DES IDEES, DES MOYENS, DES VOLONTES
FACE AUX CATASTROPHES ECOLOGIQUES
Intervention faite à l’ouverture du colloque international sur « Les
catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit »,
Limoges, 11,12, et13 mars 2009.Les actes du colloque ,sous la direction
de Jean-Marc Lavieille,Julien Bétaille et Michel Prieur , sont publiés aux
éditions Bruylant, 2011. Ce texte a été en partie réécrit pour les lecteurs
du site.Les noms des auteurs cités ont été écrits en bleu , façon de dire
combien ils ont accompagné et accompagnent nos pensées et nos
coeurs.
« Les catastrophistes sont ceux qui ferment les yeux sur les causes
des catastrophes et non pas ceux qui essaient d’avertir, de critiquer,
de proposer » écrivait François Partant.
Pendant cette intervention seront cités beaucoup de penseurs qui se
trouveront
ainsi parmi nous, avec eux nous pouvons toujours cueillir le souffle du
monde.
INTRODUCTION
Nous voici côte à côte : pourquoi et face à quoi ?
Côte à côte pourquoi ?
D’abord parce que nous sommes, d’une certaine façon, accompagnés
par le
cortège invisible ou visible jusqu’à l’insoutenable d’une partie des
souffrances
humaines, de la première à la dernière victime des catastrophes
écologiques.
Ensuite parce que les générations présentes devraient être – on en est
souvent
loin – fraternisées par les périls communs.
Enfin et surtout peut-être parce que, ensemble, nous voudrions essayer
de
contribuer à penser l’avenir comme horizon de responsabilité, voilà déjà
que
nous pouvons entendre les pas de ceux et celles qui vont nous suivre…
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Côte à côte face à quoi ?
Face à ces moments et à ces lieux où des bouleversements
environnementaux
tournent au désastre, basculent dans le drame.
Nous analyserons certainement, entre autres, la place, les causes, les
arrivées,
les effets de ces catastrophes écologiques.
Leur place est de plus en plus impressionnante à travers leur nombre,
leur
ampleur, leur accélération, leurs enchaînements, leurs interactions, à
travers
aussi cette urgence qui devient, au détriment du long terme, une
catégorie centrale
en particulier des mondes politique et médiatique.
Leurs causes sont de plus en plus complexes : ici des causes naturelles,
là
des causes humaines, mais depuis que les activités humaines sont
devenues
une force physique perturbatrice de la biosphère, des causes naturelles
et
humaines qui s’enchevêtrent de plus en plus.
Leurs arrivées sont de plus en plus annoncées : certes il y en a qui sont
imprévues ou imprévisibles, mais beaucoup sont probables ou
hautement probables
ou certaines. Ces arrivées peuvent se préparer sur de longues ou de
courtes périodes, l’événement sera brutal et plus ou moins terrible.
Les effets de ces catastrophes écologiques sont dramatiques en euxmêmes
à
travers les victimes, les souffrances physiques et morales des
survivants, les ravages
des destructions matérielles, culturelles, environnementales. Ils sont
dramatiques
aussi en termes d’inégalités criantes entre personnes, peuples, régions,
pays, continents par rapport aux préventions, aux secours et aux
réparations.
Mais au-delà de ces catastrophes certains, depuis longtemps, ont pensé
que
c’était aussi un système que l’on pouvait qualifier de catastrophique
parce que,
pour une large part, antisocial, antidémocratique, anti pacifique et anti
écologique.
Ce système productiviste autodestructeur et totalisant est entré dans une
crise écologique radicale depuis « l’anthropocène » vers 1850 et très
certainement
en 1945 au moment où la techno science met en place des forces qui
dans le
temps et dans l’espace dépassent totalement le vivant. Le lendemain
d’Hiroshima
Jean-Paul Sartre écrit : « Nous savons désormais que chaque jour peut
être la veille de la fin des temps. » Jean Rostand devant des survivants
de l’horreur
nucléaire dira : « La science a fait de nous des dieux avant que nous
méritions
d’être des hommes. Désormais tous les espoirs sont permis à
l’homme…
même celui de disparaître. »
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Ainsi, alors que ce système dans ses logiques autodestructrices peut
rouler
vers le chaos, n’est-il pas vital de se demander quelles idées, quels
moyens, portés
par des volontés, contribuent et pourraient contribuer à créer des contre
logiques,
des contre-mécanismes pour éviter de produire certaines catastrophes
écologiques et atténuer les effets de celles que l’on ne peut empêcher.
Mais pour cela le temps n’est-il pas compté ?
Nous envisagerons tour à tour deux séries d’analyses, les unes relatives
aux
idées (I), les autres relatives aux moyens (II) face aux catastrophes
écologiques.
Les analyses relatives aux volontés seront bien sûr présentes dans les
deux parties proposées.
