un avenir digne au genre humain », plate-forme portée par la Fondation pour le progrès de l’homme, plate-forme qui devrait être symboliquement affichée sur beaucoup de portes de beaucoup d’universités dans le monde,   étudiée et débattue  dans de nombreux cours.

Le quatrième principe est en gestation, ce principe de non régression est porté en particulier par l’UICN, le vice-président de la commission juridique, Michel Prieur, est l’inspirateur de ce principe.

 1-Le principe de précaution selon lequel les sociétés humaines ne doivent mettre en œuvre de nouveaux projets, produits et techniques, comportant des risques graves ou irréversibles, qu’une fois acquise la capacité de maitriser ou d’éliminer  ces risques pour le présent et le futur.

  2-Le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leur mode de vie, à bruler moins d’énergie, à maitriser leurs besoins pour adopter des pratiques de frugalité, de simplicité, de décroissance. Andre Gorz écrivait : «  Il est impossible d’éviter la catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les logiques qui y conduisent depuis cent cinquante ans. »

  3-Enfin le principe de sauvegarde : les sociétés humaines doivent aller vers des modes de production et de consommation sans prélèvements, sans déchets et sans rejets susceptibles de porter atteinte à l’environnement. D’où l’existence de ces luttes pour développer des technologies propres, des énergies renouvelables et pour consacrer des éléments de l’environnement, comme par exemple l’eau, comme biens publics mondiaux (BPM) ou comme  éléments du patrimoine commun de l’humanité(PCH).

   4-Sauvegarde signifie aussi que lorsqu’une avancée décisive, sur un point de protection importante, a été acquise, un verrou juridique doit être alors posé. Un exemple significatif est celui du Protocole de Madrid sur l’Antarctique (1991) qui interdit les recherches minérales pour cinquante ans. On ne doit pas revenir en arrière dans la protection.  C’est ce que l’on nomme le principe de non régression. La nécessité vitale de réduire les atteintes à l’environnement ne peut que contribuer à convaincre les législateurs, les juges et la société civile d’agir en vue de renforcer la protection des acquis environnementaux au moyen de la consécration de ce principe de non régression. ( Voir sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, « La non régression en droit de l’environnement », Bruylant , 2012).

 

Avec ce choix vital  existent aussi les choix essentiels de la protection.

 

2- Les choix essentiels  de la protection  mondiale de l’environnement

Nous distinguerons le choix global et les autres choix essentiels.

  1. a) Le choix essentiel global : universalité et environnement ,même combat

Selon le sens commun il est très fréquent d’entendre dire  que « si tous les chinois ont une voiture , écologiquement ce sera catastrophique », il est assez courant d’entendre répondre « pourquoi les chinois ne pourraient-ils pas se développer comme on a pu le faire ? »

Et, presque toujours, on s’arrête là, beaucoup de citoyen(ne)s et  d’élu(e)s ne continuent pas leur raisonnement. En fait ils n’ont pas conscience que le raisonnement tenu est partiel, ou  consciemment, ils ne veulent pas en avoir un autre.

 Si l’on tient à partager un raisonnement global, pour mieux entrer dans la question ou mieux choisir ou infirmer ou confirmer son choix, on pourrait alors raisonner ainsi :

Soit on renonce à l’universalité et on affirme que si les pays en développement vont vers le même niveau de vie que celui des pays développés ce sera le chaos écologique pour tous.  En le disant ou sans le dire, avec regrets ou sans regrets, on justifie  on renforce des inégalités donc des violences structurelles. Cette attitude n’est-elle pas celle d’une violence d’oppression en  imposant sa loi ?

Soit on renonce à la protection de l’environnement et on affirme que les pays en développement ont le droit de se développer comme ils l’entendent. En le disant ou sans le dire, avec ou sans regrets, on justifie on renforce le productivisme et ses ravages environnementaux. Cette attitude n’est-elle pas celle d’une violence de soumission en faisant taire des valeurs que l’on pense importantes ?

Soit on met en avant à la fois l’universalité et la protection de l’environnement,  on affirme que tous les pays et tous les peuples ont droit au développement et en même temps on remet en cause au Nord de la planète mais aussi au Sud quand il existe le productivisme. Universalité et environnement, dans un même combat, doivent se tenir embrassés. Cette attitude n’est-elle pas porteuse d’une véritable paix, celle de la recherche ensemble de solutions justes et écologiques ?

 

 

  1. b) Les autres  choix essentiels

Rappelons symboliquement ce choix essentiel « penser globalement agir localement » (formule de René Dubos en 1972 à la Conférence de Stockholm).Au moins sept choix ne peuvent-ils pas être considérés comme essentiels ?

1-Face au libre-échange tout puissant donner de plus en plus la priorité à la protection environnementale, sanitaire, sociale, culturelle,par exemple dans des dispositions spécifiques des traités de commerce, par exemple dans l’application stricte des limites posées par le droit international de l’environnement au commerce international des espèces  et de certaines substancesAu nom de quoi le commerce international serait-il supérieur à la santé et à l’environnement ?

