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au trésor des souffles

monde: son état, ses devenirs

quels devenirs du monde?

Quels devenirs du monde ?

 

Nous proposons de partager  cette interrogation : Quels devenirs du monde ?

 

Introduction

 

Dans cette introduction nous nous poserons deux questions :

Quels sont les éléments d’une analyse porteuse (1) ?

  Existe-t- il un concept qui répondrait à ces éléments ( 2) ?

 

1-Quels sont les éléments d’une  analyse  porteuse?

 

Nous pensons qu’elle doit reposer sur  trois choix,(ce sera le premier point) et avoir trois qualités(ce sera le deuxième point).

 

a)Premier point : l’analyse voudrait reposer sur  trois choix

Elle devrait se fonder sur la  prospective, prendre en compte le court et le long termes ,   mettre en avant des moyens radicaux et conformes aux fins proposées.

L’analyse voudrait se fonder sur la prospective

 Il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain du discours-vérité c’est-à-dire qui n’admet pas le doute.

Il y a  ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution.

 Enfin ceux et celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la prospective c’est-à-dire sur un mélange de hasards, de nécessités et de volontés, dans des proportions variables, discours qui reconnait  une pluralité de possibles.

L’analyse voudrait prendre en compte le  court et le long termes  .

 Il y a ceux et celles qui privilégient le court terme, l’instant présent, les urgences,

 Il y a  ceux et celles qui privilégient le long terme,  2100 ou plus.

 Les premiers disent aux seconds « vous avez le luxe de pouvoir vous occuper de fins du monde, nous on doit s’occuper de boucler nos fins de mois », les seconds disent aux premiers « après les fins du monde il n’y aura plus de fin de mois ».

Et puis il y a ceux et celles, dont nous serons, qui articulent des réponses aux urgences du court terme et des réponses à des causes profondes par des  politiques à long terme, les deux sont interdépendantes. Créer des emplois dans l’écologie c’est aussi lutter contre le réchauffement climatique. Moins on s’occupe du long terme plus on est noyé dans les urgences, et  moins on s’occupe des urgences plus on fuit dans un avenir que l’on veut radieux en faisant silence sur des présents douloureux ou invivables.

Cette analyse  voudrait mettre en avant des moyens radicaux et conformes aux finalités proposées

Nous pensons qu’il y a certes de la place pour des réformes  modérées ou plus  importantes , mais , parce que l’on a attendu trop longtemps et parce que le système  a une grande vitesse d’autodestruction, ce sont de véritables remises en cause   qui doivent voir le jour. Le nombre, la profondeur et les interactions des problèmes, des drames et des menaces sont tels que les solutions  doivent être radicales c’est-à-dire remonter aux causes profondes.

Cependant cette radicalité  doit avoir une exigence vitale, elle aussi radicale : celle de moyens conformes aux finalités que l’on met en avant. Et ces moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, sont interdépendants.

 

b)Deuxième point : l’analyse devrait avoir aussi  trois qualités.

 Elle devrait  être globale, critique, créatrice.

Quelques exemples  d’analyses non globales, partielles : si l’on demande à des citoyen(ne)s quels sont les drames du monde, la réponse englobera rarement les aspects autoritaires, injustes, violents, et anti écologiques, les uns évoqueront des dictatures, d’autres des injustices, d’autres des guerres, d’autres la débâcle écologique.

Bien peu ont aussi la faculté  de raisonner en distinguant les différents niveaux géographiques (locaux, nationaux, continentaux, internationaux). Même certains spécialistes de relations internationales évoqueront  essentiellement  les relations entre Etats, oubliant ou n’accordant que peu d’importance à d’autres acteurs tels que les firmes multinationales, les ONG, les acteurs humains (personnes, peuples, humanité).

Ainsi  construire  des analyses globales c’est refuser les analyses en vase clos,  contextualiser  des connaissances,  ne pas perdre de vue le sens des ensembles. Edgar Morin écrit « Penser c’est dialoguer avec la complexité » .

Quelques exemples d’analyses non critiques : lorsque l’on réfléchit à des politiques de défense, de sécurité nationale, régionale, internationale, on évoque peu certaines menaces, par exemple la dégradation écologique, et la diversité des moyens pour y faire face. On affirme aussi que la quantité et la qualité des armements sont des facteurs de sécurité, on fait silence sur des analyses montrant que plus on augmente les armements plus on augmente l’insécurité, on fait silence sur des besoins criants qui auraient pu être satisfaits par des sommes gigantesques allant malheureusement vers les préparatifs et la conduite de conflits armés.

Ainsi  construire  des analyses critiques c’est  refuser les discours- vérités, introduire des inquiétudes, des doutes, porter au jour des interrogations, développer notre capacité au questionnement. Jean Rostand écrit « Certitude, servitude ».

Quelques exemples d’analyses non créatrices : ainsi lorsque l’on évoque les crises financières on propose des améliorations du système, plus rarement des remises en cause tels que des moyens de taxer radicalement  les transactions de change et de mettre fin aux paradis fiscaux.

 Ainsi   construire  des analyses créatrices c’est refuser les discours dans lesquels tout demeure, découvrir des horizons possibles et même soit disant  impossibles, montrer non seulement des reflets du réel mais des projets sur le réel, se comporter par rapport au monde non seulement comme face à des réalités données mais aussi comme quelque chose à construire. Simone de Beauvoir écrit «Est régressive toute pensée selon laquelle l’individu « est » et n’a pas à se construire ».

 Seconde question de cette introduction : existe-t- il un critère répondant le mieux possible à ces choix et à ces qualités ?

 

 2-Quel concept   répondrait à cette analyse porteuse?

 

Il faut qu’il soit opérationnel, ce sera le premier point,  n’a-t-il pas aussi des limites ?, ce sera le second point.

a)Premier point : un concept opérationnel d’une analyse porteuse

Nous prenons le terme « opérationnel » comme

permettant de comprendre des causes profondes de phénomènes d’autodestruction

  et permettant de proposer des moyens de les remettre en cause.

 Nous pensons que ce  sont les « mécanismes » et les « contre-mécanismes » qui  correspondent le mieux à cet aspect opérationnel.

 

Le terme mécanisme met en avant

 d’abord la logique profonde d’un phénomène. Pour prendre une image ce  sont les couches  non pas superficielles mais profondes du sol. Par exemple  le complexe scientifico militaro industriel des Etats-Unis ne peut pas changer du samedi soir minuit au lundi matin six heures.

Ce terme met aussi en avant  une certaine puissance ( par exemple celle de mécanismes du marché mondial)  une certaine autonomie (par exemple celle de mécanismes de la techno science.) et une certaine rapidité.

Si l’on s’arrête là, on est dans la fatalité de mécanismes broyeurs, d’où l’idée forte, essentielle, vitale   de toujours penser et mettre en œuvre un contre-mécanisme face à un mécanisme.

Contre mécanisme est synonyme de remise en cause, de résistance, de contre-logique, d’alternative.

Ces   termes ont trois avantages essentiels :

Premier avantage :  cette façon de raisonner contribue à faire comprendre aux acteurs que les mécanismes en route sont puissants et que les contre-mécanismes  sont donc difficiles à construire à travers des rapports de forces.

 Second avantage : cette façon de raisonner a vocation à s’inscrire dans des résistances et des constructions  non-violentes. On se bat non pas contre des personnes mais contre des logiques . On en appelle donc  aux   confrontations, dans le respect des personnes, pour trouver ensemble des solutions justes. Voici  donc la    fermeté dans la dénonciation des mécanismes, voici donc  l’ imagination  dans la construction de contre-mécanismes, et par dessus voici donc  la mise en œuvre de moyens conformes aux finalités de démocratie, de justice, de protection de l’environnement, de paix.

 Troisième avantage : ces termes correspondent au  pessimisme de l’intelligence et à l’optimisme de la volonté.

En effet ces mouvements profonds, ces mécanismes ont tendance à produire le pessimisme de l’intelligence, ce sera ici la 1ère partie de l’intervention. Mais  comme l’affirmait Antonio Gramsci, dans une lettre à son frère écrite en prison sous le fascisme, en décembre 1929 « Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté ».

Avoir  l’optimisme de la volonté c’est penser et mettre en œuvre des contre mécanismes, ce sera ici la 2nd partie de l’intervention. Plus que jamais cette pensée d’Antonio Gramsci devrait être présente  les actes de résistances et les  alternatives. 

Le pessimisme de l’intelligence permet d’avoir les yeux, les esprits et les cœurs ouverts sur des logiques profondes terricides et humanicides.

 L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains,  les esprits et les cœurs à l’ouvrage.

 Avec nos forces et nos faiblesses, personnelles et collectives, ne faut-il pas  faire en sorte que pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte, s’interpellent, se complètent, s’inclinent l’un vers l’autre et qu’ils deviennent des couples de combats ?

