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au trésor des souffles

Moyens viables

quels moyens justes?

IV- D’un système international pour une large part injuste à une communauté mondiale juste.

 

 

Huit séries de  propositions  :

A-La réalisation de conditions de vie dignes 

B-Les annulations des  dettes publiques en urgence absolue pour les pays en développement, en urgence relative pour   les autres pays

C- La subordination du libre-échange,  le développement   du commerce équitable

 D-Des formes d’économie plurielle remettant en cause  la primauté de l’argent et l’omni présence  de  la compétition

E-Des fiscalités et des salaires justes

F-Des créations et  des redistributions de  fonds internationaux

G- Des créations massives d’emplois d’utilité   sociale , écologique et pacifique

H- La reconquête du temps et le partage du travail.

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A –La réalisation  de conditions de vie dignes 

 

Dans un raccourci saisissant connu nous pourrions dire qu’il faut à la fois répondre aux fins de mois et aux fins du monde, de même répondre  aux générations présentes et aux générations futures sans oublier de sauvegarder le patrimoine culturel des générations passées.

Nous partirons d’un rappel des  injustices  criantes dans le monde (1), pour insister ensuite sur  une création planifiée d’un  véritable revenu universel d’existence (2), enfin nous soulignerons à titre indicatif  d’autres moyens contribuant à des conditions de vies dignes (3).

 

1-Un rappel des  injustices  criantes dans le monde

 

 

Ces injustices sont globales (a), elles sont aussi particulières (b).   Inégalités, causes de mortalité  et débâcle écologique(c). Une ONG souligne des inégalités  parmi les plus criantes (d).

Nos deux premiers développements sont basés sur des données de 2013, les deux suivants sur des données de 2019.

 

a- Des injustices globales dans le monde en 2013

« Les  victimes des injustices économiques sont ainsi, sans le moindre remords, sacrifiées sur l’autel de l’ordre public. Jusqu’à quand ? »  écrivait  Eduardo Galeano (Le Monde diplomatique, Guerre aux pauvres, août 1996).

  Les quatre réalités qui suivent sont soulignées, en 2010, 2011 par des institutions spécialisées des Nations Unies, des organes subsidiaires et des programmes de cette organisation internationale, par exemple le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

 En 2010 , selon l’UNICEF, un enfant sur deux dans le monde est en situation de détresse et/ou de danger(misères, sous-nutrition, maladies, guerres…). Si une civilisation se juge en particulier au sort qu’elle réserve à ses enfants… le jugement   de condamnation  est sans  appel.

 En 2011, selon l’OMS, dans les pays à faibles revenus 4 décès sur 10 touchaient des enfants de moins de 15 ans, dans les pays à revenus élevés 1 enfant sur 100.

L’inégalité devant la mort existe pour l’ enfant  selon le pays où il  vit.

  En 2011, selon le PNUD, moins de 10%  de la population mondiale dispose de 82% du patrimoine mondial, alors que 70% de cette population mondiale disposent de 3% du patrimoine mondial. C’est ce que l’on appelle une violence structurelle gigantesque.

 Enfin  en décembre   2011, selon les Nations Unies ,  4,5milliards de personnes se trouvent dans le besoin avec le minimum vital, 1,5milliard de personnes est en situation de survie (avec moins de 1,25 dollar par jour) et 1 milliard vit dans l’aisance. On voit  particulièrement bien que le système ne répond pas aux besoins importants ou criants de la grande majorité de la population mondiale.

 

b-Des injustices particulières dans le monde en 2013

Soyons plus précis  en partant, en 2012 et 2013, de neuf séries d’inégalités terribles, cette liste des drames est très  loin d’être exhaustive.

 Le drame de la faim touche 842 millions de personnes (Programme alimentaire mondial, L’état d’insécurité alimentaire dans le monde, 2013) (156 millions de moins qu’en 1990).La majorité des personnes sous-alimentées vit  en Asie (552millions).La mauvaise nutrition provoque dans le monde la mort de 3,1 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année. La  faim est considérée comme le « premier risque sanitaire dans le monde. »

 Le drame de l’absence d’eau potable

Le rapport de l’OMS de mai 2013 réévalue le drame à la hausse : 2,4 milliards de personnes qui n’ont  pas accès à de l’eau potable. Un des spécialistes de l’eau (Gérard Payen, De l’eau pour tous, éditions Armand Colin, 2013) affirme  que 3,6 milliards de personnes consomment de l’eau qui « n’est  pas sûre » et 1,8 milliard  de personnes consomment chaque jour « une eau dangereuse. »

Chaque minute sept personnes meurent de maladies liées à l’eau insalubre, 10.080 chaque jour. Les choix financiers la plupart du temps n’ont pas vu le jour. Ce drame est d’autant plus scandaleux que les moyens sont à disposition. Quelle honte, quel écœurement, quels aveuglements, quelles incapacités de partager, quelles responsabilités refusées, quelles récessions des volontés !!!

Justice vous avez dit justice ?

(Voir aussi le très bon ouvrage de Bernard Drobenko, Le droit à l’eau : urgence humanitaire, éditions Johanet, 2ème édition, 2012.)

 Le drame de l’absence de toilettes

Le 19 novembre (journée internationale des toilettes) 2012 il  a été confirmé que 2,4 milliards de personnes (40%  de la population mondiale) n’ont pas de toilettes ou ont des toilettes insalubres.

Ce droit à l’assainissement est capital, son absence d’effectivité provoque de multiples infections et entraine la mort de 7500 personnes par jour, dont 5000 enfants, et de 3,6 millions de décès chaque année, c’est un drame mondial sanitaire et environnemental.

 Le drame des maladies qui tuent sans vaccinations ou soins. Malgré les progrès en 2011 il y avait 158.000 décès par rougeole dans le monde, dont 95% dans des pays à faibles revenus, en 2011 le choléra  a provoqué 120.000 décès , cela sans sels de réhydratation orale et sans vaccinations. L’inégalité de l’accès aux médicaments  relatifs au  sida existe toujours malgré des améliorations…

 Les inégalités dans l’espérance de vie

Selon la division des populations des Nations Unies de 2005 à 2010 l’espérance de vie pour la population mondiale (hommes et femmes confondus) était de 67,6ans, pour les pays développés de 77,1, pour les pays en développement de 67,7, pour les pays les plus pauvres 55,9.

Si l’on prend les extrêmes des régions en Afrique subsaharienne 51,5, en Europe de l’Ouest 80,3 , il y a donc prés de 30 ans de différence. Si l’on prend deux pays extrêmes l’Afghanistan 43,6 et le Japon 82,7  il y a près de 40 ans d’écart.

 Les inégalités dans l’éducation

Le 10ème rapport annuel du programme de « l’éducation pour tous » (à Dakar en 2000 six objectifs ont été fixés pour 2015, ils ne seront pas atteints dans la plupart des pays) souligne des progrès mais aussi  de nombreuses réalités sombres. Ainsi  61 millions d’enfants (9%) ne vont pas à l’école,250millions d’enfants scolarisés ou non(39% du total des enfants en âge de l’enseignement primaire) ne savent ni lire ni écrire, et dans les pays développés 160 millions d’adultes (22%) « n’ont pas les qualifications nécessaires pour postuler à un emploi  ou lire un journal. »

 Les inégalités relatives au niveau de vie

En 2011 selon les données , en parité de pouvoir d’achat, de la Banque mondiale,  rapportées par l’Observatoire des inégalités, le Pib par habitant des pays de l’OCDE (30335dollars par an) est trois fois supérieur à la moyenne mondiale(10103dollars) et 22 fois supérieur à celui des habitants des pays les moins développés (1356 dollars).