2-Face à la société de marché  donner de plus en plus de place à une « économie plurielle » composée d’économie sociale et solidaire, de services publics, de juste échange, de dons, d’échanges de savoirs, de commerce équitable…

3-Face à une division internationale  du travail fondée sur des dominations, construire un échange international reposant sur une autonomie créatrice de chaque peuple…

4-Face au court terme omniprésent répondre aux urgences et construire le long terme…Autrement dit il faut repondre et aux fins de mois et aux fins du monde.

5-Face à la domination sur la nature mettre en œuvre en particulier une protection du patrimoine mondial  de l’humanité…

6-Face à la compétition omniprésente construire des coopérations, des solidarités…Nous voilà fraternisés par des périls communs,  ce sont des  côtes à côtes qui doivent voir le jour et se multiplier.

7-Face à cette coupure entre l’écologique et le social il faut tisser des liens entre l’écologique et le social, c’est ce qui est fait par exemple à travers l’expression et le mouvement « justice climatique », par exemple à travers des pratiques autour du « consommer moins, répartir mieux », le « consommer moins » vise les 20% des habitants de la planète qui consomment environ 80% des richesses mondiales, tisser ces liens entre l’écologique et le  social par exemple à travers des écotaxes levées avec justice, par exemple à travers des emplois qui devront devenir massifs, emplois liés à la protection de l’environnement : villes, villages, quartiers et constructions écologiques, isolations, matériaux écologiques, énergies renouvelables, modes de production, de consommation et de transports écologiques, remises en état de régions profondément dégradées, préservation du patrimoine mondial naturel et culturel, éducation à l’environnement de la maternelle à l’université…

Ces choix, et d’autres que vous ajouterez à cette liste, doivent s’accompagner de moyens qui iront en ce sens, ceux d’une société écologique, mais aussi démocratique, juste et pacifique. Quels moyens ?

 

 

II– Les moyens de la protection mondiale de l’environnement  

 

 

Il faut d’abord souligner la nécessité vitale de l’ampleur des moyens et des acteurs  de  la protection(A).

 Il faut ensuite parcourir la panoplie des moyens de la protection, moyens actuels et à créer (B ).

Enfin nous terminerons en insistant sur des séries  de moyens dans deux domaines vitaux, l’eau et les changements climatiques (C).

 

A- La nécessité vitale de l’ampleur des moyens et des acteurs de la protection de l’environnement

 

1) L’ampleur des moyens

On doit distinguer l’essentiel et l’important.

   1-Si les stratégies collectives (locales, nationales, continentales, internationales) sont essentielles, il ne faut pas sous-estimer des remises en cause personnelles qui peuvent devenir plus ou moins importantes si elles se multiplient. Le covoiturage et l’économie collaborative(l’usage qui  pré domine sur la propriété) sont deux bons exemples.

   2-Si l’ampleur des moyens financiers reste essentielle, il ne faut pas sous-estimer l’ampleur des moyens scientifiques, technologiques, juridiques,  institutionnels, éducatifs…qui peuvent être  plus ou moins importants mais qui sont eux-mêmes accompagnés de moyens financiers.

  3-Si les politiques à long terme sont essentielles il faut aussi répondre aux urgences.Autrement dit il faut répondre aux fins du monde et aux fins de mois.

  4-Si les réformes profondes et les remises en cause radicales du productivisme restent essentielles il ne faut pas sous-estimer les réformes partielles ou un peu plus globales…qui peuvent être plus ou moins importantes.

 

2)  L’ampleur des acteurs

On connait la liste indicative des acteurs : Etats, organisations internationales et régionales, organisations non gouvernementales, collectivités territoriales, entreprises, firmes multinationales, réseaux scientifiques, générations présentes, peuples, personnes…

Les absences de remises en cause ou les remises en cause de l’empreinte écologique d’une personne ne sont pas celles d’une ville, d’une firme géante ou d’un Etat.

   1-Il y a donc, en particulier selon les acteurs, des dégradations et des protections secondaires, importantes, ou massives. Il est évident que serait essentiel le  fait,  par exemple, que les Etats-Unis et la Chine remettent en cause massivement leurs émissions de gaz à effet de serre qui étaient en 2012  de presque 50% du total mondial, c’est dire le poids de ces deux acteurs.

   2-Il est essentiel de distinguer l’importance des stratégies selon leurs étendues locales, nationales, continentales, internationales ,et bien sûr de créer des liens entre ces niveaux géographiques qui sont aussi des ordres juridiques.

 

   3-D’autre part plus on est au cœur du productivisme, à travers la techno science et le marché mondial, plus la remise en cause va être essentielle dans les contre-mécanismes.

 

 

B- Une énumération indicative  des moyens de protection de l’environnement

 

Il est primordial de ne pas confondre des moyens secondaires et d’autres qui peuvent peser lourd dans la protection et de ne pas oublier de distinguer des moyens en vigueur et d’autres souhaitables voire vitaux.

Il est primordial également d’avoir une vue globale, une méthode pour y arriver est d’énumérer des moyens à partir de critères différents, quatre critères sont proposés ici.

