V
LES RESPONSABILITES JURIDIQUES
ENVIRONNEMENTALES
On trouve de nombreux écrits relatifs aux aspects juridiques des responsabilités
environnementales. Ils sont le plus souvent consacrés à telle ou telle affaire ou à
tout un domaine de responsabilité. Des synthèses existent dans des manuels
spécialisés. Mais vouloir prendre en compte en une synthèse le droit interne et
le droit international, le droit civil et le droit pénal en matière de responsabilité
environnementale voilà qui en appelle à une globalité certes trop rapide mais
pourtant nécessaire et pouvant être porteuse.
Nous envisagerons ainsi tour à tour un panorama des formes de la
responsabilité environnementale (A) puis la responsabilité en droit international
de l’environnement (B).
A-LES FORMES DE LA RESPONSABILITE JURIDIQUE ENVIRONNEMENTALE
Jacques Ricot écrit : « La responsabilité est comme un grand livre de compte
qu’il faut organiser. C’est la fonction du Droit de s’y efforcer même si cette
discipline n’a pas le monopole de cette notion ». ( Remarques philosophiques sur
la responsabilité, RGD 2003,33 p: 293 à 303 . )
Deux grandes distinctions existent
La responsabilité pénale et la responsabilité civile, puis le droit interne et le droit
international.
Partons des grands caractères du droit de la responsabilité environnementale (1)
2
Puis nous soulignerons quatre aspects de cette responsabilité
environnementale que propose un auteur (2)
Nous évoquerons enfin un aspect encourageant en droit de l’environnement,
celui des procès faits contre des Etats pour qu’ils respectent leurs engagements
environnementaux (3).
(Pour ce qui est du droit interne et européen nous renvoyons à l’ouvrage de
Michel Prieur avec la collaboration de Julien Bétaille , Hubert Delzangles ,
Marie-Anne Cohendet , Jessica Makowiak , Pascale Steichen, Droit de
l’environnement, Dalloz,7ème édition,2016
Voir aussi l’ouvrage de Raphael Romi, Droit interne et européen de
l’environnement, LGDJ, précis Domat, 3ème édition ,2017.)
1- Quelques remarques relatives au droit de la responsabilité
environnementale
a- Historiquement cette responsabilité voit le jour surtout à partir de 1970 il y
a donc 50 ans. En 1992 elle est un des points forts de la Conférence de Rio sur
l’environnement et le développement.
Dans l’Union européenne en avril 2004 est adoptée une directive relative aux
dommages affectant les espèces et habitats naturels protégés, les eaux et les sols,
elle est transposée en droit français dans la loi du 1er août 2008 sur la prévention
et la réparation de certains dommages causés à l’environnement.
b- Les fonctions de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale.
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La fonction de la responsabilité civile est celle de la réparation qui doit être
faite aux victimes.
Il n’est pas question ici de sanction pénale, on est dans le domaine des
dommages et intérêts, ce qui n’empêchera pas le droit pénal de se déployer mais
dans un autre procès.
La fonction de la responsabilité pénale est l’obligation faite à une personne
reconnue coupable par un tribunal de répondre d’une infraction délictueuse
commise ou dont elle est complice, et de subir la sanction pénale prévue par les
textes.
c- Les fondements de la responsabilité.
La faute et le risque sont les deux fondements du fait générateur de la
responsabilité.
Un fondement essentiel de la responsabilité environnementale est le principe
pollueur-payeur selon lequel celui qui provoque une atteinte à l’environnement
doit réparer les dommages qu’il a causés.
Un autre fondement qui est devenu de plus en plus important est la
responsabilité sans faute, pour risque. Pourtant le fait que cette assurance pour
risque s’étende et le fait que la victime ait été considérée comme de plus en plus
importante ont amené le droit pénal à rechercher dans un autre procès la
sanction contre l’auteur du dommage.
d- Les auteurs des dommages et les obstacles dans l’application du droit.
Les auteurs des dommages peuvent être des individus, des entreprises, des
collectivités territoriales, l’Etat, des établissements publics, des associations…
Les activités concernées sont celles de l’ensemble des activités humaines en
particulier les domaines économiques, sociaux, environnementaux.
Les obstacles dans l’application sont essentiellement
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la détermination des auteurs du dommage qui peuvent être nombreux à travers
des sources de pollutions difficiles à déterminer,
la difficulté pour quantifier et évaluer les dommages ;
la prise en compte , des dommages écologiques , au-delà donc des réparations
classiques,
la non solvabilité des auteurs des dommages.
e- La conception extensive de la responsabilité dans le temps
Les questions posées par le long terme de la responsabilité
environnementale :
Elles sont au moins au nombre de trois séries qui ressemblent à un certain puits
juridique sans fond par rapport aux des générations futures et au vivant.
Sur une période de plusieurs décennies ou de beaucoup plus, de très nombreux
actes personnels et collectifs participent à la production de tel ou tel dommage.
Comment les prendre en compte en termes de responsabilité ? Qui sanctionner
lorsque le dommage viendra donc d’un grand nombre d’auteurs depuis les plus
petits (des personnes) jusqu’aux plus puissants (des Etats, des firmes
multinationales, des banques…)
Comment évaluer des dommages à venir atteignant des générations futures ?
Autrement dit comment sanctionner une action dont les effets dommageables
sont lointains dans le temps ?
Peut-on condamner, pénalement et/ou civilement, des personnes disparues
depuis longtemps ?
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(Pour aller plus loin en particulier sur ces derniers points Voir l’article de
Jacques Ricot, . (2003). Remarques philosophiques sur la responsabilité. Revue
générale de droit, 33 (2), 293–303.) Nous donnons ici des éléments de sa
conclusion :
(…) Il faudra trouver la juste mesure entre la fuite devant les conséquences
(sinon c’est malhonnête) et l’inflation d’une responsabilité infinie (sinon l’action
est impossible à circonscrire.).
2- Les quatre aspects de la responsabilité environnementale
François Ost, dans un article « La responsabilité, fil d’Ariane du droit de
l’environnement » (.Droit et Société, Année 1995/ 30-31/ pp.281-378), fait la
synthèse suivante de ce travail :
« (…) À condition d’être repensée, l’institution de la responsabilité pourrait
constituer le fil d’Ariane de ce labyrinthe, ainsi que le fondement éthique sur
lequel le fonder. L’article dégage non moins de quatre aspects de la
responsabilité qu’il s’agira d’articuler de façon dialectique :
la responsabilité-sanction de la faute, civile ou pénale, qui satisfait une
exigence éthique, mais s’avère difficile à mettre en oeuvre ;
la responsabilité-couverture du risque qui, indépendamment de l’hypothèse
de la faute, vise à dédommager la victime du préjudice et s’accompagne de
systèmes de mutualisation des risques ;
la responsabilité-prévention qui est au fondement de quelques-unes des
solutions les plus originales du droit de l’environnement, telles les législations
sur les études d’incidences et le principe de précaution qui les prolonge ;
la responsabilité-participation qui vise à assurer l’implication de tous dans la
gestion et le contrôle des milieux naturels ; dans cette perspective, la
reconnaissance de droits procéduraux d’information, de concertation et de
recours aux individus et à leurs associations fait l’objet d’un examen particulier.
L’auteur soutient la thèse que seule l’articulation de ces quatre dimensions de la
responsabilité sera en mesure d’assurer la sauvegarde souhaitée du milieu. »
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Sanction, couverture du risque, prévention, participation constituent donc
les formes juridiques de la responsabilité environnementale.