I- QUELLES IDÉES FACE AUX CATASTROPHES ÉCOLOGIQUES
?
Lorsque le sol se dérobe à travers des événements personnels et/ou
collectifs
il y a souvent trois types de réactions : soit on ferme les yeux et c’est la
fuite
en avant, soit on cherche une branche à laquelle se raccrocher et c’est
le remède
miracle, soit on se sent incapable de faire face et c’est la résignation.
N’en va-t-il
pas ainsi par rapport aux catastrophes écologiques ? Quelles idées
peuvent
contribuer à y faire face ?
A. Face à la fuite en avant : l’idée de limites. Pour une pédagogie
des impasses.
- Quelle est la situation dominante ?
Le poids des modes de vie sur l’environnement, très inégal en particulier
selon les pays, est devenu de plus en plus écrasant. Il s’inscrit dans des
logiques
de fuite en avant.
Ces logiques s’appellent : la recherche effrénée du profit, la course à la
marchandisation
du monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions
terricides et humanicides, la croissance sacro-sainte, la vitesse facteur
de
répartition de richesses et de pouvoirs, la dictature du court terme, le
vertige
de la puissance, la compétition élevée au rang d’impératif naturel de nos
sociétés,
l’accélération d’un système porteur d’une crise du temps.
Et puis, à travers une explosion démographique mondiale qui continue,
cette fuite en avant c’est aussi celle de la machine à gagner fonctionnant
comme
une lame qui met d’un côté ceux et celles dont les besoins
fondamentaux sont
plus ou moins satisfaits et, de l’autre, ceux et celles dont les besoins
fondamentaux
restent criants.
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Dès lors, il n’est pas étonnant que cette fuite en avant s’accompagne de
nombreux dénis personnels et collectifs de la réalité : on pense que la
catastrophe ne
se produira pas ou qu’on y échappera.
Il n’est pas étonnant, non plus, que cette fuite en avant s’accompagne de
silences et de mensonges sur les effets, sur les causes de telle ou telle
catastrophe
écologique, ou même sur l’existence de certaines d’entre elles que l’on
espère
garder dans les secrets de la planète et qui peuvent constituer autant de
bombes
à retardement. - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Face à cette situation dominante, voilà des limites nécessaires, voilà
donc une
pédagogie des impasses. Jacques Ellul demandait avec force : « Qu’estce
qu’une
société qui ne se donne plus de limites ? » Ivan Illich insistait sur le fait
que
« la crise obligera l’homme à choisir entre la croissance indéfinie et
l’acceptation
de bornes multidimensionnelles ». Cornelius Castoriadis en appelait à
« nous défaire des fantasmes de l’expansion illimitée ».
Cette idée de limites ne se traduit-elle pas par au moins trois principes ?
Le principe de précaution dont la violation peut déboucher sur une
catastrophe
écologique. « Les sociétés humaines ne doivent mettre en oeuvre de
nouveaux
projets, produits et techniques, qu’une fois acquise la capacité d’en
maîtriser les risques présents et futurs. »
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Le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en
avant des
gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation,
leurs
modes de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter, diraient par
exemple des
économistes « objecteurs de croissance », des pratiques de frugalité, de
simplicité,
de décroissance. André Gorz écrivait : « Il est impossible d’éviter la
catastrophe
climatique sans rompre radicalement avec les logiques qui y mènent
depuis cent cinquante ans. »
Le principe de sauvegarde : les sociétés humaines doivent aller vers des
modes
de production et de consommation « sans prélèvements, sans déchets
et sans
rejets susceptibles de porter atteinte à l’environnement. » D’où
l’existence de ces
luttes pour développer des technologies propres, des énergies
renouvelables et
pour consacrer des éléments de l’environnement (par exemple l’eau)
comme
biens publics mondiaux ou comme patrimoine commun de l’humanité.
Ces
deux notions ne peuvent-elles pas contribuer à construire une certaine
harmonie
ou simplement une certaine cohabitation entre solidarité, liberté et
sécurité ?
Ne doit-on pas relier l’environnement au patrimoine mondial de
l’humanité même si cette notion a subi un coup d’arrêt dans la
Convention sur
la diversité biologique puisque les États sont souverains sur leurs
ressources
naturelles. Il est cependant hautement souhaitable et encore possible
que le
potentiel de cette notion se déploie dans les décennies à venir. René-
Jean
Dupuy affirmait : « L’humanité doit elle-même jouir de droits faute de
quoi les
hommes perdraient les leurs. » D’où cette idée, en particulier de certains
internationalistes,
de refonder le droit international public sur une norme impérative
de droit international général (jus cogens) qui serait celle de l’intérêt
commun de l’humanité (1).