Nous partirons de moyens d’amont en aval de la dégradation et de la protection, ces principes qui vont encadrer le droit(1),

nous retrouverons ces moyens ensuite dans différentes modalités juridiques(2),

 puis nous les découvrirons  par domaines d’activités(3),

 enfin dans des alternatives qu’ils peuvent constituer(4).

 

1 ) Des moyens de protection sous la forme de principes d’amont en aval

 

  1. a) L’appel aux principes comme moyens de protection.

 C’est le droit international de l’environnement(DIE)  qui comprend à ce jour le plus grand nombre de principes. A ce jour, début 2014, on peut considérer que les principes de DIE approchent la trentaine. C’est dans ce vivier juridique que les Etats vont souvent puiser.

La gestation d’un principe est le produit de sources profondes. Un principe peut être le produit, dans des proportions variables, de problèmes de drames et de menaces écologiques, du développement de la techno science, de divers intérêts économiques, de rapports entre les Etats (par exemple du Nord et du Sud), de pressions d’ONG, de réactions des citoyen(ne)s, de données scientifiques, de travaux d’experts, d’articles et d’ouvrages, et bien sûr de négociations diplomatiques…

D’un point de vue général quelle définition en donner ? Un principe c’est, selon les cas, une cause première, une proposition admise comme base de raisonnement, une règle générale qui guide la conduite, une règle élémentaire d’une science, d’un art, d’une technique. Du point de vue du droit, en simplifiant on peut dire qu’il s’agit  d’une règle juridique générale formulée dans un texte de droit positif c’est-à-dire en vigueur.

 Ces principes  sont consacrés dans des déclarations juridiquement non contraignantes et dans des conventions juridiquement contraignantes pour les Etats parties. On retrouve certains  principes dans des textes régionaux ( traités, règlements, directives par exemple pour l’Union européenne) et aussi  dans des textes nationaux, ainsi dans des constitutions (en France par exemple depuis 2005 avec une Charte de l’environnement à valeur constitutionnelle qui comporte un préambule et dix articles), dans des lois …

Ces principes sont rattachés à des concepts qui sont beaucoup plus vastes. Ils inspirent, orientent le DIE, alors que les principes l’enracinent, l’encadrent. A ce jour il y a trois concepts : le développement durable, omniprésent, à géométrie variable, auquel se rattachent de nombreux principes énumérés surtout dans la Déclaration de Rio de 1992, puis un concept qui donne sens et qui est au cœur du DIE, l’intérêt commun de l’humanité, auquel se rattache par exemple le principe de précaution. Un troisième concept contribue à décoloniser la pensée productiviste, il s’agit de la détermination de limites au cœur des activités humaines, auquel se rattache par exemple le principe de réduction et d’élimination des modes de production et de consommation non viables (  un des rares principes radicaux  de la Déclaration de Rio de 1992,c’est le principe 8.)

 

  1. b) L’énumération des principes de protection dans une classification opérationnelle.

Nous avons proposé dans nos ouvrages de DIE cette nouvelle classification des principes d’amont en aval et aussi dans l’ensemble de la protection. Même si elle est relative (par exemple un principe situé en aval peut avoir des effets en amont et réciproquement) cette classification nous semble la plus opérationnelle pour les acteurs.

 Ajoutons enfin que ces principes sont essentiels dans la mesure où l’on s’en empare, c’est-à-dire où les négociateurs, les parlements, les exécutifs les consacrent dans des textes, et dans la mesure où on les applique, dans des rôles différents interviennent ainsi administrations, juges (nationaux, régionaux, internationaux), ONG, citoyen(ne)s…

Quels sont à ce jour (janvier 2014) ces principes, moyens de protection de l’environnement ?

Les principes de DIE ayant vocation à se situer dans l’ensemble de la protection:

 

  1. Le droit à l’environnement
  2. L’obligation ou le devoir pour tous les États de conserver l’environnement
  3. La souveraineté des États sur leurs ressources naturelles
  4. Le principe de coopération,opposé à la compétition.
  5. Le principe de l’intégration de l’environnement au développement
  6. L’obligation des États de résoudre pacifiquement leurs différends environnementaux
  7. Le principe des responsabilités communes mais différenciées des États
  8. L’interdépendance entre la paix, le développement et la protection de l’environnement
  9. Le principe de non-régression des acquis environnementaux .

Les principes de DIE ayant vocation à se situer  en amont de la protection :

  1. La réduction et l’élimination des modes de production et de consommation non viables
  2. Le principe de méthodes de production propres
  3. Une gestion écologiquement rationnelle

4 Le principe de sobriété, d’usage prudent des ressources naturelles.

  1. L’utilisation équitable d’une ressource partagée
  2. Le devoir de tout État d’éviter les dommages causés à l’environnement au-delà des frontières nationales
  3. Le principe de prévention et la surveillance de l’environnement
  4. Le principe de prévention et l’évaluation des activités (études d’impacts) pouvant avoir des effets nocifs sur l’environnement
  5. L’information et la consultation préalables
  6. Le principe de précaution.

10.L’internalisation des coûts écologiques.

12.Le respect des rythmes de l’humanité et de la nature, opposé à l’accélération.