 

b  )Second point : un concept opérationnel qui a aussi  des limites

 

En effet  nous n’allons pas sortir deux tiroirs, voilà l’un, voilà l’autre, c’est le second qui l’emporte.

 En fait ce que l’on peut  simplement affirmer c’est que, si l’ensemble des logiques, des mécanismes  continue ainsi, il est très probable que les logiques de destruction de l’humain et d’une grande partie du vivant s’amplifieront.

Et il est très probable que, si l’ensemble des contre-logiques, des contre-mécanismes se mettait radicalement et massivement en route, ces logiques d’autodestruction seront freinées puis peu à peu remises en cause allant jusqu’à pouvoir disparaitre.

Ce schéma général a pourtant une double série d’incertitudes.

D’une part  nous voilà face à l’improbable c’est-à-dire à ce qui a  peu de chances de se produire, à l’imprévu c’est-à-dire à ce qui n’est pas prévu  et à l’imprévisible, c’est-à-dire ce que l’on ne peut pas prévoir.

Ces improbables, ces imprévus, ces imprévisibles  peuvent être les pires, les entre-deux, et/ou les meilleurs. Voilà donc bien une pluralité de possibles  qui est devant nous.

D’autre part la prospective nous appelle à nous interroger sur   les moyens mis en œuvre,  sur les volontés des différents acteurs aux différents niveaux géographiques et   sur leurs marges de manœuvres.

D’où un appel à l’humilité dans la pensée et l’action.

Appels d’un anthropologue , d’un philosophe, d’un poète et d’un humoriste :

Claude Levi Strauss écrivait « Plus le savoir progresse plus il comprend pourquoi il ne peut aboutir. Chaque fois que nous avons le sentiment d’avoir fait un certain progrès dans la connaissance nous voyons qu’il suscite d’autres problèmes et que le progrès suivant sera encore plus difficile. En avançant la connaissance se convainc de son infirmité. »

György Lukacs fit devant ses étudiants qui louaient son œuvre philosophique la remarque suivante : « Et pourtant la chose la plus importante je ne l’ai pas comprise ». « Quelle est cette chose ? » lui demanda-t-on. « C’est précisément cela que je ne sais pas. »

Tagore affirmait   « Penser est difficile, agir est très difficile, agir selon la pensée est extrêmement difficile. »

 (Pierre Dac écrivait  « Quand on prend ses virages en ligne droite c’est que çà ne tourne pas rond dans le carré de l’hypoténuse. » )

Devenirs du monde…

Nous envisagerons tour à tour ces  mécanismes et ces contre mécanismes.

Les devenirs du monde : trois séries de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence(I).

Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles portés par l’optimisme de la volonté(II)

 

 

I-Les devenirs du monde : trois séries de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence.

Trois séries de mécanismes destructeurs :

des mécanismes puissants et des interactions dans un système d’autodestruction(A).

des acteurs, à ce jour, dans l’ensemble, qui n’ont pas les volontés globales et radicales nécessaires(B)

 une accélération qui tend à ruiner de nombreux  efforts (C)

 

 

 

A-1ère série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : des mécanismes puissants et des interactions dans un système d’autodestruction.

 

Des mécanismes puissants(1)

 et des interactions(2)

dans un système d’autodestruction(3).

 

1-Des mécanismes puissants

 

Le productivisme c’est une histoire très ancienne, un système totalisant,  une obsession et ce sont surtout des logiques profondes.

C’est une histoire très ancienne. Tour à tour voilà le marché  des marchands (XVème et XVIème siècles),  le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860), le marché des monopoles (1860-1914), enfin le marché mondial contemporain (1914 à nos jours),Ce système  est donc  né à la fin du Moyen- Âge(XVème), s’est développé à travers la révolution industrielle, puis il est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au XXème et dans les deux premières décennies  du XXIème siècle.

 C’est un système totalisant. D’abord dans l’espace il est  présent ,certes  à des degrés très variables, à tous les niveaux géographiques, à travers tous les acteurs, dans toutes les activités humaines.

Totalisant ensuite dans le temps puisqu’il a  au moins cinq siècles, il est tout puissant dans le présent , il hypothèque en partie l’avenir.

Enfin totalisant aussi par rapport à d’autres systèmes.

 Il  va  bien au-delà de la simple tendance à rechercher l’accroissement de la productivité. 

Il est beaucoup plus global que le libéralisme qui est, à partir du XVIIIème, la doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat ne doit pas gêner le libre jeu de la concurrence.

 De même le productivisme est plus global et beaucoup plus ancien que le néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les années 1970 et qui accepte une intervention limitée de l’Etat.

  De même, s’il a de nombreux points communs avec le capitalisme, en tant que système économique et social fondé sur la propriété privée des moyens de production, sur l’initiative individuelle et la recherche du profit, il  a probablement quelque chose de plus vaste, lié non seulement aux dominants de la techno-science mais lié aux recherches et aux techniques elles-mêmes qui, loin de libérer les êtres humains comme beaucoup de marxistes le pensent, peuvent contribuer à les libérer ou à les écraser.

 Le productivisme c’est aussi une obsession qui l’accompagne, elle occupe de façon permanente le cœur du cœur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition c’est la vie !

 La logique de la compétition  est élevée au rang d’impératif naturel de la société.

Elle est au dessus  du « vivre ensemble » et au dessus du « bien commun ». Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à l’existence est  fonction de notre rentabilité ( ! ) « Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les  perdants. Malheur aux faibles et aux exclus !

 «  Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences systématiques de la machine économique » écrivait André Gorz.

Enfin et surtout ce sont des  logiques profondes du productivisme qui d’ailleurs  le définissent.  quels sont donc  les mécanismes puissants du productivisme ?

Il y a au moins douze logiques profondes puissantes qui définissent le productivisme en  route .
La recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers, de financiarisation du monde, avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.

L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.

Le culte de la croissance, Sainte croissance protégez-nous ! La voilà synonyme du « toujours plus », de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sociaux, environnementaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains. Croissance qui va reculer, se tasser, être en berne, mais qui  va revenir,  repartir, rebondir, soutenir …

 La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des habitants de notre planète.

La conquête ou la défense des parts de marchés synonyme d’un libre-échange tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de marchés.

La domination sur la nature synonyme d’ objet au service des êtres humains, ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables, certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).

La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter.

La militarisation du monde sous de multiples formes en particulier des espaces militarisés,  des recherches, des  productions et des ventes d’ armements , des conflits armés, des grandes manœuvres,  des éducations à la guerre, des administrations extrêmes de multiples peurs, des fabrications d’ ennemis ainsi les nouvelles classes dangereuses dedéplacés environnementaux.

La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de société humainement viables, soit ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.

L’accélération synonyme d’ omniprésence à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, l’hypothèse la plus probable étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant ».

 L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des organismes et des individus plus lents ?

Enfin ,douzième  logique, la compétition synonyme, nous répète-t- on, d’ « impératif naturel de nos sociétés »,  alimente les dix logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques. D’autres, au contraire, pensent que cette compétition est le produit de multiples histoires  et qu’elle est omniprésente, omnisciente, omnipotente dans le système productiviste.

Aux personnes rencontrées  par le Petit Prince de Saint Exupéry on pourrait rajouter Erysichthon, qui se mangeait lui-même, évoqué par le poète Ovide en 30 avant notre ère dans « Les Métamorphoses », et l’identifier  au productivisme. « Que faites-vous ? » demande le Petit Prince. « Je suis devenu un système autophage.  Les pays, les marchés, les entreprises se dévorent, je dévore la nature, je dévore même mes limites. » « Vous aimez çà ? » «Au début  j’y prenais goût, mais depuis longtemps  je ne peux plus  m’arrêter, j’ai toujours faim. » « A cette  allure , dit le Petit Prince, vous souffrirez de plus en plus et vous  allez vite  disparaitre.  Moi quand j’ai soif  je marche  tout doucement vers une fontaine en apprivoisant  ceux que je rencontre. ».

 

2)  Ces mécanismes puissants s’amplifient à travers les interactions

 

Des interactions entre des éléments de l’environnement
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des effets plus ou moins étendus.
Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement. De plus en plus de scientifiques ont pensé que « les interactions entre les changements climatiques et d’autres problèmes d’environnement pourraient être lourdes de conséquences. »
Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone…
Des interactions entre des domaines d’activités
Ainsi par exemple les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.
Des interactions entre deux grandes crises
La crise climatique et la crise énergétique, si elles se rencontraient, provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées de nos sociétés.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des catastrophes (voir notre article « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. » in « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011.)
Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ; un pic de production de pétrole après 2015 puis un effondrement du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales (80à90%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement des énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques de réductions massives des consommations d’énergies dans les pays développés et aussi dans les pays émergents.

