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Suis-je d’une ville (d’un village), d’une région, d’un pays, d’un continent, du
monde ?
Ce texte a été donné aux étudiants de master en droit de l’environnement de
l’aménagement et de l’urbanisme de Limoges depuis une quinzaine d’années,
l’auteur de ce site l’a donné aussi pour la publication des « mélanges » d’un
collègue. L’article est en partie reconstruit pour les lecteurs du site et dans la
forme et dans le fond.
Cette question, souvent abordée dans mes cours de relations internationales,
de grands problèmes politiques contemporains, de droit international public,
de droit international de l’environnement, et cela sous diverses formes liées à
ces disciplines, est reprise ici de façon qui se veut globale, critique et créatrice.
Introduction
1-D’où suis-je ? Est-ce que je suis briviste, limousin, français, européen,
terrien ? (Vous mettrez vous-même ici les termes précis qui vous concernent).
Un peu tout cela diront certains, je suis français(e) point final diront d’autres,
d’autres encore se voudront avant tout citoyen(ne)s du monde.
2-Un poète comme Lamartine proclamait : « L’égoïsme et la haine ont seuls
une patrie, la fraternité n’en n’a pas ». Il en appelait ainsi aux grands vents des
solidarités humaines. Un autre poète (Eluard) écrira « Le coeur des peuples bat
plus fort, le coeur des peuples bat la Terre, nous disons non aux maîtres et aux
frontières». Khalil Gibran dira lui aussi : « La Terre est ma patrie, l’humanité est
ma famille ».Socrate avait magnifiquement exprimé cette façon de voir les
choses : « Je ne suis ni athénien, ni grec mais citoyen du monde ».
3-Ces élans et ces cris de fraternité sont certainement porteurs, pourtant mes
racines, mes lieux de vie ne sont-ils pas ma ville, ma région, mon pays ? L’Union
européenne c’est aujourd’hui presque trente pays, la planète est quadrillée par
près de deux cents Etats, le monde a plus de sept milliards d’habitants, au
mieux je n’en connaîtrai vraiment qu’une petite partie. Certes des évènements
heureux ou malheureux en Europe et dans le monde ne me laissent pas
indifférent, mais c’est ici et maintenant, surtout dans ma ville, mon pays que
sont mes peines, espoirs, joies, amitiés, amours, affections, je suis d’un coin de
terre et je suis aussi dans l’instant présent, c’est le « carpe diem »évoqué par
exemple dans « Le cercle des poètes disparus », après-demain je serai mort,
c’est le moment présent qui m’importe.
4-Et, pourtant, ne suis-je pas aussi un enfant de la Terre ? Est-ce que « je ne
pousse pas mes racines » au coeur de ceux et celles qui vivent, ici, un peu plus
loin, et très loin, à travers les déplacements que je fais chaque jour par
exemple à la radio, à la télévision, sur internet,sur les portables et les réseaux ?
Et puis j’aimerais aussi habiter le temps, voilà le passé comme expérience, le
présent comme agissant, l’avenir comme horizon de responsabilité. Enfant de
la Terre ne le suis-je donc pas dans l’espace et dans le temps ? J’entends, si
j’écoute bien, les pas de ceux et celles qui nous précèdent et déjà les pas de
ceux et celles qui vont nous suivre.
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5-Finalement comment mieux me situer, comment mieux entrer dans cette
question ? En partant de ce que je vis, de ce que nous vivons, les reflets du réel
(I) pour arriver à ce que je voudrais, à ce que peut-être nous voudrions vivre, à
cette utopie créatrice mettant en avant des moyens de se réaliser, des projets
sur le réel (II).
I- Une personne dans des lieux interdépendants pour le meilleur et pour le
pire : des reflets du réel.
Quelles interdépendances ? Celles du particulier à l’universel, celles de
l’universel au particulier (A). Quelles interdépendances ? Celles heureuses et
celles malheureuses (B).
A- Du particulier à l’universel, de l’universel au particulier.
J’ai une certaine identité, de même chaque personne, chaque lieu n’a-t-il pas
lui aussi une certaine identité ?(1). En même temps « Rien de ce qui est humain
ne m’est étranger » nous disent du fond des âges les voix de nombreux
penseurs(2).