Ces trois principes ne doivent-ils pas cohabiter avec le principe
d’universalité? Comment penser l’universalité par rapport à l’écologie ?
L’alternative, qui
est aussi liée aux catastrophes écologiques, devrait être clarifiée. On
peut en
effet être frappé par le fait que beaucoup de citoyens, d’élus, d’auteurs
n’arrivent
pas à se situer par rapport à cette question vitale qui exige une réponse
cohérente à la fois en termes d’universalité et de type de société. Une
formulation
de cette réponse par rapport à l’universalité et à l’écologie peut être la
suivante : soit on renonce à l’universalité parce que, dit-on, si les pays
en développement
vont vers le même niveau de vie que les pays développés ce sera le
chaos écologique pour tous et on justifie, on renforce des inégalités donc
des
violences structurelles ; soit on affirme l’universalité et on remet en
cause la
fuite en avant pour construire au Sud et au Nord de la planète des
sociétés écologiquement,
socialement et pacifiquement viables pour tous.
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B. Face au grand remède miracle : l’idée d’utopies créatrices. Pour
une pédagogie des responsabilités - Quelle est la situation dominante ?
C’est souvent celle d’un appel à un remède miracle qui, croit-on,
empêchera
la catastrophe.
Ainsi la grande conférence miracle : certes 2009 était et 2015 sera une
étape cruciale pour
le climat, mais un nouveau protocole ne résoudra pas tout.
Ainsi la grande technique miracle qui va mettre « la Terre à l’ombre » et
sauver
l’humanité de la catastrophe finale. Certes un projet de géo-ingénierie
peut
être important s’il est conçu comme une solution avec d’autres, s’il ne
désengage
pas de l’essentiel que devraient être les politiques de réduction massive
des gaz à effet de serre, si les effets collatéraux sont dérisoires ou
secondaires et
si le processus est décidé démocratiquement. Dans le cas contraire, une
fois de
plus, on se retrouve dans des logiques scientistes et productivistes.
Ainsi le grand remède miracle de la répression ou de l’élimination de
victimes émissaires,
par exemple dans le cadre de politiques sécuritaires les déplacés
environnementaux
seront considérés comme des catégories dangereuses que certains
proposeront de
parquer sur des plates-formes amarrées loin des côtes ou à la dérive
dans les
océans.
Ainsi le grand remède miracle de l’homme providentiel : l’administration
Obama
semble (sous réserve de confirmation et d’inventaire) en route vers une
certaine politique environnementale mais, par exemple, le complexe
scientifico-militaro-industriel des États-Unis ,grand prédateur de
l’environnement et qui est à l’origine de nombreuses catastrophes
écologiques, a probablement encore de beaux jours devant lui.
Page 7 - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Face à cette situation dominante, voilà des utopies créatrices, voilà donc
une
pédagogie des responsabilités. « L’utopie ou la mort » avertissait
RenéDumont,
« le principe de responsabilité » théorisait Hans Jonas.
Cette idée d’utopies créatrices ne se traduit-elle pas par au moins trois
principes ?
Le principe de responsabilités communes mais différenciées : ainsi par
rapport aux
préventions, aux secours, aux réparations liés aux catastrophes
écologiques,
tous les acteurs, à tous les niveaux géographiques, ont des chemins à
parcourir,
mais ces responsabilités ne doivent-elles pas être assumées à la
mesure de
leurs pouvoirs et de leurs richesses ?
Le principe de solidarité : « Il faut qu’une conscience écologique de la
solidarité
se substitue à la culture de compétition qui régit les rapports mondiaux »
nous rappelle Edgar Morin. Par exemple entre les États, entre des ONG
du
Nord et du Sud, des solidarités sont à organiser pour mettre en oeuvre
des
moyens avant, pendant et après la catastrophe.
Le principe d’humanité, c’est-à-dire la possibilité pour chaque être
humain de
disposer de l’essentiel, d’être libre debout et solidaire, bref d’avoir une
vie digne.
En ce sens, il existe des situations écologiques catastrophiques, même
si elles
ne constituent pas des catastrophes écologiques se produisant à un
moment
donné. Ainsi, l’absence d’accès à l’eau potable et l’absence d’accès à
des
sanitaires sûrs sont, avec les maladies qui les accompagnent, deux
grandes causes
de mortalité sur la planète, ce qui se traduit par plusieurs millions de
victimes
chaque année. Que dire ? Sûrement avec Albert Camus : « Il n’y a
d’humanisme
que celui des hommes révoltés. » Que dire mais surtout que faire ?
C. Face à la résignation : l’idée de déterminations. Pour une
pédagogie des volontés - Quelle est la situation dominante ?