Le niveau d’un habitant en Afrique subsaharienne (2094dollars) est cinq fois inférieur à la moyenne mondiale(10103).Le niveau de vie d’un habitant des Etats Unis (42500 dollars) est 43 fois plus élevé qu’un habitant d’Ethiopie (979 dollars).

 Les inégalités devant la protection sociale

En juin 2010 l’OIT affirmait que 4 personnes sur cinq dans le monde ne bénéficient pas d’un niveau de protection sociale qui leur permette d’exercer leur droit fondamental à la sécurité sociale, donc n’ont pas cette partie essentielle du socle de la protection.

En avril 2013 l’OIT , qui lutte contre le travail des enfants, avance le chiffre de 215 millions d’enfants touchés par ce phénomène.

 Les inégalités relatives à l’empreinte écologique

Le poids des modes de vie sur l’environnement selon les Nations Unies en 2005 représentaient pour les pays du Nord (20% de la population mondiale) 80% des ressources de la planète.

Selon le Living Planet Report(2009) en 2006 par continent quel était l’empreinte écologique ? Amérique du Nord 9,4 hectares globaux par habitant, Union européenne 4,8, Amérique latine 2, Asie 1,3, Afrique 1,1 hectare.

 Par pays  en 2008 cela va de 9,6 hectares pour les Emirats arabes unis, à 3,8 hectares pour la France, puis 1,8 hectare pour le Brésil, 2 pour la Chine et 1,9pour l’Inde, arrivent à la fin de la liste des pays comme par exemple le Bangladesh 0,5 , l’Afghanistan 0,1.

La question qui se pose peut-être ici la suivante : faut-il réduire les inégalités ou l’empreinte écologique ? Il y a trois façons de se situer, on s’arrête souvent à l’une des deux premières, on oublie d’évoquer la troisième.

Soit on renonce à l’universalité et on affirme que  si les pays en développement, en particulier les pays émergents, vont vers le même niveau de vie que celui des pays développés  ce sera le chaos écologique pour tous (« les voitures des chinois ! »), et on justifie  on renforce des inégalités donc des violences structurelles. Cette attitude n’est-elle pas celle d’une violence de domination ?

Soit on renonce à la protection de l’environnement et on affirme que les pays en développement, en particulier les pays émergents, ont le droit de se développer comme ils l’entendent, comme l’ont fait les pays du Nord. Cette façon de raisonner correspond à une mise de côté des valeurs de protection de l’environnement qui peuvent tenir  à cœur. Cette attitude n’est-elle pas celle  d’une violence de soumission ?

Soit on met en avant à la fois l’universalité et la protection de l’environnement, on affirme que tous les pays ont le droit de répondre à leurs besoins de développement et, en même temps, on remet en cause, surtout au Nord mais aussi au Sud, la fuite en avant du productivisme ,on en appelle à  des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, on construit des sociétés humainement viables. Cette attitude n’est-elle pas porteuse de paix et de justice ?

 

c-  Inégalités criantes, causes de mortalité et  débâcle écologique en 2019

 

 Des inégalités criantes.

Pour comprendre ce que produit ce système il existe un exemple relatif à un élément central et vital . Rappelons d’abord qu’au total les décès dans le monde pour l’année 2017 étaient de 59 millions de personnes.

Quelles sont donc les causes principales de la mortalité mondiale ? Les maladies cardiovasculaires (3 décès sur 10), les cancers, les maladies infectieuses (pneumopathies, diarrhées, sida, paludisme, tuberculose …), le diabète …Or ces causes  sont révélatrices  de deux  mécanismes  gigantesques.

 -Ces causes montrent des inégalités entre populations de la planète.  Ainsi , par exemple, en 2011 dans les pays à faible revenu 4 décès sur 10 touchaient des enfants de moins de 15 ans, dans les pays à revenu élevé 1 enfant sur 100.

Autre  exemple criant : en 2017 les 8 personnes les plus riches de la planète, qui avaient au total une fortune de 426 milliards de dollars, possédaient ainsi l’équivalent des richesses détenues par la moitié des habitants de la planète, autrement dit huit richissimes égalaient 3,6 milliards de personnes. C’est une violence structurelle.

On estime que chaque jour, 25 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants, meurent de la faim et des causes associées. On estime en 2018 que 854 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde.

 

  -Ces causes de mortalité sont révélatrices d’un environnement qui se dégrade rapidement, dramatiquement  et arrive, ici et là, à des seuils d’irréversibilité.

 En 2012 l’OMS avançait le fait que 23% des décès dans le monde était liés à l’environnement (tabac non compris. Le tabac en 2014 a tué 5 millions de personnes(en France 78000), l’alcool a tué 3 millions de personnes(en France 49000).) soit un décès sur quatre, soit 12,6 millions de victimes dues pour la plus grande part aux pollutions de l’air, celles-ci en 2014 selon l’OMS ont causé la mort  de 7 millions de personnes.

 Certains auteurs avancent des chiffres beaucoup plus élevés, cela est lié en particulier à la définition plus ou moins large donnée à l’environnement, chiffres allant jusqu’à  40% des décès , voire plus, dans le monde résultent de facteurs environnementaux : tabac, pollutions chimiques , radioactives, pollutions dans des transports, des alimentations, des habitations, des lieux de travail, dans des airs, des sols et des eaux…

Des études prévisionnelles mettent en particulier en avant une explosion des cancers dans le monde  de 75% de  2012 à 2030 (!) et de 95% dans les pays les plus pauvres(!).

La dégradation de l’environnement est massive, multiforme, rapide. Ses logiques terricides et humanicides, dans le sillage de l’autodestruction du système productiviste, assassinent le vivant.

 

  1. d) Des inégalités criantes selon le rapport d’une grande ONG en 2019

Oxfam souligne d’abord l’extrême pauvreté et l’extrême richesse :

« Les 1 % les plus riches de la planète possèdent deux fois plus que les richesses cumulées de 6,9 milliards de personnes. Près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5,50 dollars par jour. »

Oxfam  dénonce « cinq faits choquants sur les inégalités extrêmes » :

« 1. Une minorité puissante aux poches pleines. Le sommet de la pyramide économique concentre des milliers de milliards de dollars entre les mains d’une élite très minoritaire composée principalement d’hommes, dont la fortune et le pouvoir croissent de façon exponentielle. Les milliardaires du monde se partagent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, qui comptent pour 60 % de la population de la planète. En parallèle, environ 735 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Pour beaucoup d’autres, il suffit d’une facture d’hôpital ou d’une mauvaise récolte pour y basculer.

Pour chaque dollar de recette fiscale, seulement 4 centimes proviennent des impôts sur la fortune.

Les très grandes fortunes se déroberaient à leurs responsabilités fiscales à hauteur de 30 %. »

« 2. Des richesses sous-imposées. Alors que la fortune des personnes les plus privilégiées connaît un essor fulgurant, celles-ci sont également soumises aux taux d’imposition les plus bas depuis des décennies, tout comme les multinationales dont elles sont les propriétaires. En parallèle, les citoyen-ne-s lambda se voient obligé-e-s de payer des impôts disproportionnés. Lorsque les gouvernements ne font pas payer leur juste part d’impôts aux plus riches, moins de ressources peuvent être affectées à des services essentiels tels que la santé et l’éducation, ce qui augmente la charge de travail de soins qui incombe aux femmes et aux filles.

Aujourd’hui, 258 millions d’enfants – soit 1 sur 5 – n’ont pas les moyens ou le droit d’aller à l’école.