3- Les procès contre des Etats pour qu’ils respectent leurs engagements
Cette pratique est encourageante pour contribuer à la protection de
l’environnement.
a-=Des recours contre des Etats par rapport au réchauffement climatique.
Aux Pays-Bas, la justice avait été saisie par l’ONG Urgenda, elle a condamné
en 2015 le gouvernement néerlandais, à revoir ses engagements sur les
émissions de gaz à effet de serre et à respecter l’objectif de moins 25% d’ici
2020 , le jugement a été confirmé en appel en 2018.
En France en mars 2019, les associations Notre Affaire à tous, la Fondation
pour la nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France ont déposé un
recours de plein contentieux au tribunal administratif de Paris, contre l’Etat
français. Leur objectif est d’obtenir une obligation d’agir du gouvernement face
au réchauffement climatique. Elles estiment que l’Etat n’a pas respecté ses
engagements environnementaux à l’échelle nationale et internationale mettant
ainsi en péril les droits fondamentaux des citoyens.
Une action contre cinq Etats a été intentée par seize jeunes, âgés de 8 à 17 ans,
venus de douze pays. Les plaignants visent les pays pollueurs suivants : la
France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et la Turquie. Ils dénoncent l’inaction
des dirigeants comme constituant une atteinte à « la Convention internationale
sur les droits de l’enfant » de 1989 dans laquelle les Etats parties s’engagent en
particulier à protéger le droit à la vie et à la santé des enfants. Un protocole
permet aux enfants d’exercer un recours devant le Comité des droits de l’enfant
de cette convention qui fera seulement des recommandations (donc non
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contraignantes) aux Etats . On pourrait s’étonner que les Etats-Unis et la Chine,
plus gros pollueurs de la planète, ne soient pas visés par la plainte mais le
premier n’est pas partie à la convention et la seconde n’est pas partie au
protocole.
Le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) avait, en mai
2017 à cette date, comptabilisé 884 actions judiciaires intentées à l’échelle
mondiale, dont 654 aux États-Unis. Les 230 autres se répartissaient entre des
actions en Australie (80 procédures), au Royaume-Uni (49 procédures), devant
la Cour de justice européenne (40 procédures), en Nouvelle-Zélande (16
procédures) et en Espagne (13 procédures).
b- Des recours contre des organisations régionales et internationales
Un recours est engagé contre les institutions européennes devant la Cour de
justice de l’Union européenne pour les insuffisances de leur politique
climatique. Formé en mai 2018 il vise à faire annuler des dispositions fixant la
politique climatique européenne pour la période 2021-2030. Les requérants
veulent aussi engager la responsabilité de l’Union européenne pour les
dommages subis du fait des changements climatiques.
Il est probable que des recours contre des institutions financières et
économiques internationales seront exercés dans la mesure par exemple où
certaines d’entre elles soutiennent par exemple des énergies fossiles.
Voilà donc le droit international de l’environnement (DIE) au regard de la
responsabilité.
B- LA RESPONSABILITE EN DROIT INTERNATIONAL DE
L’ENVIRONNEMENT
Nous traiterons ici du droit international de l’environnement (DIE)
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à travers le principe de la responsabilité internationale environnementale
(1),
puis les conditions d’exercice de cette responsabilité environnementale (2),
la réparation des dommages environnementaux organisée par des conventions
spécifiques (3),
la réparation à partir des procès en droit international privé (4).
Nous soutiendrons enfin un droit prospectif engageant la responsabilité
environnementale vis-à-vis des générations futures. (5)
sans oublier un système possible de personnalité juridique, de
représentation, de juridiction relatifs à l’humanité et à la nature (6).
(Nous renvoyons ici , pour une mise à jour, à la dernière édition de notre
ouvrage en collaboration avec deux autres auteurs, Droit international de
l’environnement, Jean-Marc Lavieille, Hubert Delzangles, Catherine Le Bris,
Ellipses,4ème édition, 2018.
Nous renvoyons aussi à un ouvrage de base celui de Jean-Pierre Beurier ,
Droit international de l’environnement, Pedone, 4ème édition, 2010.)
1-Le principe de la responsabilité internationale environnementale
« Instrument au service d’une cause d’intérêt général le droit de l’environnement
est en même temps manipulé au profit d’intérêts économiques à court
terme .» Cette analyse de Michel Prieur ne correspond-elle pas souvent aux
domaines considérés dans les développements qui suivent ?
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Qu’en est-il d’une part du principe lui-même et de son fondement et d’autre part
quelles sont les conditions d’exercice de cette responsabilité ?
a- Le fondement de la responsabilité interétatique selon le DIP (droit
international public)
Quel est le projet de la CDI sur la responsabilité de l’État ?
La Commission du droit international (CDI) a adopté un projet de
codification, ce texte est le fruit de plus de quarante ans de travaux (1969), il a
été transmis à l’AG des Nations unies qui l’a recommandé aux Etats (Résolution
du 12.12.2001).
Cette responsabilité est fondée sur un mécanisme qui offre la possibilité à un
sujet de droit international (Etat, organisation internationale), victime d’un
préjudice imputable à un autre sujet de droit international, d’obtenir des
réparations. Ce texte reprend des dispositions qui représentent des coutumes
internationales donc des obligations.
Quelles sont les conditions d’engagement de la responsabilité internationale ?
Elles sont au nombre de deux.
Il faut un fait internationalement illicite, ce peut être une action ou une
omission, ce fait résulte de la violation d’une obligation. Le projet de la CDI
prévoit les violations graves par l’Etat d’une obligation découlant de normes
impératives du droit international général.
Il faut aussi un comportement attribuable à un sujet de droit international, il
suffit que ce comportement soit attribuable à un des organes de l’Etat ou même à
une personne privée exerçant des missions de puissance publique.
Les organisations internationales peuvent voir leur responsabilité engagée. Enfin
le projet de la CDI détermine des clauses exonératoires de responsabilité, par
exemple la force majeure.
Quels sont les effets de la responsabilité internationale déterminés par la
CDI ?
L’obligation de réparation est une règle coutumière (Cour permanente de justice
internationale, arrêt 13-9-1928, affaire de l’usine de Chorzow). L’article 31 du
projet de la CDI affirme « l’Etat responsable est tenu de réparer intégralement
le préjudice causé par le fait internationalement illicite.»
Il existe trois formes de réparation : le rétablissement de la situation qui
existait avant que le fait illicite ne soit commis si cette restitution n’est pas
matériellement impossible. Puis l’indemnisation qui devra couvrir tout le
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préjudice c’est-a-dire à la fois la perte éprouvée et le manque à gagner. Enfin la
satisfaction à travers des excuses officielles, des sanctions contre l’agent public
responsable.
b- Le fondement de la responsabilité interétatique selon le DIE
L’importance de la responsabilité sans faute en DIE
Le régime de la responsabilité pour faute n’est adapté que partiellement au
domaine environnemental, c’est la responsabilité sans faute qui doit se
développer. Le DIE va organiser cette responsabilité objective, sans faute, en
canalisant la responsabilité sur un Etat, par exemple l’Etat qui procède ou fait
procéder au lancement d’un objet spatial (Convention de Genève, 29.03.1972).
Le DIP a d’ailleurs organisé des régimes particuliers de responsabilité objective
canalisée sur l’exploitant.