C’est souvent celle de la fatalité devant des catastrophes passées,
présentes
et à venir. Ce sont des chemins de bonnes intentions pavés de
renoncements
successifs. Volontés de personnes, de peuples, des générations
présentes,
d’États, d’organisations internationales et régionales, d’organisations non
gouvernementales, d’entreprises, de collectivités locales… volontés
étouffées,
dépassées, essoufflées.
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Des volontés sont ou peuvent être étouffées par au moins six séries de
mécanismes.
Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce à
travers
l’apprentissage de la soumission à de multiples hiérarchies, l’intégration
de la
fatalité, la déresponsabilisation, le discours-vérité auquel on doit se
soumettre.
Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant
le
peloton de tête, le droit du plus fort, le culte de la croissance, en fait on
étouffe
des volontés qui pourraient aller dans le sens de la coopération, de la
solidarité
et on oriente la volonté vers l’obsession de la puissance.
Volontés étouffées par l’administration des peurs, laquelle repose sur
l’idéologie sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, la
fabrication
de l’image des adversaires et des ennemis.
Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de
prise
de conscience des caractères destructeurs du productivisme, de
dictature de
l’instant consacré « au toujours plus ».
Volontés étouffées, de façon très variable selon les lieux, par des
oppressions
politiques, économiques, sociales, culturelles.
Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits :
violence
d’oppression par laquelle on dicte sa loi, violence de soumission par
laquelle on exerce une violence contre soi-même.
Des volontés sont ou peuvent être dépassées par au moins cinq séries
de mécanismes.
Volontés dépassées par la complexité et la technicité du réel. La
complexité
est liée à un grand nombre d’acteurs, à des interdépendances entre les
activités,
les niveaux géographiques, à une quantité impressionnante de données
fournies
par de nombreuses disciplines. Cette complexité est niée par le discours
vérité,
par le discours sur le grand remède miracle, par le discours en vase
clos.
La technicité du réel est liée à la technique planétaire qui se répand, de
façon
inégale, à travers d’énormes complexes scientifico-technico-industriels, à
travers
l’appel aux experts, cette technicité fait sentir son poids dans les
processus
de décision.
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Volontés dépassées par la rapidité du système international liée à
certaines
technologies, à l’omniprésence du court terme, à la banalisation de la
vitesse.
Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se
traduit
par de multiples concentrations d’avoirs, de pouvoirs et de savoirs.
Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent
dérisoires
pour remettre en cause le productivisme que ce soit par rapport à la
dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences ou aux
aspects
autoritaires du système international.
Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser,
pour
un temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin
de
toujours tirer la pédagogie. Ainsi, des pédagogies des catastrophes sont
ou
absentes ou réduites à des effets d’annonce, ou dérisoires, ou sans
véritables
moyens. Et puis, à l’auberge de la décision, certains décideurs dorment
bien et
d’autres partent parfois sans payer l’addition.
Des volontés sont ou peuvent être essoufflées par au moins quatre
séries de mécanismes.
Volontés essoufflées par la force de récupération du système
productiviste,
ce système peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui
se voulaient
différentes ou qui étaient en rupture avec lui.
Volontés essoufflées par des échecs personnels ou collectifs pour
changer
l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur personnel ou
collectif
lorsque c’est nécessaire.
Volontés essoufflées par le sentiment d’une petite avancée locale mais
d’un
statu quo global ou bien réciproquement.
Volontés essoufflées par une érosion, un épuisement des motivations
qui
poussaient à agir. - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Voilà les déterminations de différents acteurs qui sont synonymes de
volontés naissantes, résistantes et à la recherche de nouveaux souffles.
Voilà
donc une pédagogie des volontés.
Face à ces volontés étouffées que sont ou que peuvent être des
volontés naissantes ?
Au moins six contre-mécanismes répondent aux logiques d’étouffement
des volontés.
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Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance, c’est-à-dire la
formation
à l’esprit critique, à l’autonomie, à la prise de conscience des
responsabilités
personnelles et collectives.
Volontés naissantes à travers l’éducation à la solidarité, cela à tous les
niveaux géographiques et d’abord avec les plus faibles dans chaque
société.
Volontés naissantes à travers la découverte et la mise en oeuvre du
principe
de non-discrimination fondé sur le respect des différences.
Volontés naissantes à travers la prise de conscience des aspects
terricides et
humanicides du système productiviste.
Volontés naissantes à travers la gestation de libérations politiques,
économiques,
sociales, culturelles.
Volontés naissantes à travers l’apprentissage (de la maternelle à
l’université)
du règlement non violent des conflits dans le respect des personnes et la
recherche de solutions justes.
Face à ces volontés dépassées que sont ou que peuvent être des
volontés résistantes ?
Cinq séries de contre-mécanismes sont nécessaires.
Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le
contrôle
des techniques.
Volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme.
Volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en
commun
de divers acteurs, à travers aussi une autolimitation mise en oeuvre par
la
minorité des habitants de la planète en situation de surconsommation.