Pour 100 garçons en âge de fréquenter l’école primaire qui ne sont pas scolarisés, 121 filles se voient refuser le droit à l’éducation. »

« 3. Des services publics sous-financés. Au même moment, les services publics pâtissent d’un manque de financement chronique, ou sont sous-traités à des entreprises qui en excluent les moins privilégiés. Dans de nombreux pays, l’accès à une éducation décente et à des soins de santé de qualité est devenu un luxe que seules les personnes les plus riches peuvent s’offrir. Cela a de graves répercussions sur l’avenir de nos enfants et les opportunités qu’ils auront de vivre longtemps et dans de bonnes conditions.

Chaque jour, 10 000 personnes meurent parce qu’elles n’ont pas accès à des soins de santé abordables.

Chaque année, 100 millions de personnes sont contraintes de vivre dans l’extrême pauvreté en raison des coûts des soins de santé. »

« 4. Exclu-e-s d’une vie meilleure. Dans la plupart des pays, être fortuné permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Être pauvre, au contraire, est synonyme de mauvaise santé et d’espérance de vie plus courte. Dans les communautés pauvres, celle-ci est dix à vingt plus courte que dans les quartiers aisés. Dans les pays en développement, un enfant d’une famille pauvre a deux fois plus de chance de mourir avant l’âge de cinq ans qu’un enfant d’une famille fortunée.

Les 22 hommes les plus fortunés au monde possèdent plus que l’ensemble de la population féminine d’Afrique.

La valeur du travail de soin non rémunéré effectué par les femmes est évaluée à 10 800 milliards de $ par an. »

« 5. Des inégalités sexistes. Avec moins de revenus et de biens que les hommes, les femmes représentent la plus grande proportion des ménages les plus pauvres du monde, et cette situation ne cesse de s’aggraver. En outre, elles sont plus susceptibles d’occuper des emplois précaires et mal rémunérés, contribuant à l’économie de marché avec une main-d’œuvre peu coûteuse ou gratuite. Elles soutiennent également les États en accomplissant des milliards d’heures de travail non rémunéré ou sous-rémunéré, une contribution colossale, bien que non reconnue, qu’elles apportent à nos sociétés et à la prospérité économique. »

Oxfam réaffirme  qu’un monde plus juste est possible

« Le fossé croissant qui se crée entre riches et pauvres sape la lutte contre la pauvreté, nuit à nos économies et fragmente nos sociétés.

Les inégalités ne sont pourtant pas une fatalité, mais le résultat de choix politiques.

Les gouvernements du monde entier doivent agir maintenant afin de construire une nouvelle économie centrée sur l’humain qui valorise ce qui est réellement important pour la société, plutôt que d’alimenter une course sans fin au profit. Une économie qui valorise le travail de soin des femmes et des filles plutôt que la fortune des milliardaires. Une économie en faveur de toutes et tous, et non seulement de quelques privilégié-e-s. »

Oxfam termine par une synthèse de changements  demandés   : « Joignez-vous à notre combat pour appeler les leaders politiques à investir dans les services publics essentiels et faire payer aux plus riches leur juste part d’impôts, afin d’assurer un emploi sûr et un salaire décent à toutes et à tous. Il est temps de combattre les inégalités pour vaincre définitivement la pauvreté. »

Nous soulignerons ici une première remise en cause qui nous semble essentielle, la création du revenu d’existence.

 

 

 2-La création planifiée d’un  véritable revenu universel d’existence

 

C’est une des mesures de justice qui nous parait la plus importante et la plus radicale.

 

a-  Quelles sont les raisons de la création d’un revenu universel d’existence? 

 Au moins trois raisons :

 

-Il a pour objectif essentiel d’éradiquer  la pauvreté et la misère dans tous les pays, il contribue ainsi à libérer les plus pauvres de multiples  souffrances.

– Il participe  à la lutte contre les effets du chômage, à la lutte  contre  la précarité de l’emploi, il contribue  à la lutte contre les disparitions d’emplois provoquées par des  techniques qui  remplacent de plus en plus des êtres humains.

-Il représente aussi l’une  des formes, il y en a d’autres, d’un  changement dans la distribution des richesses.

 

b-  Quelles sont les logiques nouvelles de ce revenu universel d’existence? 

 Au moins quatre logiques :

-Comme on produit de plus en plus avec de moins en moins d’emplois il faut que l’on   déconnecte la protection sociale… du travail. La protection sociale ne doit pas dépendre du travail, c’est notre existence elle-même qui nous donne droit à un revenu.

-Ce revenu universel d’existence est un des éléments, avec le chômage et la suppression d’emplois par la technique,  d’une remise en cause de la place du travail dans nos sociétés. Ce revenu facilitera le partage du travail.

-Ainsi  que le concevait par exemple André Gorz ce revenu va libérer l’individu de l’obligation du travail marchand et le laisser libre pour un  travail autonome réduit en heures. Il aidera chacun  à être responsable, autonome et  à définir ses propres besoins.

Il participera à l’avènement d’une société  plus solidaire, plus porteuse d’un temps libéré.

 

c-  Quelles modalités d’application pour ce revenu universel d’existence ?  

 Au moins cinq modalités :

Il est attribué à tout habitant de la Terre. Ce revenu est inconditionnel, autrement dit toute personne résidante dans un pays donné  le reçoit  sans aucune condition de ressource, d’activité   et cela  sans contrepartie.

 – Il est cumulable avec tout autre revenu complémentaire d’activité. A ce revenu déconnecté du travail s’ajoutent des revenus d’activités.

Il est égal pour tous, quel que soit l’âge, le sexe, l’activité. Il est donc aussi celui des retraités et des jeunes.

-Son ampleur doit être « suffisante » pour répondre à des besoins essentiels. André Gorz le qualifie de  « revenu inconditionnel suffisant. »

-On peut organiser  des paliers financiers successifs d’une part  au niveau des Etats  et d’autre part pendant l’enfance jusqu’à l’âge adulte  pour une mise en œuvre  planifiée mais ininterrompue.

 

d-  Quels obstacles à surmonter pour la création d’un revenu universel d’existence ? 

Au moins quatre séries d’obstacles :

-Des obstacles sociaux et    économiques  :

D’ abord  séparer le travail de la protection sociale n’est pas un danger comme certains le craignent. Cela ne signifie pas que l’on  se retrouve  sans protection, bien au contraire.

 Ensuite  certes le travail n’est plus dominant pour « structurer le social » mais  il ne disparait pas même si la part qui lui reste est  volontaire ,   organisée , et puis existent d’autres   formes d’actions collectives choisies qui témoignent d’autres  liens sociaux .

 Le collectif n’est pas supprimé, il s’exprime à travers les solidarités de cette création  et à travers les solidarités des autres activités.

 

-Des obstacles psychologiques et idéologiques :

 Comment faire passer l’idée de recevoir un revenu sans contrepartie ?

 Comment faire accepter l’idée de l’universalité par rapport aux personnes riches ?

-Des obstacles de mise en place :

 Prend-t-on le critère de la nationalité ou celui, plus large, de toutes les  personnes vivant  dans un Etat ?

Que deviennent les aides déjà mises en place ?

Comment le faire naitre ou développer  dans l’ensemble des Etats ?

 

 -Des obstacles du financement :

D’abord des sommes importantes  sont trouvables, ne serait-ce que par la création de monnaie par les banques. D’autres possibilités existent par exemple au niveau  international , on se rappelle  les sommes dégagées  pour sauver le système bancaire  en 2008,elles  étaient gigantesques et ont été trouvées.

D’autre part la rémunération du capital est  puissante, c’est elle qu’il faut remettre en cause en « désarmant le pouvoir financier. »(Voir  « Quels moyens démocratiques ? »)

 Enfin il  faudrait probablement aussi que  ce revenu soit  financé, par exemple  de façon principale ou complémentaire pour les pays les plus pauvres, par un  Fonds mondial du revenu universel d’existence. Ce fonds reposerait, entre autres, sur une taxation des transactions financières

 

3-D’autres moyens contribuant à des conditions de vies dignes

A titre indicatif  cinq séries de moyens soulignés ici   :

 

a-    La consécration  et l’extension de l’accès aux biens communs.  