13.La prise en compte du long terme ,opposé à la dictature du court terme.

Les principes de DIE ayant vocation à se situer en aval  de la protection de l’environnement: 

  1. La notification immédiate des situations critiques
  2. La coopération trans frontière en cas d’accident industriel
  3. Le devoir d’assistance écologique
  4. La non-discrimination et l’égalité de traitement des victimes des pollutions trans frontières
  5. La responsabilité pour dommages causés à l’environnement
  6. La remise en état de l’environnement
  7. Le principe pollueur-payeur
  8. Le respect des droits des déplacés environnementaux (en gestation).

 

2)  Des moyens  de protection selon des dispositifs   juridiques

 

  1. a) A titre prospectif : conclusions de nouvelles conventions et de nouveaux protocoles

De façon globale pour ce qui est du droit international de l’environnement les moyens sont clairs : renforcer son application, rendre plus opérationnels ses principes, dégager de nouveaux moyens financiers et institutionnels,  conclure de nouvelles conventions

     1-Ainsi des conventions créant des institutions : une Organisation mondiale de l’environnement, une Organisation mondiale des déplacés environnementaux, une Organisation mondiale d’assistance écologique,

     2-Ainsi des conventions mondiales de protection : convention de protection  des  sols, convention de protection  des forêts, convention  contre lespollutionstelluriques …

     3-Ainsi de nouveaux protocoles, en particulier de réductions massives et radicales  des gaz à effet de serre ,  accompagnés de puissants moyens financiers de prévention et d’adaptation. Ces moyens financiers devraient être basés sur une baisse des dépenses militaires mondiales d’armements, sur une taxation des transactions de change…

 

  1. b) Une liste indicative de  modalités juridiques de protection des espèces et des espaces

Du point de vue de la protection des espèces : listes d’espèces protégées, interdictions de production, de détention, de transport, d’importation, d’exportation, de ramassage, de récolte et de capture de certaines espèces aux niveaux national, régional, international.

 On trouve aussi des méthodes partielles de protection, ainsi des périodes et des moyens relatifs à la chasse et à la pêche…

Voilà des méthodes de protection qui se veulent plus globales, ainsi le contingentement, les habitats et les zones protégées, la protection des écosystèmes.On crée aussi des zones protégées qui comportent plusieurs objectifs dont la flore et de la faune sauvages, entreprise qui a consisté à établir un réseau européen d’espaces protégés « Natura 2000 ».

(Sur le droit de l’animal voir la remarquable  Revue semestrielle de droit animalier(RSDA),publiée depuis 2009,sous la direction de Jean-Pierre Marguénaud et Florence Burgat, Jacques Leroy, la RSDA est en ligne sur internet.)

 

Du point de vue de la protection des espaces : la protection des habitats naturels amène à prévoir des  espaces protégés dans lesquels les propriétaires privés comme publics doivent respecter des interdictions ou des contrôles de certaines activités, de certains travaux, et aussi des restrictions à la circulation.

 Certains espaces protégés ont des régimes juridiques souples, ainsi en France les espaces naturels sensibles des départements ou les parcs naturels régionaux.

 D’autres espaces protégés ont une protection beaucoup plus rigoureuse, il s’agit des parcs nationaux, des réserves naturelles, des biotopes, de certaines forêts.

 

  1. c) Des moyens  prospectifs de protection des espèces et des espaces

Trois éléments prospectifs peuvent être mis en avant.

   – L’importance des méthodes combinées, partielles et globales. Si l’on veut véritablement protéger la faune sauvage ne faut-il pas associer des méthodes partielles et des méthodes globales ? Par exemple si l’on veut éviter l’effondrement de stocks de poissons ne faut-il pas à la fois protéger les zones où les poissons vont se reproduire, créer des zones interdites à la pêche, interdire la pêche des grands fonds et les filets dérivants, prohiber la pêche des espèces en voie d’extinction ? Ne faut-il pas aussi, parallèlement, organiser divers types de reconversions d’une partie des industries de pêche ?

   – Le recours aux espèces protégées et aux espaces protégés. On ne peut pas enrayer et arrêter le déclin de la diversité biologique sans recourir aux espèces et aux espaces protégés.  Cela signifie qu’il faut développer massivement  le nombre d’aires protégées, elles sont plus de 100.000 et couvrent environ 11,5% des terres de la planète. Certes elles ont été multipliées par 4 depuis 1970, mais leur surface totale représente en 2012 seulement la superficie des Etats-Unis et du Canada. L’effort de création  est donc gigantesque.

 Il faut également protéger les milieux  oubliés, par exemple les écosystèmes marins profonds et aussi les milieux négligés (lacs, mers intérieures, déserts…).

 Cela signifie aussi qu’il faut respecter des objectifs internationaux qui avaient voulu placer en  2012 au moins 10% des écosystèmes marins en aires marines protégées, on en est loin. En 2000 il y avait 4600 aires marines qui couvraient 0,6% de la surface des océans, on était seulement à 0,8% en 2009, le rythme des créations des aires marines protégées doit s’accélérer, elles doivent devenir massives.

