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Écouter « J’étais allé » 2:07 min

J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois!

Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.

Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? »

Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.

Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le coeur de te donner mon tout ! »    

 Rabindranath Tagore,L’Offrande lyrique,1913,traduction de l’anglais(Inde) par André Gide,Collection Blanche,Gallimard,1914.

L’Offrande lyrique,suivi de La Corbeille de fruits,1ère parution 1963,traduit de l’anglais(Inde) par Hélène Du Pasquier et André Gide,Collection Poésie,Gallimard,1971.

(Commentaire de l’auteur du site:le don magnifiquement partagé par l’une des plus belles expressions universelles,celle des poèmes de Tagore.)