COMPETITIONS
Marché mondial cherche compétition,
Humanité cherche futur…
Introduction
Pour clarifier certains éléments cette introduction voudrait répondre à quatre questions :
Dans quel cadre général se situent les compétitions ? (1)
De quels éléments dispose-t-on pour comprendre l’étymologie du mot ? (2)
Quelles sont les différences entre compétition, concurrence et compétitivité ? (3)
Enfin un dernier point nous servira d’annonce d’un plan proposé : Quelles questions
essentielles accompagnent les compétitions ? (4)
Nous emploierons ce terme de compétitions au pluriel pour souligner à la fois la diversité des
contenus et l’ampleur des théories et des pratiques qui s’y rattachent.
1-Le cadre général des compétitions
Qu’on s’en réjouisse, qu’on le regrette, qu’on le critique radicalement ou qu’on y soit
indifférent c’est le productivisme qui constitue le cadre général dans lequel évoluent les
compétitions.
Il s’agit d’un système qui est né à la fin du Moyen Âge (XVème), qui s’est développé à
travers la révolution industrielle du milieu du XVIIIème en Angleterre et du début du
XIXème siècle en France, enfin qui est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au
XXème et dans les deux premières décennies du XXIème siècle. Ce système marque aussi
l’avenir… qu’il hypothèque pour une large part. On est loin d’un avenir comme horizon de
solidarité et de responsabilité, on court vers un avenir assombri par des compétitions et des
irresponsabilités.
Un système c’est la combinaison d’éléments qui vont former un ensemble, or on peut penser
que le productivisme constitue l’ensemble le plus global existant à ce jour.
Le productivisme va bien au-delà de la simple tendance à rechercher
systématiquement l’amélioration ou l’accroissement de la productivité, celle-ci étant un
rapport mesurable entre une quantité produite (par exemple de biens) et les moyens
(machines, matières premières…) mis en oeuvre pour y parvenir.
Le productivisme est aussi plus global que le libéralisme qui est, à partir du XVIIIème, la
doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat ne doit pas gêner le libre jeu
de la concurrence.
De même le productivisme est plus global et beaucoup plus ancien que le
néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les années 1970 et qui accepte une intervention
limitée de l’Etat.
De même le productivisme, s’il a de nombreux points communs avec le capitalisme, en tant
que système économique et social fondé sur la propriété privée des moyens de production, sur
l’initiative individuelle et la recherche du profit, est aussi probablement quelque chose
d’encore plus vaste, lié non seulement aux dominants de la techno-science mais lié aux
recherches et aux techniques elles-mêmes qui, loin de toujours libérer les êtres humains et le
vivant, peuvent contribuer aussi à les écraser.
Le productivisme repose sur les logiques profondes qui le définissent.
Elles sont au nombre d’une douzaine : la recherche du profit, la financiarisation de
l’économie, l’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s, l’efficacité économique, la
priorité du court terme, le culte de la croissance, la course aux quantités, la conquête et la
défense des parts de marché, la militarisation du monde, la marchandisation du monde et de la
nature, la domination sur la nature, et, donc, les compétitions.
Cette logique profonde des compétitions alimente les onze autres logiques et est alimentée par
elles.
Enfin redisons l’essentiel : le système productiviste est condamnable et condamné.
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2017 un enfant
sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies, misère…)
et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 ont pris une large partie
de la place des conducteurs (Etats, entreprises…) ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de dollars
partent chaque jour en 2018 vers les dépenses militaires mondiales et du seul fait, par
exemple, que des activités humaines entrainent un réchauffement climatique qui menace
l’ensemble du vivant,+3°C à 6°C vers 2100 et de 1 mètre à beaucoup plus( ? ) d’élévation du
niveau des mers ?
2-L’étymologie du mot compétition
Cette étymologie peut-elle nous aider à y voir plus clair ?
Etymologiquement ce mot ressemble au dieu Janus à deux faces, celle des origines latines
assez complexes, celle des origines anglo-saxonnes clairement liées au commerce, au
capitalisme et au libéralisme.
Les versions du latin du IIIe au VIe siècle parlent de « competitio » c’est-à-dire
« d’accord, de compétition en justice, de candidature rivale », il y aurait donc au départ
plusieurs significations différentes.
Par la suite le mot compétition vient du latin « cum petere » qui signifie « rechercher
ensemble » et qui évoque d’ailleurs aussi l’idée de « se rencontrer en un même point ».
.Le mot « rival » a été emprunté au XVe siècle au latin « rivalis », rival , lui-même dérivé
de « rivaux riverains ». Ces riverains, qui font usage du même cours d’eau (latin « rivus »), se
trouvent en situation de concurrence, d’où, par analogie, certes l’idée de lutte, de
compétition, de rivalité… mais n’ont-ils pas aussi un intérêt commun, celui de la bonne
gestion du cours d’eau ?
La langue anglaise, à partir des années 1600, parle de « competition » c’est-à-dire de rivalité,
spécialement dans un domaine qui se développe : le commerce.
Ensuite le mot est critiqué par des auteurs de dictionnaires français comme étant un
anglicisme au sens de concurrence. Il faudra attendre 1863 (dictionnaire Littré) pour que ce
terme soit admis. Compétition, compétitivité, concurrence sont désormais au coeur du langage
capitaliste et libéral et, au sens plus large, au coeur du système productiviste.
3-Les différences entre compétition, concurrence, compétitivité
Le terme de compétition est le plus global du point de vue des acteurs et du point de vue des
domaines. La compétition c’est la rivalité entre plusieurs acteurs qui poursuivent un ou
plusieurs objectifs semblables dans un ou plusieurs domaines.
Le terme de concurrence est le plus proche de celui de compétition. La concurrence vise une
rivalité le plus souvent dans les domaines commercial et économique. Elle représente un
instrument de politique économique qui peut se traduire par la libre concurrence. Celle-ci se
caractérise dans le domaine économique par la liberté de commercer, de contracter, de
circuler et d’entreprendre. Cette notion s’applique ainsi à une entreprise, à un secteur, à un
pays, à d’autres acteurs. Dans l’Union européenne la politique de concurrence est connue, elle
est conduite par la Commission qui dispose de moyens pour contrôler et empêcher les
ententes, les abus de positions dominantes, les monopoles, les concentrations et les aides
d’Etats.
La compétitivité est la capacité à affronter la concurrence. La compétitivité
économique correspond à la capacité d’une entreprise, d’un secteur économique d’un pays,
d’autres acteurs, à vendre des biens ou des services sur un marché en situation de
concurrence. Pour les détenteurs du capital cette compétitivité est l’objectif à atteindre et
c’est elle qui va préserver l’essentiel pour eux : la rentabilité.
4- Les questions posées par les compétitions
Existe-t-il un état des lieux qui permette de recenser les multiples formes des compétitions et
surtout de se demander s’il n’y a pas des facteurs qui les accélèrent ? La multiplicité des
formes n’est-elle pas impressionnante ? (I)
Existent-ils des effets positifs et négatifs des compétitions ? Certains effets ne dominent-ils
pas de plus en plus les autres ? Cette partie que l’on pouvait craindre seulement énumérative
ne réservera-t-elle pas quelques surprises dans l’analyse de phénomènes majeurs qui auraient
de graves effets sur les compétitions et réciproquement ? (II)
N’est-il pas essentiel de comprendre les théories relatives aux origines de ces compétitions ?
S’agit-il de phénomènes naturels ou historiques ? Ne trouvera-t-on pas ici la partie la plus
complexe mais la plus attachante de cet article ? (III)
Si l’on pense qu’il faut en appeler aux remises en cause des compétitions quels en seraient
les fondements et quelles en seraient les alternatives ? Ne s’agira-t-il pas là de la partie la
plus opérationnelle de cet article ? ( IV)
Avant de proposer la réflexion qui suit soulignons simplement trois sources
bibliographiques essentielles parmi beaucoup d’autres.
Deux ouvrages, celui du groupe de Lisbonne, « Limites à la compétitivité, pour un nouveau
contrat mondial », éditions La Découverte, Essais, 1995 et l’ouvrage d’ Alain Ehrenberg, Le
culte de la performance, chez Calmann-Levy, 1991.
Un article remarquable « L’Evangile de la compétitivité, malheurs aux faibles et aux
exclus », Riccardo Petrella, Le Monde diplomatique, septembre 1991.
I- Les formes des compétitions
Dans la présentation du second ouvrage cité plus haut il est dit que voilà « l’arrivée massive
des héros de la performance : battants, entrepreneurs, aventuriers, sportifs, chômeurs créant
leur propre entreprise ont fait une telle percée sur la scène publique qu’il n’est pas incongru
de parler d’un véritable culte de la performance. »
Nous analyserons tour à tour les domaines et les acteurs des compétitions (A), puis nous nous
demanderons si des évènements majeurs n’ont pas entrainé des accélérations de compétitions?
(B).
A- Les domaines et les acteurs des compétitions
Envisageons ces deux points pour avoir une vue globale : les domaines (1) et les acteurs (2)
des compétitions.
Avant de dresser un panorama il faut insister sur un fait :
Dans l’arrivée, le déroulement et les effets des compétitions les responsabilités morales,
psychologiques, matérielles, juridiques sont innombrables et infiniment variables selon
les personnes et les collectivités.
Selon les acteurs et les situations on peut dire qu’elles sont inexistantes, faibles,
moyennes, importantes ou gigantesques.
1- Les domaines d’activités des compétitions
a- En premier lieu les compétitions sont omniprésentes au coeur des sociétés
productivistes c’est-à-dire dans les sciences, les techniques, l’économie, les finances.
Par exemple « la recherche développement militaire » se développe et la course, en
particulier qualitative, vers de nouveaux armements est permanente, ainsi le domaine des
armes nucléaires, même s’il ne s’agit que de quelques Etats, et le domaine des drones sont
parmi les plus compétitifs.
Par exemple en matière d’intelligence artificielle la recherche débouche sur des applications
qui se multiplient, ainsi des diagnostics médicaux, des robots industriels, des jeux vidéo, des
voitures autonomes, dans ces applications et dans beaucoup d’autres les compétitions se
déchainent.
Par exemple dans le domaine de l’espace quelques pays sont en compétition intense. Dans le
domaine de l’aviation les couples compagnies-Etats sont en concurrence forte avec d’autres
couples du même type, des combats de titans s’appellent par exemple Boeing-Etats-Unis face
à Airbus-France Europe.
Par exemple des multinationales et des pays produisant des énergies fossiles s’affrontent,
comme déjà aussi des entreprises des énergies renouvelables.
Par exemple, dans de multiples pays vendeurs d’armes, les contrats de ces marchands de
canons se remportent, entre autres, sur des corruptions c’est-à-dire d’énormes commissions
occultes, là également les concurrences se déchainent.
Par exemple dans le domaine des outils informatiques de grands groupes sont entrés dans une
compétition effrénée et de puissantes entreprises économiques et financières (Google, Apple,
Facebook, Amazon) s’affrontent dans le monde de l’internet. Le réseau mobile de « la 5G »
donne lieu lui aussi à de vives compétitions.
Par exemple dans le domaine financier les marchés boursiers affichent chaque jour leurs
performances, les paradis fiscaux sont en compétition pour accueillir d’énormes capitaux, des
fortunes énormes ont été bâties sur des victoires pleines de concurrences…
b- En second lieu la compétition est omniprésente dans l’armature du système
productiviste c’est-à-dire dans les domaines politique, idéologique, éducatif, scolaire,
sportif, artistique, religieux, relationnel…
Dans le domaine politique on peut constater que la classe politique raisonne souvent ainsi : les
tenants du libéralisme croient plus ou moins à la sacralisation de la compétition, les tenants du
socialisme croient plus ou moins à la gestion de la compétition, les tenants du nationalisme
croient plus ou moins à la nationalisation de la compétition, .les tenants d’une société
humainement viable voudraient remettre plus ou moins en cause la compétition… Ils pensent
que c’est vital.
Par exemple dans le cadre de ces compétitions politiques on affirme souvent que lorsqu’on se
lance en politique il faut être prêt « à recevoir des coups et à en donner », il faut se
construire « une carapace et avoir la peau dure.»
Par exemple l’école, l’université, la formation professionnelle préparent un élève, un
étudiant, un travailleur, qui se veut performant, à travers une multitude de classements
successifs.
Par exemple l’éducation familiale accompagne souvent ce parcours en incitant à rentrer
dans le meilleur établissement et à remporter la course au diplôme.
Par exemple l’art est souvent accompagné de concours, de prix, de récompenses.
Sans parler bien sûr du sport, domaine privilégié de compétitions, produisant gagnants
et perdants d’équipes, de villes, de pays, de personnes qui s’affrontent. Certains sports,
comme bien sûr le football , font l’objet de contrats mirobolants dans lesquels clubs et
pays s’arrachent de grands joueurs.
Par exemple les religions entrent certes en fraternité mais aussi en compétitions en
particulier à partir de leurs diplomaties qui peuvent être concurrentes dans différents
territoires, à partir également d’éléments extrêmes qui peuvent contribuer à multiplier
tensions et conflits.
Par exemple l’idéologie elle-même des compétitions est très forte, ainsi dans le langage
elle n’est pas neutre. On parle non seulement d’adversaires mais aussi d’ennemis, non
seulement de concurrence mais aussi de guerre, non seulement de marges de
manoeuvres mais de choix inévitables qui vont dans le même sens : « tuer ou être tué. »
Il serait plus rapide de se demander quels sont les domaines qui échappent aux
compétitions mais, même en amour et en affection, il n’est pas rare qu’elles soient
présentes.
Un exemple est bien connu, celui de compétitions entre deux « concurrents » pour
« conquérir » un coeur. Concurrences, conquêtes : les mots et les réalités sont là.
Un autre exemple bien connu lui aussi, celui des compétitions entre enfants, entre
parents par exemple pour des héritages.
N’existent-ils pas ainsi des montagnes de jalousies, de rancunes, de tensions,
d’éloignements, de souffrances qui rendent souvent difficile l’art de se rapprocher ?
2- Les acteurs des compétitions
a- Le raisonnement probablement le plus globalisant et le plus opérationnel est celui
des dimensions des acteurs. On trouve alors des compétitions qui vont du plus petit
niveau géographique au niveau géographique le plus gigantesque.
On peut distinguer les compétitions infra locales, locales, régionales, nationales,
bilatérales, sous-continentales, continentales, internationales, mondiales. Ces dernières
se jouent des frontières avec des acteurs puissants, elles dépassent les compétitions
internationales qui sont souvent interétatiques.
A chaque niveau interviennent différents acteurs, par exemple au niveau international
interviennent les Etats, les organisations internationales et régionales, les firmes
multinationales, les organisations non gouvernementales, les réseaux scientifiques
mondiaux, les marchés financiers, les complexes scientifico-militaro-industriels…
A l’autre extrême interviennent des citoyen(ne)s, des familles, des associations, des
syndicats, des municipalités, d’autres collectivités territoriales, des entreprises locales,
des services publics territoriaux…
Les niveaux géographiques intermédiaires, nationaux et continentaux, comprennent eux
aussi de nombreux acteurs que l’on connait.
b- Ces compétitions peuvent se développer entre autres de trois façons. Au sein d’un
même acteur, par exemple une famille, à l’intérieur d’un même niveau géographique
par exemple entre deux entreprises locales, enfin avec d’autres niveaux géographiques,
par exemple entre plusieurs pays.
De multiples situations sont possibles, elles peuvent, par exemple dans des rachats
d’entreprises, concerner également des compétitions entre Etats.
« Il n’y a plus d’autres critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la
rentabilité…Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux
exigences systématiques de la machine économique. » écrivait André Gorz.
Au-delà de ces domaines et de ces acteurs on peut se demander si des évènements majeurs
n’ont pas multiplié et accéléré de nombreuses compétitions.
B- Les quatre accélérations des compétitions
L’histoire des compétitions se manifeste surtout à travers quatre évènements majeurs qu’on
retrouve d’ailleurs dans les phénomènes d’accélération du système mondial ( pour cette
réalité voir nos trois articles sur ce blog). Il s’agit des compétitions liées à l’explosion
démographique et à l’urbanisation vertigineuse (1), des compétitions liées à la technoscience
et au marché mondial (2).
On peut dire que les accélérations et les compétitions dans le système productiviste
s’alimentent les unes les autres, marchent côte à côte, s’inclinent les unes vers les autres.
Souvent plus nous accélérons plus nous sommes compétitifs et plus nous sommes
compétitifs plus nous accélérons. Advienne le jour où sera enfin créée une « internationale de
la lenteur » fédérant les ONG de ralentissement du système productiviste ! Ce ne sera pas un
remède miracle mais une avancée importante. (voir rubrique « idées d’actions » sur mon site
« autresordessouffles.fr )
1- L’explosion démographique et l’urbanisation vertigineuse contribuent à des
compétitions
a- L’explosion démographique contribue à des compétitions
Il a fallu 2 millions d’années pour arriver au premier milliard d’habitants en 1800, il a fallu
seulement 210 ans pour avoir une population sept fois plus élevée, sept milliards d’habitants
en 2011.
L’explosion continue, en janvier 2019 il y avait 7,63 milliards d’habitants, en 2050 il y aurait
en principe( ?) de l’ordre de 9,8 milliards d’habitants, elle ralentirait ensuite puisque en 2100
il devrait y avoir (?) 11,2 milliards de terriens.
De façon peut-être plus parlante ? Chaque seconde en 2018 : 4,4 naissances, 1,8 décès, donc
un accroissement de 2,6. Chaque jour approximativement 380.000 naissances, 156.000 décès,
donc un accroissement journalier de 224.000 personnes, (soit l’équivalent de Limoges et de
son agglomération, ou d’un peu moins que la ville de Montpellier), chaque année à peu près
139 millions de naissances, 57 millions de décès, soit un accroissement de 82 millions de
personnes de la population mondiale.
Comment imaginer que le passage d’un milliard d’habitants en 1800 à 7,6 milliards en 2019,
donc près de huit fois plus de terriens en près de 220 ans, soit sans conséquences sur les vies
des êtres humains, des autres acteurs et du vivant en général, cela dans un monde où le droit
du plus fort est bien là, où les exclus sont légions, où certaines ressources deviennent plus
rares, où l’attrait de l’argent est omniprésent, où tensions, rivalités, concurrences, conflits
constituent une large part du quotidien de beaucoup d’acteurs ?
b- L’urbanisation vertigineuse contribue à des compétitions
L’humanité a passé un cap historique en 2007, celui d’un habitant sur deux dans le monde
qui vit en ville.