 Cela signifie enfin construire des réseaux de réserves, les aires protégées peuvent être reliées par des « couloirs écologiques »,  par exemple celui créé en Amérique Centrale en 1997.

  -Vers une « réconciliation » entre les êtres humains et la nature ?

Le recours aux espèces et aux espaces protégés est nécessaire mais il ne peut à lui seul enrayer et arrêter le déclin de la diversité biologique. Depuis quelques années des scientifiques, de plus en plus nombreux pensent que la conservation de la nature doit être intégrée à l’aménagement du territoire. On retrouve ici un des grands principes de la Déclaration de Rio de 1992, le principe d’intégration. Il s’agit d’intégrer les variables économiques, sociales et culturelles à la protection de l’environnement.

On peut aussi y ajouter la nécessité d’un ralentissement de l’explosion démographique, explosion qui participe aux pressions sur l’environnement.

 

  1. d) Les autre moyens juridiques de protection de l’environnement

Du point de vue des pollutions  il existe un droit de contrôle et de prévention des pollutions sectorielles, pour l’air, l’eau, les produits chimiques, les déchets radioactifs, les déchets domestiques et industriels, les produits phytosanitaires, les pesticides, les organismes génétiquement modifiés, le bruit.

Du point de vue des installations classées pour la protection de l’environnement les activités les plus polluantes sont soumises à partir du degré de pollution soit à un régime d’autorisation préalable soit de simple déclaration, une liste (nomenclature) est tenue à jour.

Du point de vue des risques technologiques majeurs existe un droit des risques, ainsi par exemple dans l’Union européenne à partir de la directive Seveso renforcée en France depuis une loi de juillet 2003 après la catastrophe de Toulouse (usine AZF, 2001)

Existe également un droit des paysages par exemple à travers la Convention de Florence de 2000 dans le cadre du Conseil de l’Europe,

 Existe un droit de protection des sites par exemple dans le cadre de l’Unesco,

 Existe un droit de l’environnement urbain à travers par exemple des Agendas 21 locaux, un urbanisme influencé par la protection de l’environnement,

 Existe un droit rural pris entre, d’une part, une agriculture intensive, une utilisation massive des pesticides, une déforestation, des pollutions de cours d’eau, des sols bétonnés et, d’autre part, des espaces protégés, une agriculture biologique…

Existe aussi un droit qui tend à préserver le patrimoine historique et culturel.

 Existe enfin un droit de l’environnement côtier, ces espaces naturels fragiles vont vers des régimes de gestion intégrée tant du point de vue des espaces que des politiques et des acteurs. ( sur l’ensemble des moyens juridiques voir Michel Prieur, Droit de l’environnement, Précis Dalloz, 6ème édition, 2011.)

 En ce qui concerne les changements climatiques une possibilité nouvelle s’ouvre pour l’avenir, celle de recours juridiques contre les carences étatiques des Etats pour non respect de leurs obligations relatives aux traités internationaux et régionaux de luttes contre le réchauffement. Ces recours pourraient s’exercer devant des juridictions internationales, régionales mais aussi nationales. Ce sont des Etats, des ONG, des citoyens qui les exerceront selon les procédures prévues. Ces recours seront administratifs, civils voire pénaux. Les retombées pourront être variables, dérisoires parfois, importantes d’autres fois.

 

3)  Des moyens de protection selon  différents domaines

 

   1-Parmi les moyens scientifiques, de façon générale il faut poser la question des pouvoirs et des  limites de la techno science. De façon particulière par exemple mettre en œuvre le partage des connaissances Nord-Sud, organiser des expertises contradictoires.

En termes prospectifs un moyen radical serait  de conclure une convention  d’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive comme étant contraires à l’intérêt commun  de l’humanité et contraires  à la protection du vivant.

  2-Parmi les moyens technologiques les technologies propres d’amont en aval,

  3-Parmi les moyens économiques la réduction  et la suppression des moyens de production, de consommation et de transports écologiquement non viables,

  4-Parmi les moyens financiers les écotaxes les plus justes  possibles, en particulier sur les énergies fossiles, celles-ci doivent peu à peu ne plus être soutenues par des subventions, les énergies renouvelables seront financièrement de plus en plus intéressantes.

  5-Parmi les moyens politiques les volontés d’élaborer des politiques à long terme, on doit tenir les deux bouts du temps, les fins du monde et les fins de mois. L’écologique et le social sont côte  à côte .

  6-Parmi les moyens institutionnels les créations d’une Organisation mondiale de l’environnement,  d’une Agence mondiale d’assistance pour faire face aux catastrophes écologiques, d’une Organisation mondiale des déplacés environnementaux,enfin à différents niveaux géographiques la création et le développement de processus participatifs,par exemple le référendum d’initiative citoyenne.

  7-Parmi les moyens éducatifs l’éducation à l’environnement de la maternelle à l’université…

 

4 ) Des  moyens de protection selon des alternatives possibles

 

Une énumération  globale et récente d’ONG nous l’avons trouvée dans l’appel d’octobre 2013 ci-dessous.