1- Chaque lieu a une certaine identité : l’importance du particulier
Les identités sont vitales. Elles contribuent à nous structurer comme personne,
comme communauté, comme peuple, et à structurer les lieux dans lesquels
nous vivons. Participent à ces constructions par exemple des langues, des
cultures, des expressions artistiques… On peut bien sûr s’interroger sur le
contenu de telle ou telle identité, par exemple existe-t-il une identité de ce
que serait un « peuple européen »? Les identités existent en fait à tous les
niveaux géographiques, elles expriment des diversités et cela face à une
« uniformité uniformisante » comme l’appelait Kostas Axelos. La frontière
certes me sépare des autres, elle est une forme de barrière d’obstacle à la
fraternité, en même temps elle permet de construire des identités, elle est
vraiment comme le dieu Janus à deux faces.
Il est essentiel à chaque niveau géographique, dans chaque lieu de vie, de
comprendre, de construire, de préserver, de faire partager, d’apprivoiser ces
identités. Elles sont autant de richesses, « Si tu diffères de moi loin de me léser
tu m’enrichis » écrivait Antoine de Saint Exupéry. Les identités et les diversités
forment d’immenses richesses pour l’espèce humaine.
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Encore faut-il veiller à ne pas basculer dans des replis identitaires, dans des
fermetures, des replis sur soi-même, sur une communauté, sur un lieu où l’on
vit. Ne faut-il pas ainsi lutter contre les tentations et les entreprises de
formation de l’image de l’adversaire ou de l’ennemi ? Ennemi, intérieur ou
extérieur à un lieu donné, par exemple un pays, ennemi qu’il faut, dit-on,
opprimer ou éliminer, s’il n’est pas conforme à cette identité. On est bien loin
de la démocratie qui est synonyme, entre autres, de peurs surmontées, de
respect des diversités, d’apprivoisement des différences.
2-Les lieux et les identités : leur participation à l’universel
Le « rien de ce qui est humain ne m’est étranger »signifie que si je suis de tel et
tel lieu je suis aussi au coeur du monde. L’autre, proche ou lointain, n’est-il pas
un frère en humanité ?
Une guerre qui éclate, un régime de terreur qui se déchaine, une catastrophe
qui se produit, une banlieue qui se soulève, mais aussi des solidarités qui
s’organisent, des victoires remportées sur des injustices, des réalisations
communes, peuvent nous émouvoir, nous faire entrer en résistances et en
solidarités, nous porter au-delà de nous-mêmes. Peut-être d’ailleurs suis-je
d’autant plus vivant que je porte en moi un projet d’humanité et qu’il me
porte ? De même pour un peuple, de même pour les générations présentes.
Allant dans ce sens voilà le magnifique poème de Rilke : « Qui maintenant
pleure quelque part dans le monde, sans raison pleure dans le monde, pleure
sur moi ? Qui maintenant marche quelque part dans le monde, marche dans le
monde, vient vers moi ? Qui maintenant meurt quelque part dans le monde,
sans raison meurt dans le monde, me regarde ? »
Etre une conscience n’est-ce pas « s’éclater vers le monde » (Jean-Paul
Sartre)? On essaie de passer de la question du souci de soi à celle du destin de
tous. Avec Edgar Morin on peut affirmer avec force : « Il faut qu’une conscience
de la solidarité se substitue à la culture de compétition qui régit les rapports
mondiaux. »L’universel c’est aussi cela : au-delà des intérêts nationaux ne
sommes-nous pas fraternisés par les périls communs (armes de destruction
massive, dégradation écologique, grandes épidémies…)?
Nous voilà solidaires et responsables non seulement dans ces différents
espaces mais aussi dans le temps. Vis à vis des générations passées sommesnous
capables de préserver et de faire découvrir le patrimoine culturel mondial
qu’elles nous ont laissé ? Vis à vis des générations futures sommes-nous
capables de leur laisser des marges de manoeuvres pour devenir ce qu’elles
voudront être ?
Dans cet espace et ce temps s’inscrivent des bonheurs et des malheurs.
B Des interdépendances heureuses et malheureuses.
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Innombrables sont ces interdépendances entre les acteurs, les niveaux
géographiques, les activités, les moments dans le temps…Leur énumération à
titre indicatif n’est-elle pas impressionnante ?(1).Du local à l’international ne
retrouve-t-on pas sous diverses formes le meilleur et le pire ?(2).
1-Une énumération indicative d’interdépendances heureuses et
malheureuses.