 

 -L’idée d’un accès de tous aux moyens de vies dignes est profondément juste.

 Elle suppose concrètement qu’elle soit appliquée à tous les niveaux géographiques.

 -Seraient ainsi considérés comme des biens communs auxquels tous doivent avoir accès :   la   protection de la santé, l’accès  aux médicaments, l’accès  à l’eau potable et à l’assainissement, la  protection environnementale, à un logement décent, aux transports, l’accès  à l’enseignement,  à la culture, à l’information…

 

b-La primauté de l’accès à la  santé

 

Dans tous les pays voient le jour la création et le développement  d’une couverture universelle de santé, elle est accompagnée en particulier de cet  accès pour tous aux médicaments.  

– Dans tous les systèmes hospitaliers les Etats doivent donner la priorité à la qualité des soins et de la recherche  et non pas aux logiques de  rentabilité .

 

c-  L’investissement dans les services publics

 

– Dans tous les Etats voient le jour la  création et le développement de services  publics avec une extension de la gratuité. Il s’agit d’  investir dans les services publics essentiels   

-Les services publics  reposent sur des moyens justes, écologiques, pacifiques et démocratiques.

– La gratuité des transports publics doit s’étendre. Les villes ont ici un rôle essentiel.  

– Sont organisés des soutiens financiers massifs à l’éducation et la culture, entre autres  par des transferts de dépenses d’armements. Ces transferts seront puissamment symboliques d’une économie tournée vers  une sécurité guerrière à une économie fondée sur la  paix.

-Pour les logements  sont mises en place des   aides massives  aux locations et aux achats de logements, des  réquisitions massives  de logements vacants pour les sans-abris, des aides substantielles  pour les factures  d’énergie et d’eau des personnes en difficulté.

 

d-   Sont  développées de façon  massive  et planifiée  des aides aux régions les plus pauvres de  l’Union européenne.  

 

e-   Un « Indicateur de mise en œuvre de  Moyens  Ecologiques, Sociaux, Démocratiques et Pacifiques » (IMESDP) devient une priorité  dans les Etats et au niveau international. Il est désormais  plus important que le  PIB et que l’IDH (indicateur de développement humain) lequel représente déjà une avancée mais n’arrive pas à s’imposer. L’IMESDP sera un des symboles de l’arrivée  des logiques d’un monde viable.

 

 

B- Les annulations des  dettes publiques en urgence absolue pour les pays en développement, en urgence relative pour   les autres pays

 

1-La situation globale de la spirale de la dette mondiale

-Selon le FMI en novembre 2019 la dette mondiale du public et du privé  a atteint 188.000 milliards de dollars, soit  230% du PIB mondial. Le secteur privé (entreprises et ménages) représenterait près des deux tiers du total de la dette mondiale.

A la même date les chiffres donnés par  l’Institute of International Finance (IIF) sont même supérieurs,  250.000 milliards de dollars soit 320 % du PIB mondial. Un des moteurs de la dette est le fait que les crédits soient très favorables.

La crise du coronavirus  creusera encore plus le gouffre de la dette, laquelle représentera 120% du PIB des pays riches. Les pays les plus endettés fin 2019 sont les Etats-Unis, la Chine, le Japon. La dette américaine (25 trillions) représente 100% du PIB des Etats-Unis en 2020.

Beaucoup de gouvernements   font ou vont faire face à des crises plus ou moins massives  d’insolvabilité.

– La tendance à l’endettement semble irréversible et chaque crise augmente  et accélère encore la dette mondiale qui s’élève désormais à 300 trillions(300 mille milliards  de dollars.)

 

2-Les effets insupportables  et  inacceptables des dettes

-Les dettes publiques sont des  formes de mises sous tutelles des économies. Elles en appellent le plus souvent à des austérités qui touchent d’abord les plus pauvres. Les Etats remboursent les dettes en particulier en amputant ou en supprimant des programmes sociaux et en augmentant des impôts des classes moyennes.

-Les pays en développement sont asphyxiés par ces dettes publiques et privées.

 -Les dettes publiques sont des fardeaux  financiers pour les générations futures. Elles devront continuer un remboursement qui les engagera mais dont elles n’auront pas été parties prenantes.

-Les dettes publiques vont rendre plus problématiques les transitions écologiques qui ont besoin de financements.

 

 

3-Les raisons  multiples avancées du refus de l’annulation des dettes publiques

Pour l’ensemble des Etats :

-C’est une opération qui serait synonyme de  désordre financier.

-C’est une opération que d’aucuns jugeront illégitimes par rapport aux dettes privées laissées de côté.

-C’est une opération qui amènerait les citoyens  à perdre confiance dans la monnaie.

-C’est une opération qui mettrait à contribution épargnants et contribuables.

-C’est une opération qui donne toujours un fardeau à d’autres.

Dans l’Europe de l’euro :

-C’est une opération qui est interdite dès  la  création de l’euro.

-C’est une opération qui  ne changerait rien.

-C’est une opération qui obligerait les Etats à recapitaliser la Banque centrale européenne.

 

4-Les annulations souhaitables et possibles des dettes publiques

-Des économistes, des juristes, des élus, des  mouvements, d’autres acteurs, en France et ailleurs,  se sont prononcés pour ces annulations.

 -Ainsi par exemple « Il faut annuler purement et simplement les dettes publiques détenues par les banques centrales nationales de l’Eurosystème pour le compte de la BCE, » affirment  Nicolas Dufrêne, haut fonctionnaire et Alain Grandjean, économiste.( Alternatives économiques,12 mai 2020 )

-Ainsi par exemple  « La BCE devrait annuler les dettes des Etats » plaident  Laurence Sciallon, économiste et Baptiste Bridonneau, doctorant ( Mediapart,17 avril 2020).

-Ainsi par exemple  une tribune, ( journal Le Monde (26 mai 2020) écrite par   des économistes, des hauts fonctionnaires et une élue , se prononce pour « L’annulation de la dette publique détenue par la BCE. » Les intervenants affirment en particulier : « En fin de compte rien n’interdit  une annulation des dettes publiques détenues par les banques centrales. C’est juste une opération comptable et personne n’est lésé dans l’affaire ».  « Si la banque centrale annule une créance qu’elle détient, aucun fardeau n’est transféré sur quiconque puisque son passif n’est exigible par personne. » « L’annulation de la dette publique détenue par la BCE libérerait les acteurs économiques de la crainte d’une future augmentation d’impôts.  »

Bref si l’on suit ces argumentations on peut donc penser  que

– Ces annulations   sont souhaitables parce qu’économiquement elles donneraient entre autres des marges de manœuvres aux Etats libérés de leurs remboursements.

-Ces annulations  sont possibles  juridiquement et en termes de comptabilité,  au niveau international comme européen.

 

5-Une grande urgence  vitale : annuler  les dettes des pays en développement

 

En 2005 un  G8 avait  effacé la dette de 18 pays pauvres très endettés, ce qui fut mieux que rien mais dérisoire par rapport à ce qu’il aurait fallu faire.

La dette totale des pays en développement  s’élevait en 2018  à 191 % de leurs PIB. Au début de 2020 la dette devient insoutenable, « 46 pays consacraient en moyenne quatre fois plus d’argent à rembourser leurs dettes qu’à financer les services de santé publique. » (source  Oxfam)

Les dettes des pays en développement sont détenues par différents créanciers : des Etats, le FMI, la Banque mondiale, des banques commerciales… Par exemple pour l’Afrique 35 % sont détenus par des institutions financières internationales, 11% par les 22 Etats membres du Club de Paris, 18% par la Chine (de l’ordre de 150 milliards de dollars entre 2000 et 2018) , 36%par des créanciers privés.