3- Un système d’autodestruction condamnable et condamné

L’autodestruction se manifeste sous cinq formes

Première forme d’autodestruction : les  périls communs, c’est-à-dire des séries de  drames et de menaces, lesquels?

 La  débâcle écologique tendant à dépasser des seuils d’irréversibilité (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité , épidémies … (lesquelles  ont en partie pour cause la place écrasante de l’homme dans la nature, des études scientifiques montrent en effet que les risques de contagion sont beaucoup plus élevés chez les espèces sauvages menacées ou en voie d’extinction. )Autres périls : les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques), Les inégalités criantes (sanitaires, alimentaires, économiques, culturelles, environnementales.  Deux chiffres criants parmi d’autres : en 2019    1 % de la population  possède près de la moitié  de la fortune mondiale et  1% est responsable de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité. Enfin dernier drame et menace : la techno science et les marchés financiers qui ont pris en grande partie  la place des conducteurs (Etats, entreprises) et sont de moins en moins contrôlés par  les êtres humains…

 

Deuxième forme d’autodestruction : l’ampleur des problèmes des drames et des menaces est impressionnante :

 la faim dans le monde, les maladies ( cardiovasculaires, cancers, maladies infectieuses… ), les conflits armés, les terrorismes, la course aux armements, les atteintes aux droits des personnes , des peuples, et déjà des générations futures, la dégradation mondiale de l’environnement, l’urbanisation vertigineuse, l’explosion des inégalités, la pauvreté et la misère, le chômage, l’analphabétisme ,l’endettement mondial, la criminalité financière internationale, l’explosion démographique…

Troisième forme d’autodestruction : le productivisme nous dépasse et avance dans l’autodestruction
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre.
D’autre part ce système a des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.
Quatrième forme d’autodestruction : le productivisme ne réalise pas le bien commun

Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire.
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement.
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent.
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et à en créer de nouvelles, il est pour une large part injuste.

Cinquième forme d’autodestruction : le productivisme contribue aux confusions entre les fins et les moyens

Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rangs de moyens, plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme producteurs, dépossédés comme citoyens, « marchandisés » comme êtres vivants…
Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.

Ainsi ce système n’est-il pas condamnable et condamné ?

 – Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait  en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs  qu’étaient  les Etats et les entreprises ?

 Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique  qui menace l’ensemble du vivant (3°C à 6°C ou plus d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et à cette même date un  mètre ( ou plus ) d’élévation du niveau des mers ?

 

B-2ème série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : les acteurs, à ce jour, dans l’ensemble, n’ont pas les volontés globales et radicales nécessaires

 

 

La liste des acteurs vous la connaissez : Etats, organisations internationales et régionales, firmes multinationales, marchés financiers, banques, paradis fiscaux, mafias, ONG, réseaux sur le net, entreprises, ministères, administrations, professions, tribunaux, collectivités locales, générations, peuples, personnes…

De façons variables voilà des volontés  étouffées(1) ,

 dépassées (2),

essoufflées(3)…

D’où trois points :

1- Des volontés étouffées

Des volontés ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de mécanismes.
Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce alors à travers l’apprentissage d’une l’obéissance omni présente, d’une soumission très forte à de multiples hiérarchies, l’intégration très vive de la fatalité, la déresponsabilisation qui amène à dire « je n’ai fait qu’obéir aux chefs »(quitte à désobéir à sa conscience), le discours-vérité auquel on doit se soumettre sans douter et sans poser de questions. Participent à ces éducations, et cela de diverses façons, certaines familles, une partie des institutions scolaires et universitaires, certaines formations, une partie des médias, certaines hiérarchies professionnelles qui peuvent être pesantes ou étouffantes …
Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant, avec obsession , le peloton de tête, l’excellence, les gagnants, le droit du plus fort, le culte de la croissance. On étouffe des volontés qui pourraient aller dans le sens de la coopération, de la solidarité, on oriente des volontés vers l’obsession de la puissance, « être ou ne pas être puissants », si vous n’êtes pas puissant (personne ou collectivité) vous êtes mort. On en arrive ainsi symboliquement à qualifier un Etat de « puissance », le mot n’est pas neutre. L’idéologie de la puissance a vraiment colonisé une partie des esprits.
Volontés étouffées par l’administration des peurs qui repose sur l’idéologie sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, on élimine ou on gomme des différences, on organise la fabrication de l’image des ennemis.
Volontés étouffées par l’appel au grand remède miracle. On fait croire qu’il faut s’en remettre les yeux fermés à « La » solution qui va tout régler, ce remède miracle va sauver les êtres humains de tous les malheurs. Ainsi l’homme providentiel, l’élimination de boucs émissaires, la grande technique miracle (qui, par exemple, va « mettre la Terre à l’ombre » et nous dispenser des politiques de réduction des gaz à effet de serre), le grand sommet miracle (oui , un sommet peut parfois faire avancer des éléments d’une situation mais c’est au mieux un pas important, il en reste beaucoup d’autres.
Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de prise de conscience des caractères destructeurs du productivisme, de dictature de l’instant consacré au « toujours plus ». L’accélération du système international n’est pas sans conséquences sur les décisions qui, souvent, n’ont pas le temps d’être muries, ou bien sont repoussées à une autre date, voire dans un autre lieu, on s’estime alors débordés par l’ampleur du dossier ou par d’autres décisions plus urgentes.
Volontés étouffées par des oppressions politiques, économiques, sociales, culturelles.
Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits. Il s’agit soit de la violence d’oppression par laquelle on dicte sa loi, soit de la violence de soumission par laquelle on exerce une violence contre soi-même par rapport à des valeurs qui sont pour nous importantes mais que l’on enterre provisoirement ou définitivement.

2- Des volontés dépassées

Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six séries de mécanismes.
Volontés dépassées par la complexité et la technicité du système productiviste. La complexité est liée à un grand nombre d’acteurs, à des interdépendances entre les activités, entre les niveaux géographiques, à une quantité impressionnante de données fournies par de nombreuses disciplines. Cette complexité est niée par le discours-vérité, par le discours sur le grand remède miracle, par le discours en vase clos. La technicité du réel est liée à la technique planétaire qui se répand, de façon inégale, à travers d’énormes complexes scientifico-technico- industriels, elle fait sentir son poids dans les processus de décision.
Volontés dépassées par un processus de décision compliqué lié, entres autres, à un grand nombre de participants à la décision. Ainsi un nombre important de membres d’une famille, ainsi un nombre important de partenaires sociaux autour d’un dossier, ainsi un nombre important d’Etats dans une conférence internationale. Par exemple dans ce dernier cas il n’est pas rare que l’on décide… que l’on décidera plus tard, ce qui peut être le cas, ce qui peut au contraire ne pas être le cas et on reporte alors plusieurs fois les décisions qui seront ensuite plus douloureuses à prendre si le problème, la menace ou le drame s’est aggravé.
Volontés dépassées par la rapidité du système international liée, par exemple, à certaines technologies, à la banalisation de la vitesse, à l’omniprésence du court terme, aux interactions qui se développent très vite.
Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se manifestent par de multiples concentrations de savoirs, de pouvoirs, d’avoirs.
Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme, que se soit par rapport à la dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences, aux aspects autoritaires du système international. Moyens souvent dérisoires dans la mesure où ils s’attaquent aux effets des problèmes des drames et des menaces et beaucoup moins ou pas à leurs causes. Moyens souvent dérisoires, par exemple financièrement, dans la mesure où des besoins criants ont pour réponse un linceul de silence.
Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin de toujours tirer la pédagogie.

3- Des volontés essoufflées.

On trouve ici au moins quatre séries de mécanismes.

Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, il peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui se voulaient différentes ou qui étaient en rupture avec lui.
Volontés essoufflées par des échecs personnels et collectifs pour changer l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur (personnes ou collectivités) lorsque c’est nécessaire.
Volontés essoufflées par le sentiment de statu quo : d’une petite avancée locale mais un statu quo global, ou bien d’une avancée globale qui ne se traduit pas localement.
Volontés essoufflées par une érosion, par un épuisement des motivations personnelles et/ou collectives qui poussaient à agir.

