III- La justice et son ancrage dans les droits de l’homme
« La conception de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
repose sur l’indivisibilité et l’universalité des droits de l’homme » a souvent
rappelé Robert Badinter. Il s’agit bien des deux fondements essentiels des droits
de l’homme, dès lors il convient de se demander si la justice a son ancrage dans
l’indivisibilité(A) et l’universalité (B) des droits de l’homme, et si ces deux
éléments aident à la définir..
A- La justice et ses liens avec l’indivisibilité des droits de l’homme
Des droits civils et politiques, des droits économiques sociaux et culturels, des
droits de solidarité : ne s’agit-il pas de justice ? (1) Que signifie indivisibilité ?
N’est-elle pas un élément fort de la justice ? (2).
1) Les droits des trois générations sont liés à l’idée de justice et
réciproquement.
Les libertés, les égalités, les solidarités ne sont-elles pas porteuses de justice ?
a) Cette importance est symbolisée par l’article premier de la Déclaration
universelle des droits de l’homme (DUDH (10-12-1948) selon lequel « Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits(…) ».
Cela signifie que nous sommes des êtres humains libres et égaux, qu’il faut
donc lutter pour que ces libertés et ces égalités soient consacrées, préservées, et
développées.
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b) L’idée de justice a priori semble beaucoup plus liée aux droits égalités, aux
luttes contre les inégalités, les injustices, cette seconde génération de droits a
certes ses spécificités mais l’idée de justice doit-elle pas avoir sa place dans un
ensemble de droits?
c) L’idée de justice est ainsi liée à l’ensemble des droits civils et politiques
(droits-libertés), droits de la 1ère génération, et donc aussi aux droits
économiques, sociaux et culturels (droits-égalités), droits de la 2ème génération.
Ces deux générations de droits sont consacrées par les deux Pactes
internationaux des droits de l’homme du 16 décembre 1966, mais il y a une
différence essentielle entre les deux Pactes. Les droits civils et politiques dans
le 1er Pacte sont directement applicables ,selon l’article 2 « Les Etats parties
s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur
territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent
Pacte(…). Par contre les droits économiques ,sociaux et culturels dans le 2nd
Pacte sont …progressivement applicables, selon l’article 2 « Chacun des Etats
parties s’engage à agir (…) en vue d’assurer progressivement le plein exercice
des droits reconnus par le présent Pacte(…). »
d) Au sens plus large la justice est liée aussi aux droits- solidarités (droit à la
paix, droit à l’environnement, droit au développement) qui représentent les
droits de la 3ème génération, consacrés après la DUDH de 1948 et les Pactes de
1966.
e) On peut aussi penser qu’une quatrième génération est en gestation, elle sera
nécessaire, celle des droits de l’homme par rapport à la techno science, ainsi par
exemple face à des recherches scientifiques portant atteinte à la dignité humaine,
face aussi à l’arrivée des robots…
f) Comment oublier enfin que ces libertés, ces égalités, et bien sûr ces solidarités
doivent voir le jour et se développer dans un esprit de fraternité, la seconde
partie de l’article premier de la DUDH est trop souvent passé sous silence
« (…) Ils(les êtres humains) sont doués de raison et de conscience et doivent
agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Agir les uns envers
les autres : l’expression est forte, c’est la force du nous, cela d’autant plus que
nous sommes aujourd’hui fraternisés par les périls communs (débâcle
écologique, armes de destruction massive, puissance des marchés financiers,
inégalités criantes, hurlantes…).
Liée aux générations des droits de l’homme, la justice n’est-elle pas liée aussi à
leur indivisibilité ?
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2) L’indivisibilité des droits de l’homme est liée à l’idée de justice et
réciproquement.
a) D’une part ces générations de droits sont complémentaires, elles doivent
s’appuyer les une sur les autres. L’idée de justice ne correspond-elle pas à des
êtres humains à la fois libres, égaux et solidaires ?
b) D’autre part les protections des personnes, des peuples et de l’humanité
doivent, elles aussi, s’appuyer les unes sur les autres.
La DUDH de 1948 et les Pactes de 1966 ainsi que de nombreuses conventions
(par exemple celle des droits de l’enfant (1989) protègent les personnes.
Cependant certains textes tendent à protéger aussi les peuples, ainsi la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, ainsi même les deux
Pactes internationaux des droits de l’homme de 1966 qui ont chacun leur article
premier consacré au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Quant à l’humanité elle apparait en droit international de l’environnement
puisque sont évoquées dans certaines conventions les générations présentes et
celles à venir (patrimoine mondial, diversité biologique, changements
climatiques…).
Ainsi les droits des personnes doivent s’appuyer sur les droits des peuples et
réciproquement, sans oublier, comme l’écrivait un internationaliste, que
« l’humanité doit, elle-même, avoir des droits faute de quoi les hommes perdront
les leurs » (René- Jean Dupuy).
La justice n’est-elle pas liée aussi à l’universalité de ces droits de l’homme ?
B- Les liens de la justice avec l’universalité des droits de l’homme
L’universalité ne doit-elle pas se manifester par rapport à tous les êtres humains
(1), et aussi dans l’espace et le temps (2) ?
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1) L’universalité des droits de l’homme concerne toutes les personnes
a) Cette universalité c’est celle de tous les êtres humains. Tous les hommes
doivent bénéficier de ces droits et aussi toutes les femmes, cette égalité est
consacrée ainsi dans l’article 3 de chacun des deux pactes, de façon plus
spécifique les droits égalités sont donc bien liés à ce principe d’égalité entre les
hommes et les femmes.
b) Les enfants bénéficient de cette protection générale et ont aussi des
protections spécifiques consacrées par la Convention internationale des droits de
l’enfant (20-11-1989), c’est-à-dire « tout être humain âgé de moins de dix-huit
ans(…), convention où est souvent mis en avant en particulier « l’intérêt
supérieur de l’enfant. »
2 ) Cette universalité s’inscrit dans l’espace et le temps
a) Cette universalité c’est celle de tous les êtres humains quel que soit leur pays,
les Etats sont de plus en plus nombreux à être parties à ces deux pactes de 1966
et à d’autres conventions. Cette universalité en même temps doit respecter un
certain nombre de diversités par exemple culturelles, cela dans la mesure où
elles ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux (droit à la vie, interdiction
de la torture…)
b) Ces libertés, ces égalités, ces solidarités doivent être celles bien sûr de tous
les êtres humains vivants, mais cette universalité doit aussi s’inscrire dans le
temps à travers le respect du patrimoine mondial culturel construit par les
générations passées et le respect de marges de manoeuvres pour les générations
futures leur permettant de devenir ce qu’elles voudront être.
Cette universalité liée au temps se retrouve par exemple dans la Déclaration de
Rio de juin 1992 au principe 3 selon lequel « Le droit au développement doit
être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au
développement et à l’environnement des générations présentes et futures ».
Bref, d’une part la justice n’est pas un élément isolé de l’ensemble des droits,
ils contribuent à la porter, elle contribue à les porter, d’autre part elle est reliée
à leur indivisibilité et à leur universalité qui contribuent à la rendre cohérente et
dans son contenu et dans l’espace et dans le temps.
La justice, arrimée aux droits de l’homme(ce III), a souvent traversé les caps des
tempêtes, ceux des affrontements théoriques et pratiques dont elle a fait et fait
encore l’objet(le II qui précédait). La justice se situe aussi et essentiellement
face aux inégalités,elle pousse à les repérer,à les dénoncer,à les remettre en
cause,elle inspire des alternatives,bref: quelles sont donc les luttes contre les
inégalités?( le IV qui suit).
JML