La crise économique , amplifiée par celle du coronavirus, a amené les ministres des finances du G20 le 15 avril 2020 à suspendre les remboursements des dettes des pays les plus pauvres pour l’année 2020. Ce moratoire est, en fait ,de  douze milliards de dollars de remboursements prévus pour 2020 aux créanciers publics de 77 pays qui sont donc  reportés à partir de 2022… avec des intérêts cumulés. Les paiements sont reportés et non annulés. Ce qui est mieux que rien mais dérisoire par rapport à ce qu’il aurait fallu faire, c’est-à-dire annuler, cela d’autant plus que les créanciers privés sont toujours là .

 A juste titre Oxfam exige désormais :

« D’acter au plus vite l’annulation pour l’année 2020 de tous les remboursements de la dette des pays en développement à faible revenu et des autres pays en développement qui subissent un grave impact sanitaire et économique. Ces annulations ne doivent en aucun cas être soumises à des conditionnalités qui conduiraient à des mesures d’austérité. »

« D’ici la fin de l’année réévaluer l’impact réel de la crise et envisager des allégements de dettes plus conséquents dans les pays qui sont le plus impactés.

« Mobiliser des financements additionnels d’urgence en dons pour soutenir les pays en développement, notamment à travers une hausse massive de l’aide publique au développement  ou encore l’émission par le FMI de droits de tirage spéciaux (une manière de transférer aux pays des réserves de change). Car annuler la dette ne saurait seule répondre au défi qui nous fait face. »

D’autre part souligne encore à juste titre  OXFAM : « les pays en développement sont privés chaque année d’au moins 100 milliards de dollars du fait de l’évasion fiscale des multinationales. » 

D’où une mobilisation légitime pour une « remise à plat du système fiscal international qui taxerait les firmes multinationales dans les Etats où elles ont leurs activités. »

 

6-Un  processus général possible des annulations des dettes publiques

Nous pouvons imaginer un schéma général suivant :

Après les suspensions générales des dettes  de tous les  pays les plus pauvres, ce seront les  annulations de ces dettes qui suivraient.

 -Viendrait  l’Europe de l’euro qui pourrait donner l’exemple de l’annulation.

-Suivraient  les annulations des dettes publiques  de tous les Etats.

Ainsi au lieu d’argumenter à coups d’orthodoxies, de batailles juridiques, de certitudes, de peurs, ne pourrait-on pas organiser une première conférence internationale pour faire le point sur les effets et sur les procédures de tels projets a minima et a maxima ?

Puis par exemple  le G20 prendrait ses responsabilités historiques.

 

C-La subordination du  libre-échange, le développement  du commerce équitable

 

1-La subordination du libre-échange aux protections de l’environnement et de la santé

 

-Désormais le libre-échange ne doit plus être tout puissant. Deux valeurs et  deux séries de normes lui sont supérieures.

– La protection de l’environnement et la protection de la santé  sont considérées comme supérieures au libre-échange qui doit donc leur être conforme.

-Dans le cas contraire  tout ou partie d’un  traité, d’une convention, d’une  loi ou de  tout autre texte   est annulée.

-Les violations de cette  nouvelle hiérarchie des valeurs et des normes sont sanctionnées, civilement et pénalement, par les tribunaux à tous les niveaux géographiques.

 

 2-Le développement du commerce équitable

 

-Le commerce équitable doit s’étendre pour contribuer à changer les règles du commerce international, des règles  qui devront être respectueuses des humains et de l’environnement.

– Socialement il repose sur le respect des droits fondamentaux des producteurs et travailleurs en particulier des pays du Sud. Il se fait non seulement Nord-Sud mais aussi Nord-Nord  en soutenant des producteurs locaux. C’est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect. 

– Economiquement   il repose sur des prix justes, stables et rémunérateurs pour les producteurs. Un prix minimum garanti qui évite spéculations et volatilités. L’engagement avec les producteurs doit être dans la durée, par exemple d’au moins trois ans.

Ecologiquement il privilégie les circuits courts, respecte des modes de production écologique. Existe aujourd’hui  souvent une double labellisation biologique et équitable.

 -Le commerce équitable vise à changer les règles et les pratiques du commerce international conventionnel.

-Les Etats doivent  soutenir le commerce  équitable, par exemple par des lois (ainsi en  2014 la loi sur l’économie sociale et solidaire en France) et   doivent aussi soutenir les associations, les organisations  qui y participent.

-Des traités, des conventions, les lois et d’autres textes doivent aller  désormais dans ce sens.

 

D-Des formes d’économie plurielle remettant en cause  la primauté de l’argent et  l’omniprésence de la  compétition

 

1Est remise en cause la toute puissance de l’argent

 

 -Autrement dit  le  processus de conversion de toutes choses en argent et de l’argent en toute chose.

-Non, tout n’est pas à vendre ou à acheter ! Non,  tout ne vaut pas tant !

– L’argent n’est pas une fin, c’est un moyen qui doit être utilisé pour  des moyens  justes, démocratiques, écologiques et pacifiques. 

 

 2-Est remise en cause l’omniprésence de la compétition

 

La compétition  est  une machine à gagner et une machine  à exclure. Elle repose sur la logique des plus forts, elle fait perdre  le sens du « vivre ensemble. », ce  qui contribue à pousser aux conflits et aux guerres, ce  qui contribue  aussi à la destruction de la nature.           (Voir sur ce blog  les articles sur « La compétition. »)

 

3Ces deux remises en cause, celle de l’argent-roi et celle de la dictature de la compétition, font l’objet d’enseignements,

 cela de la maternelle à l’université,  à travers théories et pratiques de coopérations, de solidarités, de responsabilités, de fraternité intergénérationnelle… 

 

4-Une des formes  idéologiques et matérielles de ces remises en cause s’appelle l’économie plurielle.

L’économie de marché ne doit pas être la seule, elle doit être limitée et à plus forte raison ne pas se transformer en société de marché. Il est donc  nécessaire que soient créés ou que se développent des éléments d’une  économie plurielle.

 

5-Ainsi sont créées ou se développent  des formes d’économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché), et bien sûr des pratiques de plus en plus étendues (voir ci-dessus) de commerce équitable.

 

6Ainsi sont créées ou se développent   des pratiques d’économie collaborative en matière de transports (covoiturage), de logements ( co locations), d’alimentation , d’éducation

 

7-Ainsi sont créés ou se développent des échanges fondés sur des solidarités auto-organisées, sur  des coopérations volontaires, sur des réseaux d’aide mutuelle

 

8-Ainsi sont créés ou se développent  des autoproductions  pour  se réapproprier les éléments quotidiens  jugés  essentiels, par exemple des autoproductions alimentaires. 

9-Ainsi sont créées ou se développent d’autres formes d’économies plurielles démocratiques, justes, écologiques et  pacifiques.  

 

 E-Des fiscalités justes  et des salaires justes

 

1-Des fiscalités justes

-Les impôts progressifs et les prestations sociales sont deux moyens importants pour redistribuer des revenus et corriger des inégalités.

-La justice fiscale impose de réprimer la fraude et de simplifier la fiscalité.

-Parmi les mesures que l’on peut mettre en place et  auxquelles il faudrait en ajouter d’autres :

Est appliqué un système  de justice fiscale allant, par exemple, de un à cinq  entre   les revenus.