L’ampleur des problèmes, des drames et des menaces, aux niveaux locaux,
nationaux, continentaux, international est impressionnante : la faim, les
maladies, les conflits armés, le terrorisme, la course aux armements, les
atteintes aux droits de l’homme, de la femme, de l’enfant, des peuples, des
générations futures, la dégradation mondiale de l’environnement,
l’urbanisation vertigineuse et incontrôlée du monde , la pauvreté et la misère,
l’analphabétisme, l’endettement mondial, la criminalité financière
internationale, l’ explosion démographique…
Exprimé autrement par rapport aux évènements heureux : face aux régimes
autoritaires voilà des luttes pour la démocratie, face à de multiples violences
voilà des actes de paix, face à la débâcle écologique voilà des politiques de
protection de l’environnement, face aux injustices voilà des luttes pour les
égalités.
Interdépendances présentes partout entre différents domaines : par exemple
ici des atteintes à la paix porteuses d’atteintes à l’environnement, là des
atteintes à l’environnement (par exemple la gestion non durable d’un fleuve
international) porteuses d’atteintes à la paix. Au contraire ici des actes de paix
porteurs de protection de l’environnement, là des protections de
l’environnement porteuses d’actes de paix. Les interactions heureuses et
malheureuses se multiplient.
2-Quelles sont mes responsabilités au milieu de ces interdépendances ?
Techno-science, marché mondial, marchés financiers, firmes géantes, Etats,
organisations internationales et régionales, ONG et associations, collectivités
locales, entreprises, universités, peuples, générations présentes ont des parts
variables de reproductions et de ruptures (remises en cause)par rapport à ces
bonheurs et à ces malheurs.
Chaque personne a aussi ,à une petite échelle, de façon très variable, des parts
de reproductions d’injustices, de destructions de l’environnement, de
violences, d’actes non démocratiques, et elle a également des parts de
ruptures ou de tentatives de ruptures à travers des actes justes, écologiques,
pacifiques, démocratiques.
Bien entendu les responsabilités d’une firme multinationale qui, par exemple,
pollue beaucoup, ne sont pas comparables à ma participation aux émissions de
gaz à effet de serre, pourtant toutes les remises en causes sont nécessaires
même si celles de la multinationale ont un poids plus important que celles
d’une personne.
Une fois de plus le « Penser globalement et agir localement » est bien présent,
il signifie penser à la Terre et agir dans mon village ou ma ville. Mais la
réciproque est vraie : penser localement et agir globalement, ainsi par exemple
si je ne souhaite pas dans mon quartier telle pollution il ne s’agit pas pour
autant de la rejeter plus loin mais de participer à une remise en cause plus
radicale de cette atteinte à l’environnement.
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Cette responsabilité on la retrouve également comme horizon. Voulons-nous
demain des petits-enfants sujets de leurs propres vies ou objets de la vie de
quelques générations qui n’auront pas su prendre leurs responsabilités ?
Nous sommes là dans cette utopie concrète qui nous appelle à penser et à
construire des projets sur le réel aux différents niveaux géographiques, dans
les différents lieux de vie, dans les divers ordres juridiques.
II-Une personne dans des lieux pour des interdépendances humainement
viables : des projets sur le réel.
Je suis une personne qui existe dans l’instant mais qui est aussi en devenir.
Nous sommes un peuple qui est aussi en marche. L’humanité est, elle aussi,
dans cette mise au monde continuelle, à travers quelle unité et quelles
diversités ?(A). Quels moyens penser et mettre en oeuvre dans chaque lieu, du
local à l’international? (B)
A- Quelle unité et quelles diversités ?
Ne faut-il pas rechercher l’unité de l’espèce humaine (1) et ne faut-il pas
respecter les diversités (2) ?
1- Rechercher l’unité de l’espèce humaine.
Piller la planète, échanger des terreurs, créer des injustices, étouffer des
libertés : n’avons-nous pas mieux à faire ? Remettre en cause la
surconsommation quand elle existe, prévenir et gérer pacifiquement les
conflits, préserver et développer des égalités, des libertés, des solidarités.
Oui « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr » (Albert Einstein), oui « Il nous
faut apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous périrons
ensemble comme des imbéciles » (Martin Luther King). Le « vivre ensemble »
c’est l’intérêt commun de l’humanité qui a pour fondements la démocratie, la
justice, la paix, la protection de l’environnement.
2- Respecter les diversités.