 

 

C-3ème série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : l’accélération tend à ruiner différents efforts

 

 Il s’agit de la planète, en particulier et avant tout  du vivant, animaux, végétaux, êtres humains ( personnes, peuples, humanité, cette dernière étant constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures, c’est le monde aussi jusqu’au long  terme, environ2030 à 2100 et au delà…)

Nous ferons silence sur le temps incommensurable puisque, d’une part, un évènement astrophysique d’une hypothèse de disparition de la Terre entière n’est pas exclu (la Terre avalée par un trou noir, la Terre pulvérisée par un gigantesque objet…) , d’autre part, nous dit-on, dans un milliard d’années, à travers un terrible sursaut, le soleil grillera le système solaire puis s’éteindra complètement 2 milliards d’années plus tard .Voilà qui supposerait que, si les générations futures étaient encore là, il faudrait pour survivre qu’elles aient pris pied en dehors du système solaire dans, peut-être au plus tard, 500 millions d’années, ce qui est beaucoup plus que la durée moyenne d’un genre, soit une trentaine de millions d’années. Le genre Homo a deux millions d’années et a probablement épuisé une partie(laquelle ?) de ce parcours. Les prévisions les plus sombres existent, par exemple celle d’un grand scientifique australien (Frank Fenner) qui déclarait en 2010: « Le destin de l’homme est déjà scellé, il est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés humaines ne seront plus. » Il n’était pas le premier à le dire, ni les derniers ceux qui lui répondent que l’espoir restant est celui d’une « métamorphose de l’humanité » à travers des volontés massives de changements massifs.

Trois  points proposés:

L’accélération se situe dans une crise du temps(1).

L’accélération du système international est omniprésente (2) .

L’accélération est une machine infernale par rapport à l’environnement(3).

 

 

1- L’accélération se situe dans une crise du temps.

La crise du temps liée au système productiviste aggrave aussi l’état des lieux. Ainsi de façon globale le temps du marché et du profit à court terme se heurte aux temps écologiques à long terme, et des pouvoirs humains se voulant infinis se heurtent à la finitude de la Terre.
Ainsi de façon plus précise les manifestations de la crise du temps, à titre indicatif, sont liées à l’arrivée de nouvelles technologies représentant des échelles de temps gigantesques (déchets nucléaires, exploration spatiale) ou miniaturisées (informatique).De même participent à cette crise du temps le stress temporel des villes, la communication qui devient souvent une célébration de l’immédiat, l’exclusion qui témoigne d’une difficulté à se penser dans le temps…

2- l’accélération du système international est omniprésente .

 

Elle se manifeste de multiples façons : une techno-science omniprésente et toujours en mouvement, un règne de la marchandise toujours à renouveler, une circulation rapide de capitaux, de produits, de services, d’informations qui font de la planète une sorte de « grand village », les déplacements nombreux et rapides des êtres humains, l’explosion démographique mondiale, l’urbanisation accélérée du monde, les discours sur la compétition, personnelle et collective, économique, culturelle, militaire, la prise de conscience d’une fragilité écologique de la planète provoquée par des activités humaines productivistes… Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.

 

3- L’accélération est une machine infernale par rapport à l’environnement, pourquoi ? Quatre mécanismes ont quelque chose de terrifiant :

 

Premier mécanisme : le système international s’accélère, on vient d’en énumérer quelques manifestations.
Second mécanisme : Les réformes et les remises en cause pour protéger l’environnement sont souvent lentes : complexité des rapports de force et des négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications, inertie des systèmes économiques et techniques sans oublier la lenteur de l’évolution des écosystèmes.
Troisième mécanisme : l’aggravation des problèmes, des menaces et des drames fait que l’on agit pour une part dans l’urgence : l’urgence tend à occuper une place importante.
Dernier mécanisme : s’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates, il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme ce qui demande du temps,
…or le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.

 

Remarque terminale  de cette première partie relative au pessimisme de l’intelligence :

La pente la plus forte c’est celle de la résignation devant les rapports de forces alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel contient plus de possibles que l’on ne croit.

 Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du réalisme, laisser la place à des sortes d’experts de rétrécissements d’horizons, et finalement de ne pas être à la hauteur des défis. Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. » Jean-Paul Sartre écrivait de même: « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »

 

 II- Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles portés par l’optimisme de la volonté

 

 En exergue proposons le titre d’un ouvrage de René Dumont : « L’utopie ou la mort. » L’utopie non pas celle des nuages mais celle concrète qui prend les moyens de se réaliser, moyens respectueux des fins proclamées.

 

Chaque série de possibles, c’est à dire de contre-mécanismes, de contre-logiques nécessaires, doit répondre aux mécanismes, aux logiques  précédents.

 

Penser et mettre en œuvre des moyens pour une communauté mondiale  viable(A)

Faire naitre les déterminations de l’ensemble des acteurs(B)

Reconquérir le temps (C )

 

 

A-1ère série d’autres possibles : penser et mettre en œuvre des moyens pour une communauté mondiale  viable

Face à la toute-puissance du productivisme il faut résister c’est-à-dire penser (ce qui est parfois voire souvent  fait ici et là) et mettre en œuvre (ce qui est fait parfois ou beaucoup plus  rarement) des contre-mécanismes pour lutter contre la confusion entre les moyens et les fins. Il faut aussi construire des sociétés et une communauté mondiale à travers des moyens justes, démocratiques, écologiques et pacifiques.

D’où trois points proposés:

Résister face aux confusions entre les fins et les moyens(1)

Résister en respectant les fins : des êtres humains  libres, debout et solidaires(2)

Construire : une liste indicative de 32 séries de moyens pour passer de l’autodestruction au viable.(3)

 

1- Résister face aux confusions entre les fins et les moyens

Il s’agit de remettre à leur place les moyens et de respecter les fins.
Résister en remettant à leur place les moyens , cela signifie une techno-science et un marché au service des êtres humains et non le contraire.

Résister en remettant à sa place la techno-science : comme on s’en remet au marché on s’en remet souvent aussi à la techno-science. Les recherches et les technologies aux différents niveaux géographiques, à travers des phénomènes de concentrations et de groupes dominants (firmes multinationales, laboratoires) ont tendance à s’auto reproduire parfois, voire souvent, indépendamment des véritables besoins des êtres humains.
La techno-science ne tend-t-elle pas à échapper de plus en plus aux acteurs humains ? Après les phases de mécanisation, de motorisation, d’automatisation est venue celle de la cybernétisation c’est-à-dire de mécanismes de régulation des machines et des êtres vivants. La cybernétisation des technologies avancées n’amène-t-elle pas à enlever des possibilités d’appréciation et de décision à ceux qui sont censés les contrôler ?
Dès lors une question vitale est la suivante : les acteurs humains doivent-ils, veulent-ils, peuvent-ils mettre en œuvre un véritable contrôle de la techno-science à tous les niveaux géographiques ?
Nous citerons au moins six séries de contrôles urgents, cruciaux, décisifs : la recherche scientifique militaire sur les armes de destruction massive, les graves problèmes posés par les déchets radioactifs et donc par l’énergie nucléaire, les pollutions causées par des moyens de transports écologiquement non viables, la marchandisation de la faune et de la flore, l’exclusion du travail par la technique (une des grandes causes du chômage), et déjà le déploiement ici ou là hors encadrement juridique rigoureux des manipulations du génome, des nanotechnologies et de certains projets de géo-ingénierie…Nous pourrions prolonger la liste. La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers drames exigent une techno-science ramenée au rang de moyen au service des êtres humains.
Il y a ainsi au moins deux grands axes pour mettre en œuvre un contrôle de la techno-science ou , de façon plus radicale, pour la remettre à sa place.
Le premier axe se situe en termes de priorités c’est-à-dire que les efforts de recherches et de nouvelles technologies doivent être orientés en fonction des priorités liées à l’intérêt commun de l’humanité, les activités de la techno-science doivent s’inscrire dans des contrats à tous les niveaux géographiques, contrats mettant en avant ces priorités.
Le second axe se situe en termes d’interdictions : la sacro-sainte liberté de la recherche scientifique doit être remise en cause quand elle menace la dignité des personnes ou l’intérêt commun de l’humanité.

Résister en remettant à sa place le marché : face à l’économisme triomphant, à la recherche du profit, à la société du marché qui a tendance à occuper toute la place, un certain nombre d’auteurs, d’organisations non gouvernementales (ONG), de citoyen(ne)s, et d’autres acteurs proposent ou contribuent à mettre en œuvre ici ou là une « économie plurielle ».
Face au libre-échange généralisé, face aux logiques de guerre économique et de compétition, il s’agit de remettre le marché à sa place et de créer ou de développer des logiques de coopération.
Il y a ainsi au moins quatre grands axes pour mettre en œuvre ce contrôle du marché ou, de façon plus radicale, pour remettre le marché à sa place.
Il est nécessaire de subordonner le libre-échange à ce qui deviendrait la primauté de la protection de l’environnement et de la santé.
Il est nécessaire que soient créées ou se développent des formes d’économie plurielle : économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché), des pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange. Se mettent aussi en place des pratiques d’économie collaborative en matière de transports (covoiturage)de logements( colocation) de nourriture, d’éducation…
Le troisième axe consiste à désarmer le pouvoir financier en adoptant entre autres une taxe sur les transactions financières et en remettant en cause les paradis fiscaux (banques, firmes multinationales).
Le quatrième axe est constitué par le fait que certaines productions du marché sont, par nature, plus ou moins nuisibles aux acteurs humains. Dans l’économie plurielle, les reconversions – par exemple des industries d’armements – contribuent à l’avènement d’un monde responsable et solidaire, reconversions socialement et écologiquement porteuses.