En 2018 cette part était de 55%, à cette allure en 2050 elle serait de 66%. Cette perspective
est conditionnelle parce qu’il est relativement probable que commenceront ou se
poursuivront des évacuations de mégapoles devenues irrespirables.
Cette urbanisation est vertigineuse, c’est l’un des plus grands événements en profondeur de la
planète.
Il y avait en 2018 plus d’un million de villes dans le monde. Près de 4300 comptent plus de
100.000 habitants, 417 villes comptent entre 1 et 5 millions d’habitants, 43 villes ont de 5 à
10 millions d’habitants, elles seraient 63 en 2030. Enfin gigantismes que ceux des 36
mégapoles de plus de 10 millions d’habitants, ainsi Tokyo avec 38 millions d’habitants
soit autant que la Pologne…
Cette urbanisation s’accompagne de nombreux bidonvilles, un tiers de la population des pays
pauvres survit dans ces bidonvilles, soit de l’ordre d’un milliard de personnes.
Cette explosion urbaine a des conséquences directes sur les compétitions dans la mesure où
elle contribue à créer et multiplier rivalités, tensions, conflits dans ces villes, et d’ailleurs
également aux différents niveaux géographiques, cela par rapport aux productions, aux
consommations, aux transports.
Ces mégapoles sont mega polluantes. Cet environnement dégradé en appelle de plus en plus
aux courses à la survie en eau, en nourriture, en air, en sols. Tout cela à travers encore de
multiples concurrences.
Dans ce monde qui s’urbanise, se mégapolise, se bidonvillise, se fragilise les accélérations
s’accompagnent de rivalités, de compétitions multiples pour vivre ou survivre. La ville est »
le lieu de multiples fractures », il n’est d’ailleurs pas exclu que, dans des logiques
d’évacuations massives de grandes villes, où par exemple l’air deviendrait massivement et
durablement irrespirable, des compétitions entre citadins pour partir deviennent de plus en
plus conflictuelles. Sans oublier l’absence, criminellement responsable, d’un statut
international des déplacés environnementaux qui, sans être un remède miracle, pourrait
cependant apaiser des situations. (Voir sur ce blog les articles relatifs au « Projet de
convention d’un statut international des déplacés environnementaux», projet conçu par les
laboratoires du droit de l’environnement et des droits de l’homme de l’Université de Limoges,
projet considéré à ce jour comme le plus élaboré.) Le courage politique répond le plus souvent
absent à ce jour.
Deux autres évènements majeurs ont contribué et contribuent à multiplier et accélérer des
compétitions.
2- La techno-science et le marché mondial contribuent à des compétitions
a- La techno-science contribue à des compétitions.
Elle se développe lentement entre 1780 et 1850. A partir de 1880 jusqu’à 1914 elle s’accélère
avec l’arrivée de la radio et celle des voitures. Elle va plus vite entre 1914 et 1945, enfin de
1945 à nos jours elle atteint une rapidité incroyable avec l’explosion des médias et de
l’informatique, sa mondialisation est plus ou moins rapide selon les lieux.
Une réalité symbolise cette accélération : entre l’arrivée de la radio à la fin du 19ème et sa
diffusion à 50 millions de personnes il y a eu 40 ans, par contre entre l’arrivée de la connexion
à internet et la connexion à 50 millions de personnes il y a eu 4 ans ! D’autre part le nombre
de terriens ayant un téléphone portable était de l’ordre de 75% fin 2018 : combien de mails
et de sms sont envoyés chaque jour relatifs à des situations de compétitions ? Heureusement
les mails d’amour, d’affection, de fraternité sont également bien présents…
L’exemple des transports est également des plus connus : il y a 150 ans il fallait trois jours
pour aller de Limoges à Paris, aujourd’hui 3 heures, il fallait quinze jours pour aller de
Limoges à Rio, aujourd’hui 7 heures.
Cette accélération de la techno science s’exerce en particulier à travers les compétitions
d’éléments des complexes scientifico-militaro-industriels, plus particulièrement encore dans
une course qualitative aux armements nucléaires de quelques Etats à travers des
modernisations et des remplacements encadrés dans des programmes qui s’étalent sur
plusieurs années voire parfois plusieurs décennies. Le quantitatif est passé de 60.000 ogives
nucléaires à 7000 grâce aux traités de désarmement, la dénonciation de certains de ces traités
en 2019 , peut-être aussi en 2021, n’est pas faite pour apaiser ces compétitions. C’est une
grave erreur de plus de la présidence américaine.
Ces accélérations et beaucoup d’autres se sont déroulées et se déroulent à travers de multiples
compétitions entre des centres de recherches, des industries, des entreprises de commerce, des
régions, des villes, des pays et bien sûr des personnes…
b- Le marché mondial contribue à des compétitions.
Il s’est accéléré avec les compétitions qui l’accompagnent. En premier lieu les firmes
multinationales se sont internationalisées à partir des années 1960, la production a été plus
rapidement disponible, la consommation a été portée très vite par la publicité, une course aux
quantités les a accompagnées. Le marché a imposé sa rapidité, ainsi les « flux tendus » sont
un des symboles de cette accélération économique, de même la flexibilité, et dans l’espace et
dans le temps, qui est synonyme d’adaptation de l’être humain au marché « Etre ou ne pas
être flexible ! » nous dit souvent le marché.
En second lieu la militarisation d’une partie de la science et de l’industrie a participé et
participe à cette accélération-compétition, les armes sont de plus en plus mobiles, rapides et
puissantes. Des Etats sont en première ligne, sans oublier, dans une mesure qui n’est certes
pas comparable en puissance, les marchands d’armes privés.
Les compétitions sur le marché des ventes d’armes sont parmi les plus effrénées. Un célèbre
dessin de Plantu montrait des responsables de gouvernements français qui se succédaient et
participaient aux ventes d’armes, le dessin était sous-titré « Ils sont en pleine accoutumance !
Ils ne peuvent plus s’en passer ! »
En troisième lieu la financiarisation a été un des moteurs de cette accélération et de cette
compétition. Après la fin de la convertibilité du dollar en or décidée par les Etats-Unis le 15
août 1971(date capitale), la spéculation sur les monnaies est devenue plus forte, il y a eu
une montée du système bancaire et des marchés boursiers(suivis au jour le jour par nombre
de medias), le domaine financier s’est plus ou moins séparé de l’économie avec des logiques
spécifiques de fructification des patrimoines, les spéculateurs ont voulu gagner de plus en plus
d’argent de plus en plus vite et, comble du comble, les marchés financiers fonctionnent
aujourd’hui à la seconde ou à la nanoseconde. Les compétitions sont d’une rapidité
impressionnante.
Certains insistent sur le fait que ces marchés « ne supportent pas le temps démocratique qui
ne va pas assez vite » (voir par exemple Patrick Viveret, entretien Mediapart, du 19-11-2011.)
Ainsi « 70% des transactions aux Etats-Unis et 50% en Europe sont réalisés par des
automates. » Lorsque l’on affirme, selon l’expression consacrée, qu’il faut « rassurer les
marchés », il serait plus proche de la vérité de dire qu’il faut « rassurer ces automates ».On
retrouve bien sûr ici la réalité de la technique qui nous échappe et qui devient autonome,
réalité très présente en particulier dans l’oeuvre de Jacques Ellul (voir par exemple « Le
système technicien », Calmann-Lévy, 1977).Les logiques de certaines techniques sont
claires : rapidité et compétition.
Ce panorama n’est certes pas exhaustif mais il montre l’ampleur de multiples formes des
compétitions. Quels sont donc leurs effets ?
II- Les effets des compétitions
Si l’on sait que les formes des compétitions sont nombreuses et omniprésentes on n’a par
contre, presque toujours, qu’une idée partielle des effets des compétitions.
Pour ce qui est du positif le plus souvent on affirme simplement que « l’esprit de compétition
est là pour se dépasser », cela dans le respect de l’adversaire, en particulier dans le sport.
D’autres insistent sur la concurrence économique industrielle et commerciale « saine et
nécessaire.»
Pour ce qui est du négatif on affirme simplement que « se retrouver dans les perdants est
difficile, injuste et quelquefois dramatique. » On affirme aussi et surtout que la compétition
est de « plus en plus dure » entre personnes, entreprises, pays. C’est là un sentiment profond
largement partagé
On s’en tient à ces réactions partielles, rejoignant un grand nombre de vécus mais loin d’une
analyse globale.
En fait il faut oser regarder, voir et prendre conscience de l’ensemble des situations, celles
des effets positifs (A), celles des effets négatifs (B), cela en faisant le lien avec un
emballement des formes de compétitions que nous venons de constater. Une vérité sautera
alors peut-être aux yeux pourvu qu’on les ouvre…
A- Les effets positifs relativement nombreux de différentes compétitions
Distinguons l’économique, le politique (1) et d’ autres domaines. (2)
1-Les effets positifs des compétitions sur l’économie et la politique
a- Du point de vue de l’économie la compétition peut être vue comme un outil porteur
important.
Ainsi la concurrence n’a-t-elle pas contribué, affirment certains, à encourager l’innovation
technologique, à exploiter les ressources naturelles, à accroitre la productivité ? La
concurrence n’a-t-elle pas contribué à faire baisser des prix, à améliorer la qualité de produits
?
N’est-ce pas grâce à cette stimulation entre entreprises et entre pays que l’économie a pu
répondre à la satisfaction de besoins personnels et collectifs ?
Mais le positif est souvent accompagné de négatif. Ainsi l’exemple de compétitions entre
laboratoires pharmaceutiques est significatif voire criant. Certes elles s’avèrent positives si
elles ont contribué à trouver un médicament efficace contre une maladie mais d’abord des
recherches peuvent avoir été mises de côté ou retardées parce que considérées comme non
rentables. Ensuite l’accès aux médicaments fait l’objet de multiples scandales, les inégalités
sont légions autour là aussi de la rentabilité et des compétitions.
D’aucuns parleront parfois de « belle compétition », nom d’ une charte des métiers du conseil
en communication qui veut aller dans ce sens en incitant des agences et des annonceurs à «
témoigner de leur engagement à mener des compétitions à la fois transparentes, responsables
et sincères. » Des critères sont proposés pour servir de guides afin de mettre en oeuvre des
« pratiques de plus en plus vertueuses. »
b- Du point de vue de la politique les compétitions entre partis politiques, entre
programmes politiques, avant pendant et après les élections, ne poussent-elles pas à
l’imagination, à de nouveaux projets, à l’arrivée de nouveaux candidats ? Il est vrai que l’on
s’interrogera en se demandant « pour quelle politique ces projets, ces nouveaux candidats »?
Il n’en reste pas moins que, par exemple, les comparaisons entre pays peuvent être porteuses,
cela si l’on va dans le sens de solutions plus justes, plus démocratiques, plus écologiques,
plus pacifiques. Les compétitions ont leur part dans ces avancées lorsque, par exemple à
travers le droit comparé entre pays, on arrive à progresser dans tel ou tel domaine.
Des sommets des chefs d’Etat, des décisions dans des organisations internationales et
régionales se déroulent souvent dans des rivalités, des tensions, des concurrences qui ne sont
pas toujours nuisibles et peuvent aller dans le sens de solutions porteuses. Le mimétisme entre
les Etats n’est pas toujours négatif, il peut être parfois porteurs d’heureuses solutions.
N’oublions pas, enfin, qu’il arrive que l’absence de concurrence soit très dommageable voire
dramatique , l’exemple est ici essentiel. Ainsi la démocratie est un régime qui accepte la
concurrence officielle et organisée entre des oligarchies qui, sous la forme de partis politiques,
se disputent le pouvoir.
Les régimes qui refusent cette concurrence officielle sont autoritaires, il s’agit des régimes
fondés sur le parti unique, par exemple en Chine aujourd’hui, ou de régimes fondés sur
l’armée, par exemple dans certains pays africains et américains. Ceci ne veut d’ailleurs pas
dire que des rivalités n’existent pas au sein d’un parti unique ou d’une armée au pouvoir.
2-Les effets positifs des compétitions dans différents domaines d’activités
Dans d’autres domaines la compétition n’a-t-elle pas des aspects positifs ?
a- Dans des parcours scolaires et universitaires ne veut-on pas développer concentration,
mémoire, organisation, ténacité, courage au travail ? Tout cela, affirme-t-on, pour « faire
partie des meilleurs», pour « montrer sa valeur », pour « arriver » dans le « peloton de tête »,
dans « les premiers de cordée. »
b- La compétition ne contribue-t-elle pas également à la créativité culturelle, à la
créativité artistique ? Ainsi les compétitions entre pays, régions, villes, troupes, entreprises,
festivals ne stimulent-elles pas de nouvelles créations musicales, cinématographiques,
théâtrales, littéraires…
c- Et que dire du sport ? La compétition n’est-elle pas l’occasion de développer la
confiance en soi, le sentiment de se dépasser ? L’appartenance à une équipe qui participe à
des compétitions n’est-elle pas une forme d’apprentissage de la responsabilité, du sens du
collectif ? Le respect de l’adversaire n’est-il pas une forme du sens de l’autre ? La
compétition sportive n’éloigne-elle pas de certaines formes de violence en les fuyant et en
apprenant le respect des règles, des adversaires, des arbitres ? Au mot sport on associe
souvent l’amitié, la fraternité, la loyauté. On loue l’esprit sportif et l’idéal olympique.
On trouverait d’autres domaines pouvant faire valoir ces aspects positifs.
Et pourtant ne faut-il pas analyser , cela sans concessions, les effets négatifs des
compétitions ? De nombreux observateurs, décideurs et citoyens ne les sous-estiment-ils pas ?
B- Les effets négatifs gravissimes de nombreuses compétitions
Ces effets ont-ils globalement plus de poids que ceux que nous venons de souligner ?
Certains domaines n’ont-ils pas un poids plus grand que d’autres ?
Au-delà de certains effets négatifs dommageables, regrettables n’y a-t-il pas des effets
négatifs inacceptables, dramatiques ? Et, au-delà encore, des effets qui contribuent à menacer
l’ensemble du vivant ?
Il n’est pas question de faire de la compétition « La » cause de tous les malheurs du monde,
nous avons vu que les logiques profondes du productivisme sont au nombre d’une douzaine.
Mais il est question de se demander si ces logiques de compétitions jouent un rôle dans ce qui
est devenu un système terricide et humanicide.
Nous proposerons d’examiner les effets négatifs des compétitions dans les grands domaines
des activités humaines, l’environnement (donc la débâcle écologique) (1), la paix (donc les
guerres et d’autres violences) ( 2 ), la justice (donc les injustices) (3), la démocratie (donc les
régimes autoritaires) (4).
1- Des compétitions participent à la débâcle écologique
Elles le font à travers une croissance productiviste, une croissance qui achète la nature, et
elles le font à travers une croissance démographique.
a- Des compétitions poussent à une croissance productiviste
En matière d’énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) celles-ci ne font-elles pas l’objet de
compétitions cela entre types d’énergies, entre entreprises productives, entre pays
producteurs ?
En matière d’énergie nucléaire les compétitions avec d’autres énergies, les compétitions entre
pays nucléaires et entreprises nucléaires ne sont-elles pas toujours en marche à travers les
générations de centrales, les rivalités quant à la production et l’exploitation, les grandes
difficultés ou l’impossibilité d’établir une cloison « étanche » entre le nucléaire civil et
militaire ?
En matière de production, de consommation, de transports c’est l’accès concurrentiel aux
sociétés de consommation, cela de classes aisées et moyennes dans les pays du Nord de la
planète et dans les pays émergents. Les compétitions se sont multipliées pour acquérir par
exemple la voiture individuelle, un des symboles emblématiques de cette consommation,
ainsi que de nombreux biens matériels.
Quant au libre échange tout puissant il est porteur d’au moins quatre séries d’effets très
graves.
D’abord il met de côté dans des traités de commerce des clauses sanitaires et
environnementales ou il les réduit au minimum par des dérogations explicites ou masquées.
Ensuite il favorise les circuits longs au détriment des productions locales et de
l’environnement.
Puis encore il met en compétition des acteurs technologiques et économiques qui n’ont pas
les mêmes moyens, les inégalités sont produites ou aggravées.
Enfin de nombreuses ressources sont prélevées à l’étranger par les consommateurs et
producteurs les plus puissants.
Dans ces compétitions l’appel d’offres peut jouer un rôle important, cette procédure est celle
par laquelle un acheteur potentiel demande à différents offreurs de faire une proposition
commerciale chiffrée, cela en réponse à la formulation de son besoin de produit, de service ou
de prestation. La présence ou non par exemple de clauses environnementales dans ce cahier
des charges est importante et le prix du marché a souvent le dernier mot.
Contribuant à cette compétition productiviste la publicité est omniprésente. Le plus souvent il
s’agit de mise en concurrence d’agences de communication par un annonceur qui confie un
budget publicitaire à une agence conseil.
b- Des compétitions contribuent à pousser à l’achat de la nature pour préserver les taux
de profit
On comprend alors mieux les enjeux pour le productivisme et ses logiques. De façon plus
globale le productivisme met ici en oeuvre au moins quatre stratégies pour préserver ses taux
de profit.
La première voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de
ressources « déjà trouvées » dans la nature. Autrement dit il s’agit d’exploiter le plus
possible les ressources existantes, c’est la course aux quantités des gisements en route ou en
bout de course.
Ce que le productivisme a emballé il l’achète et il le vend jusqu’à extinction des
stocks.
La seconde voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de
ressources « à trouver » dans la nature.
Autrement dit il s’agit d’en découvrir de nouvelles, ainsi le gaz de schiste(avec de puissantes
pressions de la course en avant des consommations d’énergie, d’industriels qui multiplient
rapidement les forages par des moyens écologiquement inacceptables avec sous-estimation
des effets écologiques dans les eaux, le sol, le sous-sol ), les richesses minérales aux pôles et
d’abord en Arctique, mais aussi des recherches de nappes phréatiques, des « terres rares », de
gisements de pétrole offshore
Ce que le productivisme découvre il le touche, il l’emballe, puis il le vend et l’achète.
La troisième voie utilisée par le productivisme est un marché tous azimuts des « services »
de la nature.