Il s’agit ici des rapports entre une unité donnée et des diversités.
En premier lieu une unité donnée, par exemple un pays, ne doit pas éliminer
les différences, il faut prévenir et dénoncer ces pratiques de domination, ces
regards de capture qui débouchent souvent sur des drames épouvantables.
En second lieu une unité donnée ne doit pas exacerber les différences, ce
regard est lui aussi destructeur à travers la formation des ghettos, le repli
identitaire peut se traduire par des pratiques inhumaines.
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En troisième lieu le fait d’effacer les différences n’est-il pas plus ou moins
dommageable ? Ce regard d’assimilation consiste à dire que l’autre est notre
égal parce qu’il devient comme nous.
En quatrième lieu se situe le regard d’ouverture, il repose sur le respect des
différences, c’est le regard d’intégration. On reconnaît des similitudes et des
différences, c’est le grand principe de non-discrimination. Ce respect de la
diversité des personnes dans les différents lieux doit se manifester par
exemple du point de vue culturel.
Ainsi dans chaque village, ville, pays, continent et pour la Terre entière ne fautil
pas lutter pour consacrer, protéger ces unités et ces différences, construire
peu à peu un sens du « vivre ensemble » ?
Mais le construire à travers quels moyens ?
B-Quels principes et quels moyens penser et mettre en oeuvre dans
chaque lieu ?
Des principes (1) inspirent et encadrent différents moyens(2).
1- Quels principes à respecter par chaque unité géographique ?
Quelle énumération de principes essentiels pourrait-on penser et mettre en
oeuvre pour chaque lieu donné, du local au global?
Une plate-forme remarquable, dont nous nous inspirons, a été publiée dans Le
Monde diplomatique (avril 1994, pages 16 et 17) intitulée « Pour un monde
solidaire et responsable », elle est fondée sur « les éléments de diagnostic, les
principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur
l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes
mobilisateurs. »
Le principe d’humanité c’est-à-dire la possibilité d’avoir une vie digne
répondant aux besoins essentiels, le principe de responsabilité des divers
acteurs dans la construction des sociétés, le principe de diversité par exemple
des cultures, le principe de précaution qui consiste à ne mettre en oeuvre de
nouveaux produits et de nouvelles techniques que si des risques graves ou
irréversibles n’existent pas, le principe de modération qui consiste pour les plus
aisés à limiter leur consommation, à apprendre la frugalité.
Il faut enfin souligner le principe de subsidiarité qui consiste, pour chaque
collectivité, à respecter les principes évoqués ici. Cette forme d’organisation
des volontés consiste dans chaque lieu à prendre des initiatives et à disposer
de marges de manoeuvres quant aux moyens qui seront mis en oeuvre, cela à
travers des rapports de force complexes, à partir aussi des divers ordres
juridiques.
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2- La détermination et la mise en oeuvre de moyens démocratiques, justes,
pacifiques, écologiques dans tous les lieux géographiques.
Nous mettrons en avant à titre indicatif cinq grands moyens dans chaque grand
domaine. Leur mise en oeuvre contribuerait très probablement à passer, dans
les différents lieux, d’un productivisme autodestructeur à des sociétés
humainement viables.
Parmi les moyens démocratiques :
le désarmement du pouvoir financier,
la règlementation de firmes multinationales dans le sens de productions
socialement et écologiquement porteuses,
la démocratisation des institutions aux différents niveaux géographiques,
l’accès des femmes aux processus de décision,
la création de nouvelles organisations internationales fondées sur des Etats,
des ONG, des collectivités territoriales…et le développement de réseaux, de
coordinations et de fronts communs d’ONG…
Parmi les moyens justes :
la création d’un revenu universel d’existence,
l’annulation de la dette publique des pays les plus pauvres,
le développement du commerce équitable et du juste échange,
la redistribution des fonds internationaux de taxation du capital vers des
besoins criants,
la mise en place d’agricultures durables et autonomes…
Parmi les moyens écologiques :
les remises en cause de modes de production, de consommation, de transport
écologiquement non viables,
les programmes d’accès à l’eau potable,
la revitalisation des régions profondément dégradées,
les remises en cause de l’énergie nucléaire, le développement massif des
énergies renouvelables, des économies massives d’énergie,
la conclusion de conventions relatives à la protection des sols, des forêts, aux
pollutions telluriques, de protocoles sur la réduction des gaz à effet de serre,
sans oublier une convention créant une Organisation mondiale de
l’environnement…
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Parmi les moyens pacifiques :
l’interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction
massive,
la mise en place d’une sécurité collective fondée entre autres sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif,
la remise en cause des ventes d’armes à travers des taxations, des
interdictions, des reconversions,
la conclusion de nouveaux traités de désarmement nucléaire,
la mise en place d’une éducation à la paix, de la maternelle à l’université,
fondée en particulier sur l’apprentissage du règlement non-violent des
conflits…
Remarques terminales :
1- Finalement ne pourrait-on pas qualifier ainsi chaque lieu ?
