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La mort – Textes bien aimés
Textes préférés, Paroles simples, Foi, Philosophies, Visions globales,
Pensées scientifiques, Humour, Quelque derniers mots et quelques
épitaphes sur des tombes, Amour, Poésies…
Textes préférés
Toi qui es paralysé prend ton lit, ton grabat sur tes épaules, lève-toi et marche. Aucun homme
n’est fait pour rester à l’endroit où il se trouve, aucun homme, aucune femme, aucun né de
l’homme et de la femme n’est condamné à ne pas dépasser largement ses frontières. Chacun
est destiné à parcourir avec tous l’immense étendue de l’histoire des siècles, à vivre la longue
marche de la libération unanime. Et, à l’heure qualifiée de dernière, où la mort t’a couché sans
espoir d’un retour aux vies habituelles, tu n’en finiras pas de te lever encore pour fouler les
terres innombrables de ceux que tu fis proches, les sols et l’horizon de tes mises en commun.
Jean Cardonnel
Quelqu’un meurt, et c’est comme des pas qui s’arrêtent… Mais si c’était un départ pour un
nouveau voyage?
Quelqu’un meurt, et c’est comme un arbre qui tombe… Mais si c’était une graine germant
dans une terre nouvelle?
Quelqu’un meurt, et c’est comme une porte qui claque… Mais si c’était un passage s’ouvrant
sur d’autres paysages?
Quelqu’un meurt et c’est comme un silence qui hurle… Mais s’il nous aidait à entendre la
fragile musique de la vie?
Pierre Bartoli
(…) Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir dans le vent et se fondre dans le soleil ?
Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il
puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?
C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter.
Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.
Khalil Gibran
(…)Temps, métal ou oiseau,
fleur au long pétiole,
étale-toi au long des hommes,
fleuris-les et lave-les
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d’une eau ouverte
ou d’un soleil caché.
Je te proclame chemin
et non linceul,
escalier pur à marches d’air,
costume sincèrement remis à neuf
pour de longitudinaux printemps.
Maintenant, temps,
je t’enroule,
je te dépose dans ma boîte sylvestre
et je m’en vais pêcher
avec ta longue ligne
les poissons de l’aurore !
Pablo Neruda
Paroles simples
Ce que j’ai gardé je ne l’ai plus
Ce que j’ai dépensé je l’ai eu
Ce que j’ai donné je l’ai
Lu sur une tombe
Passants qui passez
Pensez en passant
Que vous passerez
Par où nos sommes passés.
A l’entrée d’un cimetière
La vie est une cerise. La mort est un noyau. L’amour un cerisier.
Jacques Prévert
On passe sa vie à dire adieu à ceux qui partent
jusqu’ au jour où on dit adieu à ceux qui restent .
Charles Maurice de Talleyrand-Périgord
Jusque-là, je n’avais jamais été intéressée par la mort. Je ne comptais pas avec elle. Seule la
vie importait. La mort ! Un rendez-vous à la fois inéluctable et éternellement manqué, puisque
sa présence signifie notre absence. Elle s’installe à l’instant où nous cessons d’être. C’est elle
ou nous. Nous pouvons en toute conscience aller au-devant d’elle, mais pouvons-nous la
connaître, ne fût-ce que le temps d’un éclair ?
J’allais être à tout jamais séparée de qui j’aimais le mieux au monde. Le « jamais plus » était
à notre porte. Je savais que nul lien sauf mon amour, ne nous relierait. Si certaines cellules
plus subtiles, que l’on appelle âme, continuent à exister, je me disais qu’elles ne pouvaient
être douées de mémoire et que notre séparation serait éternelle…
Je découvrais le malheur, il me fallait remonter jusqu’à mes souvenirs d’enfance, pour
retrouver, insurmontablement , ce noir de nuit et de suie, ce sentiment d’enlisement,
d’étouffement.
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Je t’ai trop aimé pour accepter que ton corps disparaisse et proclamer que ton âme suffit et
qu’elle vit. Et puis comment faire pour proclamer: ceci est ton âme, ceci est ton corps. Ton
sourire et ton regard, ta démarche et ta voix étaient-elles matière ou esprit ? L’un et l’autre,
mais inséparables… Tu fus mon plus beau lien avec la vie. Tu es devenu ma connaissance de
la mort.