Autrement dit on met en place des services que l’on va échanger avec le plus de profit
possible. Ce processus fait dire à des économistes critiques (ainsi Jean Gadrey , « Adieu à la
croissance », éditions Alternatives économiques,2010) que « le capital financier veut
découper la nature en services monnayables, puis en marchés dérivés pour qu’on
puisse spéculer sur ces cours nouveaux ».
Ce que le productivisme, en affirmant faire oeuvre de protection, déclare « services » il
va le découper et le monnayer.
La quatrième voie utilisée par le productivisme est une « artificialisation » tous azimuts de
la nature.
Autrement dit des entreprises, surtout des firmes multinationales, se sont lancées dans les
productions d’organismes génétiquement modifiés, de biotechnologies, de nanotechnologies,
d’utilisations de plantes en carburants, de nouveaux marchés rentables liés au bio mimétisme
de la nature, et de plus en plus de projets de géo-ingénierie climatique…
Ce que le productivisme commence à voir il va essayer de le modifier, de le
transformer, puis il le vend et l’achète.
Ainsi à grande allure sous de multiples formes la pente est prise : tout vaut tant.
c- Des compétitions poussent à la croissance démographique
Le productivisme a ici deux discours et deux pratiques qui vont dans le sens des
compétitions..
Il affirme qu’il faut être puissant et qu’une population nombreuse est un atout dans la
compétition militaire et économique.
A contrario il fabrique l’image de l’adversaire ou de l’ennemi en dénonçant les risques
d’autres populations importantes, en particulier quant aux migrants et aux déplacés
environnementaux considérés comme de nouvelles classes dangereuses. Les agressivités, les
racismes, les discriminations, les exclusions sont légions, tout cela sur fond de concurrences
de populations et d’Etats.
En fait on constate qu’une population nombreuse peut être un poids pour l’économie et
l’environnement. Tout dépend du type de développement. Est-ce qu’il est productiviste ou
bien porteur de luttes pour le partage des richesses et contre la débâcle écologique ?
D’autre part les coopérations interétatiques et les accueils bien organisés de réfugiés ne
peuvent-ils pas contribuer à des solidarités et donc éloigner la fabrication d’adversaires ou
d’ennemis ?
On constate aussi que « le meilleur anticonceptionnel c’est le développement », c’était le
slogan des pays du Sud dans une conférence mondiale sur la population. Quand on sort de la
pauvreté on a en principe moins d’enfants.
Il faudrait également mettre en oeuvre des politiques de ralentissement de la croissance
démographique beaucoup plus volontaires puisqu’en 2050, si tout continuait comme cela, il y
aurait de l’ordre de 9,8 milliards de terriens.
Le productivisme y voit avant tout de nouveaux marchés. Peu importe l’empreinte
écologique. On peut même, affirment certains (pauvres fous inconscients !), toujours, oui
toujours, réparer les destructions environnementales. Ainsi la géo ingénierie mettra la Terre à
l’ombre, des projets gigantesques sont déjà en compétition. Vieille illusion du mythe
prométhéen, celui d’un pouvoir sans limites.
2-Des compétitions poussent à la guerre et à d’autres violences
a- En premier lieu on constate d’abord que le productivisme, pour maintenir ses taux de
profit, a besoin de renouveler ses stocks d’armements. Les compétitions de la course aux
armements conduisent à au moins sept effets majeurs catastrophiques :
Elles sont l’un des moyens massifs de la production de conflits armés.
Elles constituent une des logiques infernales du productivisme.
Elles contribuent à fabriquer l’image de l’ennemi que l’on doit surpasser en armements.
Elles contribuent à allumer des poudrières.
Elles portent atteinte, dans leur production et leur utilisation, aux populations et à
l’environnement.
Elles accroissent l’insécurité ce qui en appelle à de nouveaux armements et de nouvelles
compétitions.
Elles monopolisent des sommes colossales qui devraient être consacrées à des besoins criants.
Ce dernier point est un des plus grands linceuls de silence qui est posé sur ces comparaisons,
silence rompu seulement par quelques mouvements radicaux de paix radicale. Là il y a peu
de concurrence pour dénoncer ces formes de situations terrifiantes. Le prix des
bombardiers représente combien d’hôpitaux ? (Dans mes ouvrages « Construire la paix » ,
Editions La Chronique sociale,1988, j’avais rappelé ce type de comparaisons que l’on trouve
dans des revues de réflexions sur la paix).
b- En second lieu les logiques de guerre se diffusent et se répandent dans nombre
d’activités. La compétition est alors perçue comme un élément essentiel de l’existence, les
guerres sont plus ou moins banalisées, elles sont perçues comme des malheurs qu’on ne peut
éviter.
Reprenons ce passage de l’article sur « l’Evangile de la compétitivité » déjà cité :
« L’idéologie de la compétitivité renforce, en y apportant quelques éléments nouveaux, la
primauté de la logique de guerre dans les relations entre les entreprises, les opérateurs
économiques, les villes, les Etats. La vision de l’économie mondiale qu’elle véhicule est en
effet très réductrice : les entreprises ne sont que des armées s’affrontant pour la conquête des
marchés et la défense des positions acquises. Leurs dirigeants sont décrits comme des
généraux, des stratèges. Tous les moyens sont bons dans ce combat : recherche et
développement, les brevets, les aides de l’Etat, la spéculation financière, le dumping des prix,
la délocalisation des unités de production, les fusions, les acquisitions. La logique de guerre
s’empare même de la logique de partenariat : la coopération, un atout pour la compétitivité :
voilà le sens de la nouvelle vague d’alliances et d’accords « stratégiques » entre entreprises
européennes, japonaises et américaines qui est en train de bouleverser les processus
d’internationalisation et de mondialisation des entreprises et des économies, l’organisation
interne des entreprises et les rapports entre entreprises-réseaux mondiaux et Etats « locaux » .
Dans ce climat belliqueux, la pression exercée sur le personnel est énorme : chaque cadre – au
prix d’un stress considérable – lutte pour sa survie, subordonnée à la réalisation du chiffre
d’affaires ou du taux de profit que l’entreprise a fixés. » On ne saurait mieux dire.
Ce productivisme des activités humaines fondé en particulier sur les compétitions est dans
l’incapacité de contribuer à la paix qu’elle soit collective ou personnelle. Sur ce dernier point
par exemple une certaine sérénité, à laquelle aspirent beaucoup de personnes est le contraire
d’une compétition synonymes de tensions et d’agressivités.
c- En troisième lieu les compétitions sont une des causes de multiples violences en
particulier dans le travail et dans le sport.
Dans le travail ici et là sont toujours présents et souvent dramatiques les accidents du
travail , il est fréquent que les performances demandées en soient à l’origine .
D’autre part se sont multipliés des harcèlements, des dépressions, des stress, des
absentéismes, des épuisements physiques émotionnels et mentaux ( burn out), des suicides,
tout cela le plus souvent au nom de la compétitivité qu’il faut conquérir ou préserver à tout
prix.
Sans aller jusqu’à ces situations difficiles ou dramatiques, rappelons-nous que depuis
longtemps des cadres réalisent que leur compétitivité, toujours à démontrer et à renouveler,
n’est pas synonyme de bonheur, que des élites sortant de grandes écoles déclaraient qu’une de
leurs premières aspirations étaient « d’avoir du temps pour vivre », le journal Le Monde avait
alors titré « Nos élites sont fatiguées ! »
Dans le sport nous avons souligné les effets positifs nombreux, on ne peut cependant fermer
les yeux sur une partie du sport qui bascule dans des compétitions effrénées. Certains vont
même jusqu’à parler de « guerres sans les coups de feu. » Ainsi, parfois, ces compétitions
sont accompagnées par des agressivités, des dopages, des sportifs cassés, des préparations
inhumaines des corps et des esprits.
Ne sont pas rares des attitudes machistes, homophobes, nationalistes, racistes. A cela
s’ajoutent certains spectateurs qui se transforment en hooligans. Sans oublier des dirigeants
et des journalistes qui peuvent entrer en guerre des mots et des réactions. (Voir Le sport, la
compétition, la violence, Revue Alternatives Non Violentes, Hiver 1998 , Michel Caillat ).
3- Des compétitions contribuent à produire des injustices.
Avec les effets écologiques c’est très certainement l’un des effets les plus dramatiques.
« Malheur aux faibles et aux exclus » sous-titrait Riccardo Petrella dans son article lumineux
sur « L’Evangile de la compétitivité, malheurs aux faibles et aux exclus » ( Le Monde
diplomatique, septembre 1991.)
Reprenons le développement de l’article plus haut cité sur ce point dramatique et
essentiel :
a- « La « bonne nouvelle » de la compétitivité, élevée au rang d’une idéologie, n’est
bonne que pour une infime portion de la population mondiale. Pour le reste, ses
conséquences sont pernicieuses et ses méfaits considérables. En premier lieu, elle
sacralise – par la seule « vérité » marchande – le principe d’exclusion. »
« Tout le monde est invité au repas, mais seuls une petite poignée d’individus, de groupes, de
régions ou de pays – ceux capables d’acquérir la grâce en étant plus compétitifs que les autres
– auront effectivement et légitimement accès à la table. Ironie de « la force des choses » : plus
la compétitivité augmente l’exclusion, en réduisant le nombre d’acteurs présents sur les
marchés, et plus ces marchés perdent leur caractère concurrentiel, c’est-à-dire empêchent la
compétitivité d’être une modalité de comportement possible des agents économiques. »
b- « L’exclusion ne se limite pas aux entreprises : elle frappe, de manière plus
fondamentale, la personne humaine, les groupes sociaux. Elle affecte aussi des pays
entiers, voire des continents (comme l’Afrique) : soit parce qu’ils ne représentent pas de gros
marchés, soit parce qu’ils ne seraient plus « culturellement » capables de suivre le
mouvement. La compétitivité socialise ainsi le fait que la vérité est du côté du plus fort sur les
plans technologique, industriel et commercial. »
« En conférant une primauté absolue à l’excellence, elle légitime le maintien d’inégalités
structurelles entre individus, groupes sociaux, régions, pays .
L’idée que le décrochage entre les pays développés du Nord (et les quelques îlots du Nord
existant dans le Sud) et le reste du monde est inévitable se trouve ainsi justifiée. » On ne
saurait mieux dire.
4-Des compétitions contribuent à des crises démocratiques
Ce processus se manifeste de plusieurs façons.
a- D’abord les compétitions contribuent à saper les fondements des démocraties en
multipliant et en aggravants les inégalités. En effet des exclus, ne voyant pas leurs
situations changer, peuvent contribuer à favoriser l’avènement de régimes autoritaires qui,
croient-ils, vont leur donner de nouvelles conditions de vie.
b- Ensuite les compétitions peuvent aggraver des relations entre Etats ce qui peut durcir
des régimes politiques. En effet des pays voudront avoir d’autres moyens plus agressifs d’y
répondre et, pour ce faire, seront tentés par des pentes autoritaires.
Tels sont les effets des compétitions. On le voit aux aspects positifs, qui certes existent et sont
relativement nombreux, on ne peut que constater un nombre important lui aussi d’effets
négatifs mais, surtout et avant tout, le poids de certains effets , selon les cas,
problématiques, dramatiques ou menaçants.
Nous arrivons à une des parties de notre réflexion qui se veut les plus intéressantes.
Les compétitions sont-elles indépassables ou sont-elles modifiables ?
Quelles sont donc les origines de ces compétitions ?
III-Les origines des compétitions
Ce que ressent et pense souvent « le sens commun » par rapport aux origines des
compétitions nous servira de point de départ(A).
Par « sens commun » nous entendons des opinions sur ce que l’on croit être du « bon sens »
et qu’il convient alors plus ou moins d’approuver. Ces réflexions manquent parfois (voire
souvent ?) de nuances, de doutes, d’interrogations, d’épaisseur que l’on retrouve par contre
dans nombre d’analyses qui suivront dans les deux développements suivants.
En effet nous examinerons ensuite les principales analyses extra historiques des origines des
violences (B)
Nous en arriverons enfin et surtout aux principales analyses historiques des origines des
violences (C).
Dans ces deux séries d’analyses on insistera sur de multiples liens entre les analyses des
causes des violences et celles des origines des compétitions. Cela est peu étonnant,
pourquoi ?
Parce que le sens commun lui-même s’exprime souvent en dénonçant des compétitions
comme violentes et en affirmant qu’on est obligé d’en « passer par là. », « qu’il n’y a pas le
choix », qu’on est « gagnant ou perdant ».
Parce qu’aussi beaucoup d’analyses considèrent que les compétitions sont des
phénomènes qui se retrouvent dans nombre de violences, elles sont à la fois causées et
causantes.
Des acteurs économiques affirment même quelquefois « qu’il faut tuer ou être tué.»
D’une certaine façon le productivisme n’a-t-il pas peuplé le monde d’une multitude de
soldats des compétitions ?
Pour mémoire en 1859 il y avait un chant de guerre dédié à l’Armée d’Italie dont la fin du
refrain était « Soldats, il faut vaincre ou mourir ! » Economiquement, et sur d’autres plans, de
nombreux habitants de notre planète ne vivent-ils pas ces situations ?
A-Les opinions du sens commun sur les origines des compétitions
On trouve ici une opposition fondamentale.
Il y a ceux et celles qui pensent que la compétition est naturelle, qu’elle est saine, bonne,
nécessaire, et que, même si elle est ici ou là regrettable ou cruelle, il faut être dans les
gagnants. De toute façon on n’a pas le choix, les compétitions sont des phénomènes naturels,
indépassables. (1)
Il y a ceux et celles (dont les rangs grossissent sous le poids des injustices) qui pensent, sans
toujours l’exprimer aussi explicitement, que les compétitions sont des produits de l’histoire,
qu’elles sont liées aux périodes et aux sociétés, que de nos jours leurs effets sont devenus
parfois ou souvent insupportables, que les injustices sont de plus en plus criantes sous le règne
tout-puissant de l’argent roi. Si les compétitions sont des phénomènes historiques alors
n’existe pas la fatalité de leurs répétitions, de leurs aggravations, de leurs multiplications.
Elles sont dépassables , modifiables.(2).
1-Les compétitions sont naturelles, liées au vivant, à la nature humaine, elles sont
indépassables
a- Les compétitions humaines ne sont que le reflet des compétitions de l’ensemble du
vivant
Comme les espèces animales et végétales nous luttons pour la vie et la survie. La reproduction
des espèces donne lieu à des compétitions au profit des plus forts .On cite ici le plus souvent
l’oeuvre de Darwin « L’origine des espèces » (1859). L’auteur étudie les mécanismes de
sélection naturelle qui aboutissent à la création de nouvelles espèces dans la nature, tout cela
à travers la théorie de l’évolution.
Cette compétition n’existe pas seulement chez les animaux mais aussi chez les plantes qui, par
exemple, pour attirer un insecte peuvent devenir plus attirantes que d’autres plantes voisines.
Elles peuvent aussi leur enlever de l’air, de la place, des éléments nutritifs.
Une compétition féroce commence d’ailleurs dès le début de la vie, celle par exemple du
spermatozoïde vainqueur arrivant en tête de plusieurs millions d’autres. Il a ainsi prouvé,
pensent certains, qu’il était le plus apte à survivre.
b- Les compétitions sont liées à la nature humaine.
Il y en a qui citent avant tout autre argument cette pensée célèbre « l’homme est un loup pour
l’homme », nous y reviendrons dans les écrits de certains auteurs.
L’esprit compétitif est naturel dit-on alors, il fait partie de nos gènes, il est lié à la condition
humaine.
Un argument souvent avancé consiste à dire que des enfants, par exemple dans des cours
d’écoles, sont parfois agressifs, mais surtout que beaucoup entrent en compétition pour
posséder un jouet, arriver en tête d’une course, montrer qui est le plus fort, le plus rapide,
devenir le chef face à d’éventuels rivaux. Voilà, dit-on, tout cela est naturel, ces enfants ne
l’ont appris nulle part, c’est inné.
Un internaute s’exprime ainsi dans un article :
« Je crois que la compétition est inhérente à la condition humaine. J’ai cherché à définir, à
cerner les sentiments qui s’expriment dans la compétition : L’envie de se montrer aussi
capable que l’autre. Le besoin de se prouver à soi-même qu’on peut faire une chose, voire,
pourquoi pas , se dépasser. L’envie parfois d’être au-dessus des autres, par orgueil, par vanité,
par gloriole. L’envie de s’élever dans la société ; pour soi, pour le regard des autres, pour
l’honneur, la fierté. L’envie, le désir d’avoir une meilleure situation financière, pour soi, pour
les siens, pour l’avenir. »
« Ou, tout simplement un réflexe naturel, presque génétique chez certaines personnes, de
ceux que vous voyez se précipiter vers le péage le moins chargé pour gagner trente secondes
de trajet, (c’est plus fort qu’eux !) ».
Mais la réflexion continue ainsi et souligne le fait que… cela dépend des personnes
« Il y a des personnes qui n’ont pas l’esprit de compétition. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de
proposer à des personnes la possibilité d’évoluer vers un poste à responsabilité, parfois ces
derniers ne voulaient pas changer leur travail habituel. En fait, si tout le monde voulait être
chef « la compétition serait terrible ». « Il ne suffit pas d’être compétiteur, encore faut-il avoir
des capacités. Encore faut-il que le milieu de votre activité vous offre la possibilité de prouver
vos aptitudes, et cela dépend aussi parfois du niveau des concurrents. »
A noter que, dans ce raisonnement, l’on est passé de la compétition liée à la nature humaine à
la compétition liée au milieu, autrement dit de l’inné à l’acquis.
c- Les compétitions sont donc indépassables
Pourquoi ? Pour deux raisons pensent les tenants de ces opinions.
D’abord parce que, nous venons de le souligner, les compétitions sont intrinsèquement liées à
la condition du vivant et à la nature humaine.
Ensuite parce qu’il n’y a pas eu, il n’y a pas, il n’y aura pas de sociétés sans compétitions.
D’ailleurs, ajoute-t-on parfois, une société sans compétition serait-elle souhaitable ? Elle
risquerait de s’écrouler ou alors elle n’évoluerait plus, ses habitants seraient démotivés,
amorphes, répétant qu’ils n’ont plus aucune envie d’avancer, de se battre, de progresser.
D’autres pensent que les compétitions ne sont pas naturelles mais qu’elles sont historiques.
2-Les compétitions sont des produits historiques variables, elles sont dépassables ,
modifiables
Les arguments relatifs au vivant sont discutables parce que les animaux ont des solidarités.