 

2- Résister en respectant les fins : des êtres humains  libres, debout et solidaires

 

Il s’agit de consacrer, encore mieux et à tous les niveaux géographiques, les trois générations de droits humains : les droits civils et politiques, les droits économiques sociaux et culturels, les droits de solidarité (droit à l’environnement, droit au développement et droit à la paix).

Il s’agit de préparer la consécration d’une quatrième génération de droits, ceux des personnes par rapport à la techno science (par exemple l’interdiction de recherches sur les armes de destruction massive comme portant atteinte à la dignité humaine, par exemple les droits des personnes par rapport aux robots…)

Il s’agit bien sûr, aussi et surtout, de mettre en œuvre ces générations de droits, de les faire respecter. Résister c’est dire non à l’inacceptable, à toutes les formes d’atteintes à la dignité humaine. Les rôles des juges et des ONG, certes différents, sont ici essentiels.

 

 

3-  Une liste indicative de 32 séries de moyens pour passer de l’autodestruction au viable.

 Sous les yeux vous avez une liste indicative de  32 séries de moyens souvent radicaux (une vérité saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre : plus on attend plus on est poussé, avec soi et/ou malgré soi, vers la radicalité), leur mise en œuvre demanderait  probablement plusieurs décennies. Bien entendu vous pourrez juger tel ou tel moyen inadmissible, scandaleux, dangereux, inefficace,  impossible, et vous regretterez de ne pas voir évoqué tel ou tel autre. (En tous cas ne l’oublions pas : de l’utopie il en faut beaucoup, çà réduit à la cuisson.)

 a- Huit séries de moyens démocratiques : 

 – Les souffles de la  démocratie dans les  régimes politiques ( avec par exemple les moyens  participatifs)

– Le désarmement du pouvoir financier (soulignons   trois gigantesques remises en cause vitales : les remises en cause des paradis fiscaux, les remises en cause des corruptions, puis la création des interdictions de spéculation  sur les produits agricoles,  sur  des marchés opaques et  en direction des banques qui spéculent avec l’argent des déposants) .

 A cela il faut ajouter  les créations massives  de « nouvelles ressources financières du XXIème siècle » au moins au nombre de huit, vous allez voir que… la taxe « cartonne »  : une  taxation des transactions financières.  , importante et mondiale,  qui  doit inclure les devises et les produits dérivés, / un impôt  progressif et mondial sur les capitaux, en particulier pour les grandes fortunes, /une taxation  des fonds  spéculatifs,/ une taxation  des ressources issues des bénéfices des firmes multinationales, /une taxation sur les bénéfices des grandes entreprises du numérique / une taxation des  émissions de CO2  pour  les transports internationaux,/ des capitaux  provenant de la suppression  complète  des  subventions des énergies fossiles ,/des transferts de dépenses militaires vers les dépenses de santé, d’environnement, d’alimentation, de logement, de culture…/ et toute nouvelle ressource allant dans le sens de « l’intérêt commun de l’humanité » )

 -L’encadrement des firmes multinationales

– La maitrise de la technoscience ( les priorités  des recherches et des créations de nouvelles technologies seront orientées vers les besoins criants en santé, en environnement,  et la sacro-sainte liberté de la recherche scientifique sera remise en cause  quand elle porte atteinte ou menace la dignité des personnes ou l’intérêt commun de l’humanité.)

-La démocratisation des institutions internationales 

-Le développement  de la justice internationale

 -Les  créations   de nouvelles formes d’organisations

– L’avènement  de la démocratie  transgénérationnelle (avec une nouvelle  institution intégrant le  long terme). 

 b-Huit séries de moyens justes :

-La réalisation de conditions de vie dignes (avec entre autres la création d’un revenu universel d’existence )

 -Les annulations de  dettes publiques(en particulier des pays du Sud)

 – La subordination du libre-échange (à la santé, à l’environnement et au social), le développement du commerce équitable

-Des formes d’économie plurielle–(c’est à dire des formes d’économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché),des pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange, des pratiques d’économie collaborative en matière de transports(covoiturage)de logements(  colocation) de nourriture, d’éducation) économie plurielle remettant en cause l’omniprésence de a compétition et la primauté de l’argent (c’est-à-dire de la conversion de toutes choses en argent et de l’argent en toutes choses, tout ce que le marché voit il le touche il l’emballe, il le vend )

-Des fiscalités justes, des salaires justes, des retraites justes, des aides justes

-Des créations et  des redistributions de  fonds internationaux nouveaux déjà évoqués

– Des créations massives d’emplois d’utilité sociale , écologique et pacifique

– La reconquête du temps, avec en particulier  la réduction du temps de travail. 

  c-Huit séries de moyens écologiques :

-Des programmes  massifs  d’accès à l’eau et à l’assainissement

 -Des transitions énergétiques rapides et  massives ( avec entre autres une sortie rapide du nucléaire)

 -Des remises en cause décisives d’activités polluantes 

– Une protection radicale de la biodiversité et une agriculture écologique

–  Des réparations  de  régions gravement dégradées 

-De nouvelles conventions et des principes opérationnels  de droit de l’environnement 

– Des moyens juridiques et des moyens généraux  de protection à créer et à développer

–  Des créations massives d’emplois

– Un ralentissement déterminant de l’explosion démographique mondiale ( insistons sur cette nécessité.

La plupart des populations à la croissance démographique la plus rapide se trouvent dans les pays les plus pauvres, elle pose de nouveaux défis pour l’éradication de la pauvreté, l’égalité, la lutte contre la faim et la malnutrition , le renforcement  des systèmes de santé et d’éducation Les effets sur l’environnement  sont criants. Il s’agit de l’une des causes de l’accélération des changements climatiques et c’est  un poids sur les écosystèmes.

Une réalité illustre tous ces drames et ces menaces, c’est celui de l’habitat, le monde  s’urbanise, se mégapolise,  se bidonvillise, se fragilise. La grande ville est devenue le lieu de multiples fractures.

Il y a ainsi deux positions par rapport à la démographie à venir :

Soit on attend le ralentissement qui a toutes les chances de se produire à partir de 2050.

Soit on pense qu’il est impératif d’agir pour ralentir la croissance démographique de 2030 à 2050.Il faudrait  que les politiques de planification familiale  favorisent  l’accès à un service de planification  basé sur des droits reconnus  et sur des choix volontaires, retardent le début du mariage et de la maternité et qu’elles soient parties intégrantes d’une politique environnementale et sociale, avec un soutien financier massif des pays du Nord.

René Dumont (auteur entre autres en 1973 de « L’utopie ou la mort ») avait beaucoup insisté sur le fait qu’on ne devait surtout pas dissocier l’explosion  démographique  de la protection de l’environnement, la première devait diminuer radicalement  si l’on voulait que la seconde puisse être sauvée.

  d- Huit séries de moyens pacifiques :

– Les  interdictions des recherches sur les armes de destruction massive

–  L’application des traités existants et les  conclusions de nouveaux traités de désarmement 

– Les suppressions des ventes d’armes

 – La création  d’une sécurité collective 

–  L’avènement   de ministères du désarmement

– La consécration du droit à la paix (dont le droit à la sécurité)

– La protection de l’environnement dans  les   conflits armés

– Le développement tous azimuts  d’une  éducation à la paix

(Deux petits contes à ce sujet l’un sur la fraternité l’autre sur la solidarité.

Fraternité. Sur un chemin je croise une petite fille qui porte sur le dos son  jeune frère. Je lui dis « tu en as un lourd fardeau ! ».Elle s’arrête, me regarde « çà n’est pas un fardeau, Monsieur, c’est mon frère ! ».Depuis ce jour, quand la peine des hommes m’accable et que le courage me manque, je me dis «çà n’est pas un fardeau que tu portes, c’est ton frère ».

Solidarité. Un anthropologue propose un jeu aux enfants d’une tribu sud-africaine. Il met un panier de fruits près d’un arbre et leur dit : « le premier qui arrive gagne tous les fruits ! »Au signal les enfants s’élancent en même temps en criant « ubuntu !ubuntu ! »,ils se donnent  la main, puis ils s’assoient ensemble autour de la récompense. Ils expliquent « ubuntu, çà veut dire : « Vous êtes, donc je suis. »

Quels commentaires généraux relatifs à ces moyens ?