Quatre vingt dix organisations  dans le cadre d’Alternatiba, (en octobre 2013,à Bayonne), ont dressé une liste indicative d’alternatives écologiques et anti productivistes .Cet appel du 29 août 2013  s’intitule « Ensemble construisons un monde meilleur en relevant le défi climatique »:

« Loin des fausses solutions-injustes dangereuses et inefficaces-prônées par certains (géo-ingénierie, OGM, agro-carburants, marchés carbone, mécanismes de compensation, nucléaire etc…),des milliers d’alternatives aux causes du changement climatique sont en effet mises en pratique tous les jours par des millions d’individus, d’organisations, de collectivités locales dans les domaines les plus divers. »

On casse ce que l’on disait ou pensait être des fatalités, on lance des laboratoires on imagine des solutions, on ouvre des chantiers, on rejoint des chantiers :

« Agriculture paysanne, consommation responsable, circuits courts, relocalisation de l’économie, partage du travail et des richesses, conversion sociale et écologique de la production, finance éthique, défense des biens communs(eau, terre, forêts),souveraineté alimentaire, solidarité et partage, réparation et recyclage, réduction des déchets, transports doux et mobilité soutenable, éco rénovation, lutte contre l’étalement urbain, lutte contre l’artificialisation des sols, aménagement du territoire soutenable, démarches de préservation du foncier agricole, défense de la biodiversité, sobriété et efficience énergétiques, énergies renouvelables, plans virage énergie climat, villes en transition, sensibilisation à l’environnement…etc. : les alternatives existent, elles ne demandent qu’à être renforcées, développées, multipliées ! « 

L’Appel se termine comme suit:

« Nous pouvons ainsi continuer à changer concrètement les choses chacun chacune à notre niveau, et également renforcer la dynamique, la prise de conscience, le rapport de force permettant d’avancer vers les bonnes prises de décisions tant au niveau local qu’au niveau global. »

 Ainsi ces prises de consciences et ces pratiques  tracent des chemins alternatifs qui se veulent porteurs de protection de l’environnement.

 

 

C-  Deux séries d’exemples de moyens de protection

Par quels moyens  faire face aux problèmes, menaces et drames environnementaux relatifs à l’eau et aux changements climatiques ?

 

1)Des moyens de lutte par rapport aux pénuries et aux pollutions de l’eau

 

  1. a)  Des moyens généraux :

 les  luttes contre le réchauffement climatique, le  ralentissement de l’explosion démographique, la préservation des milieux  humides, les remises en cause  d’obstacles au cycle naturel de l’eau (urbanisation, bétonnage)…

 

  1. b)  Des moyens spécifiques:

 la création et le développement d’infrastructures d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) demande que les Etats y consacrent 1% de leur PNB…

Des politiques d’économie de la consommation, en particulier luttes contre les gaspillages, grande consommatrice l’agriculture pourrait être plus frugale, parmi les solutions : l’émergence d’un secteur agricole structuré par des coopératives et des associations d’usagers de l’eau. Une meilleure gestion de l’eau, le goutte à goutte, les remplacements des canalisations (perditions importantes)…

Des politiques d’organisation et de création de barrages (50.000 de plus de 15 mètres, 800.000 moins importants) cependant de nombreux impacts sur l’environnement)…

Des moyens techniques de développement des réserves : sondages des eaux souterraines, ravitaillement par cargos, transferts d’eau au niveau régional, dessalement de l’eau de mer, tuyaux flexibles posés au fond des océans, transports d’icebergs, réutilisation des eaux de pluie…

 

  1. c)  Des moyens juridiques 

 

Le droit des luttes contre les pollutions des eaux douces (législations relatives aux eaux usées, aux ordures domestiques, aux pesticides, aux déchets industriels, aux déchets radioactifs…)

La prévention des conflits ou même des guerres de l’eau  par des accords de cours  d’eau ,  la « diplomatie de l’eau » doit voir le jour.

Le PNUD demande que la communauté internationale reconnaisse le droit fondamental de tout être humain de disposer d’au 20 litres d’eau potable par jour, eau gratuite pour les plus pauvres.

Il faudrait cesser de penser l’eau comme une ressource illimitée, limiter notre consommation, tous les usagers sont concernés (particuliers, industries, agriculture).

L’or bleu est l’enjeu d’une bataille planétaire, d’un côté la pente la plus forte, celle d’une marchandisation de l’eau (« pétrolisation »de l’eau), la loi du marché, de l’autre côté celle d’un « contrat mondial de l’eau », eau qui serait consacrée comme patrimoine commun de l’humanité, avec un accès pour tous à l’eau potable et à l’assainissement.

 Ainsi ne faut-il pas aller, à travers des rapports de forces, vers une convention mondiale de protection et de partage de l’eau ?

2)  Des moyens de lutte contre le réchauffement climatique

Il est clair qu’en décembre 2015 à la Conférence de Paris trois avancées sont vitales: des engagement de tous les pays, des réductions massives des émissions de GES, des promesses financières tenues par les pays industrialisés pour l’aide à l’adaptation au réchauffement.