Même les plantes peuvent être en empathie. Dans « La vie sociale des plantes » (Fayard,
1984) Jean-Marie Pelt montrait que certes « des plantes déploient pour se faire la guerre les
stratégies les plus sophistiquées de la guerre moderne , mais qu’elles développent aussi
d’émouvantes formes de solidarité, allant jusqu’à l’amour le plus exclusif et le plus pur. »
Quant à l’argument relatif à la nature humaine l’inné est une chose mais, dit-on, il y a
toujours une part plus ou moins large d’acquis et, dans une moindre mesure, une part d’inné.
C’est ce que nous verrons dans de nombreuses théories ci-dessous (C).
a- Les compétitions sont des produits historiques
Les raisonnements sont ici généralement plus développés parce qu’il convient de s’en référer
à plusieurs périodes historiques.
Les compétitions varient selon les époques, les territoires, les domaines, les acteurs. Elles
peuvent être faibles, importantes, ou omniprésentes.
On connait les grandes périodes : la préhistoire (7 millions, l’apparition des hommes à 3200
l’invention de l’écriture), l’Antiquité (3200 à 476 la chute de l’empire romain), le Moyen Age
(476 à 1492 la découverte de l’Amérique), les Temps modernes (1492 à 1789 la Révolution
française), l’Epoque contemporaine (1789 à nos jours). Pour chacune on pourrait résumer les
compétitions les plus importantes.
Nous nous contenterons d’en souligner deux, cela dans la préhistoire, puis à grands traits
celles du système productiviste du XVè (fin du Moyen Age) à nos jours.
Dans les périodes préhistoriques au moins deux questions sont ouvertes, la première relative à
la compétition en général, la seconde relative aux dominations des hommes sur les femmes.
Certains pensent que lorsque nos lointains ancêtres se déplaçaient, en particulier à travers la
chasse, les solidarités étaient plus fortes. L’arrêt de ces déplacements pour créer les premiers
villages aurait été à l’origine des compétitions. On peut douter de cette hypothèse dans la
mesure où la chasse devait avoir ses compétitions. L’hypothèse de la rareté serait plus
vraisemblable, on entre en compétition pour survivre en trouvant ou en s’emparant de la
nourriture du voisin.
Une des causes les plus anciennes de la domination des hommes sur les femmes repose, elle,
sur une hypothèse très vraisemblable.
C’est la vitesse, soeur de la compétition, qui est incriminée. Nos ancêtres femmes se
déplaçaient moins rapidement que les hommes pour deux raisons : elles portaient souvent
l’enfant sur le dos et étaient donc moins mobiles, et lorsqu’elles étaient enceintes leurs
déplacements étaient plus lents et plus rares. Autrement dit la vitesse et les compétitions sont
une des causes des dominations, cette vitesse qui va donc de Lucy, il y a trois millions
d’années, jusqu’aux personnes qualifiées de « lentes » aujourd’hui face aux personnes
« rapides » familiarisées avec l’ordinateur. Les lentes peu à peu hors compétition( ?), les
rapides restant dans la course( ?).
Quant à l’histoire du système productiviste elle a traversé quatre étapes qui témoignent entre
autres de multiples compétitions.
Le marché des marchands (XVème et XVIème siècles) est aux origines du colonialisme.
Des marchands de Londres, Venise, Amsterdam en compétition redistribuent en Europe des
marchandises précieuses ramenées d’Afrique et d’Asie. Ils ont peu à peu un monopole, c’est
une des premières formes de la division internationale du travail qui s’organise, cela avec des
dominants et des dominés, les compétitions sont là une fois de plus.
Le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860) se manifeste par le passage
de l’atelier à la fabrique industrielle, donc des structures économiques qui changent à travers
des compétitions.
Le marché des monopoles (1850-1914) fait apparaître des entreprises plus importantes qui
absorbent de plus petites à la suite des concurrences, des crises, des guerres. Ainsi les
monopoles sont les fils en particulier des compétitions.
Enfin le marché mondial contemporain (1914 à nos jours), il repose sur les firmes géantes,
les marchés financiers, la techno-science, les complexes médiatiques, les Etats très inégaux,
les organisations internationales et régionales, les organisations non-gouvernementales, sans
oublier une urbanisation vertigineuse du monde. C’est à l’intérieur de ce marché mondial
que vivent, survivent et meurent les acteurs humains (personnes, peuples, générations de
l’humanité).
Les deux guerres mondiales, gigantesquement meurtrières, correspondent, entre autres, à des
compétitions entre Etats et aussi entre industries d’armements.
Quant à la guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique elle est synonyme de
rivalités dans la course aux armements, dans les dominations sur des pays du « tiers-monde »,
dans l’affrontement idéologique.
Depuis 1945 et surtout depuis les années 1960 la mondialisation s’accélère à travers de
nombreuses rivalités, nous les avons rencontrées dans la première partie relative aux formes
des compétitions.
De nos jours la compétition économique à travers la mondialisation n’est plus seulement un
mode de fonctionnement du marché. Les compétitions deviennent une large partie des vies
collectives et personnelles. Stimulées le plus souvent par des gains financiers elles se
transforment en fins suprêmes.
« Etre ou ne pas être compétitifs », telle est la question.
Jacques Le Goff, historien médiéviste, affirmait que dans chaque mondialisation il y a des
gagnants et des perdants. « La mondialisation appelle en général, à plus ou moins long terme,
la révolte de ceux pour qui elle devient non plus un bienfait mais une exploitation et même
une expulsion. » (voir article Le Monde du 5-5-2006, « Heurs et malheurs des
mondialisations. »)
b- Les compétitions sont très variables
Ces variabilités concernent leurs formes, leurs nombres, leurs intensités, leurs acteurs, tout
cela selon les sociétés. Ces éléments de variabilité montrent, eux aussi, que les compétitions
ne sont pas immuables, qu’elles changent dans les temps et les lieux sous de multiples
aspects.
Deux exemples criants : avant 1950 qui aurait dit qu’existeraient des géants du Web, ces
géants du numérique se livrant des combats gigantesques, géants quelquefois plus puissants
que des Etats ? Avant 1950, à l’exception d’écrivains de science fiction, qui aurait dit
qu’entreraient en compétition des techniques réalisant des machines plus ou moins capables
de simuler l’intelligence humaine ?
c- Les compétitions sont donc modifiables
Si les compétitions relèvent des acquis, autrement dit des environnements historiques, alors
les composantes matérielles, économiques, éducatives, culturelles, psychologiques, et d’autres
encore peuvent être plus ou moins remises en cause.
La composante qu’est par exemple la consommation alimentaire, synonyme de concurrence
généralisée, peut être remise en cause par le développement de produits bio, par la
diminution importante de consommation de viande, par la souveraineté alimentaire, par la
lutte contre le gaspillage alimentaire ( de l’ordre de 30% de la production mondiale en
2019),…
Telles sont les opinions du sens commun. Beaucoup des réflexions qui précèdent se
retrouvent analysées par différents auteurs ci-dessous, beaucoup d’autres ne s’y trouvent pas.
N’est-ce pas un travail nécessaire et passionnant que de les parcourir ?
Comme annoncé plus haut nous allons donc proposer, dans les deux développements
qui suivent, les analyses des causes des violences, la plupart d’entre elles nous
éclaireront sur les origines des compétitions qui y sont omniprésentes.
B- Les analyses extra historiques des origines des violences
Soulignons encore combien les analyses des causes des compétitions sont tantôt proches de
celles des violences, tantôt en viennent à se superposer.
Dan les analyses de ces deux développements ( A et B ) nous proposerons la même
démarche. Partir des caractères communs(1), examiner les analyses les plus fréquentes
aujourd’hui (2), enfin passer en revue les autres analyses (3).
1-Les caractères communs des analyses extra historiques des origines des violences
a- Ces analyses sont en dehors de l’histoire humaine, c’est à dire qu’elles ont des causes
qui sont soit extérieures aux êtres humains (par exemple le cosmos), soit inhérentes aux êtres
humains mais indépendamment des moments de l’histoire, des types de sociétés, des vies
personnelles et collectives.
b- Dans ces analyses les violences en général et les compétitions en particulier sont
considérées comme des phénomènes immuables, indépassables. Elles ont toujours existé,
elles existeront toujours. Le poids de la fatalité est ici très grand.
c- Ces analyses ont, de nos jours, une place beaucoup moins importante que les
analyses historiques à l’exception de la théorie de la violence innée de la nature
humaine, théorie à laquelle se rattachent certains auteurs mais aussi beaucoup de personnes
qui, dans le langage courant , affirmeront facilement : « C’est comme çà, ce sera toujours
comme çà ».
2-Les analyses extra historiques les plus fréquentes de nos jours : la violence innée de la
nature humaine
a- Ne faut-il pas se situer par rapport à la conception que l’on peut avoir de la nature
humaine ou au moins entrer dans la question ? Il y a très probablement au moins trois
façons de la concevoir.
Certain(ne)s pensent qu’elle est mauvaise (agressivité innée).
D’autres pensent qu’elle est bonne et que, par exemple comme le croyait Rousseau, c’est la
société qui la change.
D’autres pensent qu’elle peut tout être, la meilleure, la pire, ou l’entre deux, cela selon les
conditions des sociétés dans lesquelles on se trouve et selon les volontés personnelles et
collectives.
Si l’on partage la première conception on est amené à dire que la violence est innée, «
naturelle », qu’elle est inhérente à la nature humaine.
Le choix des analyses proposées ici s’est fait en mettant en avant une idée forte, celle-ci
se rattache à un auteur dont elle peut être au centre de l’oeuvre (Lorenz) ou un simple
élément d’une pensée complexe (Freud). Il arrive aussi que l’idée ne soit pas symbolisée
par un auteur mais que sa force soit réelle (par exemple les violences cosmiques).
Il s’agit enfin de synthèses très courtes soulignant l’essentiel du contenu d’une analyse et
l’essentiel d’une critique possible de celle-ci.
b- L’homme méchant par nature. Thomas Hobbes , dans le Léviathan (1651), pense que
l’état de nature est celui de « la guerre de tous contre tous », que l’homme est égoïste,
calculateur, violent. Chacun s’efforce de détruire l’autre ou de le dominer. « L’homme est un
loup pour l’homme », gouverné par le seul instinct de conservation il sera éternellement
violent.
Seul le Souverain, dépositaire de l’Etat tout-puissant, le Léviathan, peut lui fermer sa bouche
carnassière par la crainte du châtiment et la mise en oeuvre de sanctions. L’Etat tout-puissant
va protéger les citoyens contre leur propre violence.
L’ouvrage sera utilisé comme une des justifications de l’Etat autoritaire (l’armée prend le
pouvoir, ou le parti unique et le dictateur exercent leurs emprises sur le pays) et une des
justifications de l’Etat totalitaire (un Etat autoritaire absolu : « Tout dans l’Etat, rien contre,
rien en dehors. »)
La citation « l’homme est un loup pour l’homme » est passée dans le langage courant, elle est
synonyme de fatalité. Nous verrons ce qu’en pensent les tenant(e)s des théories de
l’agressivité acquise pour lesquels l’homme n’est pas méchant par nature.
c- La pulsion de mort. Sigmund Freud, dans « Malaise dans la civilisation »(1929) et dans
une lettre à Einstein « Pourquoi la guerre ? »(1933), pense qu’existent la pulsion de vie(Eros)
et la pulsion de mort(Thanatos).
Cette dernière est instinctive, elle vise à détruire. Mais cette pulsion de mort est aussi liée à
une « désillusion historique », les progrès de la science et du commerce, contrairement à ce
que certains croyaient, n’ont pas provoqué la fin des guerres.
Cependant les deux textes cités sont donc également un appel à un Eros maîtrisant Thanatos.
La civilisation doit permettre que l’agressivité de chacun soit orientée vers des tâches
constructives porteuses d’une certaine coopération. Dans cette conception la pulsion de mort
peut être remise en cause. On est donc ici dans l’histoire, une civilisation peut devenir plus
pacifique.
d- La fatalité biologique. Konrad Lorenz, zoologiste autrichien, qui étudiait les animaux en
milieu naturel, dans « L’agression »(1969), affirme que la violence est inscrite dans nos
gènes, que « la guerre est le résultat d’une fatalité biologique », elle est inéluctable.
Notre « agressivité naturelle », comme celle des autres animaux, nous amène à distribuer et à
protéger des territoires.(Voir dans le même sens un anthropologue américain, Robert Ardrey,
« Le territoire », (1967).)
Lorenz fait un amalgame conceptuel, un raisonnement par analogie, ne tenant pas compte
d’une approche interdisciplinaire, il passe de l’escalade violente entre deux coqs, puis entre
deux garçons, enfin entre deux Etats.
Face à l’empire des gênes on trouvera en fait la loi du milieu (voir ci-dessous C), c’est à dire
des théories sur l’agressivité acquise, et non pas l’agressivité innée comme le prétend Lorenz
et d’autres avec lui.
3- Les autres analyses extra-historiques des origines des violences
Ces analyses se déploient tous azimuts avec cependant ce point commun très fort souligné
dès le départ : ces causes sont inscrites dans une fatalité en dehors de l’histoire.
a- Des interventions de l’au-delà. Un auteur comme Joseph de Maistre, dans « Les Soirées
de Saint-Pétersbourg » (1830), affirmait que la guerre avait pour cause la « volonté divine
vengeresse », Dieu se venge de l’injustice que les hommes ont commise en oubliant que la vie
est un don sacré. Ce dieu vengeur est ici loin d’un dieu d’amour auquel d’autres croient.
On trouve aussi, en particulier dans certaines religions, le Diable c’est à dire l’esprit
personnifiant le mal, diable associé à trois figures : le Serpent de la Genèse, l’Ange révolté
déchu puis précipité en enfer, et enfin Satan. Le Diable est considéré comme l’esprit
personnifiant le mal, c’est lui qui divise, c’est lui qui détruit.
Cette idée de vengeance, ou de menace venue d’ailleurs, se retrouve aussi, par exemple, chez
des personnes ou des groupes qui croient que des forces, extra terrestres, ou cachées sur notre
planète, nous gouvernent, nous manipulent, nous poussent aux violences et en particulier aux
guerres.
b- Les violences cosmiques. La source des violences en général et des guerres en particulier
se trouve dans l’univers. Le cosmos est violent dans ses origines, avec le Big Bang initial, et
dans son histoire, avec des chocs gigantesques entre galaxies, entre étoiles, ainsi des mondes
meurent et naissent. L’homme est violent parce qu’il est à l’image de l’univers dans lequel il
se trouve.
Ce raisonnement par analogie déduit d’une évolution astrophysique, incommensurable dans
l’espace et le temps, une condition inéluctable pour l’humanité. Cependant l’humanité est liée
à de multiples données qui ne sont pas seulement physiques, elle est limitée dans l’espace et le
temps, deux réalités qui ne sont pas comparables.
Il y a cependant deux séries d’hypothèses scientifiques qui peuvent concerner les êtres
humains. D’une part la disparition physique totale de la Terre qui entraînerait aussi celle de
tout le vivant. Des astrophysiciens ont établi une dizaine de scénarios, par exemple sa
disparition dans un trou noir. Ces hypothèses ont quelque chose d’extra historique dans la
mesure où elles sont imprévisibles dans l’espace et le temps et dans la mesure où la fatalité de
la disparition, à partir d’une cause extérieure à l’humanité, serait telle qu’aucun contremécanisme
pour l’en empêcher ne serait possible.
D’autre part, seconde série d’hypothèses, la menace de la disparition d’une partie du vivant.
Ainsi sont étudiées, par exemple, les trajectoires d’astéroïdes qui se rapprocheraient de la
Terre et pourraient éventuellement la heurter. Ces hypothèses de violences extrêmes sous
forme de catastrophes ont quelque chose d’historique pour au moins trois raisons. D’abord
elles se sont déjà produites, en particulier il y a 360 et 65 millions d’années, ensuite on avance
dans ces prévisions en soulignant même les jours ( !) des risques les plus grands de collision,
enfin on peut les combattre, jusque à un certain degré bien sûr, degré au delà duquel
l’humanité serait impuissante et dans la prévention et dans la réparation des effets
apocalyptiques.
c- La lutte des contraires. Héraclite d’Ephèse, dans ses « fragments » (500 avant J.C) cités
par divers auteurs (voir par exemple « Héraclite et la philosophie », Kostas Axelos , éditions
de minuit, 1962), faisait du Feu le principe d’un univers en perpétuel devenir.
Contrairement à Parménide pour lequel « tout demeure », il pensait que « tout devient ». Le
moteur de ce devenir c’est la lutte des contraires, « chaque réalité n’existe qu’en s’opposant à
son contraire », ainsi le jour la nuit, la paix la guerre…Le conflit serait donc le père de toutes
choses et la condition nécessaire du devenir.
Cette pensée a une force impressionnante. C’est elle qui a inspiré à la fois l’idéalisme et le
matérialisme, deux courants de pensée opposés.
L’idéalisme (Hegel) selon lequel au début il y a l’être qui ne se pensait pas et qui, pour se
penser, se donne son contraire, la matière dont il triomphera enfin. Le matérialisme (Marx)
selon lequel çà n’est pas l’esprit qui se donne son contraire, ce sont les hommes qui ont
produit l’aliénation imposée par les dominants et l’histoire des hommes c’est celle des luttes
de libération.
On voit donc que la lutte des contraires peut être interprétée extra historiquement ou, au
contraire, historiquement. Dans cette dernière façon de concevoir le réel est-ce que ce ne sont
ici et là des luttes de contraires -et lesquels ?- que l’on retrouve dans différentes violences? –
Comment les dépasser ?
d- Le désir de l’autre, menace permanente et indépassable. Friedrich Hegel, dans « La
raison dans l’histoire »(1830), montre la fécondité des contradictions, elles permettent le
devenir de l’univers et celui de l’histoire humaine. Or l’histoire humaine est fondée sur la
conscience vers la liberté, cette conscience est avant tout désir, c’est ce désir qui est source de
violence, on cherche à nier l’autre pour ne pas être nié par lui. Une lutte violente s’engage
pour être reconnu par l’autre, le désir de l’autre me menacera toujours . « Nous sommes
condamnés à être violents», la violence et la guerre sont des moteurs indépassables de
l’histoire.
Dans cette vision ne peut-on pas dire que tout a une histoire… sauf ce qui est au fondement de
l’histoire ? En ce sens on a voulu ici inscrire cette pensée dans les analyses extra historiques,
avec pour marque ce poids insurmontable de la fatalité.