Cette liste de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr prolonger la liste. Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système autodestructeur et à le remettre en cause pour donner naissance en quelques décennies (?) à une communauté mondiale humainement viable.
La liste proposée n’est pas celle du Discours Vérité, ce sont des convictions mais des erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime, dangereux, inefficace, irréalisable…
Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en général trop timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du système productiviste implique la mise en œuvre de moyens nombreux et radicaux. Nous avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble particulièrement radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces cinq moyens sont très critiqués par certains. Pour leurs pourfendeurs, ainsi le revenu universel d’existence qui est synonyme d’institutionnalisation de la paresse et d’impossibilité financière de le réaliser, ainsi l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive synonyme d’atteintes à la liberté de la recherche scientifique, ainsi le désarmement financier synonyme de faillite généralisée, ainsi les remises en cause des modes de production et de consommation non viables synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité…
Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice, environnement, paix) sont interdépendants pour le pire et le meilleur. Ainsi des mécanismes produisant des injustices produisent des violences. Ainsi des contre-mécanismes porteurs de justice sont ensuite porteurs d’éléments pacifiques. Les interactions sont multiples dans chaque domaine et entre les domaines.
Penser et mettre en œuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même si le hasard peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives. Certains moyens pour voir le jour devront surmonter des obstacles nombreux et puissants mais pensons, exemple gigantesque, au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans, par s’effondrer, « l’histoire est sortie de ses gonds ».
Enfin réaffirmons que les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en avant, à fins pacifiques des moyens pacifiques, à fins justes des moyens justes, à fins écologiques des moyens écologiques, à fins démocratiques des moyens démocratiques.

 

B-2ème série d’autres possibles : faire naitre les déterminations de l’ensemble des acteurs

 (« A l’auberge de la décision les gens dorment bien. » Proverbe persan)

1-Face à des volontés  étouffées  voilà des volontés naissantes

1-à travers l’éducation à la résistance

 2- l’éducation à la solidarité,

3- le principe de non-discrimination,

4- les apprentissages des responsabilités,

 5- la prise de conscience des aspects destructeurs du productivisme,

 6- la gestation de libérations politiques, économiques, sociales, culturelles.

7- l’apprentissage du règlement non-violent des conflits (Une des réalités les plus importantes de nos vies on ne  nous l’a pas apprise sauf exceptions, le règlement de nos conflits.

 Il y a trois attitudes face au conflit,

soit  la violence d’oppression dans laquelle on impose sa loi, cette attitude  est omniprésente,

 soit  la violence de soumission dans laquelle on renonce à ce que l’on pense être essentiel, cette attitude  est relativement fréquente,

soit enfin le règlement non-violent des conflits (qui n’a rien à voir avec la passivité la résignation ) et qui comprend  cinq éléments : On cherche /  ensemble,/ dans le respect des personnes/ et dans  la confrontation/,des solutions justes/.

 « Cette méthode mobilise par delà le mépris et la haine, elle s’enracine dans l’espérance, se nourrit de la force de la justice. Son passé, encore en partie méprisé, révèle de plus en plus l’efficacité de méthodes d’action  compatibles avec une vision humaine du destin des hommes. »Jacques  Paris de Bollardière , général devenu militant de la non-violence.)

 

2-Face à des volontés dépassées voilà  des volontés résistantes(Un peuple n’avait pas le mot « non » dans sa langue, il était soumis à l’ esclavage, raconte Plutarque en 80 ( cité par Montaigne, histoire inspirant peut-être Etienne de la Boétie , grand  penseur de la non-violence (De la servitude volontaire, 1576),Henry David Thoreau vers 1850,écologiste., non-violent, tous des inspirateurs de Gandhi)

-Des volontés résistantes. « Il est des mots dont la graphie semble incarner mystérieusement  le sens. Ainsi du verbe résister avec ses deux r, ses deux e, ses deux s qui entourent symétriquement son i, comme s’il s’agissait de le préserver, de le garder précieusement en vie .Car résister c’est d’abord  cela : maintenir intacte la flamme fragile, éphémère de l’existence : tenir : survivre ».(Gérald Cahen). Résister, vouloir  être un  veilleur debout…

1- à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des techniques, de façon plus globale les remises à leurs places de la techno science et du marché mondial.

 2-à travers  la  prise en compte d’un nombre important de participants à la décision. 

 3- à travers l’élaboration de politiques à long terme.

 4- à travers les regroupements et les actions en commun de divers acteurs.

5- à travers la capacité de propositions relatives aux moyens de remettre en cause ici et là le productivisme

 6- à travers une pédagogie des catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes de ces catastrophes.

 Face à des volontés essoufflées  :voilà des  volontés à la recherche de nouveaux souffles

1-à travers des actes et des politiques agissant sur les  faiblesses  et sur les  contradictions du système productiviste.

2- en essayant de tirer les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens

3 en ne surestimant pas mais aussi en sous estimant pas les avancées du « local » et celles du « global », sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard.

4 en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre. En ce sens existent au moins (il y en a d’autres !) deux motivations qui peuvent être  porteuses : le fait d’être fraternisés par des périls communs, le fait de vouloir permettre  aux générations futures  de vivre (et d’aimer et d’être aimé).

 

C-3ème série d’autres possibles : reconquérir le temps

 

  («Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait » Twain). 

Les obstacles ne manquent pas  pour penser et mettre en œuvre les moyens qui précèdent et les volontés qui les accompagnent :

les interactions (entre domaines d’activités, entre problèmes drames et menaces, entre acteurs, entre niveaux géographiques)

 la faiblesse de certaines  résistances, l’indifférence,  le sentiment d’impuissance, la faiblesse dans l’organisation, les « contraintes », la puissance de certains  adversaires.

Mais il y a un autre obstacle, le plus puissant, l’accélération du système mondial.

Il pose la question des marges de manœuvres de l’ensemble des acteurs.

 

Les grands caractères de l’accélération (a)

Les attitudes  face à l’accélération (b)

Les objectifs des attitudes volontaristes (c  )

Les  moyens des attitudes volontaristes (d)

 

 

 

a)Les grands caractères de l’accélération

 

 -L’histoire de l’accélération  se déroule en quatre évènements majeurs : les deux accélérations celle de la techno science et celle du marché mondial, l’explosion démographique (avec un accroissement-les naissances moins les décès- de la population mondiale de 224.000 personnes chaque jour !), l’urbanisation vertigineuse ( 55% des générations présentes aujourd’hui vivent dans les villes, peut-être 68% en 2050).

-Les causes de l’accélération s’appellent les logiques des fuites en avant du système productiviste, la généralisation du règne de la marchandise, la circulation rapide d’informations, de capitaux, de services, de produits et de personnes, l’arrivée des technologies de l’information et de la communication…

-Les manifestations  de l’accélération    se traduisent par une accélération des techniques, des rythmes de vie, par des accélérations sociales, culturelles, environnementales, politiques. L’urgence est devenue une catégorie centrale du politique, or moins on élabore de politiques à long terme plus on se trouve submergé par les urgences

.-Les effets de l’accélération sur les sociétés : elle porte atteinte à la démocratie, Paul Virilio  écrit   tragiquement : « Quand il n’y a plus  de temps à partager il n’y a plus de  démocratie possible. ». L’accélération  a aussi des effets sur le travail, sur les contrôles, elle augmente du poids de l’urgence au détriment du long terme, elle contribue au développement des inégalités, elle  a des effets sur l’argent- le temps c’est de l’argent et l’argent c’est du temps- elle a  des effets  sur les actualités, elle contribue à l’administration des peurs, enfin  compétition et accélération se tiennent embrassées

-Les effets de l’accélération sur les personnes : les rencontres sont souvent plus rapides, le présent est comprimé,  compressé, existe également un certain effacement de la diversité des tâches, les rencontres  du virtuel  et du réel sont en situations d’accélération, le temps  « mange l’espace » écrit  Paul Virilio , il y aussi une augmentation du nombre d’actions par unité de temps et une réduction de chaque épisode de vie, enfin sont souvent présents un stress et une nervosité, sans oublier  une atteinte à la capacité de comprendre.

-L’exemple de  l’environnement par rapport à l’accélération frappe, violemment et de plein fouet, l’ensemble des résistances et des alternatives  pour le protéger. Cette accélération fonctionne comme  une machine infernale à travers quatre mécanismes. Premier mécanisme : le système  mondial s’accélère (voir les causes ci-dessus). Deuxième mécanisme : les réformes  et les remises en cause pour protéger l’environnement sont souvent lentes (complexité des rapports de forces  et des négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications, inertie de systèmes économiques , sans oublier la lenteur  de l’évolution des  écosystèmes).Troisième mécanisme : on agit pour une part dans l’urgence. Quatrième mécanisme : il faut aussi construire et mettre en œuvre  des politiques à long terme ce qui demande du temps…or le système s’accélère (premier mécanisme). Autrement dit : il n’est pas sûr que les générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour penser et mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs : c’est là une pensée qui peut réveiller la nuit » ( « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. » René Char) (mais n’oublions pas« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ! » E. Rostand)

 

  1. b)Les attitudes face à l’accélération peuvent se ramener à trois regroupements

 La soumission à la catastrophe programmée, l’acceptation de cette « course à l’abime   qui emporte un monde impuissant » : dans ce type de « réponses » les résistances s’effacent. Mais rien n’empêche une personne ou une organisation d’agir tout en partageant cette vision. 