Comment a été faite la reconnaissance du principe de responsabilité par le
DIE ?
Cette reconnaissance est consacrée par des déclarations. Ainsi par exemple la
Déclaration de Rio dans son principe 13 proclame « Les Etats doivent élaborer
une législation nationale concernant la responsabilité de la pollution et d’autres
dommages à l’environnement et l’indemnisation de leurs victimes. Ils doivent
aussi coopérer pour développer davantage le droit international concernant la
responsabilité et l’indemnisation en cas d’effets néfastes de dommages causés à
l’environnement dans des zones situées au-delà des limites de leur juridiction ».
Cette reconnaissance est consacrée aussi à travers des conventions. Ainsi la
Convention sur le droit de la mer affirme que « les Etats sont responsables des
pertes ou dommages qui leur sont imputables à la suite de mesures prises en
application de la section 6 de la Convention, lorsque ces mesures sont illicites
ou vont au-delà de celles qui sont raisonnablement nécessaires par rapport aux
renseignements disponibles. » Les Etats prévoient des voies de recours devant
leurs tribunaux pour les actions en réparation de ces pertes ou dommages ,
(article 232, Convention10.12.1982).
De même la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres que la navigation prévoit une obligation de ne
pas causer de dommages significatifs (article 7). Lorsqu’un dommage
significatif est néanmoins causé à un autre Etat du cours d’eau les Etats dont
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l’utilisation a causé ce dommage prennent les mesures appropriées en
consultation avec l’Etat affecté pour éliminer ou atténuer ce dommage et, le
cas échéant, discuter de la question de l’indemnisation (article 7.2). A cela il
faut ajouter des conventions relatives aux mers régionales (par exemple article
12 de la Convention de Barcelone sur la protection de la Mer Méditerranée).
Cette reconnaissance est consacrée enfin par la jurisprudence
environnementale internationale. Rappelons la sentence arbitrale du
11.03.1941dans laquelle le tribunal a considéré, d’après les principes du droit
international , qu’aucun Etat n’a le droit d’user de son territoire ou d’en
permettre l’usage de manière que des fumées provoquent un préjudice sur le
territoire d’un autre Etat ou aux propriétés de personnes qui s’y trouvent s’il
s’agit de conséquences sérieuses et si le préjudice est prouvé par des preuves
claires et convaincantes (ONU, Recueil des sentences arbitrales, II, p. 1965).
- Les conditions d’exercice de la responsabilité environnementale
Elles posent des problèmes difficiles certes en DIP mais aussi en DIE.
a- L’établissement du lien de causalité
Trois séries de problèmes peuvent se poser :
l’un est relatif a la dimension temporelle. Une pollution peut avoir des effets à
long ou à très long terme, ainsi par rapport à des maladies causées par des
pollutions radioactives comment, lorsque des cancers apparaissent longtemps
après, faire le lien avec l’acte incriminé et aussi avec les autres facteurs qui
peuvent intervenir ?
L’autre série de problèmes concerne l’espace : s’agit-il bien de telle ou telle
source qui peut être lointaine ou très lointaine qui a produit ce dommage ? Enfin
plusieurs sources de pollutions peuvent avoir créé un dommage, comment s’y
retrouver ?
b- Les identifications du pollueur et de la victime
C’est ici l’un des problèmes les plus redoutables lorsque le nombre des pollueurs
peut être élevé : comment identifier la responsabilité de chacun ? Le principe
des responsabilités communes et différenciées peut aider à faire la part des
choses.
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On constate des résistances importantes des Etats à cette responsabilité
interétatique, il y a eu un basculement, un transfert du DIP sur le droit
international privé.
D’autre part l’identification de la victime peut être claire lorsqu’il s’agit d’une
pollution transfrontière, ainsi l’Etat lésé peut demander réparation. Mais que se
passe-t-il s’il s’agit d’un espace internationalisé (Antarctique, espace aérien
international, haute mer) ou relié au patrimoine commun de l’humanité (Fonds
marins…) ? La Convention du droit de la mer affirme qu’un Etat partie est
responsable d’une violation des obligations de cette Convention qui
provoquerait des dommages pour les Fonds marins (article 139), c’est l’Autorité
des Fonds marins, c’est-à-dire l’ensemble des Etats parties a la Convention, qui
pourrait estimer que l’Humanité en est victime et engager la responsabilité en
son nom. - La responsabilité organisée par des conventions spécifiques
Les Etats ont conclu un certain nombre de conventions spécifiques qui
organisent des systèmes de responsabilité. D’autre part les victimes peuvent se
retrouver devant des juridictions de droit interne à travers le droit international
privé.
Ces conventions sont certainement destinées à devenir plus nombreuses.
Quelles sont-elles à ce jour ?
a- Les conventions de responsabilité civile relatives au milieu marin
Le système de réparation des dommages dus aux marées noires
La dramatique série de catastrophes maritimes qui depuis cinquante ans souille
des côtes ( Torrey-Canyon 1967, Amoco-Cadiz 1978, Exxon Valdez 1989, Erika
1999, Prestige 2002…) a entrainé une mobilisation internationale qui a
contribué à la conclusion de conventions et de protocoles.
Quels ont été les effets de ces catastrophes sur la formation du droit ? Quel est
le système mis en place ? Que peut-on en penser ?
Les effets juridiques des marées noires sur la formation du droit
La première grande marée noire, celle du Torrey-Canyon (mars 1967) est suivie
de l’adoption des conventions de Bruxelles (1969-1971) qui sont le produit de
rapports de forces entre les compagnies pétrolières et les armateurs. La marée
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noire de l’Amoco-Cadiz (mars 1978) est suivie d’un procès transatlantique qui
dure plus de treize ans, l’ampleur des dommages commence à être prise en
compte, on ajoute aux opérations de lutte et de nettoyage les frais de restauration
du littoral, les dommages causés a l’environnement. Les plafonds du Fipol sont
dépassés. La marée noire de l’Exxon-Valdez (mars 1989) en Alaska est suivie
par l’adoption aux États-Unis d’une loi Oil Pollution Act (1990) : elle met en
avant la prévention et la réparation.
La marée noire de l’Erika (décembre 1999) est suivie d’un renforcement de la
législation internationale sur les pétroliers. Une nouvelle convention Marpol
entre en vigueur le 01.09.2002 et vise l’élimination progressive d’ici 2015 de
tous les pétroliers à simple coque pour le fioul lourd. La marée noire du Prestige
(novembre 2002) fait encore crever le plafond de l’enveloppe disponible du
Fipol. Un an après au sein de l’Organisation maritime internationale un accord
est conclu sur le bannissement des vieux pétroliers : retrait au plus tard en 2005
des pétroliers entrés en service avant 1982, et obligation de transporter sur des
navires à double coque le pétrole lourd, le fioul, le bitume et le goudron.
Le système de réparation mis en place face aux marées noires (Bruxelles
1969, 1992, 2003)
Ce système repose sur trois niveaux.
Le premier niveau est celui de la réparation des dommages de pollution par le
propriétaire du navire.