 Est mise en place une taxation beaucoup plus importante  des plus riches ainsi que des grandes entreprises. Cette taxation repose en particulier  sur une transparence des revenus des uns et des autres. L’idée est de faire payer aux plus riches et aux grandes entreprises leurs justes parts d’impôts,

 

2-Des salaires justes et des retraites justes

-Le salaire juste est un salaire décent. On entend par décent une réponse aux besoins vitaux : alimentation, santé, logement… Le salaire doit permettre au travailleur et à sa famille de vivre dignement.

-Le salaire juste devrait être déterminé en concertation avec les partenaires sociaux. Le laisser au bon vouloir du marché n’est pas acceptable.

-Le salaire juste doit être raisonnable. Un écart par exemple de un à douze   au sein du privé comme du public paraitrait  acceptable, certains gagneront ainsi en un mois ce que d’autres gagnent en une année. Certains proposent aussi de créer  « un salaire maximum autorisé pour les dirigeants d’entreprises », ce serait la fin des salaires indécents. Les « parachutes dorés » au moment des départs des grands patrons sont supprimés. Les autres salaires déraisonnables, dont celui de grands sportifs , de présentateurs télévisés célèbres ,  sont eux aussi supprimés et ramenés à des proportions raisonnables.

Le salaire juste est celui qui est en liens avec une utilité sociale et écologique. Les  rémunérations des professions  sont déterminées aussi en fonction de leur utilité sociale et  écologique, ce sont là deux critères essentiels pour un monde viable.

-Le salaire juste est celui qui repose sur le principe « A travail égal salaire égal. » Ce principe s’applique en particulier pour les femmes par rapport aux hommes. Son application est contrôlée, ses violations sont sanctionnées.

-Des retraites justes

Empruntons à Thomas Piketty une idée importante  à la fin de l’un de ses  articles  « Qu’est-ce qu’une retraite juste ? »

« Plus généralement, il est peut-être temps d’abandonner l’idée ancienne selon laquelle la réduction des inégalités devrait être laissée à l’impôt sur le revenu, alors que le système de retraites devrait se contenter de les reproduire. »

«  Dans un monde où les salaires mirobolants et les questions de retraite et de dépendance ont pris une importance nouvelle, la norme de justice la plus lisible pourrait être que tous les niveaux de rémunération (y compris les plus élevés) financent les retraites au même taux (même si les pensions sont elles-mêmes plafonnées), tout en laissant à l’impôt sur le revenu le soin d’appliquer des taux plus élevés au sommet de la répartition. »   (Blog Thomas Piketty ,10 septembre 2019.)

 

F-Les créations et redistributions de  fonds internationaux

1-Un rappel de la structure du  système mondial  des dominations

 

Ce rappel permet de mieux comprendre l’enjeu vital des fonds internationaux.

 

Les  dominants essentiels  au « cœur » du système se nomment  marchés financiers, firmes géantes, grands groupes médiatiques, complexes de la techno science (civils et militaires).

Les dominants importants dans « l’armature » du système s’appellent G8, surtout Etats-Unis, grands pays émergents, quelques organisations internationales (FMI, BM, OMC) et quelques organisations régionales (UE, ALENA…) , avec une domination des hommes dans ce système productiviste.

-Les conséquences de ces dominations

Les difficultés pour dégager des intérêts communs et à long terme des acteurs humains sont grandes, pourquoi ?

Parce que le système productiviste concentre des avoirs, des pouvoirs, des savoirs. Et les intérêts de ces acteurs dominants sont avant tout ceux du productivisme. Dés lors que deviennent les intérêts des acteurs humains ?

Un seul exemple : la défense d’un pays est-elle construite à partir des intérêts des complexes scientifico-militaro-industriels ou des intérêts des populations ?

Ainsi on doit en appeler aux acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, pour qu’ils reprennent possession de leurs avenirs.  Le doivent-ils ( choix  éthiques), le veulent-ils (volontés politiques), le peuvent-ils (rapports de forces, marges de manœuvres) ?

En ce sens  les créations et les développements de fonds internationaux remettant en cause les logiques financières ,  économiques et technoscientifiques  du productivisme sont des moyens vitaux pour un monde viable.

 

2-Les nouveaux fonds internationaux

a- Les créations massives  de « nouvelles ressources financières du XXIème siècle »

 Elles  ont pour noms

        –  une  taxation , importante et mondiale, des transactions financières. Cette taxation  doit inclure les devises et les produits dérivés. Une grande ONG comme Attac insiste sur ce point : « Il y a chaque année entre un million deux cent mille milliards et un million huit cent mille milliards de dollars de transactions financières, dont environ les trois quarts portent sur les produits dérivés échangés sur des marchés opaques. »Il est difficile d’imaginer dans la vie du système mondial des sommes aussi colossales, (De même est la dette mondiale.)

       –   un impôt  progressif et mondial sur les capitaux, en particulier un  impôt  élevé pour les grandes fortunes,

      – une taxation  des fonds  spéculatifs,                                                                      

       -des ressources issues des bénéfices des firmes multinationales,

        -des ressources issues de la taxation des  émissions de CO2  pour tous les transports internationaux,

        – des capitaux  provenant de la suppression  complète et rapide des  subventions des énergies fossiles,

       –les transferts de dépenses militaires vers les dépenses de santé, d’environnement, d’alimentation, de logement, de culture…

       –et toute nouvelle ressource allant dans le sens de « l’intérêt commun de l’humanité »  c’est-à-dire la démocratie, la justice, la protection de l’environnement, la paix pour les générations passées (  protection de leur patrimoine culturel) , présentes et futures.                    

                                                                          

 

bCes sommes gigantesques seront redistribuées, par des organismes anciens et nouveaux, à tous les niveaux géographiques 

vers les besoins criants

 en matière de  santé,  de protection de l’environnement, de protection sociale, d’alimentation, de logement

et  de l’ensemble de conditions de vies dignes.

L’éducation et la culture seront massivement soutenues.

 

G- Les créations massives d’emplois

 

1-Créations d’emplois par des moyens justes parmi lesquels

 

Les créations  d’emplois à utilité environnementale et à utilité sociale et d’autres créations d’emplois seront   conçues dans le cadre d’un partage du temps de travail et d’une relocalisation d’activités.

 Des emplois liés à la réduction du temps de travail donc au partage du travail ,

 Des emplois issus de grands travaux   écologiques,  sociaux  et pacifiques, cela à différents niveaux géographiques

Des emplois dans les services publics en particulier de santé, de recherche, d’éducation…

Des emplois liés aussi

–  au revenu universel d’existence,

– aux réductions du temps de travail,

– à de grands travaux communs pacifiques, sociaux  et   écologiques ,

-à la santé publique,

 -à l’éducation, 

-à la recherche publique,

-aux  services  des   personnes dépendantes de plus en plus nombreuses sur la planète…

 Tous ces moyens et d’autres contribueraient à donner le jour à des créations massives d’emplois.

 

2-Créations d’emplois par des moyens écologiques

 

 Parmi lesquels

 – les bâtiments publics et privés (isolation, végétalisation, nouveaux types de chauffage…) Cette isolation et des moyens qui l’accompagneront devraient être soutenues par des subventions massives.

 -les énergies renouvelables : solaire(l’énergie solaire thermique et l’énergie photovoltaique ),  éolienne (sur terre, en mer, et en montagne), hydraulique (barrages hydroélectriques des rivières et des fleuves, énergie formée par le mouvement des vagues et des marées, courants sous-marins et l’énergie hydrolienne, énergie thermique des mers produite par les différences de température , énergie osmotique en mélangeant de l’eau douce et de l’eau de mer) ( biomasse qui vient du bois  et  des déchets, La géothermie c’est-à-dire cette source d’énergie contenue dans le sol .