 Les tentatives  d’adaptation : dans ces réponses les résistances se situent souvent en aval, elles peuvent avoir leur importance en agissant sur des effets, leurs limites sont de ne pas véritablement  remonter aux causes  des phénomènes.  

 Enfin troisième série d’attitude : Les réponses volontaristes se traduisent, elles, par des résistances petites et grandes, modérées ou radicales, elles peuvent venir de multiples acteurs. Quels sont leurs objectifs et quels sont leurs moyens ?

 

 

  1. c)– Quels  objectifs les attitudes volontaristes mettront-elles en avant face à l’accélération ?

 Renouer avec des besoins fondamentaux  c’est-à-dire se « déprendre » et patienter.

Se « déprendre », Claude Lévi Strauss  nous y invite dans la dernière page de « Tristes Tropiques » (éditions Plon, collection Terre Humaine, 1955), autrement dit prendre de la distance, savoir « lâcher prise » (facile à dire si  nous avons mille sollicitations), différencier l’urgent de l’important (critique de nos moyens de communication), oser des « moments de paresse », ralentir le rythme frénétique de nos vies (« Sois lent d’esprit » écrivait… Montaigne, « la hâte détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto).

Trouver ou retrouver la patience : avoir le temps de mûrir est contraire au court  terme du productivisme, mais les temps humains et ceux du vivant sont-ils plus proches de ceux des marchés  financiers, ceux de la seconde ou de la nanoseconde ,ou bien sont-ils plus proches de ceux des saisons de la nature, comme tour à tour l’enfant, l’adolescent, l’adulte, le vieillard ?

-Fixer des limites au cœur des activités  humaines : précautions, préventions, réductions et suppressions des modes de production de consommation et de transports écologiquement non viables. Ce concept est   décolonisateur de la pensée productiviste.

 Jacques Ellul demandait « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? ».
On peut à ce sujet donner deux exemples, le premier peu connu, le second un peu plus connu.
Il s’agit d’abord des limites physiologiques de l’espèce humaine. Une équipe de l’Institut de recherche biomédicale du sport (étude rapportée dans Le Monde du 6 février 2008) affirme qu’en 2027 « les records du monde auront atteint leurs limites », on ne pourra plus les dépasser.
Second exemple : la SNCF rêve de lancer ses TGV à 400Km/h mais, au-delà d’un certain seuil, la grande vitesse peut se transformer en handicap sous l’effet des contraintes environnementales, techniques et économiques, ainsi « le train peut aller plus vite…il arrivera à la même heure »(article de Gilles Bridier ,Le Monde 19 juillet 2008),cela à cause de ces contraintes et, d’autre part, il est probable que l’on sera obligé de « diminuer la vitesse des trains pour en faire circuler plus. » Tout cela sans oublier les accidents qui risquent d’être de plus grande ampleur, voire plus fréquents, car qui dit très grande vitesse dit matériels et voies « à toute épreuve ».

De façon plus globale déterminer les limites d’une société c’est remettre à leur place la techno-science et le marché mondial qui ont tendance à occuper toute la place, à devenir des fins suprêmes et à transformer les êtres humains en moyens. Les principes de précaution, de prévention, de réduction et de suppression des modes de production, de consommation et de transport écologiquement non viables sont au cœur de ce concept, celui de détermination de limites ,concept décolonisateur de la pensée productiviste( voir auteur de ce blog  JML, Droit international de l’environnement, Ellipses,3ème édition,2010,p153 à 156, avec aussi une bibliographie .)

Il s’agit de prendre en compte des théories et des pratiques de décroissance et de post-croissance à travers une économie  soutenable (s’éloignant du culte de la croissance, s’attaquant aux inégalités criantes à tous les niveaux géographiques, et désarmant le pouvoir financier ainsi que… la course aux armements), à travers le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur consommation, leur mode de vie, à bruler moins d’énergie pour adopter des pratiques de frugalité, de simplicité. Essentielles sont aussi des relocalisations d’activités, des circuits courts, des richesses redistribuées. Egalement cette ennemi redoutable : la compétition, remise en cause par la consécration de biens communs (eau, forêts…), par des coopérations, des solidarités  ,  par l’appartenance   à notre commune humanité ,par des projets communs, par des périls communs qui devraient nous fraterniser.

Une économie soutenable çà n’est pas un simple verdissement du capitalisme financier, c’est une économie s’éloignant du culte de la croissance, s’attaquant aux inégalités criantes dans les sociétés et entre sociétés du Nord et du Sud, c’est une société qui désarme peu à peu le pouvoir financier.
Est vital le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages,  seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leur mode de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter des pratiques de frugalité, de simplicité. Il s’agit d’aller, au Nord et au Sud de la planète, vers des sociétés écologiquement viables qui mettront en avant une relocalisation des activités, une redistribution des richesses à partir de fonds internationaux issus des taxes sur les marchés financiers et les activités polluantes.
Dans cette perspective une vie simple commence aussi sans doute par un ralentissement du rythme frénétique de nos vies. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne, la lenteur aide à ouvrir le chemin de la sagesse, « la hâte détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto.
Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) « Nous avons à enrichir le temps libéré pour que celui-ci ne soit ni temps vide ni temps marchand, mais créativité personnelle, convivialité sociale et curiosité toujours en route ».
Différencier l’urgent de l’important. Dans nos vies professionnelles et privées, on a tendance à donner la priorité à l’urgence. Ne faudrait-il pas donner la priorité à l’essentiel ? En ce sens, concrètement, ne faudrait-il pas avoir l’art de savoir remettre au lendemain le détail et le secondaire, cela s’appelle la procrastination ((Kathrin Passig et Sacha Lobo, « Demain c’est bien aussi », Anabet .))
Arriver à faire dialoguer passé, présent, avenir. L’individu se trouve projeté dans l’ivresse d’une course où, pour vivre avec son temps, il doit plus ou moins « abandonner la maîtrise de sa vie à la dictature de l’urgence, à l’instrumentalisation de l’instant. » Jean Chesneaux (« Habiter le temps », Bayard, 1996) affirme « que l’individu est plus ou moins coupé de tout projet comme de tout héritage, il éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans le temps ».
La question qui se pose est donc la suivante : « Comment renouer un dialogue entre le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme horizon de responsabilité ? ». Le temps citoyen(ne) doit affirmer sa capacité autonome face au temps de l’Etat, face au temps du marché, face au temps de la techno science. Mais à travers quels moyens ?

 

-Construire un temps libéré : Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) «« Nous avons à enrichir le temps libéré pour qu’il ne soit ni temps vide, ni temps marchand  mais créativité  personnelle, convivialité  sociale et curiosité toujours en route. » On peut penser que diminuer la durée du temps de travail à partager est impératif non seulement comme moyen de lutter contre le chômage mais comme  un élément d’un équilibre de vie, en allant même plus loin, comme le propose par exemple André Gorz qui écrivait « Il convient de trouver un nouvel équilibre entre travail  rémunéré et activités productives non rémunérées.

 –Faire dialoguer passé présent et avenir : Jean Chesneaux  (« Habiter le temps », Bayard,1996)   se demande « Comment renouer un dialogue entre un  passé comme expérience, un présent comme agissant et un avenir comme horizon de responsabilité ? » Le temps citoyen doit affirmer sa « capacité  autonome » face au temps de l’Etat, du marché et, nous ajouterons, de la techno science. Ce n’est que reliée à d’autres que mon humanité s’affirme . Cela signifie que, si nous prenons le temps d’écouter et de réfléchir, nous entendons encore les pas de ceux et celles qui  nous précèdent et déjà les pas de ceux et celles qui vont nous suivre. Ne sommes-nous pas d’autant plus vivants que nous portons un projet d’humanité et qu’il nous porte ?