C’est la Convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures (Bruxelles, 1969). Elle est encore appelée
Convention sur la responsabilité civile (CLC : civil viability convention). Ce
texte a été modifié par un Protocole de 1992, dans le langage courant on parle de
la Convention 1969/1992. Cette Convention fait peser la responsabilité du
dommage par pollution sur le propriétaire du navire (et non pas sur l’exploitant),
c’est-à-dire la personne au nom de laquelle le navire est immatriculé, en fait il
s’agit de l’armateur. Ce choix du propriétaire a pour but de faciliter l’action des
victimes. La responsabilité est très rigoureuse : le propriétaire du navire est de
plein droit responsable des dommages de pollution. Il y a quelques clauses
d’exonération : ainsi le dommage qui résulte d’un acte de guerre ou d’un
phénomène naturel irrésistible et exceptionnel (typhon, raz-de-marée). Une
tempête n’exonère pas le propriétaire. La faute d’un tiers par exemple celle de
pirates qui attaquent un pétrolier exonère le propriétaire.
Enfin la responsabilité ne s’applique pas en cas de faute inexcusable du
propriétaire, cette notion est interprétée de façon très restrictive puisqu’elle ne
couvre pas la négligence de l’armateur. D’autre part cette réparation due par le
propriétaire est limitée à un plafond de 108 millions d’euros pour les plus gros
pétroliers. Les plafonds de responsabilité varient selon la jauge du navire. Dès
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que la cargaison dépasse 2000 tonnes le propriétaire doit avoir une assurance
obligatoire.
Le deuxième niveau est celui de la garantie complémentaire prise en charge par
le Fipol.
Celui-ci a été créé par la Convention de Bruxelles de 18.12.1971 portant
création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures(Fipol). En 1992 ce régime a été modifié par un
Protocole portant création d’un autre Fonds, le premier fonds de 1971 a cessé
d’être en vigueur en 2002. On parle aujourd’hui du FIPOL 1992 ou du Fonds de - Il est financé, comme l’était celui de 1971, par une contribution sur les
compagnies pétrolières qui importent dans chaque Etat partie plus de 150 000
tonnes d’hydrocarbures par voie maritime et par an. Il y a aujourd’hui 102 Etats
membres du FIPOL qui a son siège à Londres. Le FIPOL 1992 intervient
jusqu’à un plafond de 245 millions d’euros par sinistre. Il a pour mission de
garantir aux victimes de pollution une indemnisation complémentaire à celle due
par le propriétaire du navire, mais qui est elle aussi limitée. Le FIPOL doit sa
garantie même en cas de phénomène naturel de force exceptionnelle et même en
cas de faute intentionnelle d’un tiers, par contre il est exonéré de pollution
résultant d’un acte de guerre. Le Fonds de 1992 s’applique quand le propriétaire
du navire n’est pas responsable, quand il est insolvable avec son assureur, quand
il est introuvable ou lorsque les dommages dépassent la limite de responsabilité
du propriétaire du navire. Enfin les indemnisations sont relatives aux mesures de
sauvegarde, aux opérations de nettoyage, aux dommages aux biens, aux pertes
dans les secteurs de la pêche, de l’aquaculture et du tourisme, enfin aux
dommages à l’environnement limités au coût des mesures de remise en état
raisonnables effectivement prises ou qui doivent être prises . Notons que dans un
Etat membre du FIPOL quiconque a subi un dommage par pollution ou a fait des
dépenses de nettoyage peut formuler une demande auprès du FIPOL : il s’agit
donc des particuliers, des entreprises, des collectivités locales, des associations
ou de l’Etat.
Le troisième niveau est celui de l’intervention d’un Fonds complémentaire.
Un Protocole de 2003 a créé un second Fonds international appelé FIPOL II. Il
prend le relai du plafond de 1992 (245 millions d’euros par sinistre), il permet
de mobiliser au maximum 900 millions d’euros. A ce jour il y a 21 Etats
membres.
Une critique du système de réparation mis en place par les marées noires
En premier lieu formulons une critique globale de ces systèmes.
On est assez loin en effet d’un principe pollueur-payeur qui obligerait une
réparation intégrale du préjudice sans limitation de montants. On ne peut parler
de responsabilité véritable. En effet pour le propriétaire d’un navire (armateur) il
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suffit de contracter une assurance et pour le propriétaire de la cargaison (la
compagnie pétrolière) il suffit de verser à un fonds une contribution fondée sur
les hydrocarbures importés et donc, diront certains, payée au final par le
consommateur. Corinne. Lepage écrit : « Ce système est un outil mis en place à
la demande des pétroliers et destiné à ce que la responsabilité de ces derniers ne
puisse jamais être mise en cause ». (Corinne Lepage, Les faiblesses du droit
international de l’environnement, revue Pouvoirs, 2008, n° 127.) Quant au
propriétaire du navire il constitue un fonds de garantie qui lui permet de limiter
sa propre responsabilité.
En second lieu prenons acte des critiques souvent formulées à l’encontre du
FIPOL.
La première est relative aux plafonds qui ont été revus à la hausse mais qui
devraient être encore plus élevés.
La seconde critique est celle par exemple de collectifs anti-marées noires qui
contestent le rôle de juge et partie du FIPOL qui a la charge d’évaluer le
montant du préjudice et de le financer.
En troisième lieu on se trouve encore devant l’obstacle qui consiste à ne pas
prendre en compte le dommage écologique au sens d’une restauration des
écosystèmes. On retrouve ici les réticences du FIPOL pour lequel les dommages
à l’environnement se limitent au coût des mesures de remise en état
raisonnables effectivement prises ou qui doivent être prises, mais lui aussi sera
amené à évoluer a travers ses Etats membres. De même, on l’a vu en droit
international privé, des juridictions commencent à ouvrir cette voie.
Ainsi cette question redoutable se présentera de plus en plus : comment prendre
en compte et la lenteur de la restauration de certains écosystèmes et une
responsabilité sans véritables limites dans le temps ? J. Ellul, H. Jonas, A. Gorz,
E. Morin, et d’autres nous l’avaient dit : une société qui ne se donne plus de
limites bascule vers des responsabilités sans limites par rapport au vivant, ainsi
l’écologie est bien à l’épreuve du droit et le droit a l’épreuve de l’écologie.
La responsabilité relative au transport par mer (Londres, 1996)
Il s’agit de la Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation
pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et
potentiellement dangereuses (Londres, 3.5.1996).
Le champ d’application de la Convention comprend le territoire de l’Etat, les
eaux territoriales et la zone économique exclusive. Les produits visés sont
principalement les hydrocarbures transportes en vrac, les autres substances
liquides en vrac, les matières dangereuses, les gaz liquéfiés… La responsabilité
est canalisée sur le propriétaire du navire sauf s’il prouve que le dommage
résulte d’un acte de guerre, d’une insurrection, d’un phénomène irrésistible ou
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s’il prouve que c’est le fait d’un tiers ou d’une négligence de l’expéditeur.
L’indemnisation est plafonnée selon le nombre de tonneaux des navires. Le
propriétaire du navire doit prendre une assurance et si la personne n’a pas pu
être indemnisée un Fonds international spécifique intervient. Existe aussi une
convention relative à la responsabilité civile dans le domaine des transports
maritimes de matières nucléaires (Bruxelles, 17.12.1971).
b- Les conventions de responsabilité civile relatives aux déchets dangereux
et aux activités dangereuses
Le Protocole de la Convention de Bâle (1999)
La Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets
dangereux et leur élimination (Bale, 22.03.1989) renvoyait à un protocole sur la
responsabilité, il a été adopté lui aussi à Bâle le 10.12.1999, c’est un protocole
sur la responsabilité et l’indemnisation pour ce type de dommages. Il repose sur
une responsabilité objective sans faute, elle est canalisée sur le détenteur de
déchets, c’est-a-dire la personne qui a en charge la substance dangereuse.