Les créations d’emplois

dans l’agriculture paysanne et biologique,

 dans les transports écologiques,

 dans  la revitalisation de régions dégradées,

 dans les travaux contre des effets de la montée des eaux,

dans l’éducation  à l’environnement…

  -dans les relocalisations créatrices d’ emplois.

-dans  l’assistance, sous de multiples formes aux différents niveaux géographiques, aux catastrophes écologiques. C’est là, malheureusement,  un domaine « d’avenir »… (Voir articles sur ce site « L’assistance écologique »),

 

 

3-Créations d’emplois par  des moyens  écologiques et pacifiques

 

-Les reconversions de modes de production, de consommation et de transports écologiquement non viables vont entrainer celles de  nombreux emplois dans tous les pays.

-Les reconversions des recherches, des industries, des administrations d’armements, et d’autres activités vont entrainer  celles  de  nombreux emplois dans tous les pays.

 

 

H- Reconquête du temps, en particulier par la  réduction du temps de travail

 

Quels objectifs ?(1) Quels moyens ?(2), Un moyen essentiel , la réduction du temps de travail(3).

 

 

1-Les objectifs  des réponses volontaristes face à l’accélération du système mondial

 

Quels objectifs peut-on mettre en avant ?

 

a)Trouver ou retrouver des « besoins »( ?) fondamentaux : se  déprendre, patienter

 Trouver ou  retrouver le « lâcher prise », se  déprendre 

Le fameux «  lâcher prise » est souvent considéré comme un sorte de remède contre le stress, c’est une vue utile mais partielle alors qu’il peut s’agir également d’une forme de philosophie de la vie, contribuant à renouer avec le calme, la lenteur, contribuant à mieux se situer.

 Ne faut-il pas trouver les moyens de prendre de la distance, de « se déprendre » comme nous invitait à le faire Claude Lévi-Strauss dans la dernière page de « Tristes Tropiques » (Terre Humaine, 1955) ?  Concrètement cela peut signifier « savoir lâcher prise » à certains moments, ne pas vouloir tout contrôler, apprendre à désobéir à des sollicitations et à des demandes  dérisoires.

Se déprendre c’est également arriver à différencier l’urgent de l’important. Dans nos vies professionnelles et privées, on a tendance à donner la priorité à l’urgence. Ne faudrait-il pas donner la priorité à l’essentiel ? En ce sens, concrètement, ne faudrait-il pas avoir l’art de savoir remettre au lendemain le détail et le secondaire, cela s’appelle  la procrastination (Kathrin Passig et Sacha Lobo, « Demain c’est bien aussi », Anabet .)

 Concrètement cela peut signifier   oser des moments de paresse et, comme Rousseau, « se laisser aller et dériver lentement au gré de l’eau,  plongé dans mille rêveries…» Théodore Monod avait été marqué par son père qui lui disait « mon fils, nous sommes possédés par nos possessions », dans le lâcher prise il y a cette idée de se sentir plus libres.

 Il y a une vingtaine d’années je me rappelle un journal( ?) qui avait titré « Nos élites sont fatiguées ! ». Une enquête sur de jeunes diplômés de grandes écoles concluait qu’une de leurs premières aspirations était  d’« avoir du temps ». On retrouve ici ce besoin de « souffler », de « se poser » pour échapper un moment à une compétition intense. Dans cette perspective une vie simple commence aussi sans doute par un ralentissement du rythme frénétique de nos vies. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne,  la lenteur aide à  ouvrir le chemin de la sagesse, « la hâte détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto.

 Mais cette possibilité,  dans le système actuel, n’est-elle pas un luxe pour beaucoup de personnes en situation  soit  très  difficile, soit de  survie ?

 

Trouver ou retrouver  la patience  

 Les êtres humains doivent avoir le temps de mûrir, il faudrait être patient,  confiant devant les promesses des heureux murissements. Or le productivisme est tourné vers le court terme, vers la dictature de l’instant, le « tout tout de suite ». (Certes il faut être oh combien impatient pour remettre en cause les atteintes à la dignité humaine !)

 Les temps humains et ceux du vivant sont-ils plus proches de ceux des marchés financiers, de la seconde ou de la nanoseconde,

 ou bien de ceux des saisons de la nature, comme tour à tour  l’enfant, l’adolescent, l’adulte, le vieillard ?

Temps de la diversité et temps de la patience symbolisés par  les saisons qui sont autant de leçons, temps  qui nous a donné une des pages les plus belles  de la littérature sous la plume de Charles de Gaulle ,page dont les seuls débuts  des passages faisant parler la nature sont déjà des merveilles : « la nature qui « chante au printemps (…) », qui « proclame en été(…) », qui «soupire en automne(…) », qui gémit en hiver(…) », est-ce la « victoire de la mort ? »… « Non. (…) Immobile au fond des ténèbres, je pressens le merveilleux retour de la lumière et de la vie ». 

 

  1. b) Fixer des limites  au cœur des activités humaines 

 Jacques Ellul  demandait « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? ».

De façon plus globale déterminer les limites d’une société c’est  remettre à leur place la techno-science et le marché mondial qui ont tendance à occuper toute la place,  à devenir des fins suprêmes et à transformer les êtres humains en moyens.

 Les principes de précaution, de prévention, de réduction et de suppression des modes de production, de consommation et de transport écologiquement non viables sont au cœur de ce concept, celui de détermination de limites ,concept décolonisateur de la pensée productiviste . 

 A propos de limites on peut à ce sujet donner deux exemples, le premier peu connu, le second un peu plus connu.

 Il s’agit d’abord des limites physiologiques de l’espèce humaine. Une équipe de l’Institut de recherche biomédicale du sport (étude rapportée dans Le Monde du 6 février 2008) affirme qu’en 2027 « les records du monde auront atteint leurs limites », on ne pourra plus les dépasser.

Second exemple : la SNCF rêve de lancer  ses TGV à 400Km/h mais, au-delà d’un certain seuil, la grande vitesse peut se transformer en handicap sous l’effet des contraintes environnementales, techniques et économiques, ainsi « le train peut aller plus vite…il arrivera à la même heure »(article de Gilles Bridier ,Le Monde 19 juillet 2008),cela  à cause de ces contraintes et, d’autre part, il est probable que l’on sera obligé de « diminuer la vitesse des trains pour en faire circuler plus. » Tout cela sans oublier les accidents qui risquent d’être de plus grande ampleur, voire plus fréquents(?), car qui dit très grande vitesse dit matériels  et voies « à toute   épreuve ».

  1. c) Prendre en compte des théories et des pratiques de décroissance, de société post-croissance 

 Une économie soutenable çà n’est pas un simple verdissement du capitalisme financier, c’est une économie s’éloignant  du culte de la croissance, s’attaquant aux inégalités criantes dans les sociétés et entre sociétés du Nord et du Sud, c’est une société qui désarme peu à peu  le pouvoir financier.

 Est vital le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leur mode de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter des pratiques de frugalité, de simplicité. Il s’agit d’aller,  au Nord et au Sud de la planète,  vers des sociétés écologiquement viables qui mettront en avant une relocalisation des activités, une redistribution des richesses à partir de fonds internationaux issus des taxes sur les marchés financiers et les activités polluantes.

On ne peut pas faire impasse sur les remises en cause de la compétition, la revoilà une fois de plus. Remettre en cause cet ennemi redoutable : la compétition. Elle sera aussi  remise en cause par la consécration de biens communs (eau, forêts…), par des coopérations, des  solidarités ,   par l’appartenance à notre commune humanité , par une fraternité produite en particulier des les périls communs auxquels nous avons à faire face (débâcle écologique-virus compris-,armes de destruction massive, inégalités criantes, toute puissance du marché mondial er de la techno science…) « Il faut qu’une conscience écologique de la solidarité se substitue à la culture de compétition qui régit les rapports mondiaux ». (Edgar Morin) 

  1. d) Construire un  temps libéré 

Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) « Nous avons à enrichir le temps libéré pour que celui-ci ne soit ni temps vide ni temps marchand, mais créativité personnelle, convivialité sociale et curiosité toujours en route ».