De façon plus exhaustive qu’en est-il des moyens en amont et en aval pour lutter contre le réchauffement ?

  1. a)  En amont :

Ce sont des moyens vitaux qui doivent devenir massifs:

Consommer  moins pour une partie des habitants de la planète,

brûler moins d’énergie,

économiser les ressources,

développer les énergies renouvelables (voir développement ci-dessous),

produire et consommer autrement,

se  déplacer autrement,

développer massivement des technologies propres,

recycler les déchets,

organiser une fiscalité écologique redistributive et juste, fondée surtout sur les écotaxes,

créer des fonds internationaux (taxes sur les énergies polluantes, sur les transactions financières),

remettre en cause des financements publics pour les énergies fossiles,

étendre et protéger le patrimoine commun de l’humanité…

Certains auteurs, certains citoyen(ne)s et mouvements sont favorables à une « décroissance »fondée, entre autres, sur une relocalisation des activités , sur une remise en cause des surconsommations …(voir Jean-Jacques Gouguet, Développement durable et décroissance, deux paradigmes incommensurables, in Mélanges en l’honneur de M. Prieur, 2007, Dalloz.)

 En ce qui concerne les changements climatiques une possibilité nouvelle s’ouvre pour l’avenir, celle de recours juridiques contre les carences étatiques des Etats pour non respect de leurs obligations relatives aux traités internationaux et régionaux de luttes contre le réchauffement. Ces recours pourraient s’exercer devant des juridictions internationales, régionales mais aussi nationales. Ce sont des Etats, des ONG, des citoyens qui les exerceront selon les procédures prévues. Ces recours seront administratifs, civils voire pénaux. Les retombées pourront être variables, dérisoires parfois, importantes d’autres fois. Ce ne sera pas un remède miracle, il n’y en a pas. Ce seront au mieux des remises en cause pouvant être porteuses,  insuffisantes mais nécessaires.

 

  1. b) En amont, un moyen essentiel : les énergies renouvelables porteuses d’emplois

Celles ci devraient devenir financièrement de moins en moins chères dans la mesure aussi où les énergies fossiles verront leurs subventions être remises en cause.

Selon le rapport 2014 de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA)  fin 2013 il y avait près de 6,5 millions d’emplois au niveau mondial  dans l’éolien,le solaire,la biomasse,  l’hydroélectricité…

 

Ces emplois étaient  essentiellement en Chine(2,6 millions),au Brésil(0,89), aux Etats-Unis (0,62). En Europe  il y avait 1,24million d’emplois dont surtout 0,37 en Allemagne.Par ordre d’importance en nombre d’emplois dans le monde le photovoltaïque(2,3millions d’emplois)arrivait en tête fin 2013.

 

  1. c) L’exemple d’une véritable  politique de l’Union européenne dans la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Parmi les moyens  à privilégier ceux d’objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre de – 55% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990,une part des énergies renouvelables de 45% de la consommation d’énergie en 2030,une baisse de la consommation d’au moins 30% d’ici 2030.

De même une remise en cause des subventions  et des investissements accordés aux énergies fossiles,enfin la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne…

 

  1. d) En aval

Ce sont des moyens essentiels qui deviendront vitaux si les luttes en amont globalement échouent. A leur tour ces moyens devront être massifs.

Une assistance écologique rapide, multiforme, massive organisée à tous les niveaux géographiques,

Des droits attribués aux déplacés environnementaux, ( voir par exemple: Présentation du projet de convention relative au statut international des déplacés environnementaux,  J.P. Marguénaud  J. Bétaille, J.M.Lavieille, revue européenne de droit de l’environnement, REDE n°4, 2008.). Ce projet  a été élaboré par des membres des équipes du CRIDEAU, du Centre de recherche sur les droits de la personne, et du CIDCE (avec M.Prieur.) , une vingtaine de personnes ont enrichi le texte. Voir site du CIDCE.

Des aides financières pour l’adaptation des pays du Sud. Cette aide, dérisoire à ce jour, ne s’attaque pas aux causes mais aux effets du réchauffement, elle est cependant absolument nécessaire, demain elle devra prendre une importance gigantesque, le seul exemple du financement des digues à consolider, à créer, va devenir criant d’année en année.

  1. e)  Enfin que penser d’une série de  moyens  particuliers gigantesques : des projets de géo ingénierie?

Quels moyens? Par exemple la séquestration de gaz à effet de serre,des ballons  de souffre, un miroir géant dans l’espace…) tout cela  pour « mettre la Terre à l’ombre ». Qu’en penser? Un « Oui mais à de multiples et draconiennes conditions » : 1-Que tous les projets soient démocratiques (décidés par l’ensemble des Etats), justes (à destination de tous les peuples du monde), pacifiques (que ces recherches ne soient pas utilisées à des fins militaires) et écologiques (une absence  d’effets collatéraux importants à court moyen et long termes). 2-Que ces projets ne désengagent pas financièrement et ne déresponsabilisent pas politiquement des politiques de réduction des gaz à effet de serre, c’est-à-dire qu’ils ne soient pas conçus comme « le » remède miracle de la techno science mais comme une solution avec les autres solutions.