Cependant il y a un plafond d’indemnisation et des clauses d’exonération.
La Convention de Lugano sur la responsabilité civile d’activités
dangereuses (1993)
Dans le cadre du Conseil de l’Europe a été adoptée une Convention sur la
responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour
l’environnement (Lugano, 21.6.1993) qui canalise la responsabilité sur
l’exploitant de l’activité dangereuse.
Du point de vue d’abord du champ d’application de cette convention celui-ci
est très large : il s’agit de l’ensemble des activités dangereuses pour
l’environnement c’est-à-dire, la production, la manipulation, le stockage,
l’utilisation ou le rejet portant sur des substances dangereuses (art. 2) ainsi que
les opérations concernant les organismes génétiquement modifiés, et aussi
l’exploitation d’une installation ou d’un site d’incinération, de traitement, de
manipulation, de recyclage ou de stockage permanent de déchets, cela que ces
activités viennent de personnes privées ou publiques étant entendu qu’elles
doivent être effectuées a titre professionnel. Le terme de dommage est défini très
largement, il vise les personnes, les biens, l’environnement. La Convention
distingue les dommages communs aux personnes et aux biens d’une part et
d’autre part les dommages résultant d’une altération de l’environnement.
Du point de vue ensuite des exceptions à l’application de la Convention : en
sont exclues les opérations de transport et les activités nucléaires (art. 4),
cependant l’exclusion n’intervient que si les dommages résultent d’un accident
17
nucléaire couvert par les Conventions de Paris ou de Vienne ou si cette
responsabilité est réglée par une législation interne qui soit aussi favorable que
la Convention de Lugano pour la réparation des dommages.
Du point de vue de la faiblesse principale de la Convention : les dispositions
ne s’appliquent ni aux évènements survenus avant l’entrée en vigueur, ni aux
dommages causés par des faits antérieurs même si ces faits se poursuivent, ni
aux dommages provoqués dans un site ancien régulièrement fermé avant l’entrée
en vigueur de la Convention (art. 5).
Du point de vue du régime de la responsabilité : c’est une responsabilité
objective puisque l’exploitant de l’activité dangereuse ou du site est responsable
des dommages causés, ainsi l’exploitant d’un site contaminé ne pourra pas
invoquer son absence de faute pour y échapper. Le propriétaire du site n’est pas
responsable sauf s’il s’agit aussi de l’exploitant.
Du point de vue de l’exonération de la responsabilité : on retrouve ici de
façon classique les dommages se produisant à la suite d’un conflit armé, d’une
catastrophe naturelle, du fait intentionnel d’un tiers, ou du commandement d’une
autorité publique. Mais une autre exonération peut intervenir : s’il s’agit d’une
pollution d’un niveau acceptable, eu égard aux circonstances locales pertinentes
le dommage ne sera pas réparable. Voila une disposition critiquable qui peut
contribuer à créer un certain flou dans l’application.
Du point de vue enfin de la mise en oeuvre de l’action : la victime du
dommage a le droit de demander au tribunal que l’exploitant lui donne des
informations (à quelques exceptions : la défense nationale, le secret des
affaires…). Les associations de protection de l’environnement peuvent
demander au tribunal d’ordonner une injonction pour interdire une activité
dangereuse et illégale menaçant de causer des dommages sérieux à
l’environnement.
Le texte prévoit d’autre part la remise en état effective : toute mesure
raisonnable visant à réhabiliter ou à restaurer les composantes endommagées ou
détruites de l’environnement ou à introduire, si c’est raisonnable, l’équivalent de
ces composantes dans l’environnement (art. 2.8).
La responsabilité civile en matière d’énergie nucléaire (1960-1963)
La Convention de Paris (29.07.1960) sur la responsabilité civile dans le domaine
nucléaire a été conclue par les Etats membres de l’OCDE. La Convention de
Vienne (21.04.1963) sur la responsabilité civile en matière de dommage
nucléaire est ouverte aux Etats membres des Nations unies. En cas de dommage
la responsabilité est canalisée automatiquement sur l’exploitant. Il y a la aussi
des clauses d’exonération.
Ce système de responsabilité objective sans faute organisé par ces conventions
spécifiques correspond mieux à la protection de l’environnement, cela à deux
18
conditions : d’une part que les clauses d’exonération ne soient pas trop
nombreuses, d’autre part que les plafonds d’indemnisation soient suffisamment
élevés.
4- L’indemnisation à partir des procès en droit international privé
Nous évoquerons d’abord quelques règles générales puis surtout la pratique
internationale.
a- Quelques règles générales relatives au droit international privé
La juridiction compétente
En droit international privé c’est la juridiction du domicile du défendeur qui est
compétente, c’est-à-dire une juridiction de l’État du pollueur et non une
juridiction de l’Etat de la victime.
Ajoutons à cela que s’applique le principe d’égalité d’accès et de traitement des
non-résidents.
La loi applicable à la demande d’indemnisation
C’est le tribunal saisi qui la détermine. Il applique la loi la plus favorable à la
victime, même s’il ne s’agit pas de la loi nationale mais de la loi étrangère. Le
dernier obstacle n’est pas des moindres : il faudra que le jugement étranger soit
exécuté.
b- La pratique internationale de l’indemnisation
La complexité de la chaîne des responsabilités
On constate une grande difficulté pour établir les responsabilités qui se situent
dans une chaîne complexe.
Le propriétaire du navire qui peut être une personne ou une société ne peut faire
naviguer son bien qu’après avoir obtenu un certificat de navigabilité d’un bureau
international de contrôle. Chaque navire bat pavillon, un État souverain accorde
le pavillon a un navire après inspection effectuée par son administration ou par
une société internationale de surveillance.
L’affréteur est celui qui choisit le navire pour conduire une cargaison qui peut
soit lui appartenir ou dont il peut se charger. Dans le cas du Prestige l’affréteur
était un courtier en fuite insolvable. Dans le cas d’Erika il s’agissait de Total qui
19
est bien sûr solvable. D’autre part le contrat de transport est conclu entre le
courtier et le propriétaire du navire.
Le capitaine décide si son navire peut partir, c’est lui qui décide aussi de
s’arrêter ou d’appeler les secours. Le capitaine est le salarié du propriétaire du
navire, il est donc dépendant de l’armateur.
Le navire est certifié par une société de classification qui intervient a la demande
d’un chargeur ou de l’Etat du pavillon ou plus rarement d’un assureur. Les
compagnies pétrolières sont leurs inspecteurs.
Les autorités portuaires peuvent retenir un navire si elles estiment qu’il est en
mauvais état, dans l’Union européenne elles sont tenues d’inspecter au hasard le
quart des navires. Les services de secours peuvent, a titre préventif, demander à
un navire de changer de route lorsqu’il est jugé dangereux par rapport à des
risques de pollution.
Bref, on comprend la difficulté pour établir la responsabilité de chaque
intervenant dans cette chaine complexe et les procès difficiles et très longs qui
s’en suivent.
La réparation du dommage écologique : des résistances, des avancées
On constate une résistance pour consacrer la réparation des dommages
environnementaux.