Volontés résistantes à travers la capacité de propositions relatives aux
moyens de remettre en cause, ici et là, le productivisme.
Volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes
répondant non
seulement aux urgences mais s’attaquant aussi aux causes de ces
catastrophes.
Face à ces volontés essoufflées que sont ou que peuvent être des
volontés à la recherche
de nouveaux souffles ?
Quatre séries de contre-mécanismes sont nécessaires.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des
politiques
par rapport aux faiblesses et aux contradictions du système.
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Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer
de
tirer de véritables leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de
nouvelles
stratégies et de nouveaux moyens.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas,
mais
aussi en ne sous-estimant pas, les avancées « du local » et celles « du
global »
sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent voir le jour tôt
ou
tard.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et
avec les
autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à
s’éteindre.
Cette idée de détermination ne se traduit-elle pas par au moins trois
principes ?
Le principe de citoyenneté : « apprendre à nous considérer et à
considérer tous
les êtres humains comme des membres à part entière de la
communauté
humaine mondiale. » Le droit à l’environnement est une des expressions
de cette
citoyenneté. Celle-ci est relative aussi à l’absence de discriminations par
rapport
à l’assistance écologique et aux réparations des dommages, à l’absence
aussi de discriminations médiatiques. Combien de victimes restent sous
des
linceuls de silence et d’abandon !
Les principes d’unité et de diversité : il s’agit de respecter et de
construire cette
unité qui nous appelle à vivre ensemble. « Un seul monde ou aucun,
s’unir
ou périr » disait Albert Einstein. En même temps cette diversité nous
enrichit.
En ce sens, lutter contre les catastrophes écologiques c’est aussi
sauvegarder
la diversité des ressources génétiques. « L’uniformité uniformisante »
était
pour Kostas Axelos l’une des plus grandes catastrophes dans laquelle
le monde
s’engouffrait.
Enfin le principe de subsidiarité n’est-il pas « une forme d’organisation
des
volontés » consistant pour chaque collectivité à respecter les principes
évoqués
ici, à prendre des initiatives et à avoir des marges de manoeuvres quant
aux
moyens ? (2)
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II- QUELS MOYENS FACE AUX CATASTROPHES ÉCOLOGIQUES ?
Face aux catastrophes écologiques, ne faut-il pas resituer les moyens
dans
le temps, c’est-à-dire à travers le court et le long terme ? Ne faut-il pas
les resituer
sur les trajectoires d’amont en aval de la dégradation et de la protection
de l’environnement ? Ne faut-il pas aussi s’interroger sur les articulations
entre ces différents moyens ? Et de façon globale et plus radicale, ne
faut-il pas
se demander quelle est et quelle devrait être la place de ces moyens par
rapport
aux finalités ?
A. Face à des moyens souvent à court terme et en aval : des
moyens à court et long terme, en aval et en amont - Quelle est la situation dominante ?
Les moyens à court terme et en aval sont certes essentiels. Il est
primordial d’essayer
d’épargner des vies, de soulager des souffrances immédiates. Ces
logiques de
l’urgence sont celles de l’assistance humanitaire et de l’assistance
écologique.
On agit à court terme, dans les minutes, les heures, les jours qui suivent
la
catastrophe. On agit en aval du drame sur les effets de la catastrophe.
L’urgence cependant ne peut pas être un substitut des politiques à long
terme. En
effet cette catégorie de l’urgence a tendance à devenir une catégorie
centrale du
politique.
C’est l’urgence alibi. On affirme que l’on doit se consacrer à l’urgence et
qu’on n’a donc pas le temps de s’occuper du long terme. C’est là une
erreur :
moins on s’occupe du long terme plus on est noyé sous l’urgence.
C’est aussi l’urgence substitut. On affirme qu’elle est une sorte de
première
étape d’une politique à long terme et en amont. C’est là une autre erreur
: pour
reconstruire du sens, il ne faut pas confondre l’urgence et une politique
de
prévention planifiée dans le temps.
C’est enfin l’urgence dictature de l’instant. Jean Chesneaux affirmait :
« Nous sommes à la fois obsédés du temps présent et orphelins du
temps à
venir ». On pourrait aussi ajouter trop oublieux du temps passé.
Reconquérir
le temps de façon personnelle et collective n’est-ce pas établir un
dialogue
entre un présent agissant, un passé comme expérience et un avenir
comme
horizon de responsabilité ? N’est-ce pas prendre en compte ces trois
dimensions
des moyens face aux catastrophes écologiques : recenser et tenir
compte
de certaines leçons du passé, soulager les souffrances immédiates du
présent et
agir sur les causes pour les réduire ou les faire disparaître dans l’avenir.