Mon terroir c’est mon village, ma ville, ma région,
ma patrie c’est mon pays,
ma matrie c’est mon continent,
mon foyer d’humanité c’est la Terre …
2- Ces niveaux géographiques n’ont-ils pas au moins quatre schémas de
fonctionnement possibles?
Soit on pense et on agit dans le sens de systèmes centralisés dans
lesquels les volontés vont du haut vers le bas,la démocratie est peu
présente ou absente.
Soit on se prononce et on agit dans le sens d’un va et vient entre le
haut et le bas,en corrections réciproques,reste à savoir comment se
déroulent ces rapports de forces et ce qu’ils produisent.
Soit on pense et on agit du bas vers le haut,on veut faire remonter
des micro expériences,des actions à la base,on veut faire émerger
des autogestions,une certaine démocratie participative existe à des
échelles variables.
Soit on veut aller dans le sens de volontés qui, partant de la base,
vont essayer de s’étendre, de se diffuser,plutôt que d’entreprendre
une ascension,c’est un schéma proche d’une démocratie
participative à des échelles variables.
Sur le terrain les circuits peuvent être compliqués puisque plusieurs
schémas,par exemple dans un pays donné, peuvent fonctionner
ensemble avec des ampleurs et des conflits variables.
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3- Une façon de penser les liens entre ces différents lieux…
Cette façon est exprimée à travers une magnifique citation de
Montesquieu : « Si je savais quelque chose qui me fut utile mais nuisible à ma
famille je l’éloignerais de mon esprit, si je savais quelque chose qui fut utile à
ma famille mais nuisible à mon pays je l’éloignerais de mon esprit, si je savais
quelque chose qui fut utile à mon pays mais nuisible à l’Europe je l’éloignerais
de mon esprit, si je savais quelque chose qui fut utile à l’Europe mais nuisible
au genre humain je le déclarerais comme un crime ».
Cette réflexion se retrouve d’une autre façon sous la plume d’un
internationaliste, Jean-René Dupuy, qui écrivait « Passer de l’homme aux
groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression
quantitative. Accéder à l’humanité suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est
franchi elle doit, elle-même, avoir des droits faute de quoi les hommes
perdraient les leurs » (La clôture du système international, puf,
1989).L’humanité est conçue ici comme contribuant à être la garante de la
survie de tous.
Me voilà, de mon terroir à notre Terre en passant par mon pays et mon
continent, me voilà dans une humanité qui habite non seulement l’espace mais
le temps.
Ainsi en tous les lieux et en tous les temps se font les transmissions des
patrimoines, au sens le plus large du terme, patrimoines locaux, nationaux
continentaux, internationaux, patrimoines qui sont à la fois des donnés et des
construits, des trésors du passé, du présent et du futur.
Mon humanité aura d’autant plus son sens si elle est reliée à celles de tous
les humains, ne suis-je pas, de façon distincte et aussi à la fois, en personne,
en peuple et en humanité ?
L’humanité des lieux dans lesquels je vis aura d’autant plus son sens si elle
est reliée à celles de tous les lieux où vivent les êtres humains. Ne suis-je pas
d’un village, d’une ville, d’un pays, d’un continent, et de toute la Terre, cela
à travers des particularités et des points communs?
4– Si nous avons essayé d’y voir plus clair dans ces lieux de vie, et en eux
mêmes et entre eux, comme reflets du réel et projets sur le réel, peut-être ne
faudrait-il pas oublier quelque chose d’essentiel que nous rappelle un vieux
texte indien d’Amérique
: « Les ruisseaux coulent, les fleuves roulent, les océans grondent. Qui suis-je ?
Un grain de sable sur une grève immense ? Mais qui suis-je pour demander
« qui suis-je » ? N’est ce pas déjà assez d’être » ?
JML