Quand elle viendra, je n’aurai pas l’impression de te rejoindre, mais celle de suivre une route
familière déjà connue de toi.
Anne Philippe
La séparation des corps est une détresse plus forte que toutes les idées, que tous les savoirs.
Il suffit d’être en face du cercueil qui enferme un être aimé pour que continue ou commence
à se dire tout ce qui n’avait pu être dit la veille. Qu’un vivant et un mort seuls peuvent se dire
à la dernière minute toute une vérité de leurs vies croisées et indissolubles.
Il nous reste l’essentiel. Tu peux partir, je peux rester, qu’importe la durée de moi « ici » de
toi »là »,nous n’aurons jamais été aussi « embrassés ».
Marc Oraison
Je vais être appelé à passer sur l’Autre Rive, à rendre « la barque prêtée » comme disait mon
père. J’avoue ne pas être pressé, il me faudrait encore quelque deux cents ans pour, peut-être,
épuiser ma soif de curiosité (…)
Je ne suis pas inquiet de franchir le passage, j’en éprouve même une extrême curiosité, je me
cristallise sur la question de savoir s’il y a quelque chose de l’autre côté du voile. C’est un
prodigieux problème que cet Au- Delà.
Théodore Monod
De même qu’une journée bien employée procure un heureux sommeil, une vie bien remplie
nous laisse mourir en paix.
Léonard de Vinci
Certaines morts, mieux que d’autres, nous enseignent la mort.
Jean Rostand
Que peut-on dire, expliquer, comprendre, lorsque la mort vous arrache l’être aimé ? La vie
quitte aussi ceux qui restent. Partout il me semble n’être qu’à demi. Le chagrin est
insurmontable. La révolte me fige. Comme vous j’ai pensé au suicide. Certains me disent
aujourd’hui que l’espoir est une herbe qui pousse entre les tombes. Mais comment continuer
la chaîne des gestes quotidiens ? Comment étouffer ces questions : pourquoi, à quoi bon, que
dois-je faire ? Comme dit Rilke : jouons la vie.
Catherine Jajolet
Accompagner ce n’est pas « prendre la place de l’autre » ; c’est favoriser l’établissement de
cet espace (de temps, de respect, d’écoute ou de silence) où peuvent être entendus aussi bien
la révolte que la résignation, les ruptures irréparables que les mots de pardon.
C’est donner la possibilité que le Nom du sujet mourant ne soit gommé par la banalité ou par
l’indifférence, mais qu’il puisse s’inscrire au terme du parcours de la vie, comme la signature
du peintre vient sceller une oeuvre accomplie.
Pierre Bellais et Christian Biot
On n’apprend pas à mourir en tuant les autres.
François René de Chateaubriand
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Chacun de ceux que nous avons aimés emporte avec lui un peu de notre secret.
Jean Rostand
Spartacus est mort, mais il parle encore.
Charles de Leusse
Nous aurons perdu jusqu’à la mémoire de notre rencontre.
Pourtant nous nous rejoindrons pour nous séparer et nous rejoindre encore, là où se
rejoignent les hommes trépassés: sur les lèvres des vivants.
Samuel Butler
Quelque expérience que nous ayons acquise en ce domaine il n’est guère possible de prévoir
ce que va nous devenir un être une fois que nous l’avons perdu.
Jean Rostand
Tout être cher avec lequel nous avons lié une grande intimité nous imprègne, nous transforme.
Il arrive que le dialogue qui s’instaure est un vrai dialogue de soi avec l’autre, l’être aimé
continue de poursuivre en nous sa vie intellectuelle, affective, et sensible et pour ainsi dire de
s’y développer encore pour son propre compte.
Jean Vercors
Si nous n’avons pas su toujours écouter leur bouche de chair ils nous parlent aujourd’hui
pourvu que nous fassions en nous le silence. Ils nous pressent de considérer les vivants avec
indulgence et compréhension, de voir les gens avec leurs beaux et bons côtés. Faut-il qu’ils
nous soient aussi retirés pour que nous prenions conscience de ce qu’ils représentent pour
nous?