Page 13 - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
« Voir loin et clair » disait Théodore Monod. Quels sont donc à titre
indicatif
les moyens à court terme et à long terme, en aval et en amont, qu’il faut
créer quand ils n’existent pas et développer quand ils existent ?
Quels moyens à court et à long terme ?
Des moyens à court terme : les prévisions à court terme (par exemple
par
rapport aux séismes majeurs qui menacent des mégapoles), les
formations et
les simulations de secours, l’organisation d’une assistance humanitaire
et écologique
locale, nationale, continentale, internationale qui soit massive, rapide,
multiforme et puissamment financée. Quel écoeurement par exemple
devant
ces milliers d’hélicoptères disponibles dans le monde, alors que des
victimes
meurent sous un ciel désespérément vide. Merci à certaines
souverainetés
étatiques : le droit d’être secouru vous l’assassinez !
Des moyens à long terme : certainement, en autres, les créations de
fonds
internationaux basés sur des écotaxes, la création aussi d’une
Organisation
mondiale de l’environnement dont deux des organes opérationnels
s’appelleraient
l’Agence mondiale d’assistance écologique et l’Organisation mondiale
des déplacés environnementaux.
Quels moyens en aval et en amont ?
Des moyens en aval : entrer dans de véritables indemnisations des
dommages
écologiques, organiser massivement la restauration de régions
profondément
dégradées.
Des moyens en amont : organiser et appliquer des plans de prévention,
par
exemple de risques technologiques, appliquer aussi le principe 8, le plus
radical
de la Déclaration de Rio de 1992, en continuant à le faire migrer, pour
qu’il
soit juridiquement contraignant, dans des conventions, des législations,
des
constitutions, principe consistant « à réduire et éliminer des modes de
production
et de consommation non viables ».
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La seconde partie du principe 8 est presque toujours passée sous
silence, il
est vrai que sa rédaction diplomatique n’a rien de radical : « Afin de
parvenir à
un développement durable et à une meilleure qualité de vie pour tous les
peuples,
les États devraient promouvoir des politiques démographiques
appropriées ». On est loin de l’interpellation de Claude Lévi Strauss qui,
avec
d’autres, a toujours dénoncé « la furieuse explosion de notre espèce ».
En une
seule journée de 2013, l’accroissement de la population mondiale (c’està-
dire la différence
entre les naissances et les décès) est de l’ordre de 225 000 personnes.
Est-ce
que cela n’est pas une des logiques de l’aggravation des causes et des
effets
des catastrophes écologiques ?
B. Face à des moyens souvent désarticulés : des moyens prenant
en compte des interdépendances - Quelle est la situation dominante ?
De nombreuses désarticulations entre les disciplines. Ainsi, on isole
souvent les
domaines du savoir sans les associer, c’est la clôture des disciplines,
c’est leur
isolement. La globalité des problèmes est de plus en plus difficile à
saisir, on
perd le sens des ensembles. Imaginons tout le temps qui aurait été
gagné si le
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat avait été
créé
bien avant 1988.
De nombreuses désarticulations aux divers niveaux géographiques.
Ainsi, pendant
une catastrophe, en l’absence de coordination, chacun ignore plus ou
moins ce
que font les autres et l’assistance peut être confuse sous de multiples
formes.
L’organisation des secours internationaux ne respecte pas toujours le
rôle
prioritaire des autorités nationales et locales, des actions internationales
nombreuses
peuvent entraîner une coordination difficile, des secours internationaux
peuvent avoir leurs actions entravées par des obstacles juridiques trop
contraignants ou bien, à l’autre extrême, une absence de législation peut
laisser
des vides dans l’organisation des secours… Comment arriver à articuler
les
niveaux locaux, nationaux, continentaux et internationaux des opérations
?
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De nombreuses désarticulations entre les activités humaines. Par
exemple, on ne
prend que peu, ou mal, ou pas du tout en compte les liens entre la paix
et
l’environnement. Les atteintes à la paix sont porteuses d’atteintes à
l’environnement
à travers les armements qui sont consommateurs de matières premières
et d’énergie, les conflits armés qui sont porteurs de drames écologiques,
à
travers les préparatifs de la guerre, les manipulations de
l’environnement, les
effets directs de ces conflits sur la nature. Il existe aussi des liens entre
le
domaine civil et le domaine militaire (pesticides et armes chimiques,
nucléaire
civil et armes nucléaires), ces liens souvent étroits ne favorisent pas la
protection
de l’environnement. Enfin, les budgets d’armement ne sont-ils pas une
des causes de la pénurie des moyens pour sauver la planète ?
D’autre part, les atteintes à l’environnement sont porteuses d’atteintes à
la
paix. Les causes environnementales existent pour certains conflits
armés.