En effet au-delà des opérations de nettoyage, de la réhabilitation du littoral et
des ports, du préjudice à la réputation et à l’image des communes touchées,
prend-on aussi en compte le dommage écologique ? Dans l’affaire de l’Amoco-
Cadiz la juridiction des Etats-Unis (janvier 1988) a refusé d’indemniser la perte
subie par la biomasse, cette perte n’étant basée que sur des spéculations .
Elle a considéré que les indemnités données aux pêcheurs suffisaient pour les
dommages des écosystèmes. Seules les dépenses de réintroduction d’espèces
sont remboursées.
On comprend dès lors l’espoir soulevé par l’indemnisation du dommage
écologique dans l’affaire de l’Erika. En première instance le tribunal
correctionnel de Paris (jugement du 16.01.2008) a conclu à la culpabilité
conjointe de l’affréteur (Total), du propriétaire, du gestionnaire et de la société
de classification. Tous sont accusés d’imprudence (Total), de négligence et
même de fautes caractérisées. Aucun d’eux n’aurait dû faire naviguer un navire
aussi vétuste et mal entretenu. Ils sont reconnus coupables de délits de pollution
mais surtout le jugement ouvre une porte aux questions posées sur la possibilité
d’indemniser non seulement les pertes économiques engendrées par une
pollution mais aussi les pertes écologiques lesquelles ne sont pas prises en
charge par le FIPOL. Le département du Morbihan en charge de la gestion
d’espaces naturels endommagés et la Ligue pour la protection des oiseaux se
voient attribuer des indemnités au titre du dommage écologique.
20
Le procès en appel de l’Erika a eu lieu en novembre 2009, la Cour d’appel de
Paris a rendu son arrêt le 30 mars 2010, elle a confirmé et étendu le préjudice
écologique.
On peut aussi imaginer ce que pourrait signifier comme difficultés la réparation
d’un dommage écologique nucléaire : comment le chiffrer en termes d’atteinte
aux écosystèmes à très long terme ? Le problème se pose en particulier pour les
dommages liés aux essais nucléaires dont l’indemnisation fera probablement
l’objet de rapports de forces et de recours dans les années à venir…
5-Pour une responsabilité environnementale vis-à-vis des générations
futures
Nous partirons du contenu des droits de l’humanité (a)
et des devoirs de l’humanité (b).
Nous soutiendrons ensuite la consécration de crimes contre les générations
futures (c) ,
celle de crimes contre l’environnement des générations futures. (d),
et enfin la consécration des crimes contre la paix des générations
futures.(e).
a- Les droits communs et les droits spécifiques des générations de
l’humanité.
21
Si l’on se base, en particulier mais pas seulement , sur le projet de
« Déclaration universelle des droits de l’humanité » ( rédigé en 2015 à la
demande du Président de la République, déposé par la France au secrétariat des
Nations Unies, soutenu par de nombreux acteurs à tous les niveaux
géographiques, pour l’instant non présenté à l’Assemblée générale des Nations
Unies ) on peut affirmer que :
L’ensemble des droits de l’humanité comprend les droits communs des
générations présentes et futures et les droits spécifiques des générations
passées.
Les droits communs des générations présentes et futures sont le droit la
démocratie, le droit à la justice, le droit à l’environnement, le droit à la
paix. Ces générations ont droit à la consécration et à l’application de ces droits.
Le droit à la démocratie pour les générations présentes et futures c’est le droit
de déterminer leurs destins. Ces générations bénéficient des droits-libertés des
individus et des peuples qui les composent.
Le droit à la justice pour les générations présentes et futures c’est le droit
d’avoir une vie digne répondant aux besoins essentiels. Ces générations
bénéficient des droits-égalités des individus et des peuples qui les composent.
Le droit à l’environnement pour les générations présentes et futures c’est le
droit de vivre dans un espace qui permette la qualité de leur vie et de leur santé.
Ces générations bénéficient des droits-solidarités (droit à un environnement
sain, droit au développement durable) des individus et des peuples qui les
composent.
Le droit à la paix pour les générations présentes et futures c’est le droit à la
sécurité et au désarmement. Ces générations bénéficient des droits-solidarités
(droit à la paix) des individus et des peuples qui les composent.
22
Les générations présentes et futures ont droit à la consécration et à l’application
de nouveaux droits dans l’avenir, droits qui devront être déterminés
démocratiquement.
On peut ainsi soutenir l’avènement qui a commencé, d’une quatrième
génération de droits (après les droits-libertés, les droits égalités, les droitssolidarités),
celle des droits de l’homme, des peuples et donc des générations
présentes et futures, face à la puissance de la techno science, qu’il faut et faudra
remettre à sa place, ainsi par exemple par rapport à des recherches scientifiques
portant atteinte à la dignité humaine ou à l’intérêt commun de l’humanité , par
rapport aussi à l’accélération du système productiviste qui tend à porter atteinte
aux « droits du temps humain »,par rapport demain aux pouvoirs de robots…
Les droits spécifiques des générations passées sont le droit à la
préservation, à la mise en valeur, à la transmission des patrimoines
culturels internationaux, continentaux, nationaux, locaux qu’elles ont
laissés. Elles ont en particulier droit à la création et à la préservation de lieux
de mémoire contribuant à aller dans le sens de la démocratie, de la justice, de
l’environnement ou de la paix.
b- Les devoirs par rapport aux droits de l’humanité.
Il faut rappeler que pour chaque droit existe un devoir correspondant de
l’appliquer. Le droit international de l’environnement fournit des exemples de
nombreuses faiblesses et de quelques forces sur ce terrain qui nous intéresse ici.
Ce devoir a une portée juridique variable. Par rapport aux Etats ces devoirs
contenus dans une déclaration internationale sont incitatifs, juridiquement non
contraignants comme d’ailleurs les droits énoncés. Par contre dans des
conventions il s’agit d’engagements, d’obligations pour des Etats parties. Des
23
conventions, par exemple celle sur les changements climatiques, mettent aussi
en avant le principe des « responsabilités communes mais différenciées »
(article3-1), il serait inéquitable de soumettre les pays en développement aux
mêmes obligations environnementales que les pays développés.
D’autres acteurs peuvent être expressément visés par des déclarations. La
Déclaration de Rio de 1992 en appelle plusieurs fois à «Tous les Etats et tous les
peuples » qui ont « le devoir de coopérer », la Déclaration de Stockholm de
1972 en appelle à « l’homme » qui a « le devoir solennel de préserver et
d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. »D’autres
acteurs peuvent être visés par des conventions internationales ou régionales
spécifiques de luttes contre des pollutions ou de conservation de la nature,
puisque les Etats parties vont les appliquer dans le droit national, ainsi c’est à
partir d’une convention internationale (dont les faiblesses sont cependant
graves) que des trafiquants de déchets dangereux peuvent être condamnés.
Mais peut-on parler aussi des devoirs, ici au sens d’obligation, des
générations présentes envers les générations futures ? On retrouve dans la
Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune
sauvage (Bonn, 1979) un préambule qui met en avant le fait que « Chaque
génération humaine détient les ressources de la terre pour les générations futures
et a la mission de faire en sorte que ce legs soit préservé et que, lorsqu’il en est
fait usage, cet usage soit fait avec prudence. » Il s’agit d’une convention à
vocation universelle et, comme ses articles, son préambule a valeur obligatoire
pour les Etats parties. Certes cette disposition peut-être reprise dans d’autres
déclarations (par exemple celle de Paris en décembre 2015 ) et dans des
conventions à venir, il n’en reste pas moins qu’elle ne pèse pas lourd devant la
puissance du productivisme : le devoir, au sens d’obligation, s’il veut avoir
quelques chances d’efficacité doit être sanctionné et les moyens d’exercer ces
droits et de remplir ces devoirs doivent être précisés en particulier au regard des
acteurs les plus puissants(firmes multinationales…).