 Des projets de géo ingénierie  sont en route, comment faire en sorte, qu’ils ne soient pas  productivistes et scientistes ? Une fois de plus le droit risque d’arriver trop tard, ne pourrait-il pas  consacrer ces conditions dans une convention internationale ? Ou bien, plus modestement, déterminer et consacrer ces conditions pour un projet, par exemple la séquestration des gaz à effet de serre?

 

f ) C’est ,entre autres ,dans le cadre de remises en cause technologiques que se situe « l’informatique verte »(Green computing ou Green IT  ou green information technology).Contrairement à ce que croyaient certains, on a constaté en effet qu’ Internet est  énergétivore. Les « data centers », usines de stockage alimentant en électricité la Toile(par exemple les 250 milliards de mails journaliers),ces usines se multiplient à grande allure, le monde virtuel prend ainsi  racine  concrètement dans ces usines productrices d’énergie qui sont alimentées par le nucléaire ou le charbon. On nous affirme que si « Internet était un Etat ce serait l’équivalent du 5ème pays consommateur mondial d’énergie ». Le « Green computing » en appelle à l’imagination pour que les nouveaux  « data centers » soient alimentées par des énergies renouvelables, l’objectif étant  une réduction de l’empreinte écologique d’Internet. On voit aussi la complexité des responsabilités, celles des géants de la Toile, celles des Etats, celles des internautes, leurs interactions ne sont pas seulement technologiques.

 

 g )  Au moins deux engagements concrets contribueraient à préparer de véritables avancées de la 21ème Conférence des Etats parties sur les changements climatiques (Paris, décembre 2015):

D’abord mettre en avant un objectif de réduction par rapport à 1990 des gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030, et ne pas attendre 2020(entrée en vigueur du futur accord de 2015) pour aller dans ce sens. Les écotaxes sont un des moyens essentiels.

Un accord entre les Etats-Unis et la Chine (12-11-2014) est un tout petit pas en ce sens: pour les Etats-Unis l’annonce d’une réduction de 26 à 28%  des émissions de GES d’ici 2025 par rapport à 2005, pour la Chine un engagement sur un pic des émissions de GES fixé « autour de 2030″.

Ensuite dégager des financements massifs pour l’adaptation aux changements climatiques fondés en particulier sur une véritable taxe sur les transactions financières.

 

Remarques terminales

 

 

1-Le passage d’un système international  anti écologique  à une communauté mondiale  écologique reposerait principalement sur les éléments suivants:

  

Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de production, de consommation, de transport écologiquement  non  viables)

Programmes massifs réalisant l’effectivité  du  droit à l’eau potable  et du droit à l’assainissement

Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les niveaux géographiques)

Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables, économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire) 

Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation mondiale de l’environnement, convention  créant  une Organisation mondiale et régionale d’assistance écologique, convention créant une Cour mondiale de l’environnement, convention sur les  droits des déplacés environnementaux, conventions de protection  des  sols, convention de protection  des forêts, convention  contre les pollutions telluriques …) et de nouveaux protocoles (en particulier de réductions massives et radicales  des gaz à effet de serre) ainsi que de nouvelles déclarations, par exemple une  déclaration du droit à l’environnement de l’humanité et du vivant…

 

 

 2) Comme le dieu Janus, le défi écologique a deux  faces :

 

Le défi du temps : il  risque ne pas être très long pour ralentir et remettre en cause la dégradation mondiale de l’environnement, voilà  très probablement un cadran de l’humanité dont la plupart des voyants sont et seront au  rouge dans les quelques décennies qui viennent …

Le défi des moyens de la radicalité : plus on attend pour créer des contre-mécanismes face au productivisme, plus ces contre-logiques devront être  radicales, c’est-à-dire se traduire par des remises en cause massives et plongeant jusqu’à différentes  racines, autant que faire se peut ( ?), de la dégradation écologique. Mais les moyens doivent être conformes aux fins, pour des  fins démocratiques des moyens démocratiques, pour des fins justes des moyens justes, pour des fins pacifiques des moyens pacifiques, pour des  fins écologiques des moyens écologiques. Une fois de plus  la pensée de Gandhi nous appelle : « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence ».

 

 3)  Que sera la prochaine Conférence des Nations Unies sur l’environnement  en 2022?

Elle peut-être encore  celle où l’on décide… que l’on décidera plus tard. Ce serait alors celle d’une accentuation  vers les drames de l’irréversibilité écologique, soit celle d’un  sursaut, précédé d’autres  sursauts  , de remises en cause  dans de multiples lieux, à tous les niveaux géographiques, préparant une métamorphose de l’humanité, avant et après 2022.

 

 4)  Une fois de plus ne sommes-nous pas devant cette question :

  Comment, à travers les rapports de forces et  à  travers les catastrophes,  faire naitre les déterminations individuelles et collectives, de tous les acteurs aux différents niveaux géographiques, dans l’ensemble des activités,

  pour passer du productivisme au développement durable  et du développement durable à une société écologiquement viable ?  

 ( voir   sur ce site un billet  intitulé « Les volontés politiques ».)