Ainsi, des fleuves internationaux mal gérés du point de vue de
l’environnement
peuvent devenir autant de lieux de conflits entre États riverains. - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Créer et développer des interdépendances entre les disciplines. La
pensée écologisée
permet et permettra de mieux comprendre en particulier les catastrophes
écologiques.
C’est par exemple le remarquable Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat.
Créer et développer des interdépendances entre les niveaux
géographiques. Ainsi, la
XXXe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-
Rouge a
adopté en novembre 2007 des lignes directrices (juridiquement non
contraignantes)
relatives « à la facilitation et à la réglementation nationales des
opérations
internationales de secours », c’est un progrès, mais il faut encore et
encore penser ces interdépendances.(3)
Créer et développer des interdépendances entre les activités humaines.
Par exemple,
la nature a besoin de la paix. La guerre qui est, écrivait René Cassin, «
la négation
même de l’existence de l’homme » exerce une action destructrice sur
l’environnement. Réciproquement, la paix a besoin d’une gestion juste,
écologique,
démocratique et pacifique de la nature.
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On pourrait aussi souligner les interdépendances entre le libre-échange
et
l’environnement : comment arriver un jour à subordonner le premier au
second pour éviter certaines catastrophes écologiques et sanitaires ? Il
est vrai
qu’il s’agit ici de la puissance du marché mondial, ce qui nous renvoie
aux rapports
entre les moyens et les fins.
C. Face aux confusions entre les moyens et les fins :des moyens au
service des fins - Quelle est la situation dominante ?
Le système productiviste contribue aux confusions entre les moyens et
les
fins. Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains en
personnes, en
peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenés au rang de moyens,
plus ou
moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme
producteurs,
dépossédés comme citoyens, « marchandisés » comme êtres vivants…
Cela signifie
aussi que les moyens, en particulier la techno science et le marché
mondial, ont
tendance à se transformer en fins suprêmes. - Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
« La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence »
écrivait
Gandhi.(4)
Du point de vue des fins : il s’agit de consacrer encore mieux et à tous
les
niveaux géographiques les libertés, les égalités, les solidarités. Il s’agit
aussi de
les faire respecter. Les fins ce sont des êtres humains et des peuples
libres,
debout et solidaires.
Du point de vue des moyens : il s’agit de ramener à leur place la
technoscience
et le marché mondial.
Ramener la techno science à sa place cela signifie non seulement
orienter
des recherches et des techniques contribuant à lutter contre des
catastrophes
écologiques, mais aussi créer et développer des verrous juridiques fixant
des
limites à la liberté de la recherche lorsqu’elle porte atteinte à l’intérêt
commun
de l’humanité. Ainsi, tabou des tabous, devraient être interdites les
recherches
sur les armes de destruction massive porteuses de catastrophes
écologiques et
sanitaires dans lesquelles les survivants envieraient les morts.
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Ramener le marché à sa place, cela signifie non seulement construire
une
économie plurielle dans laquelle le marché n’est que l’un des éléments,
mais
aussi créer et développer des verrous juridiques contribuant à limiter le
marché,
ainsi des interdictions de constructions nouvelles dans des zones à
risques.
Telles sont ces idées fortes : penser et mettre en oeuvre des limites au
coeur des
activités humaines à travers une pédagogie des impasses. Penser et
mettre en
oeuvre des utopies créatrices à travers une pédagogie des
responsabilités. Penser
et mettre en oeuvre des déterminations à travers une pédagogie des
volontés.
Ces trois pédagogies, celle des impasses, celle des responsabilités et
celle des volontés
forment ensemble ce que l’on peut appeler une véritable pédagogie des
catastrophes.
Tels sont ces moyens essentiels : à court et à long terme, en aval et en
amont,
prenant en compte des interdépendances entre disciplines, niveaux
géographiques
et activités humaines, des moyens véritablement au service des fins,
c’est àdire
des êtres humains.
Portés par des volontés, ces idées et ces moyens peuvent fonctionner
comme un couple porteur dont les deux éléments s’encouragent, se
complètent,
se limitent, s’inclinent l’un vers l’autre.
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REMARQUES TERMINALES
Trois réflexions pour terminer, l’une sur le sens de l’abîme, l’autre sur le
souffle d’une espérance possible et la dernière… sur le bord du chemin.
Le sens de l’abîme.
Certains d’entre nous, beaucoup peut-être, se retrouveront dans cette
pensée très connue d’Antonio Gramsci : « Il faut avoir à la fois le
pessimisme
de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. »
Oui, probablement, mais l’optimisme de la volonté il en faut beaucoup,
non seulement parce qu’il réduit à la cuisson mais, surtout parce que
le pessimisme de l’intelligence a une réserve redoutable. Il trouve de
quoi
s’alimenter dans l’accélération de ce système productiviste
autodestructeur
qui a quelque chose d’incontrôlable, un système, diraient même
certains,
devenu fou et dont nous ne serions plus que les fous d’un fou. En effet, il
faut du
temps, même si des événements tels que des crises ou de grandes
crises
peuvent accélérer des prises de conscience, des réformes, voire des
remises
en cause de théories et de pratiques, il faut du temps pour que ces
idées et d’autres, ces moyens et d’autres, portés par des volontés aux
différents
niveaux géographiques, à travers des rapports de forces, voient le
jour, grandissent et deviennent de véritables contre-logiques, contre
mécanismes
pour construire des sociétés viables.