Dans cette analyse on est également loin de l’altérité. Où sont les fraternités vécues, les
solidarités passées, présentes et à venir ?
C- Les analyses historiques des origines des violences
Nous poserons les mêmes questions que dans le développement précédent : quels sont leurs
caractères communs(1) ? Quelles sont les analyses historiques les plus fréquentes(2) ? Quelles
sont les autres analyses historiques(3)?
1-Les caractères communs des analyses historiques des origines des violences
On retrouve les trois éléments opposés ici à ceux des analyses extra historiques.
a- Ces analyses sont dans l’histoire humaine, c’est à dire qu’elles ont des causes qui sont
liées aux périodes de l’histoire, aux types de sociétés, aux êtres humains. Les violences en
général et les guerres en particulier sont des phénomènes variables selon les époques, les
sociétés, les personnes.
b- Dans ces analyses les violences en général et les guerres en particulier sont
considérées comme des phénomènes modifiables, pouvant être dépassés . Certaines
violences peuvent s’amplifier, d’autres apparaître, d’autres devenir plus rares ou disparaître.
La fatalité n’existe pas, nous pouvons sortir de nombreuses violences (voire de la violence
?),nous pouvons « inventer la paix ».
c- Ces analyses ont de nos jours un poids beaucoup plus important que les analyses
extra historiques. Les analyses économiques sont particulièrement présentes dans une société
productiviste mondialisée. L’ensemble des analyses montre une variété plus grande que les
précédentes ce qui appelle à de nombreuses luttes et, aussi, à des stratégies communes pour
regrouper des forces.
2- Les analyses historiques les plus fréquentes des origines des violences : les analyses
économiques.
Ces analyses sont les fruits de multiples disciplines, en particulier philosophiques,
sociologiques, économiques. Rappelons que les économistes classiques (Adam Smith,«
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations »(1776), et David Ricardo «
Des principes de l’économie politique et de l’impôt »(1817), pensent que la liberté du
commerce conduit vers la paix universelle, la guerre n’est pas un phénomène économique, le
marché et la croissance se situent dans « l’hypothèse normale de la paix. » Et pourtant les
analyses économiques de la violence ont été et sont nombreuses.
a- La propriété. Jean-Jacques Rousseau, dans « Discours sur l’origine de l’inégalité parmi
les hommes »(1758), pense que tous les malheurs viennent de la propriété. Le passage est
célèbre : « Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire « ceci est à moi » et trouva
des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes,
de guerres, de meurtres, de misères et d’horreurs n’eut point épargné au genre humain celui
qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eut crié à ses semblables : « Gardez-vous
d’écouter cet imposteur, vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la
terre n’est à personne ! »
Intuition de génie à l’heure où le patrimoine mondial de l’humanité a tant de mal à émerger
face aux souverainetés étatiques, face à la dégradation écologique d’un productivisme
prédateur, face à course en avant de générations présentes hypothéquant l’environnement qui
conditionne la vie et la santé des générations futures.
b- La propriété privée des moyens de production, les antagonismes de classes, et de
nouveaux débouchés pour le capitalisme. Karl Marx, dans « Le capital »(1867), distingue,
contrairement à Rousseau, plusieurs types de propriétés : la propriété permise par le travail
indépendant, l’appropriation capitaliste de la propriété privée, et « la propriété socialiste enfin
qui rétablit non la propriété privée du travailleur mais sa propriété individuelle fondée sur la
possession commune de tous les moyens de production car ce qui est à tous est à chacun.
»Marx pense que la propriété privée des moyens de production est une violence à l’origine de
la plupart des autres violences. « L’appropriation capitaliste vient d’un vol, on a enlevé au
travailleur le fruit de son travail. » Après l’appropriation des esclaves, des terres, voilà celle
du capital , capital industriel, capital financier.
Pour Marx et Engels la guerre s’explique par des antagonismes économiques et par des
manoeuvres de diversion dans le cadre de la lutte des classes.
Depuis Marx la guerre est analysée par des marxistes comme permettant de créer de nouveaux
débouchés. Le capitalisme, pour préserver ses taux de profit, établit des stratégies
économiques, sociales, idéologiques, militaires, porteuses de multiples violences.
D’autres marxistes insistent sur le fait que la guerre va permettre de redonner force aux
ressorts de l’exploitation capitaliste en faisant taire le refus de cette société productiviste, c’est
l’union sacrée contre l’ennemi.
c- La rareté liée à un manque de ressources et à une mauvaise répartition des
richesses. On se trouve ici souvent au coeur de multiples compétitions. Parmi les auteurs
soutenant cette thèse on trouve des économistes, des sociologues mais aussi des philosophes,
ainsi Jean-Paul Sartre, dans « Critique de la raison dialectique »(1967), pense que la rareté est
un fondement premier de la violence, « la rareté quelque soit sa forme, domine toute la praxis.
» Il n’y a pas assez de ressources pour les besoins, cette rareté a cassé la réciprocité des
hommes au travail.
Mais nous ne sommes pas condamnés à la violence, l’histoire et les hommes peuvent la
surmonter. Les ressources sont inégalement réparties, nous ne sommes pas soumis à la
fatalité, la répartition des richesses est vitale.
Soulignons qu’aujourd’hui s’ajoute une manifestation de la rareté qui n’existait pas, elle est
liée, bien sûr, à la dégradation mondiale de l’environnement.
Ajoutons aussi qu’il est nécessaire et possible de partager des avoirs, des pouvoirs, des
savoirs. Ce partage se fait à travers des rapports de forces. Nous pensons que les dominants ne
partagent que rarement d’eux-mêmes. Ils ne le font que si les dominés les y contraignent ou
alors s’ils arrivent à avoir une conscience assez vive d’un intérêt général vital.
d- L’injustice, matrice de nombreuses violences. Des mouvements de libération, des
représentants de pays et de peuples dominés, des ONG, des organisations internationales et
régionales, des mouvements sociaux, les alter mondialistes, le mouvement des indignés,
d’autres encore, ont dénoncé et dénoncent de multiples injustices criantes.
Très nombreux ont été et sont également les auteurs, dans de multiples disciplines, qui ont
critiqué les situations d’injustice aux différents niveaux géographiques, en particulier dans les
« pays du tiers-monde » puis dans les « pays du Sud ».
Parmi eux citons Helder Camara, évêque brésilien connu pour ses luttes contre la pauvreté,
qui, dans « La spirale de la violence »(1975), affirmait que « les violences premières » sont la
faim, la misère, l’absence d’accès à l’eau potable, « ce sont des injustices structurelles », des
structures d’oppression.
Voilà ici une des idées, une des réalités les plus fortes qui saute aux yeux pourvu qu’on les
ouvre : un nombre gigantesque de violences personnelles et collectives a pour terreau des
injustices.
Si l’on veut une synthèse des inégalités mondiales porteuses de violences structurelles on peut
se reporter au passage relatif à ces inégalités sur ce même blog à l’article intitulé « les
contenus des violences » ou aussi à la rubrique sur la justice à l’article intitulé « Les inégalités
dans le monde », inégalités globales et particulières.
Le sens commun exprime d’ailleurs les liens entre inégalités et violences par exemple dans un
sondage (rapporté dans Le Monde, du 1-12-2011,sondage Ipsos effectué les 18 et 19–11-
2011, pour le Conseil économique, social et environnemental ), à la question « Parmi les
propositions suivantes qu’est-ce qui selon vous menace le plus aujourd’hui la capacité de bien
vivre ensemble en France ? » les réponses étaient les suivantes, avec un pourcentage supérieur
à 100% puisque deux réponses étaient possibles : arrivait nettement en tête l’accroissement
des inégalités sociales 43%, venaient ensuite la crise économique et financière 39%, les
extrémismes religieux 26%, l’individualisme 25%, les extrémismes politiques 12%, le repli
communautaire 9%, le fossé entre les générations 5%, ne se prononcent pas 3%.
Enfin, bien sûr, les idées et les pratiques non-violentes sont ici présentes : La Boétie, Thoreau,
Gandhi et d’autres non-violents l’affirment : la force des injustices repose sur l’obéissance.
Une pensée de Amartya Sen (voir sur ce blog les articles relatifs à la justice) résume bien un
sentiment profond que l’on peut avoir : « Qu’est-ce qui devrait nous tenir éveillés la nuit ? Les
tragédies que nous pouvons empêcher. Les injustices que nous pouvons réparer. »
e- La compétition économique se retrouve ici dans les causes des violences comme elle
est présente, on le voit, dans d’autres analyses. John Galbraith, économiste américain, dans
« Le nouvel Etat industriel »(1967), montre en particulier que beaucoup de guerres ont été et
sont liées au contrôle des matières premières, ainsi par exemple le pétrole. Ces guerres sont «
des formes extrêmes de la concurrence industrielle ». Cet auteur dénonce la production de
guerre comme étant « un gaspillage nécessaire qui permet la justification des dépenses
d’armements et la poursuite de la course au profit ». La compétition peut être un des ressorts
du nationalisme lequel en appelle à la domination sur d’autres pays voire à la haine d’autres
peuples.
Non seulement les compétitions poussent à la guerre mais elles entrainent aussi comme nous
l’avons vu dans leurs effets, des injustices et des dégradations de l’environnement. « La
machine à gagner est une machine à exclure » disait Albert .Jacquart, à exclure des personnes
et de l’environnement.
f- La conjugaison de facteurs économiques dans de nombreux conflits armés
contemporains. Le plus souvent se conjuguent quatre facteurs :
En premier lieu la pauvreté des populations qui les pousse à revendiquer l’amélioration de
leurs conditions de vie, le pouvoir répond par des répressions et peut en arriver à installer la
terreur les victimes recourent à la contre-violence pour se faire entendre, la guerre civile
s’installe.
En second lieu le contrôle des matières premières peut être une cause profonde de
l’apparition d’un conflit à travers les processus suivants : voilà un pays riche en matières
premières ou en une matière première considérée comme essentielle par le productivisme
(pétrole, uranium, or, ou diamant…) vitales écologiquement (eau) ,ce pays a une population
pauvre, des groupes sociaux essaient de contrôler ces matières premières pour devenir plus
puissants, une partie de la population pauvre peut aussi réagir, interviennent également des
pays extérieurs qui ont pour objectif de garder ou de prendre le contrôle de ces matières
premières. Une fois de plus on est au coeur des compétitions .
En troisième lieu la course aux armements contribue à pousser aux guerres : des détentions
et des livraisons d’armements aggravent des tensions, entravent des règlements pacifiques de
différends, poussent à transformer le différend en conflit armé, et réciproquement les guerres
poussent à la course aux armements.
Pauvreté des populations, contrôle des matières premières et course aux armements peuvent
alimenter des nationalismes et réciproquement. Or le nationalisme, entreprise de
domination, compétition effrénée, pousse souvent à de nombreuses violences par exemple
xénophobes, il peut être aussi un des chemins qui conduit à la guerre.
3- Les autres analyses historiques des origines des violences
Ces théories sont nombreuses, essentielles, souvent complémentaires.
a- L’agressivité acquise. Il s’agit d’un ensemble de réponses aux analyses relatives à
l’agressivité innée de la nature humaine, en particulier à la fatalité biologique. Les auteurs
sont ici très nombreux, nous soulignerons simplement les analyses principales.
Mélanie Klein, psychanalyste britannique, pionnière de la psychanalyse des enfants, dans «
Essai de psychanalyse »(1920), découvre chez le nourrisson l’existence de l’agressivité à
travers « une imagination féroce, des fantasmes de toute-puissance et de dévoration ». Selon
elle, la vie imaginaire du nourrisson est faite d’amour et de haine à l’égard de sa mère qui lui
donne le sein et le lui refuse. Klein montre que les fantasmes destructeurs sont refoulés, que
l’amour prend la place de la haine.
Margaret Mead, anthropologue américaine, dans « Moeurs et sexualité en Océanie »(1950),
montre que, sur un même territoire, des civilisations voisines peuvent produire des conduites
très différentes à travers un véritable « modelage de l’enfant ». Ainsi, par rapport à
l’agressivité, des enfants qui auront été souvent proches des bras de quelqu’un seront moins
agressifs que ceux d’autres tribus qui auront au départ une vie plus hostile.
Erich Fromm, psychanalyste américain d’origine allemande, dans « La passion de détruire
»(1975), affirme qu’aucune donnée significative en psychologie animale, en
neurophysiologie, en anthropologie, ne confirme une agressivité innée, montre que la
destructivité n’est pas une pulsion instinctive, qu’elle n’a pas de racines biologiques mais
qu’il s’agit d’une « passion liée à la socio culture. »
Simone de Beauvoir, dans «Le deuxième sexe »(1949), grand ouvrage contribuant à ouvrir
des « chemins de la liberté », affirme en particulier que, généralement, si le garçon est plus
agressif, cela tient au fait que, depuis son enfance, on lui a répété qu’il était courageux de se
battre et on a fait comprendre à la fille qu’elle devait être tendre et soumise.
Henri Laborit, biologiste, dans « La nouvelle grille »(1974) et au congrès international de
criminologie de Montréal en 1977, affirme que l’agressivité prédatrice fondée sur la faim est
l’exception chez l’être humain, c’est l’agressivité de compétition qui est la plus fréquente, elle
est le produit d’un apprentissage basé sur les concurrences, les hiérarchies, les soumissions.
Même la défense du territoire et la propriété ne reposent pas sur des instincts innés ou sur des
gènes, ce sont des comportements qui peuvent être transformés par la socio culture, ainsi on
peut apprendre des répartitions équitables de territoires, de biens, de personnes.
Enfin « Le Manifeste de Séville »(1986) est un appel lancé dans le cadre de l’UNESCO. Il a
été écrit par une vingtaine de personnalités scientifiques (psychanalystes, sociologues,
politologues, éthologues, biologistes…) qui affirment d’abord que « les animaux ne font pas
la guerre », contrairement aux êtres humains qui ont cependant une culture qu’ils peuvent
faire évoluer dans le sens de la solidarité. Ces auteurs du Manifeste affirment ensuite « il est
scientifiquement incorrect de dire que la guerre est un phénomène instinctif ou qui dépend de
nos gênes même si les ceux-ci ont une certaine influence sur notre manière d’agir, mais c’est
l’influence de la socio culture qui est déterminante.» Le Manifeste de Séville se termine en
soulignant que « la guerre et la violence ne sont pas des fatalités biologiques »(…) « Nous
pouvons inventer la paix . »
b- La soumission à l’autorité. Ces analyses sont nombreuses, nous choisirons les
principales en insistant sur le fait que cet élément est soit essentiel soit important dans les
objections, les insoumissions, les révoltes, les révolutions…Un des exemples les plus
gigantesques de ces dernières décennies est celui des révolutions des peuples de l’Est de 1989,
exemple particulièrement réussi de non-violence massive, un autre exemple d’ampleur
importante a été celui du printemps de peuples arabes de 2011.
Etienne de la Boétie, grand ami de Montaigne, dans « Le discours de la servitude volontaire
»(1550), met en avant l’idée selon laquelle si l’on ne soutient plus les dictateurs leurs
pouvoirs s’effondrent. « Si on ne donne rien, si on ne leur obéit point, sans combattre, sans
frapper, ils demeurent nus et défaits, ils ne sont plus rien, sinon que, comme la racine, n’ayant
plus d’aliment, la branche devient sèche et morte. » Il faut donc retirer son appui au tyran : «
Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez ou
l’ébranliez mais seulement que vous ne le souteniez plus et vous le verrez comme un grand
colosse à qui se dérobe sa base, de son poids même, fondre en bas et se rompre. » Ainsi il y a
bien sûr la capacité de violence des régimes autoritaires mais il y a aussi et surtout la capacité
de soumission des opprimés qui sont prisonniers de leurs peurs. Cet auteur de ce grand
ouvrage est l’un des inspirateurs des théories et des pratiques de la non-violence qui ont vu le
jour par la suite.
Hannah Arendt, philosophe américaine d’origine allemande, auteur de « Les origines du
totalitarisme » (1951), en commentant plus tard le procès d’un haut dirigeant nazi
(Eichmann), réaffirme que le processus d’obéissance est fondamental dans le totalitarisme,
même le haut-fonctionnaire est préoccupé d’obéir aux ordres, « je n’ai fait qu’obéir aux ordres
» diront de nombreux nazis pour leur défense.
Le procureur du Tribunal de Nuremberg répondra en disant magnifiquement et tragiquement :
« Vient un moment où il faut désobéir aux ordres et obéir à sa conscience ».
Wilhem Reich, médecin, psychanalyste autrichien, dans « Psychologie du fascisme »(1933),
affirme qu’il n’y a pas que les pouvoirs des dominants, les opprimés jouent aussi un rôle
important dans leur soumission. Le fascisme nivelle les individus et réveille les liens affectifs
familiaux dans une soumission au père autoritaire, le dictateur. Cet auteur dénonce en
particulier l’éducation répressive du point de vue sexuel et, d’une façon générale, il en appelle
à l’autonomie et à l’esprit critique dans l’éducation dès le plus jeune âge .
Gérard Mendel, psychanalyste, dans « Pour décoloniser l’enfant » (1977), affirme « qu’un
enfant conditionné donnera vraisemblablement un adulte aliéné ». « Il se soumettra plus
facilement aux Grands, au Père de la Nation, à l’Etat. » Mendel pense qu’obéir n’est pas
forcément se soumettre.
Il faut distinguer, souligne-t-il, entre l’obéissance et la soumission à l’autorité. On peut obéir
par consentement volontaire et éclairé. Dans la soumission passive à l’autorité c’est la volonté
de l’autre que l’on exécute.
Stanley Milgram, psychosociologue américain, dans « La soumission à l’autorité »(1974), a
étudié les effets de la punition sur l’apprentissage, l’expérience est d’ailleurs reconstituée dans
le film « I comme Icare ».La punition consistait en décharges électriques administrées par des
volontaires recrutés par petites annonces, décharges envoyées à des compères de Milgram.
Cet auteur démontre que « 60% à 85% des personnes, en situation d’autorité, sont prêtes à
torturer leurs semblables » !