24
c- Pour la consécration de crimes contre les générations futures
(Sur les aspects juridiques de l’humanité voir la thèse de Catherine Le Bris,
L’humanité saisie par le droit international public, (LGDJ, 2012.)
(Voir aussi sur la question du droit des générations futures la thèse d’Emilie
Gaillard « Générations futures et droit privé. Vers un droit des générations
futures .» (.L.G.D.J, 2011),
Une des idées fortes de cette seconde thèse est celle d’un « principe de nondiscrimination
temporelle : terreau juridique pour penser les crimes contre les
générations futures ». Ce principe et celui de « dignité des générations futures »
« insuffleraient un nouvel élan qui pourrait se concrétiser par une défense
judiciaire des générations futures. »
Nous pourrions faire de même pour la démocratie et la justice mais nous
évoquerons ici uniquement l’environnement et la paix par rapport aux crimes
contre les générations futures.
Il est intéressant de partir de la Cour pénale internationale (CPI) pour
arriver ensuite à d’autres incriminations relatives à l’humanité dans le
domaine de l’environnement et de la paix.
Dans le préambule du Statut de Rome il est affirmé que les Etats parties sont
« Déterminés, à ces fins et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à
créer une cour pénale internationale permanente et indépendante reliée au
système des Nations Unies, ayant compétence à l’égard des crimes les plus
graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, »
25
Qu’en-est-il , dans le statut de la CPI (Cour pénale internationale) , du
crime de guerre environnemental, et qu’en est-il du crime d’agression ?
En premier lieu certes les crimes contre l’environnement sont consacrés de
façon spécifique. Il s’agit de l’article 8, paragraphe 2,b, IV du Statut de la CPI :
« Constitue un crime de guerre le fait de lancer une attaque délibérée en sachant
qu’elle causera incidemment des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à
l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu».
Mais, d’une part, ils sont donc consacrés comme crimes de guerre et non
comme crimes écologiques, autrement dit dans l’état actuel du droit ces crimes
ne sont qu’une forme de crime de guerre. D’autre part cette disposition ne
peut être invoquée que dans le cadre des conflits armés internationaux et non pas
des conflits internes. Enfin la preuve du caractère intentionnel est certainement
difficile à établir, comme d’ailleurs celle de la violation du principe de
proportionnalité. Ces dispositions sont donc limitées.
En second lieu, c’est le crime d’agression qui est pris en compte dans le Statut
de la CPI. Il a été finalement défini par l’Assemblée des États parties en 2010
pour la Conférence de révision du Statut de Rome, l’article 8 bis a été ajouté au
Statut . Son paragraphe 1 est le suivant« on entend par «crime d’agression» la
planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne
effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire
d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur,
constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies ».
Selon le paragraphe 2 du même article 38 bis «Aux fins du paragraphe 1, on
entend par «acte d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la
souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État,
ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il
y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes
d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale
des Nations Unies en date du 14décembre1974 :
26
« a) L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un
autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle
invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une
partie du territoire d’un autre État ; b) Le bombardement par les forces armées
d’un État du territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque
par un État contre le territoire d’un autre État ; c) Le blocus des ports ou des
côtes d’un État par les forces armées d’un autre État; d) L’attaque par les forces
armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes
aériennes et maritimes d’un autre État ; e) L’emploi des forces armées d’un État
qui se trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en
contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la
prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de
l’accord pertinent ; f) Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a
mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État
d’un acte d’agression contre un État tiers ; g) L’envoi par un État ou au nom
d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui
exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées
d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un
concours substantiel à de tels actes.»
La CPI est compétente pour juger un acte d’agression, si elle a été saisie par le
Conseil de Sécurité, en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. Le
Procureur est autorisé à ouvrir une enquête de sa propre initiative ou à la
demande d’un État Partie. Au préalable, il devra avoir obtenu l’autorisation de la
Section préliminaire de la CPI. Mais cet élargissement des compétences de la
CPI au crime d’agression n’interviendra que le 1er janvier 2017, lorsqu’ une
décision sera prise par la majorité des États Parties, nécessaire pour l’adoption
d’amendements.
Outre ces obstacles, la paix n’est pas prise dans son ensemble, une raison de
plus pour ne pas passer à côté d’une protection plus large des générations
futures. Nous quittons donc le Statut de la CPI et nous sommes dans le droit
prospectif par rapport aux générations futures.
27
d- Pour la consécration des crimes contre l’environnement des générations
futures.
Pour aller plus loin sur le plan de la CPI il s’agirait de définir un nouveau
crime international, le crime contre l’environnement, cela en période de conflit
armé et, aussi, en période de paix. Ce dernier point est conforté par le fait que le
crime de génocide se situe en période de guerre mais aussi de paix. La liste des
crimes internationaux sanctionnés par la CPI serait alors celle des crimes de
guerre, des crimes contre l’humanité, de crime de génocide, de crime
d’agression, et donc seraient pris aussi en compte les crimes contre
l’environnement. Cette avancée pourrait prendre la forme, par exemple, d’un
article rajouté au Statut de la CPI (Statut de Rome en 1998, entré en vigueur en
2002, en janvier 2015 le nombre d’Etats parties était de 123).
Que pourrait-on proposer pour avancer dans la consécration des crimes contre
l’environnement des générations futures ?
C’est un crime qui a très certainement une spécificité, celle d’effets
environnementaux et sanitaires qui ont tendance à être sans limites dans le
temps. Ainsi l’enfouissement non réversible des déchets radioactifs est un
exemple impressionnant. Les personnes physiques et morales responsables
pourraient être condamnées. On peut imaginer aussi une condamnation
symbolique morale des générations présentes pour non-assistance à générations
futures en danger. Tout cela reste à penser puis à préciser. Il est déjà tard mais
sans doute toujours temps.
e- Pour la consécration des crimes contre la paix des générations futures.
Comment consacrer les crimes contre la paix des générations futures ? En
élargissant le domaine de la paix qui est aussi celui du droit à la sécurité et du
droit au désarmement pour les générations futures. Ainsi les recherches, la
mise au point, la fabrication, l’utilisation, le commerce des armes de
28
destruction massive existantes (nucléaires, biologiques, chimiques) et à
venir devraient être qualifiés de crime contre la paix des générations présentes,
des générations futures et du vivant.
C’est un crime qui, comme le précédent, a très certainement une spécificité,
celle d’effets environnementaux et sanitaires qui ont tendance à être sans
limites dans le temps. On détruit la sécurité, la liberté de choix, la vie de
générations futures.
6-Des systèmes possibles de personnalité juridique, de représentation, de
juridiction relatifs à l’humanité et à la nature.
Il s’agit donc de droit prospectif.
L’humanité devrait avoir la personnalité juridique pour défendre ses
droits. L’affirmer c’est primordial, elle a dans son ensemble des droits et des
devoirs, on a vu aussi qu’ils se définissent par générations, les générations
passées n’ont plus de devoirs mais elles ont des droits, ceux de l’entretien et de
la mise en valeur de leurs patrimoines naturels et culturels. Les générations
présentes ont des droits et des devoirs, les générations futures ont et auront des
droits et auront des devoirs. Cette complexité n’est que le reflet des générations
qui se succèdent dans le temps.