Article de mémoire il y a bien longtemps dans la revue « Elle »
A tous ceux, parents, amis, inconnus, qui ont transformé pour moi cette vallée de larmes en un
Paradis retrouvé,
A la vie, si belle qu’il vaut la peine de mourir pour elle.
A la mort donc, fatale épouse et inconséquente génitrice.
A l’amour enfin, maitre incontesté des lois de l’univers.
Merci.
Jacques Phytilis
Selon une légende, il est un oiseau qui ne chante qu’une seule fois de toute sa vie, plus
suavement que n’importe quelle autre créature qui soit sur terre. Dès l’instant où il quitte le
nid, il part à la recherche d’un arbre aux rameaux épineux et ne connaît aucun repos avant de
l’avoir trouvé.
Puis, tout en chantant à travers les branches sauvages, il s’empale sur l’épine la plus longue, la
plus acérée. Et, en mourant, il s’élève au-dessus de son agonie dans un chant qui surpasse
celui de l’alouette et du rossignol. Un chant suprême dont la vie est le prix !
Le monde entier se fige pour l’entendre, et Dieu dans son ciel sourit. Car le meilleur n’est
atteint qu’aux dépens d’une grande douleur… ou c’est du moins ce que dit la légende.
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Colleen Mc Cullough
Pourquoi la mort nous inquiète-t-elle à ce point ?
C’est qu’elle nous paraît liée à la souffrance et à l’inconnu. Peut-on vivre paisiblement,
malgré cette peur ? Voila tout le problème de la mort. Or, indéniablement, la réponse est oui,
quels que soient les aléas de la sensibilité de chacun.
La souffrance fait peur ; mais la mort n’est pas synonyme de souffrance : il existe des
souffrances non-suivies de mort et des morts sans souffrance. (…)
L’inconnu fait peur ; mais la mort n’est pas de l’inconnu, elle n’est rien. Il y a plus de
mystère en un seul être vivant que chez tous les défunts. Au soir de sa vie, le philosophe
Jankélévitch, qui avait longuement réfléchi sur la mort, dut conclure qu’il n’en pouvait rien
dire : comment parler de rien, en effet ?
Nous ne craignons pas tant de mourir que de cesser de vivre ; mais cette peur aussi repose sur
un malentendu. Dans une formule indépassée, Epicure avait résumé la situation : tant que
nous vivons, la mort n’est pas là ; lorsque la mort est là, nous ne sommes déjà plus.
On le voit mieux avec la mort des êtres chers, laquelle est la plus terrible : nous craignons
qu’ils ne subissent un sinistre destin, alors que c’est nous, les vivants, qui, amputés d’eux,
souffrons de solitude et d’abandon. Cessons donc de craindre la mort et fortifions notre vie.
Albert Memmi
Qui nous a retournés de la sorte que nous ayons dans tous nos actes l’attitude de quelqu’un
qui s’en va ? Et comme sur la dernière colline qui lui montre encore une fois la vallée tout
entière, il se retourne et tarde… Tels nous vivons, à chaque pas prenant congé.
Rainer Maria Rilke
Je pense évidemment à la mort. Mais peu, aussi peu que possible. Pour en avoir moins peur,
j’ai appris à vivre avec une idée très simple, très peu philosophique : brusquement tout
s’arrête et c’est le noir absolu. La mémoire est abolie. Ce qui me soulage et m’attriste, car il
s’agira là de la première expérience que je ne pourrai pas raconter. »
Gabriel Garcia Marquez
Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts.
Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar
Foi
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre soeur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
François d’Assise
Il n’y a pas de morts Seigneur
Il n’y a que des vivants sur notre terre et au-delà.
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La mort existe Seigneur
Mais elle n’est qu’un moment
Un instant, une seconde, un pas,
Le pas du provisoire au définitif
Le pas du temporel à l’éternel.
Ainsi meurt l’enfant quand naît l’adolescent
La chenille quand s’envole le papillon
Le grain quand s’annonce l’épi.
Mais où sont-ils Seigneur ceux que vivants j’ai chéris?