 En ce sens on peut penser que diminuer la durée du temps d’un travail à partager est impératif, en allant même plus loin, comme le proposait par exemple André Gorz qui écrivait « il convient de trouver un nouvel équilibre entre travail rémunéré et activités productives non rémunérées, découvrir « l’abondance frugale », inventer une société plus détendue, plus conviviale, plus libre. »(cf aussi de façon plus globale «  L’abondance  frugale. Pour une nouvelle solidarité », Jean-Baptiste de Foucault, éditions Odile Jacob, 2010.)

 Paul Valéry écrivait magnifiquement « Je déplore la disparition du temps libre. Nous perdons cette paix essentielle des profondeurs de l’être, cette absence sans prix pendant laquelle les éléments les plus délicats de la vie se rafraichissent et se réconfortent, pendant laquelle l’être, en quelque sorte, se lave du passé et du futur, des obligations suspendues et des attentes embusquées. Point de pression mais une sorte de repos, une vacance bienfaisante qui rend l’esprit à sa liberté propre. »

 

  1. e) Faire dialoguer passé, présent, avenir 

 

 L’individu se trouve projeté dans l’ivresse d’une course où, pour vivre avec son temps, il doit plus ou moins « abandonner la maîtrise de sa vie à la dictature de l’urgence, à l’instrumentalisation de l’instant. » Jean Chesneaux (« Habiter le temps », ouvrage déjà cité, Bayard, 1996) affirme  « que l’individu est plus ou moins coupé de tout projet comme de tout héritage, il éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans le temps ».

La question qui se pose est donc la suivante : « Comment renouer un dialogue entre le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme horizon de responsabilité ? ». Le temps citoyen(ne) doit affirmer, insistait Jean Chesneaux , sa capacité autonome face au temps de l’Etat, face au temps  du marché, et nous ajouterons, face au temps  de la techno science. Mais à travers quels moyens ?

 

  2- Des moyens à penser et à mettre en œuvre face à l’accélération

 

  1. a) Des mouvements de ralentissements de la vie quotidienne

 

 Il s’agit de créer des sortes de lieux  de décélération dans des domaines de plus en plus nombreux : villes, alimentation, éducation…

Ainsi le réseau international des « villes lentes », né en Italie en 1999, a aujourd’hui 140 villes de 24 pays qui adhèrent à une Charte, il s’agit de villes de moins de 60.000 habitants, en Europe, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis…En France on trouve par exemple Segonzac en Charente (article du Monde des 3 et 4 octobre 2010)… La gestion municipale est centrée sur la qualité de la ville, sur « une vie qui est bonne », sur l’économie de proximité, le respect des paysages. Concrètement ces villages et ces villes reposent sur des rues piétonnes et cyclables, un retour du petit commerce, un marché de producteurs locaux, des espaces verts, des équipements urbains adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux handicapés…

 Les réseaux de l’alimentation lente « slow food », pour contrer les « fast food », reposent sur l’éducation au goût, le temps donné aux repas, la défense de la biodiversité des cultures, ce réseau comprend de l’ordre de 1500 antennes locales dans 150 pays.    

De façon plus globale on trouve le « Slow production » qui met en avant des productions durables, le « Slow travel » qui veut des touristes  prenant  leur temps pour rencontrer personnes et monuments, le « Slow parenting » qui est un réseau de parents  voulant prendre du temps pour leurs enfants…

De même on trouve le « débranchement régulier » (Unplay challenge) qui  éloigne un moment les accrocs de leurs écrans. La revue Politis titrait ainsi « C’est l’heure du slow » (novembre-décembre 2011).

Il est très probable que ces mouvements vont apparaitre ou se développer dans de multiples domaines et lieux de la planète. L’imagination ne doit-elle pas se déchainer pour développer les théories et les pratiques de l’éloge de la lenteur ?  

 

b)Des moyens de réintégrer le temps

 

Réintégrer le temps, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre culture,  dans nos vies, pourrait être mis en œuvre à travers les moyens suivants ,  proposés à titre indicatif, et qui sont parfois partiellement en route.   

Un respect des droits des générations futures fondé sur les principes de prévention, de précaution, et sur le principe de non-régression des acquis environnementaux essentiels (voir « La non régression en droit de l’environnement », sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, Bruylant, 2012),   

Un respect du patrimoine mondial culturel des générations passées fondé, entre autres ,  sur l’attribution de fonds massifs pour leur entretien, 

Une partie du temps qui serait libérée, grâce à  un revenu universel d’existence attribué à chaque être humain, accompagné de revenus d’activités,

Une prise en compte des «  droits du temps humain »,évoqués par Jean Chesneaux  dans son ouvrage souvent cité « Habiter le temps », par exemple dans une « charte mondiale » disait-il, donc juridiquement non contraignante, incitative, puis un jour, pourrait-on ajouter, dans une convention internationale, une prise en compte des « droits du temps humain » que l’on pourrait élargir et qualifier de « Droits des temps humains et droits des temps  du vivant »,

Des déplacements repensés dans l’urbanisation à tous les niveaux géographiques, des pratiques encore minoritaires vont ici et là dans ce sens, de façons modérées ou plus radicales,

Une désacralisation de la vitesse, en particulier dans l’éducation de la maternelle à l’université, et donc une désacralisation  de la compétition,

La création d’une Fédération mondiale  de l’ensemble des  mouvements contribuant à essayer de ralentir le système international. A titre de « travaux pratiques » à l’échelle internationale nous proposons  la création d’une Fédération mondiale d’ONG agissant pour le ralentissement du système international productiviste, une sorte d’internationale de la lenteur. Il ne s’agirait ici que de traiter un élément du système international productiviste mais un élément essentiel.

 Et d’autres  moyens à venir face à l’accélération.

 

3- Un moyen essentiel  de justice : la diminution  du temps de travail

 

 Ce moyen s’inscrit dans un ensemble de luttes et de conquêtes  à travers le temps.

Ce moyen est radicalement  juste pourquoi ?

 

C’est un puissant moyen  de lutter contre le chômage. Il correspond en effet à un partage du travail qui permet à beaucoup  plus de personnes de travailler.

 Et c’est  un élément contribuant à un équilibre de vie,  une vie plus libre, plus détendue, plus partageuse. On privilégie les liens aux biens, « Plus de liens, moins de biens. » Il peut s’organiser aussi avec le télétravail dont on connait les forces et les limites.

La réduction peut être importante, par exemple passer de 35 heures par semaine à 25 heures ou bien radicale et arriver à deux heures par jour, soit une douzaine d’heures dans la semaine , comme le proposent certains auteurs ou certains mouvements.

 Dans ces hypothèses, surtout dans celles plus radicales, cette réduction suppose une profonde   réorganisation de la société fondée en particulier  sur les   besoins essentiels d’un monde  post productiviste.

 Comme le proposait par exemple André Gorz

 « Il convient de trouver un nouvel équilibre entre travail rémunéré et activités productives non rémunérées. Nous produisons des richesses croissantes avec des quantités décroissantes de travail. Donc de deux choses  l’une  :

ou bien on cherche à distribuer le travail nécessaire sur tout le monde, en abaissant progressivement la durée,

 ou bien on fait naître une « société duale » avec d’un côté une minorité d’hyperactifs et de l’autre une majorité de précaires, de chômeurs et d’exclus. »

 On ne saurait mieux dire.

 

-…et  d’  autres  mesures justes  contribuant à la justice.