Et on peut avoir l’impression profonde de se trouver souvent, d’une
part, devant la construction difficile de digues fragiles de la protection
de l’environnement et de la lutte contre les catastrophes écologiques et,
d’autre part, devant l’arrivée, sans cesse renouvelée, de puissants
fleuves
de la dégradation de l’environnement et de catastrophes écologiques
passées, présentes et vraisemblablement surtout à venir.
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Le souffle d’une espérance possible.
Voilà donc ces moments où il peut ne plus y avoir d’espoir et où, si on en
trouve la force, il faut commencer à espérer.
Ces moments existent, entre autres, au coeur de catastrophes
écologiques.
Voilà des survivants, une personne, une famille, la population d’un
village,
d’une ville, qui trouvent des forces au-delà de leurs forces et qui arrivent
à se
remettre debout. Pablo Neruda fait dire à tous les peuples qui sombrent
dans
les drames, à tous les peuples martyrs de notre Terre, dans un cri
terrible :
« Aucune agonie ne nous fera mourir ! »
Ainsi, quand elles existent, les ténèbres ou l’obscurité de l’instant
peuvent
aussi être replacées sur les chemins de l’espérance qui accompagne les
êtres humains
et que porte l’humanité.
L’espérance de l’humanité, ça n’est pas une illusion vaporeuse,
fumeuse, ça
n’est pas un lot de consolation distribué par les maîtres aux esclaves, ça
n’est
pas le camouflage d’un gigantesque cimetière des rêves trahis et des
espoirs
déçus.
L’espérance de l’humanité, ce sont les vies de ceux et celles qui nous
ont précédés à
travers ces témoins d’humanité, connus et inconnus, luttant contre les
forces
de mort, c’est ce patrimoine culturel qu’ils nous laissent avec une
immense
chance, un immense bonheur de le découvrir et de le partager.
L’espérance de l’humanité, ce sont les vies de générations présentes
qui, si elles arrivent
à mettre en oeuvre des moyens démocratiques, justes, pacifiques et
écologiques
porteront un projet d’humanité, qui les portera alors à son tour.
L’espérance de l’humanité ce sont les vies de ceux et celles qui vont
nous suivre et qui
peuvent nous dire : notre confiance en vous, nous la risquons encore et
encore.
Essayez aussi, nous vous les prêtons, d’aimer le monde avec les yeux et
les
coeurs de ceux et celles qui ne sont pas encore nés, et puis n’oubliez
pas
de nous laisser des marges de manoeuvres pour devenir ce que nous
voudrons être.
Ainsi à travers le temps, les vies, nos vies, « anneau après anneau,
maille après
maille » finiront peut-être par accoucher de milliards de petits soleils (en
tous
les cas bien avant que notre Soleil ne s’éteigne).
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Une invitation à l’essentiel.
S’il y a le sens de l’abîme,
s’il y a le souffle d’une espérance possible, n’y a-t-il
pas aussi, tout simplement, une invitation à l’essentiel, par exemple celle
exprimée par un peuple au coeur d’une catastrophe écologique, à
travers cette
chanson du peuple inuit :
« Et pourtant, pourtant : il y a une chose qui est grande
C’est, dans la cabane, sur le bord du chemin,
De voir venir le jour, le grand jour
Et la lumière qui emplit le monde. »
JML
Notes
(1) Monique Chemillier-Gendreau, Humanité et souverainetés, La
Découverte, 1995. René-Jean Dupuy, La clôture du système
international, PUF, 1989.
(2) Fondation pour le progrès de l’homme, « Pour un monde solidaire et
responsable », Le
Monde diplomatique, avril 1994, pp. 16 et 17. Il s’agit d’une plate-forme
remarquable sur les
éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une
stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux
géographiques et sur des programmes mobilisateurs.
J’ai souvent dit aux étudiants que ces deux pages devraient être
affichées, discutées et méditées dans toutes les universités de la
planète.
(3)XXXe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant
Rouge, novembre 2007, présentation des lignes directrices, Document
de la Fédération internationale, 2008.
(4)Jean-Marc Lavieille (sous la direction de…), Conventions de
protection de l’environnement, Pulim, 1999, voir en particulier les
rapports entre les moyens et les fins pp. 471 à 490.