 

 

  1. c) Pour des moyens à penser et à mettre en œuvre face à l’accélération

 

Des mouvements de ralentissements de la vie quotidienne :

Il s’agit de créer des sortes de lieux de décélération dans différents domaines : villes, alimentation, éducation…
Ainsi le réseau international des « villes lentes », né en Italie en 1999, a aujourd’hui 140 villes de 24 pays qui adhèrent à une Charte, il s’agit de villes de moins de 60.000 habitants, en Europe, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis…En France on trouve par exemple Segonzac en Charente… La gestion municipale est centrée sur la qualité de la ville, sur « une vie qui est bonne », sur l’économie de proximité, le respect des paysages. Concrètement ces villages et ces villes reposent sur des rues piétonnes et cyclables, un retour du petit commerce, un marché de producteurs locaux, des espaces verts, des équipements urbains adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux handicapés…
Les réseaux de l’alimentation lente « slow food », pour contrer les « fast food », reposent sur l’éducation au goût, le temps donné aux repas, la défense de la biodiversité des cultures, ce réseau comprend de l’ordre de 1500 antennes locales dans 150 pays.
De façon plus globale on trouve le « Slow production » qui met en avant des productions durables, le « Slow travel » qui veut des touristes prenant leur temps pour rencontrer personnes et monuments, le « Slow parenting » qui est un réseau de parents voulant prendre du temps pour leurs enfants…De même on trouve le « débranchement régulier » (Unplay challenge) qui éloigne un moment les accrocs de leurs écrans.
La revue Politis titrait ainsi « C’est l’heure du slow » (novembre-décembre 2011). Il est très probable que ces mouvements vont apparaitre ou se développer dans de multiples domaines et lieux de la planète. L’imagination ne doit-elle pas se déchainer pour développer les théories et les pratiques de l’éloge de la lenteur ?
Des moyens de réintégrer le temps :
Réintégrer le temps, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre culture, dans notre art de vivre, pourrait être mis en œuvre à travers les moyens suivants proposés à titre indicatif et qui sont parfois partiellement en route :
Un respect des droits des générations futures fondé sur les principes de prévention, de précaution, et sur le principe de non-régression des acquis environnementaux essentiels (voir « La non-régression en droit de l’environnement », sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, Bruylant, 2012),
Un respect du patrimoine mondial culturel des générations passées fondé , entre autres , sur l’attribution de fonds massifs pour leur entretien ,
Une partie du temps qui serait libérée, grâce à un revenu universel d’existence attribué à chaque être humain, accompagné de revenus d’activités,
Une prise en compte des « droits du temps humain », évoqués par Jean Chesneaux dans son ouvrage déjà cité « Habiter le temps », par exemple dans une « charte mondiale » disait-il, donc juridiquement non contraignante, incitative, puis un jour, pourrait-on ajouter, dans une convention internationale.
Des déplacements repensés dans l’urbanisation à tous les niveaux géographiques,
Une désacralisation de la vitesse, en particulier dans l’éducation de la maternelle à l’université, et donc la désacralisation de la compétition,
A titre de « travaux pratiques » à l’échelle internationale nous proposons la création d’une Fédération mondiale d’ONG agissant pour le ralentissement du système international productiviste, une sorte d’internationale de la lenteur. Il ne s’agirait ici que de traiter un élément du système international productiviste mais un élément essentiel.

 

 

 

Remarques terminales

 

 Quel est l’état présent  de l’ esprit  de l’auteur de ces écrits ?

Penser aux générations immédiatement à venir (1)

 Comprendre le schéma général  de la place des acteurs  (2)

 Se demander qu’elle  est « La » question la plus vitale aujourd’hui.(2)

Avoir le   pessimisme de l’intelligence et à l’optimisme de la volonté(3)

En appeler à un dialogue imaginaire, entre des auteurs préférés, sur le monde à venir.(4)

Et le dernier mot…

 

 1-Les trois fois trois générations

-Nous avons reçu de trois générations passées ( 1850 à 1945 environ), un environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en marche sous les logiques du productivisme (en route en fait depuis le XVème siècle) et de l’anthropocène en route voilà près de 170 ans à travers les explosions des énergies fossiles et de la démographie.

-Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ),  ont produit un environnement pour une large part détruit et plongeant dans des apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides, en particulier à travers le réchauffement climatique et les atteintes à la diversité biologique.

-Les trois générations qui ont commencé à voir le jour et qui viennent (2030 à 2110 environ) se trouvent donc devant une question vitale : cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés, quels moyens, quelles marges de manœuvre, se transformer en une forme d’aube d’humanité ?

 

2-Quels acteurs pour passer d’un système productiviste à une communauté  viable ?

-Quel est le  « cœur du  système productiviste ? Il est constitué par  les marchés financiers,  les firmes multinationales, les complexes de la technoscience…

-Quelle est l’« armature » du système productiviste ? Il s’agit  des deux cents  Etats, en particulier  de ceux du  G8 et de quelques autres dont la Chine et l’Inde, des organisations régionales (ainsi l’U.E), des organisations internationales , des grands groupes médiatiques …

Tous les acteurs ont des remises en cause à mettre en œuvre, dans des proportions  très variables et avec des responsabilités très  variables : Etats, organisations internat. et régionales, organisations non gouvernementales, banques, entreprises, firmes multinationales, collectivités territoriales, réseaux scientifiques et technologiques, réseaux sociaux, enfin les acteurs humains c’est-à-dire les personnes( remises en cause des hommes face aux dominations des femmes),les peuples, l’humanité c’est-à-dire des générations  passées ,présentes et à venir.

 Comment passer des intérêts nationaux (ceux de chaque Etat) aux intérêts communs (ceux  des Etats et de la société civile internationale ) puis à l’intérêt commun de l’humanité ?

 

 3-« La » question des questions sans réponse à ce jour (fin 2020)?

 Nous pensons qu’il est  peu probable que dure longtemps (au-delà de la fin du siècle ?) une situation intermédiaire, faite d’apocalypses et de tentatives pour en sortir.

La question des questions apparait  donc clairement  :

 les quelques générations futures qui arrivent auront-elles assez de temps pour que ces moyens viables  voient le jour ?

Les volontés ? Elles peuvent les avoir .

Les moyens ? Ils  existent ,on peut aussi en imaginer de nouveaux,  il faut s’en emparer.

Les marges de manœuvres ? Celles-ci  vont-elles longtemps exister ? Fin  2020  nous pensons qu’on ne peut pas répondre à cette question.

Si ça n’est pas le cas l’humanité plongera dans des formes de fin des temps, des horloges  d’ apocalypses  multiples  sonneront…

Si c’est le cas ce monde viable peut ouvrir une forme de nouvelle aube d’humanité…

 

 

 4-Le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté

Plus que jamais la pensée d’Antonio Gramsci devrait être présente dans les pensées, les actes et les projets  des résistances : « Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. »

Le pessimisme de l’intelligence permet d’avoir les yeux, les esprits et les cœurs ouverts sur des logiques profondes terricides et humanicides.

L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains, les esprits et les cœurs à l’ouvrage  pour éviter l’irréparable.

Avec nos forces et nos faiblesses, personnelles et collectives, ne faut-il pas faire en sorte que pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte, s’interpellent, se complètent, s’inclinent l’un vers l’autre , deviennent un couple de combat ?

 

 5-Un dialogue imaginaire entre des auteurs bien-aimés peut-il nous aider ?

Tour à tour évoquons sur les devenirs  du monde  Jean Rostand , Albert Camus, Edgar Morin, Antonio Gramsci, Jacques Ellul…et Pierre Dac …

« Il n’est pas plus insensé de s’abandonner à un espoir, celui de la survie de l’humanité, que de le repousser au nom d’un prétendu réalisme qui n’est que le consentement défaitiste au suicide de l’espèce. »(Jean Rostand)

« J’ai toujours pensé que l’homme qui espérait dans la condition humaine était un fou et que celui qui désespérait des évènements était un lâche. » (Albert Camus)

« Le désespoir révèle les limites de l’espoir et l’espoir les limites du désespoir. Mais le désespoir correspond à la face inerte de la réalité et l’espoir à l’action. Dans ce sens l’espoir est plus vrai que le désespoir. » (Edgar Morin)

« Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. »(Antonio Gramsci)

« Lorsque n’existe aucun espoir raisonnablement acceptable l’espérance doit jouer. C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut commencer à espérer. » (Jacques Ellul)

« Tant que l’espoir demeure au niveau de l’espérance il n’y a pas lieu de désespérer puisque rien de ce qui est fini n’est jamais totalement achevé tant que tout n’est pas totalement terminé. » (Pierre Dac).

 La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers drames en appellent à penser et à mettre en œuvre  ces moyens viables .

Ces remises en   cause , si les prochaines générations futures en ont le temps, verraient ainsi le jour.

 

Le dernier mot       

Si ces moyens  viables ,  et  d’autres  allant  dans ce sens,  ne sont pas mis en œuvre nous pensons que les fleuves de souffrances et de désespoirs grossiront encore.

 Si l’avenir  donne le jour  à ces moyens viables, nous croyons que des ruisseaux de joies et d’espoirs chanteront.

Et dans la rosée du matin ceux et celles qui  nous suivront cueilleront alors des souffles du monde.