Ce que l’expérience de laboratoire permet de prouver scientifiquement, l’histoire et en
particulier les guerres se chargent de le montrer à travers d’horribles et multiples réalités. Plus
on est intégré dans une structure plus on s’en dégage difficilement, L’obéissance peut ainsi
être pourvoyeuse de violences. Il existe un double mécanisme : on s’en remet aux chefs donc
on atténue son sentiment de culpabilité et on nie la souffrance de la victime, on dévalorise la
victime que l’on peut même qualifier de « sous-homme. »
Face à des ordres criminels ou terriblement injustes on peut être amené à obéir aux chefs et à
désobéir à sa conscience. C’est au sursaut de la conscience qu’il faut en appeler, dire non c’est
alors vouloir rester humain.
d- Le mécanisme de transgression du sacré. Georges Bataille, dans « L’érotisme »(1957),
pense que les interdits ont pour objectif d’éloigner les hommes des puissances sacrées,
d’opérer une séparation entre le monde sacré, symbolisé par l’interdiction de l’inceste et du
meurtre, et le monde profane, symbolisé par le travail. Ce sont les transgressions qui vont
relier les hommes au sacré, ces transgressions s’appellent la fête, l’orgie, la guerre.
Roger Caillois, dans «L’Homme et le Sacré »(1938), qualifiera la guerre de « fête noire du
monde moderne », elle va remplir le rôle que ne joue plus la fête, c’est un défoulement
collectif, une sorte d’ agression sexuelle collective.
Mais si transgression et défoulement dans la guerre commencent quelquefois par « la fleur au
fusil » l’une et l’autre basculent vite dans une somme de souffrances terrifiantes.
e- Le désir mimétique et le mécanisme victimaire. René Girard, dans « De la violence à la
divinité »(2007), qui réunit quatre de ses ouvrages, en particulier « La violence et le sacré »
(1972), « Bouc émissaire »(1982), met en avant d’éclairants instruments d’analyse qui « ne
sont pas des idées philosophiques, des concepts sociologiques. Ce sont des rapports humains
très simples. » Il s’agit du « désir mimétique » et du « mécanisme victimaire. »
Le désir est copié sur un autre désir, il est « mimétique », il y a un sujet désirant, un autre
sujet désirant à imiter, un objet désiré. Le ressort du conflit s’appelle la concurrence «
rivalitaire », chacun désire ce que désire autrui. Apparaît ainsi les cycles des jalousies, des
haines et des vengeances. Se laisser prendre par ces concurrences religieuses, nationales,
idéologiques, voilà qui va multiplier les violences…L’escalade de la jalousie, l’escalade des «
comparaisons venimeuses », celle aussi des représailles, accompagnent la mondialisation.
De nos jours la violence mimétique s’étend sur la planète, et, souvent au nom de la religion,
elle s’exerce en particulier contre l’Occident qui a produit cette mondialisation.
Les sociétés dites primitives pensaient que les puissances divines qui nous donnent la vie
peuvent aussi à tout moment la retirer. Le sacré a une double face : il est vénéré parce qu’il
fait vivre, il fait peur parce qu’il tue. Il existe donc une violence fondatrice du sacré puisque
ces puissances divines provoquent en nous des pulsions de vie et de destruction. Ainsi « la
violence et le sacré sont inséparables.»
Les cultures archaïques ont ainsi cherché à domestiquer la violence en faisant appel au
religieux, c’est le sacrifice qui va servir d’exutoire temporaire. Dès les sociétés primitives
c’est pour se protéger des désirs de destruction qui rendent à tout moment possible la violence
réciproque, oeil pour oeil, dent pour dent, que les hommes ont inventé « la violence unanime
du sacrifice qui les réconcilie aux dépens d’une victime émissaire ».Le mécanisme a
fonctionné contre des animaux, des personnes, des groupes, des peuples, des Etats. C’est le «
tous contre un.» On veut arrêter la violence par la violence. Ce mécanisme a été mis en oeuvre
de façon terrifiante à travers différentes périodes.
Loin de s’arrêter la violence a proliféré, le mécanisme est en train de se casser, parce que les
transcendances ne sont plus ce qu’elles étaient, parce que nous commençons à comprendre
que nous sommes les acteurs de violences à travers par exemple des injustices planétaires,
parce que l’utilisation d’armes de destruction massive, sortes de formes de violences
sacralisées, peuvent faire disparaître les ennemis mais aussi ceux qui les emploient.
René Girard pensait qu’il faut rompre avec le sacrifice d’autrui quelle que soit la cause
avancée. Il faut rompre aussi avec le sacrifice de soi, désir de se sacraliser qui n’a rien à voir
avec les risques que l’on peut prendre pour combattre une violence en donnant place à la vie.
f- Le consentement à la violence. Marc Crépon, dans « Le consentement meurtrier
»(2012),pense que nous avons conscience des scandales de la faim, de la misère, des
inégalités, nous savons aussi que des intérêts économiques, financiers, militaires, par exemple
à travers les ventes d’armes, entretiennent des situations de violences. « « Le consentement »
qui en résulte peut donc être tacite, négligent, oublieux, il est d’autant plus fort que les
violences sont lointaines, il signifie déjà une forme de résignation à la violence.
Pour cet auteur les « voies de dégagement » s’appellent la révolte, la bonté, la critique, la
honte.
Primo Levi dans « Si c’est un homme », témoignage poignant sur l’horreur des camps nazis,
écrit : « Il nous reste encore une ressource et nous devons la défendre jusqu’au bout parce que
c’est la dernière: refuser notre consentement. »
Il est important de renvoyer ici à une autre analyse, celle des non violents qui en appellent à la
résistance active, la non-violence est aussi un refus de la résignation et de l’indifférence.
g- La spirale du ressentiment et de la colère. Peter Sloterdijk , dans « Colère et temps »
(2007),pense que la colère est une « force fondamentale dans l’écosystème des affects ».
Considéré comme « un penseur de l’impulsion » (voir les articles de Jean Birbaum en ce sens
dans Le Monde du 23-11-2007) il affirme qu’autrefois la colère des exclus et des humiliés
trouvait des exutoires, ainsi l’Eglise chrétienne puis l’Internationale communiste constituaient
de véritables « banques de la colère », et selon l’auteur l’islamisme prend le relais.
En effet, affirme-t-il, d’une part il y a l’Occident qui a mondialisé la planète et qui fait l’objet
de toutes les colères, d’autre part il y a des groupes qui exploitent la colère universelle
accumulée, ces groupes n’offrant « qu’une mystique du combat, une religion du suicide. »
Trois critiques peuvent être faites à cette analyse. D’abord la géopolitique du ressentiment
peut expliquer une partie des violences (certaines guerres et certains terrorismes) mais
n’épuise pas le champ immense d’autres formes de violences. Ensuite en amont de la colère
on retrouve un facteur qui explique nombre de ressentiments, il s’agit des inégalités criantes et
mortelles de notre monde. Enfin et surtout l’auteur affirme que « même si toutes les questions
sociales étaient résolues, la dimension de l’orgueil et de l’ambition demeurerait », nous
pensons au contraire que si nombre d’inégalités disparaissaient nombre de violences
disparaîtraient aussi, et que l’orgueil serait probablement pour une large part asséché par une
compétition qui se tarirait.
h– La paranoïa et la dépression collectives. Franco Fornari, psychanalyste italien, dans «
Psychanalyse de la situation atomique »(1972), rattache l’histoire collective à l’histoire
individuelle.
Il peut arriver qu’une enfance amène soit à une position paranoïde, c’est à dire que le sujet
veut se sauver en détruisant l’objet par lequel il se sent détruit, soit à une position dépressive,
c’est à dire que le sujet veut sauver l’objet aimé au point de se sacrifier.
Fornari pense que la position paranoïde amène à déclarer la guerre et que la position
dépressive amène à l’accepter.
L’auteur explique aussi que « l’on confie sa propre violence à l’Etat qui la capitalise pour la
transformer en armes de terreur », les armes de destruction massive seraient donc un reflet de
nos peurs d’un autre qui, à travers les propagandes, va être qualifié d’ennemi.
Un des points forts de cette analyse nous parait être la fabrication de l’image de l’ennemi qui
nourrit le nationalisme et ses dominations.
i- Des idées dont certains usages peuvent être meurtriers. Marc Crépon, dans « Les
Géographies de l’esprit »(1996) et dans « Le consentement meurtrier »(2012) (évoqué plus
haut dans « le consentement à la violence ») interroge les identités et l’intolérance.
Ainsi mettre en avant les identités des peuples n’est-ce pas préparer des exclusions, des
conflits, des guerres ? « Fracturer le genre humain » n’est-ce pas là une source profonde de
violences possibles ?
« Il y a des idées qui finissent par tuer. La nation, la patrie, l’identité, la sécurité sont des
concepts dont les usages peuvent s’avérer extrêmement meurtriers. »
L’auteur en appelle à la philosophie qui est de « remettre de la vigilance critique dans l’usage
indu qui peut être fait de ces représentations.»
Nous pensons, pour notre part, que l’on doit articuler les différents lieux de vie : ainsi le
village, la ville, la région ce sont nos terroirs, le pays c’est notre patrie, le continent c’est notre
« matrie », la Terre c’est notre foyer d’humanité.
Il faut que chaque lieu puisse vivre et qu’il respecte les autres, tout cela en se fondant sur des
luttes pour la démocratie, la justice, l’écologie et la paix . Plus facile à dire qu’à faire…
j- La peur de la mort. Jacques Sémelin, dans « Pour sortir de la violence »(1983), avance
une des analyses les plus profondes.
Au commencement de la violence, pense-t-il, il y a l’angoisse de mort. « Plutôt que de
reconnaître que la mort fait partie de la vie nous préférons l’affronter sur celui que nous
déclarons être notre ennemi. » On le tue, c’est la mort réelle, on refuse de le reconnaître, on le
ramène au rang d’objet, on le méprise, c’est la mort symbolique.
Ainsi « la violence est une grande illusion de l’homme : en tuant l’ennemi il croit se sauver de
la mort. » La guerre correspond à « Ta mort c’est ma vie », mais avec les armes de destruction
massive elle signifie plutôt « Ta mort c’est ma mort » dans la mesure où ces armes peuvent
faire disparaître tout le monde.
Il existe donc des liens entre peurs et violences, la peur de tel ou tel autre peut amener la
violence, le déploiement de la violence peut amener la peur.
Ainsi essayer de « changer notre rapport à la mort c’est changer notre rapport à la paix, au
pouvoir, à la violence ». Il faudrait arriver à une équation selon laquelle « Ta vie c’est ma
vie.»
Cette analyse profonde ne devrait-elle pas voir le jour ou se développer dans de nombreux
enseignements et lieux d’éducation ?
k- Le dérèglement du conflit. Mohandas Gandhi, dans « Tous les hommes sont frères »,
écrits publiés en 1969 longtemps après sa mort, et de nos jours par exemple Jean-Marie
Muller, dans « Stratégie de l’action non-violente »(1972), François Vaillant dans « La nonviolence
»(1991), de même Jacques Sémelin cité ci- dessus, considèrent la violence comme
correspondant à un dérèglement du conflit.
Un moyen de résolution du conflit n’était pas prévu, ou n’était pas adapté, ou n’a pas été
utilisé ou a été mal utilisé.
On a eu affaire à une violence d’oppression par laquelle le plus fort a imposé sa loi et/ou à une
violence de soumission par laquelle le plus faible à renoncé à quelque chose d’essentiel pour
lui.
Au contraire la résolution non-violente du conflit va reposer sur au moins quatre éléments :
trouver ensemble, dans le respect des personnes, dans la confrontation des idées, des solutions
justes.
l- Des analyses démographiques, sociologiques, politiques des causes des violences.
Une analyse démographique est connue. C’est celle de Gaston Bouthoul qui, dans « La paix
»(1960), dénonçait, parmi les causes de certaines guerres, la recherche d’un espace vital et la
pression d’une surpopulation, la guerre permet alors de sacrifier un « excédent de jeunes ».La
guerre, disait-il, est un « infanticide différé », le véritable désarmement doit être
démographique.
Une analyse sociologique, elle aussi connue, consiste à affirmer que certaines guerres
deviennent des éléments de contrôle de tout désaccord social jugé dangereux. Ces guerres
vont assurer une certaine cohésion sociale, comment ? Par une « union sacrée » face à
l’ennemi.
Une analyse politique est ici classique, on affirme que la possibilité permanente de recourir à
la guerre est un fondement possible de la stabilité des gouvernements, la menace de la guerre
contribue à l’acceptation par tous de l’autorité politique dans la mesure où elle constitue un
moyen d’assurer la subordination des citoyens à l’Etat.
m- Une tentative d’analyse globale de l’apparition de la guerre. Max Escalon de Fonton,
historien, dans un article du journal Le Monde ( 7 février 1979), faisait l’analyse suivante : ce
sont des causes climatiques, économiques et démographiques qui ont fait apparaître la guerre.
En effet des origines lointaines jusque vers 5000 avant notre ère, les êtres préhistoriques
n’auraient pas connu la guerre, les chasseurs étaient paisibles, les tombes retrouvées n’ont pas
de traces de conflits armés.
Ensuite la Terre se réchauffe passant de 6° vers 15000 à 11° vers 8000, l’herbe pousse vers
5000, des espèces herbivores se multiplient, on fait de petites récoltes, on les surveille,
l’agriculture est inventée, les grottes sont abandonnées, des villages naissent, la propriété
apparaît. Des réserves sont faites pour les mauvais jours, des récoltes sont parfois prises chez
les voisins. Vers 4000 arrive une petite explosion démographique et, par la suite, on trouve
des traces d’enfants et de femmes assassinées dans des tombes datant de 3000-2000 avant
notre ère. Voilà donc une façon d’articuler ces trois séries de causes de l’apparition des
conflits armés.
n- Ainsi beaucoup d’analyses historiques des causes de la violence proposent des
explications convaincantes, ainsi la compétition économique, la course aux armements, le
contrôle des matières premières, l’agressivité acquise, la soumission à l’autorité, le désir
mimétique et le mécanisme victimaire, le consentement à la violence, la peur de la mort, le
dérèglement du conflit, la fabrication de l’image de l’ennemi, des idées porteuses de
violences…
Mais par-dessus tout, à notre sens, le plus souvent ce sont les injustices qui sont sources de
violences, cela à tous les niveaux géographiques, sous de multiples formes, à travers de
nombreux acteurs. Et les compétitions sont porteuses de nombreuses injustices.
Pour analyser les causes d’une violence il est souvent important de faire intervenir plusieurs
analyses même si l’une d’entre elles peut être dominante. Les luttes contre ces violences sont
alors plus porteuses en agissant sur différents fronts à travers différents moyens.
D’une façon générale et de façons plus précises comment lutter surtout contre les causes
historiques des violences donc de beaucoup de compétitions ?
Autrement dit comment penser des remises en cause des compétitions ?
IV- Les remises en cause des compétitions
Sur quelles idées, sur quels principes, sur quelles pratiques peuvent être fondées les remises
en cause des compétitions ? (A) « Appuyer vous sur les principes ils finiront bien par céder »
disait un humoriste. Ne soyons pas aussi fatalistes : on peut, par des préventions et des
sanctions, faire avancer un certain nombre de situations et s’appuyer sur les aspects positifs
de ces avancées.
Quelles alternatives sont
déjà en route et d’autres sont à proposer face aux compétitions ? (B) « Pauvres utopistes! »
affirmeront certains. Certes oui mais pas au sens d’une utopie des nuages, détachée des
conditions de sa réalisation, au contraire au sens d’une utopie concrète qui prend les moyens
de se réaliser, des moyens conformes aux fins proclamées.
A- Les fondements des remises en cause des compétitions
Trois fondements existent qui en appellent à des remises en cause.
D’abord, et avant tout, est-ce que les périls communs n’exigent pas que soient remises en
cause les compétitions qui en sont, souvent, une des causes ? (1)
Ensuite les compétitions ne sont-elles pas, souvent, des contraires de la fraternité ? Celle-ci
peut-elle leur faire face ? (2)
Enfin les compétitions ne sont-elles pas, souvent, des contraires de la détermination de
limites au sein des activités humaines ? Ces limites ne peuvent-elles pas les remettre en
cause ? (3)
Nous justifierons le terme « souvent » de la façon suivante : notre analyse n’est pas
totalisante comme ce serait le cas si nous avions écrit « toujours ».
En effet certaines compétitions peuvent échapper à ces deux incriminations, Ainsi par
exemple une compétition sportive vraiment fraternelle et conforme à la paix, l’environnement,
la justice et la démocratie. Ainsi un traité de commerce respectueux d’avancées réciproques
et contribuant à l‘environnement, la paix, la justice, la démocratie.
1-Les périls communs en appellent à la remise en cause de compétitions
a- Devenir frères n’est-ce pas aussi se rassembler contre des périls communs ? Ils
s’appellent et s’appelleront très certainement
la débâcle écologique,
les armes de destruction massive,
les inégalités criantes,
la toute-puissance de la techno science et des marchés financiers.
Devenir frères face aux périls communs devrait correspondre à l’attitude non violente fondée
sur le respect des personnes, les dénonciations et les remises en cause de mécanismes
antifraternels.
Jean Rostand, inlassable pourfendeur des armes nucléaires, écrivait « Nous sommes
fraternisés par les périls communs. »
b- D’autre part ce sont aussi les douleurs de la vie (la fraternité de la douleur) qui peuvent
nous relier en étant à l’écoute des fragilités, celles des autres et les nôtres. Vont dans ce sens
des religions, des cultures, des oeuvres d’art, qui nous disent « çà n’est pas un fardeau que tu
portes, c’est ton frère. » Enfants en détresse sur notre terre : un sur deux aujourd’hui et
combien demain face en particulier à la débâcle écologique ?
c- Et puis ne sommes-nous pas aussi fraternisés par les projets communs ? Etre frères
c’est se rassembler à travers le temps pour préserver le bien commun et pour construire du
commun c’est à dire relier, dans l’espace et dans le temps, le proche et le lointain ? Ces
projets ne sont-ils pas témoignages de fraternité, d’espérance s’ils répondent aux urgences et
s’ils construisent des politiques à long terme ?
2- Les limites des activités humaines doivent contribuer à remettre en cause des
compétitions
Face à la fuite en avant, penser et respecter des limites est devenu vital.
a- La situation dominante, celle de la fuite en avant
En premier lieu le poids des modes de vie sur l’environnement, très inégal en particulier
selon les pays, est devenu de plus en plus écrasant. Il s’inscrit dans des logiques de fuite en
avant.