La nature n’a-t-elle pas droit à ce que soient respectés son existence, ses
fonctions, ses processus évolutifs ? Si elle a des droits elle doit pouvoir les
défendre. Il nous semble plus porteur que ce soit le vivant, c’est-à-dire l’espèce
humaine, les animaux et les végétaux, qui puisse être pris en compte et
représenter l’ensemble de la nature. C’est au nom de la conscience du vivant que
l’ensemble de la nature est défendu.
29
Le fait que l’humanité et le vivant soient côte à côte n’est pas que symbolique,
ils dépendent l’un de l’autre, leur sort est lié, leur défense serait conjointe, ce qui
n’empêche pas leurs spécificités.
La représentation de l’une et de l’autre est une difficulté connue. Qui va être
légitime pour représenter l’humanité c’est-à-dire ce qui existe (c’est déjà
difficile) et aussi ce qui n’existe plus et ce qui n’existe pas encore ? Représenter
une telle totalité dans le temps a ses limites. Nous avons déjà du mal à réaliser
des découvertes de plus en plus lointaines de l’ existence de générations
passées, quant aux générations futures, notre descendance humaine, l’avenir seul
parlera même si les prévisions les plus sombres existent, par exemple celle d’un
scientifique australien connu, Frank Fenner , qui déclarait en 2010: « Le destin
de l’homme est déjà scellé, il est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés
humaines ne seront plus. » Il n’était pas le premier à le dire, ni les derniers ceux
qui lui répondent que l’espoir restant est, entre autres, celui d’une
« métamorphose de l’humanité » à travers des volontés massives de
changements massifs.
Le droit international public a déjà répondu, à sa façon, à la question de la
représentation. En effet qui représente l’humanité à laquelle appartiennent les
fonds marins ? Les Etats ont répondu par un tour de passe passe. Humanité es-tu
là ? Pas de réponse. Il est donc logique que nous, Autorité des fonds marins,
nous décidions à la place de l’humanité irreprésentable puisque nous sommes
Etats parties à la Convention sur le droit de la mer.
Lorsqu’un jour il sera question de représenter l’humanité il n’est pas sûr que
l’Assemblée générale des Etats de l’Organisation mondiale de
l’environnement(OME), si elle voit le jour et si c’est elle qui est déclarée
compétente, suffise à le faire. Il sera souhaitable, au moins à titre consultatif ou
au mieux participant à un vote complexe, qu’interviennent aussi des acteurs au
sein de l’OME et/ou en dehors d’elle, que des imaginations citoyennes et
diverses disciplines peuvent commencer à penser. « L’utopie ou la mort » disait
avec force René Dumont, l’utopie non pas celle des nuages mais celle qui prend
les moyens de se réaliser.
30
L’Organisation mondiale de l’environnement pourra alors, au nom de
l’humanité et du vivant, engager un recours devant la justice mondiale, une
juridiction spécifique serait créée, la Cour mondiale de l’environnement(CME).
Tout cela sera le produit des rapports de forces et des pédagogies (?) des
catastrophes, le produit aussi de la cohérence des juridictions internationales.
En attendant, sur le terrain, des ONG et des mouvements sociaux ont commencé
à poser des cailloux blancs sur ce chemin, à travers les créations de tribunaux,
qui de plus en plus nombreux en particulier sur la justice climatique, participent
à ces prises de conscience. Parmi d’autres, fondé à Quito en octobre 2012 , « le
tribunal pour les crimes contre la nature et le futur de l’humanité »,des dossiers
sont constitués, des victimes écoutées, les condamnations sont éthiques,
morales, elles peuvent en préparer d’autres si des tribunaux nationaux,
régionaux, internationaux finissent par être saisis.
Remarques terminales de l’ensemble des cinq articles (ou des
cinq parties)
Nous ferons un récapitulatif des cinq parties de l’analyse (1),
enfin nous soulignerons quelques éléments prospectifs (2).
1- Récapitulatif de la démarche suivie et du contenu de l’analyse :
-Dans une première partie
Nous sommes d’abord partis d’une synthèse des grands traits de la responsabilité,
nous avons en particulier rencontré l’évolution de ce principe, plus précisément
encore son extension dans l’espace et le temps.
31
Il a été constaté ensuite que la responsabilité environnementale avait une
spécificité importante marquée surtout par une multitude d’interactions, par
l’incertitude, par l’accélération et par le long terme.
-Dans une seconde partie
Nous avons d’abord essayé de dresser une liste des responsabilités de la débâcle
écologique dans le temps depuis l’anthropocène jusqu’à nos jours. De nombreux
acteurs ont été dénoncés surtout les plus puissants. Nous avons aussi raisonné en
termes de générations.
A été ensuite souligné un ensemble de critères de détermination des
responsabilités.
-Dans une troisième partie
Nous avons examiné d’abord la responsabilité morale dans un certain nombre de
grandes philosophies avec en particulier les rapports entre la liberté et la
responsabilité et les rapports entre l’être humain et la nature.
Il a été proposé ensuite une synthèse de la philosophie du « Principe
responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. » Elle veut penser
une éthique du futur.
-Dans une quatrième partie
Nous avons examiné d’abord la responsabilité politique sous l’angle global de la
construction dune politique de protection environnementale.
Il a été ensuite récapitulé les données d’une démocratie représentative et
participative nécessaire en particulier à une politique environnementale. Nous
avons enfin rappelé un ensemble de procédures pouvant mettre en cause cette
responsabilité politique.
-Dans une cinquième partie
Nous avons d’abord rappelé le droit de la responsabilité environnementale en
général, tant civile que pénale, et évoqué droit interne et européen.
Il a été ensuite fait une synthèse de la responsabilité en droit international de
l’environnement en proposant de construire un droit des générations futures.
2-Continuer à construire, encore et toujours , la responsabilité :
32
-Construire, encore et toujours, la responsabilité dans l’espace.
La faute, le risque doivent continuer à avancer dans leurs domaines ,
de même le fait de prendre en compte le vulnérable, le fragile.
Ainsi la responsabilité arrive dans l’ensemble du vivant.
Les acteurs du plus petit au plus grand sont appelés à cette construction.
-Construire, encore et toujours, la responsabilité dans le temps.
La prise en compte des générations passées doit se développer au nom de la
responsabilité par rapport à la préservation du patrimoine culturel qu’elles nous
laissent. Cela aussi au nom de la fraternité transgénérationnelle.
La prise en compte des générations futures doit se développer au nom de la
responsabilité de consacrer et de préserver leurs droits en particulier celui à
l’environnement et celui à la paix. Cela aussi au nom de la fraternité
transgénérationnelle.
Le principe de responsabilité et le principe de fraternité ne doivent-ils pas
cheminer côte à côte ?
Ne doivent-ils pas s’interpeller, se compléter, s’appuyer l’un sur l’autre, et
finalement s’incliner l’un vers l’autre?
(Voir sur site et blog nos articles sur « La responsabilité transgénérationnelle »)
(voir aussi notre intervention au colloque international sur la fraternité , organisé
en avril 2016 par le Réseau européen de recherches en droits de l’homme , in
« La Fraternité » ,collection Colloques et Essais, Institut universitaire
Varenne,2018).