Ces logiques s’appellent : la recherche effrénée du profit, la course à la marchandisation du
monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions terricides et humanicides, la
croissance sacro-sainte, la vitesse facteur de répartition de richesses et de pouvoirs, la
dictature du court terme, le vertige de la puissance, l’accélération d’un système porteur d’une
crise du temps enfin omniprésente la compétition élevée au rang d’impératif naturel de nos
sociétés,
Et puis, à travers une explosion démographique mondiale qui continue, cette fuite en
avant c’est aussi celle de la machine à gagner fonctionnant comme une lame qui met d’un
côté ceux et celles dont les besoins fondamentaux sont plus ou moins satisfaits et, de l’autre,
ceux et celles dont les besoins fondamentaux restent criants.
En second lieu il n’est pas étonnant que cette fuite en avant s’accompagne de
nombreux dénis personnels et collectifs de la réalité : on pense que la catastrophe ne se
produira pas ou qu’on y échappera. Il n’est pas étonnant, non plus, que cette fuite en avant
s’accompagne de silences et de mensonges sur les effets, sur les causes de telle ou telle
catastrophe écologique, ou même sur l’existence de certaines d’entre elles que l’on espère
garder dans les secrets de la planète et qui peuvent constituer autant de bombes à retardement.
b- Face à cette fuite en avant : le concept de limites des activités humaines
Face à cette situation dominante, voilà des limites nécessaires, voilà donc une pédagogie des
impasses.
Jacques Ellul demandait avec force : « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de
limites ? »
Ivan Illich insistait sur le fait que « la crise obligera l’homme à choisir entre la croissance
indéfinie et l’acceptation de bornes multidimensionnelles ».
Cornelius Castoriadis en appelait à « nous défaire des fantasmes de l’expansion illimitée ».
c- Cette idée de limites ne se traduit-elle pas par au moins trois principes ?
Ces principes étaient déjà exprimés dans le fameux texte particulièrement remarquable de la
Fondation pour le progrès de l’homme, « Pour un monde solidaire et responsable », (Le
Monde diplomatique, avril 1994, pp. 16 et 17.) Il s’agit d’une plate-forme sur les éléments
de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur
l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs. J’ai souvent dit
aux étudiants que ces deux pages devraient être affichées, discutées et méditées dans toutes
les universités de la planète.
Le principe de précaution dont la violation peut déboucher sur une catastrophe
écologique. « Les sociétés humaines ne doivent mettre en oeuvre de nouveaux projets,
produits et techniques, qu’une fois acquise la capacité d’en maîtriser les risques présents et
futurs. »
Le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages,
seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leurs modes de vie, à brûler moins
d’énergie pour adopter, diraient par exemple des économistes « objecteurs de croissance »,
des pratiques de frugalité, de simplicité, de décroissance. André Gorz écrivait : « Il est
impossible d’éviter la catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les logiques qui
y mènent depuis cent cinquante ans. »
Le principe de sauvegarde : les sociétés humaines doivent aller vers des modes de production
et de consommation « sans prélèvements, sans déchets et sans rejets susceptibles de porter
atteinte à l’environnement. »
d- En troisième lieu on est frappé par le fait que les théories et les pratiques de
décroissance , qui étaient marginales il y a quelques années, commencent à prendre de
l’ampleur face aux catastrophes écologiques. Nous n’avons qu’une planète qui n’est pas
illimitée, or le productivisme avance comme si nous vivions sur plusieurs planètes.
3- La fraternité doit contribuer à remettre en cause des compétitions
Mais qu’est-ce que la fraternité ? Un voeu pieux, un souhait vaporeux, un pseudo rempart en
papier face à la puissance des compétitions ?
Ce serait une faute politique, un non-sens éthique, une violation juridique que penser la
mettre de côté. Une valeur, un devoir, un principe ça n’est pas rien si on s’en empare.
Pour peser beaucoup plus la fraternité n’est-elle pas une valeur pour le politique qu’elle peut
contribuer à inspirer ? N’est-elle pas aussi un devoir pour l’éthique qu’elle peut contribuer à
questionner ? N’est-elle pas enfin un principe pour le juridique qu’elle peut contribuer à
organiser? Ces trois aspects complémentaires ne donnent-ils pas plus de force à la fraternité
face en particulier aux compétitions ?
a- La fraternité, une valeur politique contribuant à remettre en cause des
compétitions
En premier lieu les fraternités ont, entre autres, pour noms reconnaissances, réconciliations,
solidarités, coopérations, concordes, soutiens, compassions, dialogues, dignités…
Les antifraternités ont, entre autres, pour noms hostilités, fabrications de boucs émissaires,
cruautés, racismes, fanatismes, haines… Dans ces théories et ces pratiques les concurrences
sont souvent présentes. Les responsables politiques doivent apaiser les tensions, contribuer à
régler des conflits, et pourtant il n’est pas rare que des antifraternités soient attisées ou
provoquées par le politique au sein de multiples compétitions.
En second lieu qu’en est-il aux regards de la démocratie, de la justice, de la paix, de
l’environnement et aux regards des générations passées et présentes ?
Par rapport à la démocratie voilà des antifraternités antidémocratiques extrêmes tels que les
totalitarismes et les génocides porteurs encore aujourd’hui de traumatismes personnels et
collectifs. Voilà au contraire des fraternités démocratiques qui ont été mises en oeuvre, telles
que des luttes pour le suffrage universel, pour des libérations des femmes dont bénéficient les
générations présentes,
Par rapport à la justice voilà des antifraternités injustes : l’esclavage, la colonisation, le
système mondial productiviste avec ses injustices criantes, voilà des fraternités justes :
l’abolition de l’esclavage, la décolonisation, les luttes pour la construction d’un système
remettant en cause les injustices à tous les niveaux géographiques .
Par rapport à la paix, voilà des antifraternités violentes, destructrices de patrimoines
culturels , des fausses paix déjà enceintes d’une autre guerre , des théories et des pratiques en
appelant aux peurs et aux haines , à la course aux armements, à une mondialisation injuste et
irresponsable. Par rapport à la paix voilà des fraternités pacifiques à travers des patrimoines
culturels qui invitent au vivre-ensemble, de véritables traités de paix ou d’amitié porteurs de
réconciliations, de cultures et de religions ouvertes au dialogue, de politiques tournées vers
un mondialisation solidaire et responsable.
Par rapport à l’environnement voilà des anti fraternités destructrices de l’environnement :
certaines activités humaines depuis l’anthropocène, environ six générations, entrainant des
changements climatiques et un effondrement de la diversité biologique, voilà
des fraternités protectrices de l’environnement : des luttes contre les changements
climatiques, des luttes pour la sauvegarde de la diversité biologique.
En troisième lieu ce qui concerne les générations futures : sont-elles impliquées par la
fraternité transgénérationnelle ?
Elles peuvent être menacées par certains effets incommensurablement longs du
productivisme des générations présentes. Certains effets environnementaux et sanitaires (voire
même financiers) ont tendance à être sans limites dans l’espace et le temps. On détruit la
liberté de choix des générations futures en lançant des mécanismes dont il n’est pas prouvé
qu’elles pourront les maitriser. On est loin d’indiens iroquois qui, par transmission orale
depuis le XIIème siècle et par une Grande loi de paix de 1720, prenaient des décisions « en
tenant compte du bien-être jusqu’à la septième génération. » Théodore Monod disait «Il
faut voir loin et clair ».Là aussi la valeur politique de la fraternité a donc tout son sens.
b- La fraternité, un devoir éthique contribuant à remettre en cause des compétitions
C’est l’appartenance à la famille humaine qui est le fondement éthique essentiel de la
fraternité , celle-ci est synonyme de trois éléments.
En premier lieu la famille humaine est synonyme d’unité et de diversités. Il s’agit
de rechercher l’unité de l’espèce humaine. « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr » disait
Einstein. La fraternité ne fait-elle pas de nous des frères et des soeurs en humanité laquelle
serait une forme de Mère ?
Il s’agit également de respecter les diversités. Nous sommes ici dans des pratiques
quotidiennes de fraternités et d’anti fraternités . Ne pas éliminer les différences, ne pas les
exacerber, ne pas les effacer mais les respecter. Loin des dominations, des ghettos, des
assimilations, la fraternité correspond à un regard d’intégration, d’ouverture, elle reconnait
des similitudes et des différences entre les personnes, les peuples, les générations.
En second lieu la famille humaine est synonyme également de lieux interdépendants où vont
se vivre des fraternités dans le temps. Le vivre ensemble se déroule dans nos villages, nos
villes, nos régions qui sont nos terroirs, dans nos pays qui sont nos patries, dans nos
continents qui sont nos matries , sur notre Terre qui est notre foyer de l’humanité. Ces
territoires nous aident à construire nos identités, à nous structurer. Mais ils ne doivent pas se
refermer, devenir des fractures de l’humain, des administrations de peurs de l’autre, des
fabriques de l’ennemi. Ils doivent se découvrir, s’interpeller, se compléter, s’incliner les uns
vers les autres. Voilà Montesquieu citoyen du monde: « Si je savais quelque chose qui fût
utile à ma famille mais qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais
quelque chose utile à ma patrie et à l’Europe mais préjudiciable au genre humain, je le
regarderais comme un crime. »Les lieux de vie, comme les générations, sont donc marqués
par les interdépendances, n’est-ce pas un devoir moral de les construire dans la fraternité ?
En troisième lieu quels sont, au regard de l’éthique, les moyens et les fins de cette
fraternité? D’un point de vue général on peut affirmer que la mondialisation
productiviste contribue à la confusion entre les fins et les moyens. Les fins, c’est-à-dire les
acteurs humains en personnes, en peuples, et en humanité, sont plus ou moins ramenés aux
rangs de moyens. Les moyens, c’est-à-dire surtout la techno science et le marché, deviennent
des fins suprêmes et tendent à occuper toute la place. La fraternité, au sens éthique, en appelle
à une cohérence entre les moyens et les fins. Les fins doivent être respectées, les moyens
doivent être remis à leur place. Dans une formule radicale, restée à ce jour inégalée, Gandhi,
dans cet ouvrage posthume « Tous les hommes sont frères », écrivait « La fin est dans les
moyens comme l’arbre est dans la semence». Cette cohérence signifie que si l’on veut
construire des fraternités il faut des moyens fraternels, c’est-à-dire démocratiques, justes,
écologiques et pacifiques. Après le politique et l’éthique voilà le juridique.
c- La fraternité, un principe juridique contribuant à remettre en cause des
compétitions
En premier lieu soulignons que le Conseil constitutionnel français a très heureusement
reconnu dans une décision du 6 juillet 2018 » la valeur constitutionnelle du principe de
fraternité », cela au même titre que celui de liberté et que celui d’égalité. Désormais sa
jurisprudence pourra y faire référence. Comme l’affirme une association dans l’affaire en
question (« délit de solidarité »), il « crée ainsi une protection des actes de solidarité ». Il est
désormais acquis que chacun a « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans
considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». C’est là une avancée
importante.
En second lieu on peut penser que la spécificité de ce principe repose entre autres sur la
non-discrimination transgénérationnelle, inscrite dans le projet de « Déclaration universelle
des droits de l’humanité » remis par la France au Secrétaire général de l’ONU en 2015 (à la
rédaction de laquelle l’auteur de ce blog avait participé) et qui sera (peut-être ?) un jour
consacrée par les Nations Unies. « Les générations présentes ne devraient entreprendre
aucune activité ni prendre aucune mesure qui auraient pour effet de provoquer ou de perpétuer
une forme de discrimination pour les générations futures », cela au sens bien sûr des Pactes
internationaux des droits de l’homme de 1966, mais aussi au sens des droits-solidarités en
particulier à la paix et à l’environnement.
En troisième lieu cette spécificité du principe repose ensuite sur la protection de
l’environnement et de la santé. D’abord environnement et santé, y compris pour les
générations futures, sont liés comme l’affirme la CIJ en 1997, ensuite comme l’exigent
quelques conventions de droit international de droit de l’environnement « chaque génération
humaine a le devoir de faire en sorte que le legs des ressources de la terre soit préservé et
qu’il en soit fait usage avec prudence ». Enfin, plus globalement, l’impératif de la protection
de l’environnement repose sur la vie de l’humanité et de l’ensemble du vivant, donc, comme
l’affirmait un juriste canadien Charles Gonthier « sur la fraternité dans ses dimensions
universelle et temporelle. »
En quatrième lieu non seulement ce principe a une certaine spécificité mais ses
interdépendances existent avec d’autres principes qui, eux aussi, se transgénérationnalisent.
Ainsi le principe des responsabilités des générations présentes envers les générations futures,
consacré dans la Déclaration de l’UNESCO de 1997,le principe de solidarité par exemple
sous la forme de l’assistance écologique qui est un devoir de la communauté internationale
consacré par la Déclaration de Rio de 1992 , le principe de non régression selon lequel la
protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante , le
principe de dignité de l’humanité qui implique la satisfaction des besoins fondamentaux ainsi
que la protection des droits intangibles.
A cela s’ajoute la proximité du principe de fraternité transgénérationnelle avec un
concept transgénérationnel qui exige que des limites soient fixées aux activités humaines
concept qui est à base d’ autolimitation et de contrainte, concept sur lequel se greffent les
principes de précaution, de sobriété, de coopération et d’autres à venir. Voilà pour le contenu,
En cinquième lieu la mise en oeuvre de ce principe doit se traduire par des interdictions à
consacrer.. Quelles interdictions ? Constitueraient des crimes écologiques contre les
générations présentes et futures et contre le vivant, des mécanismes ayant des effets sanitaires
et environnementaux sans limites dans l’espace et dans le temps, ainsi les recherches sur
les armes de destruction massive, ainsi l’enfouissement irréversible des déchets radioactifs.
En sixième lieu enfin évoquons à travers des fonctions essentielles, une simple énumération
de quelques institutions, existantes ou nouvelles, porteuses de fraternité transgénérationnelle.
Fonctions de vigilance et d’anticipation, par exemple des gardiens et des Conseils pour les
générations futures, des Assemblées législatives du long terme.
Fonctions de représentation, par exemple l’humanité aurait la personnalité juridique ,
l’Organisation mondiale de l’environnement pourrait la représenter .
Fonctions de sanction , par exemple de tribunaux nationaux (c’est le début d’un processus
d’avenir ) condamnant des Etats à respecter leurs engagements de réduction des gaz à effet de
serre, également le tribunal déjà créé en 2012 « des crimes contre la nature et contre le futur
de l’humanité », la création un jour d’une Cour mondiale de l’environnement.
Englobant cet ensemble le voilà, l’esprit de fraternité, consacré par la DUDH, porté par « les
êtres humains doués de raison et de conscience », il doit souffler sur notre terre à travers les
temps, il peut briser des solitudes, changer des destins, qualifier des vies. Il doit faire, de tous
envers tous, des tisseurs et des passeurs de fraternités.
B- Les alternatives aux compétitions
On ne peut pas faire l’impasse des alternatives générales (1), on peut bien sûr passer sur la
lecture de ces développements si on les trouve trop longs, mais il fallait bien montrer que les
compétitions s’étant infiltrées presque partout c’est presque partout qu’il faut les remettre en
cause..
Viendront ensuite des analyses davantage liées aux compétitions même si celles-ci n’en ont
pas le monopole. (2)
1- Les alternatives générales
Elles vont avoir pour effet d’apaiser certaines compétitions, d’en faire disparaitre d’autres.
Réciproquement l’apaisement ou l’effacement de certaines compétitions pourront favoriser
l’avènement de différents moyens énumérés.
a- Des moyens pour construire une société viable
Cette liste est indicative. Il s’agit de vingt grandes séries de moyens (cinq dans chacun des
quatre grands domaines) contribuant à passer d’un système international productiviste
autodestructeur (qui assassine la terre et l’humanité) à une communauté mondiale viable pour
la terre et l’humanité .
1/D’un système international pour une large part autoritaire à une communauté
mondiale démocratique :
-Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières, impôt mondial
sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux, suppression des évasions fiscales…)
-Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de
l’environnement, de la culture…)
-Démocratisation des institutions internationales ( réformes du Conseil de sécurité et de
certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place légitime des pays du Sud,
promotion des ONG…)
-Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux, continentaux,
internationaux) et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s dans tous les Etats,
création et développement des processus participatifs (référendum d’initiative partagée,
d’initiative citoyenne…)
-Créations d’organisations nouvelles (composées d’Etats, d’ONG, de collectivités
territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations internationales, régionales et
sous-régionales, développement de réseaux, de coordinations, de fronts communs d’ONG…
(par exemple celles allant dans le sens d’un ralentissement du système.),
2/D’un système international pour une large part injuste à une communauté
mondiale juste :
–Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre, revenu
déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)…
–Annulation de la dette publique (celles des Etats, des collectivités territoriales, des
organisations internationales…)
–Priorités données au juste échange et au commerce équitable (le libre échange leur sera
subordonné), développement massif de l‘économie sociale et solidaire, de
l’économie collaborative …
–Mise en place d’agricultures durables et autonomes (respect de l’environnement, statut
international des matières agricoles, souveraineté alimentaire)
–Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement du pouvoir
financier et liées aux activités polluantes, redistribuées vers des besoins criants en santé, en
protection sociale, en éducation, en environnement, en emplois…)
3/D’un système international pour une large part anti écologique à une communauté
mondiale écologique :
–Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de
production, de consommation, de transport écologiquement non viables)
–Programmes massifs d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau potable et du droit à
l’assainissement)
–Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les
niveaux géographiques)
–Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables, économies
massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire),mise en oeuvre d’un ralentissement de
l’explosion démographique mondiale
–Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation
mondiale de l’environnement, convention sur les droits des déplacés environnementaux,
convention créant une Organisation mondiale et régionale d’assistance écologique,
conventions de protection des sols, convention de protection des forêts, convention contre les
pollutions telluriques …) et de nouveaux protocoles(en particulier de réductions massives et
radicales des gaz à effet de serre)
Les actions environnementales qui précèdent ,combinées au revenu universel d’existence, aux
réductions du temps de travail et à de grands travaux communs pacifiques et écologiques
,contribueraient à donner le jour à des créations massives d’emplois dans le bâtiment, les
énergies renouvelables, l’agriculture, les transports, la revitalisation de régions dégradées, les
travaux contre des effets de la montée des eaux, l’assistance aux catastrophes écologiques,
l’éducation à l’environnement…
4/D’un système international pour une large part violent à une communauté
mondiale pacifique :
–Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction massive (déclarées
contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
–Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention
internationalisées)
–Remises en cause des ventes d’armes (restrictions, taxations, interdictions, reconversions),
créations de ministères du désarmement.
–Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes de destruction
massive en particulier nucléaires ) , application des traités qui existent déjà.
–Mise en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans de multiples
lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non violent des conflits,
l’apprentissage de la fraternité opposée à la compétition.)
Cette vingtaine de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr prolonger la liste.
Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système productiviste
autodestructeur (voir sur ce blog quatre « billets » sur « Le productivisme » et à le remettre en
cause pour donner naissance en quelques décennies (?) à une communauté mondiale
humainement viable.
Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en général trop timides.
Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du système
productiviste implique la mise en oeuvre de moyens nombreux radicaux.
Nous avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble
particulièrement radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces
cinq moyens sont très critiqués par certains. Ainsi pour leurs pourfendeurs le revenu universel
d’existence est synonyme d’institutionnalisation de la paresse et d’impossibilité financière de
le réaliser, l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive est synonyme
d’atteintes à la liberté de la recherche scientifique, le désarmement financier est synonyme de
faillite généralisée, les remises en cause des modes de production et de consommation non
viables sont synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité…
Penser et mettre en oeuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même si le hasard peut
éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives (voir sur ce
blog « Les volontés politiques », voir aussi les quatre « billets » sur la démocratie, surtout le
3ème). Ces moyens pour voir le jour devront surmonter des obstacles nombreux et
puissants mais pensons, exemple gigantesque, au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans,
par s’effondrer, « l’histoire est sortie de ses gonds »avait dit Gorbatchev.
Des ONG, des alternatives sont souvent porteuses d’espoirs. Tous les acteurs, aux différents
niveaux géographiques, à travers des responsabilités très variables, ont des remises en cause à
entreprendre, des constructions auxquelles participer.
Enfin réaffirmons que les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en
avant : pour des fins démocratiques des moyens démocratiques. pour des fins justes des
moyens justes, pour des fins écologiques des moyens écologiques, pour des fins pacifiques
des moyens pacifiques…
b- Des alternatives générales aux violences
1/ Par rapport aux analyses extra historiques
Contentons-nous de dire ici qu’il s’agit de construire ce refus de la fatalité en s’appuyant sur
l’esprit critique, sur l’esprit de responsabilité et aussi s’ouvrir à la prospective en s’appuyant
sur l’imagination.
Ensuite il s’agit de prendre en compte ce qui, dans chaque analyse, peut être facteur de
violence :
Par rapport à ceux et celles qui croient à la nature humaine mauvaise, à la pulsion de mort, à
la fatalité biologique de la violence : mettre en avant les analyses de l’agressivité acquise (IV
partie précédente). On peut faire reculer des violences par la socio culture en particulier de la
maternelle à l’université.
Par rapport à ceux et celles qui croient à des interventions de l’au-delà porteuses de
violences : mettre en avant des interventions porteuses de paix en ce monde existant.
Par rapport à la lutte des contraires : ne pas interpréter cette analyse comme une fatalité mais
comme un appel aux levées de contradictions, aux volontés de synthèses, à l’élaboration de
compromis, compromis qui sont des moyens non-violents favorisant des conciliations.
Par rapport aux violences de notre univers : savoir que dans l’univers existent aussi du
silence, des harmonies, des merveilles. Et qu’il est vrai que, si nous venions à être menacés
par quelques astéroïdes, c’est une raison de mettre en commun des moyens de surveillance et
des moyens de protection autant que faire se peut. C’est de toute façon une occasion de plus
de réaliser la chance qu’est la vie sur Terre pour la transformer en chance de vivre sur Terre
cela en faisant face aux défis communs qui, à ces exceptions près, ne sont pas dans l’espace.
Pour le reste la science-fiction est là, et heureusement lorsqu’elle est bonne ou géniale.
Par rapport à un désir de l’autre qui nous menacera toujours : c’est là une conception bien
proche d’un « enfer » indéfiniment constitué par les autres. Sortir de cette fatalité c’est
remettre en cause des compétitions, des concentrations d’avoirs de pouvoirs de savoirs, des
jalousies, des haines, c’est mettre en avant les constructions de réconciliations, de solidarités,
de partages, de coopérations, de mises en commun, de côtes à côtes face aux défis communs,
c’est entrer en fraternités. C’est être parties prenantes de l’histoire de l’humanité.
2/Par rapport aux analyses historiques des causes des violences
Face à chaque cause économique :
Face à la propriété : développer la notion et les pratiques de biens communs et celles de
patrimoine commun de l’humanité.
Face à la propriété privée des moyens de production : partager les avoirs et les pouvoirs.
Face à la rareté : répartir les richesses et faire un usage prudent des richesses naturelles.
Face aux injustices : supprimer les inégalités les plus criantes. Cette violence structurelle est
parmi les plus massives, il faut la remettre en cause par un partage équitable des fruits des
sociétés locales, nationales, régionales et de la société internationale.
Les puissants ne partagent que rarement d’eux-mêmes, ils arrivent à le faire si des intérêts
communs deviennent criants, de type écologique par exemple.
Mais la plupart du temps les partages sont les fruits de rapports de forces entre les dominants
et les dominés d’un lieu donné à un moment donné .Ainsi seront les remises en cause des
paradis fiscaux, des évasions fiscales, les créations de taxations de change, d’impôts sur le
capital, sur les firmes multinationales, ainsi sera la remise en cause de la place du conducteur
occupée par les marchés financiers, ainsi sera la remise en cause de la toute-puissance de la
techno science alors au service du vivant …
Face aux compétitions : mettre en route et développer des solidarités, des coopérations, des
contrats mondiaux, des biens communs…
Face aux autres causes historiques des violences :
Face à l’agressivité acquise : ne pas surestimer l’influence des gènes et transformer une
socio culture compétitive et agressive en socio culture de coopérations , de causes
communes, de vivre ensemble, de fraternité.
Face à la soumission à l’autorité : apprendre l’esprit critique, construire son autonomie,
construire une participation égale des citoyen(ne)s aux prises de décision dans leur pays.
Face à un mécanisme de transgression du sacré : créer et développer des fêtes qui aient un
sens, autant de moments de fraternité sous de multiples formes.
Face au désir mimétique et au sacrifice du bouc émissaire : lutter contre les inégalités,
refuser les slogans de haine, découvrir et faire découvrir les responsabilités personnelles et
collectives, promouvoir les chances et les bienfaits du « vivre ensemble ».
Face au consentement à la violence : créer et développer des associations et des ONG
porteuses d’éducation à la non-violence en particulier à la désobéissance civile devant des
injustices, et porteuses d’actions de solidarités dans l’urgence et le long terme.
Face à la spirale du ressentiment et de la colère : pour éviter que naissent les haines lutter
contre les inégalités, respecter les différences, organiser les intégrations, rétablir des
dialogues, faire en sorte que les circuits financiers de ces haines soient asséchés et que la
coopération s’intensifie en matière de renseignement et de justice, mettre en avant les
bienfaits du « vivre ensemble » .
Face à la paranoïa et à la dépression collectives : apprendre à apprivoiser et à respecter les
différences, mettre en avant projets communs sous-régionaux, régionaux, intercontinentaux
pacifiques, vastes et à long terme.
Face à des idées dont l’usage peut être meurtrier : bien comprendre et faire comprendre de la
maternelle à l’université, dans les médias, dans différentes administrations et entreprises que,
pour chaque être humain, son village, sa ville, sa région c’est son terroir, son pays c’est sa
patrie, son continent c’est sa matrie, la Terre c’est son foyer d’humanité. Ces différents
territoires et lieux de vie doivent créer et développer des solidarités face aux périls communs
et non s’affronter dans des conflits dérisoires et porteurs de souffrances.
Face à la peur de la mort : changer notre rapport à la mort, essayer de maîtriser nos craintes.
« Evoluer vers la maîtrise de nos craintes, la gestion pacifiée de nos conflits, la non-violence
de nos actions.» écrit Jacques Sémelin.
Face au dérèglement du conflit : prévoir et mettre en oeuvre une résolution non violente des
conflits de la maternelle à l’université, dans l’ensemble des lieux de vie (familles, professions,
citoyenneté…) et dans les relations entre tous les niveaux géographiques. Cela signifie
apprendre et mettre en oeuvre des comportements dans lesquels les personnes, comme le
disent les théories et les pratiques non-violentes, » se montrent assez fortes pour être
reconnues par les autres et se montrent assez imaginatives pour inventer, avec les autres, des
solutions justes à leurs problèmes ».
Face aux causes démographiques, sociologiques, politiques : ralentir l’explosion
démographique mondiale, avancer dans la résolution des conflits sociaux de façon pacifique,
créer quand elle n’existe pas, développer quand elle existe, la démocratie représentative et
participative.
2-Les alternatives plus liées aux compétitions
Si les coopérations et les solidarités sont connues, les contrats mondiaux et les biens publics
mondiaux le sont moins.
La liste est bien sûr indicative et l’imagination doit prendre le pouvoir
a- Des coopérations, des solidarités
Dans la compétition on est, malgré soi ou avec soi , en rivalité avec d’autres acteurs, et on
emploie parfois des moyens critiquables ou inacceptables.
Dans la coopération : des acteurs (Etats, organisations internationales, ONG etc…s’organisent
à travers une certaine permanence pour parvenir à un but commun. La compétition n’est pas
exclue mais elle est censée s’effacer dans un but commun.
Dans la solidarité on veut être avec les autres et d’abord avec les plus faibles et les exclus.
Ces solidarités peuvent s’organiser à tous les niveaux géographiques et à travers une
multitude d’acteurs par exemple des ONG. Des compétitions ne sont pas exclues entre
organisations de solidarités mais la solidarité doit avoir le dernier mot.
De multiples lieux d’éducation remettent et remettront en cause des compétitions. Ainsi des
écoles, des collèges, des lycées, des universités doivent multiplier des initiatives allant dans le
sens des solidarités, dans le sens des éducations aux droits de l’homme, à l’environnement, à
la paix.
b- Les contrats mondiaux dans des domaines vitaux
L’idée forte est ici de construire un cadre mondial permettant de remettre en cause la
compétition qui ne peut gouverner la planète.
Ainsi, par exemple, le groupe de Lisbonne a proposé quatre grands contrats mondiaux « pour
maitriser les excès de la compétitivité : un contrat mondial contre la pauvreté, un contrat
démocratique pour le développement de la participation et de la société civile planétaire, un
contrat culturel pour la tolérance et le dialogue entre cultures et religions, un contrat naturel
pour le développement soutenable. »
Ainsi par exemple des personnalités ont proposé un contrat mondial de l’eau, le Manifeste est
soutenu par de nombreuses associations dans le monde.
D’autres contrats mondiaux verront le jour. Par exemple pourquoi ne pas conclure un contrat
créant une « internationale de la lenteur » qui aurait pour fonction d’organiser et de soutenir
les mouvements allant dans ce sens ? Ce contrat ne ralentirait pas à lui seul le système
productiviste mais constituerait une avancée intéressante. Et le couple compétition-vitesse ne
l’apprécierait guère.
c- La consécration et l’extension des biens publics mondiaux
Cette voie suppose de faire le point sur le patrimoine commun de l’humanité (PCH) puis de
voir ce qui est ou peut être en route autour du concept de biens communs. Le commun n’est-il
pas ne peut-il pas être davantage une remise en cause importante des compétitions ?
Que dire du PCH ?
Ce PCH reposera sur une gestion synonyme de limites établies au nom des responsabilités
des êtres humains et du respect des êtres vivants. (Voir Hans Jonas, Principe
responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. (de 1979, paru en France en
1991, Flammarion.)
Le PCH prend et prendra différentes formes, outre les quatre qui suivent on peut en
imaginer et en construire d’autres, on devra les articuler les unes aux autres pour renforcer la
protection générale. A long terme ce devrait être là un contre-mécanisme très important contre
le productivisme, il n’aura ni des logiques d’intérêts nationaux, ni des logiques de primauté du
profit et d’une fuite en avant autodestructrice.
Le PCH au sens propre est celui d’éléments qui appartiennent juridiquement à
l’humanité. Il s’agit des fonds marins (« la Zone ») (Convention sur le droit de la mer du 10-
12-1982, article 136), de la Lune et des autres corps célestes (Accord du 5-12-1979, article
11), du génome humain (Déclaration du 11-11-1997, article 1er).
Le PCH au sens large est celui d’éléments constitués par des espaces internationalisés qui
doivent être explorés et exploités dans l’intérêt de l’humanité. Il s’agit de l’espace extra
atmosphérique (Traité du 27-1-1967, article 1er§1), de l’Antarctique (Traité du 1-12-1959,
préambule).
Le PCH au sens plus large est celui d’éléments constitués par certains biens naturels et
culturels ou mixtes, qui restent sous les souverainetés étatiques, mais qui nécessitent
d’être protégés dans l’intérêt de l’humanité parce qu’ils présentent un intérêt exceptionnel.
(Conclue dans le cadre de l’UNESCO, c’est la Convention sur le patrimoine mondial, 16-11-
1972).
On peut légitimement soutenir qu’il faudrait rajouter ici une quatrième série d’éléments :
Le PCH au sens très large comprendrait les ressources biologiques ,que les Etats ont
certes le droit souverain d’exploiter (article 3 de la Convention sur la diversité biologique du
5-6-1992), mais les Etats seraient contrôlés (interdictions possibles) par une autorité
internationale, gardienne de ce patrimoine naturel mondial, par exemple la future
Organisation mondiale de l’environnement(OME),celle-ci interviendrait alors au nom de
la nature et au nom des générations futures(protocole à la Convention sur la biodiversité, et
compétence à prévoir pour l’OME).
Que dire des biens communs ?
(Voir par exemple « Les biens communs environnementaux : quel(s) statut(s) juridique(s) ? »
dans Les cahiers du crideau, pulim 2017,sous la direction de Jessica Makowiak et Simon
Jolivet, voir entre autres notre article sur « Le projet de déclaration universelle du bien
commun de l’humanité »)
Cet intérêt commun de l’humanité est lié aussi à des biens communs. Ils sont qualifiés d’
« indispensables pour la vie collective des individus et des peuples » par le projet de «
déclaration universelle du bien commun de l’humanité » (Forum mondial des alternatives,
2012), il est affirmé qu’il s’agit « de l’alimentation, de l’habitat, de la santé, de l’éducation et
des communications matérielles et immatérielles. »Il faut donc « garantir l’accès aux biens
communs et à une protection sociale universelle ».
Cette déclaration conçoit plus globalement le « Bien commun de l’humanité comme
possibilité, capacité et responsabilité de produire et de reproduire la vie de la planète et
l´existence physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains à travers le monde.»
Ces théories et ces pratiques , encore en gestation, celle de Patrimoine commun de l’humanité,
celle de Biens communs, au-delà de leurs différences(conceptions de la propriété et de la
responsabilité, des acteurs les mettant en oeuvre, de leur étendue, de leur gestion…), ont
probablement un point…commun :
mettre en avant des éléments qui, en dépassant le quadrillage étatique, en mettant des limites à
la marchandisation du monde, en étant pensés sur le long terme, voudraient contribuer à
préserver ce que l’humanité et la nature peuvent avoir d’essentiel.
Quelles sont les critiques faites à cette conception ? La critique est double : c’est celle des
souverainetés étatiques qui verront dans cette entreprise une forme de dépossession, c’est
celle du productivisme qui ne peut accepter de remettre en cause des logiques d’exploitation
sans limites de la Terre.
Que penser de ces critiques ? Face aux souverainetés irréductibles, une solidarité mondiale
doit avoir le droit du dernier mot. Face au productivisme, condamnable et condamné, un
système viable pour l’ensemble du vivant (humain, et non humain) doit voir le jour.
Quels biens communs à protéger ? Respecter la biosphère (maison commune de l’humanité
et du vivant) et le patrimoine commun de l’humanité, organiser un accès universel et effectif
aux biens communs indispensables à la vie des personnes, des peuples, des générations
présentes et futures.
D’où l’existence de ces luttes pour développer des technologies propres, des énergies
renouvelables et pour consacrer des éléments de l’environnement (par exemple l’eau) comme
biens publics mondiaux ou comme patrimoine commun de l’humanité. Ces deux notions
ne peuvent-elles pas contribuer à construire une certaine harmonie ou simplement une
certaine cohabitation entre solidarité, liberté et sécurité ? Ne doit-on pas relier
l’environnement au patrimoine mondial de l’humanité même si cette notion a subi un coup
d’arrêt dans la Convention sur la diversité biologique puisque les États sont souverains sur
leurs ressources naturelles. Il est cependant hautement souhaitable et encore possible que le
potentiel de cette notion se déploie dans les décennies à venir.
René-Jean Dupuy affirmait : « L’humanité doit elle-même jouir de droits faute de quoi les
hommes perdraient les leurs. » D’où cette idée, en particulier de certains internationalistes, de
refonder le droit international public sur une norme impérative de droit international général
(jus cogens) qui serait celle de l’intérêt commun de l’humanité.
Remarques terminales
1-Deux citations criantes de vérité
L’une de Riccardo Petrella « La logique de la compétitivité a été élevée au rang
d’impératif naturel de la société. La compétitivité fait perdre le sens du « vivre
ensemble », le sens du « bien commun ».
L’autre d’Edgar Morin : « A la culture de compétition qui régit les rapports mondiaux il
faut substituer une culture de solidarité. »
2-Des compétitions alimentent des violences et réciproquement, comment les remettre en
cause ?
Les violences militaires, économiques, sociales, écologiques, culturelles peuvent et doivent
être remises en cause principalement
-par un règlement pacifique des conflits, un désarmement massif, des alternatives de défense,
-par de gigantesques luttes contre les inégalités, cela à tous les niveaux géographiques,
remettre en cause ces réservoirs de multiples violences c’est faire oeuvre de paix,
-par la construction d’ une société écologiquement viable,
-par une éducation massive aux droits de l’homme et à la paix.
3-Le dernier mot ?
André Gorz disait de la violence « c’est le négatif de la tendresse. »
Emile Zola aura le dernier mot , lui aussi sur la tendresse et la fraternité :
« (…) Le rêve final sera de ramener tous les peuples à l’universelle fraternité,
de les sauver tous le plus possible de la commune douleur, de les noyer tous dans une
commune tendresse. »