Seigneur ils sont près de moi mes morts,
Je ne les touche plus de mes yeux
Mais en toi Seigneur je les entends qui m’appellent
Je les rencontre quand je te rencontre
Je les aime lorsque je t’aime.
Michel Quoist
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites / Que ce soit par un jour où la campagne
en fête Poudroiera./ Je désire, ainsi que je fis ici-bas,/ Choisir un chemin pour aller, comme il
me plaira, /Au Paradis où sont en plein jour les étoiles./ Je prendrai mon bâton et sur la grande
route /J’irai et je dirai aux ânes, mes amis : Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis/ Car il
n’y a pas d’enfer au pays du Bon Dieu. (…) /Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je vous
vienne./ Faites que dans la paix des anges nous conduisent,
Vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises/ Lisses comme la chair qui rit des jeunes
filles,/ Et faites que, penché dans ce séjour des âmes, /Sur vos divines eaux, je sois pareil aux
ânes/ Qui mireront leur humble et douce pauvreté/ A la limpidité de l’amour éternel.
Francis Jammes
Comment je pense à la mort? Je vais essayer une comparaison. Je me trouve dans la même
situation qu’un enfant dans le sein de sa mère. Il doit éprouver une grande angoisse au
moment où il sent qu’il se passe quelque chose dont il ne peut avoir aucune idée. Il va sortir
de cette chaleur et de cette nuit, il va jaillir dans l’inconnu, il va savoir ce que cela veut dire
vivre. Mourir c’est naître.
Jacques de Bollardière
Les frères se pressaient autour du mourant et pleuraient. Mais il ouvrit les yeux et se mit à rire
trois fois« Dis nous , frère, pourquoi ris-tu alors que nous pleurons ? » Il leur répondit :
« La première fois j’ai ri parce que vous craignez la mort.
La deuxième fois j’ai ri parce que vous vous n’êtes pas préparés à la mort.
Et la troisième fois parce que je quitte mes peines pour le repos. »»
A peine eut-il prononcé ces paroles qu’il ferma les yeux et mourut.
Sagesse Zen
Matin de Pâques, entraîne-nous dans le printemps du monde.
Explose en bourgeons d’espérance aux mille fleurs des étoiles.
Roule la lourde pierre qui entrave nos vies et jette nous dans ton éternité.
Albéric de Palmaert
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Si l’on prêche que Jésus est ressuscité des morts comment certains d’entre vous prétendent-ils
qu’il n’y a pas résurrection des morts ? Sans résurrection des morts pas de Résurrection du
Christ.
Paul de Tarse
Ma vie a sa dimension d’éternité non pas après cette vie mais au-delà d’elle, mais ici et
maintenant lorsque je suis responsable d’un projet qui me dépasse.
Ce contre quoi nous avons à lutter c’est contre la mort prématurée d’êtres jeunes, plein de
possibles.
Mais la mort d’un vieillard n’est pas une malédiction. A mesure que je vieillis je participe de
moins en moins à la création et vient l’impossibilité réelle d’un projet. Ma mort est, dans ce
mouvement, un passage à la limite.
Une seule chose est sûre: on ne peut y faire face à partir d’une conception individualiste de la
vie. Car l’individualisme nous fournit l’image même de la mort: la séparation.
Jean Cardonnel
Ressusciter c’est échanger sa condition de mort contre une autre vie de vivant, sans ombre,
ailleurs.
Et cela est plus juste, plus quotidien , plus vrai, du miracle de l’amour que des murs de
Jéricho de la science et du savoir. Jésus- Christ , lui-même, n’en a tenu aucun compte qui n’a
jamais voulu être prouvé ni rien garantir que la tendresse qui renvoie toutes les violences au
delà des lieux de supplice des hommes.
L’amour ne parle peut-être pas plus que la mort, ce sont les deux seules immenses extrémités
humaines qui se touchent et par quoi nous existons grands ouverts à l’éternité si elle veut bien
de nous.
Il n’y a peut-être pas de mystère de la mort, il n’existe que des amours. Et la certitude
charnelle que nous n’avons jamais cru en vain à l’amour quand bien même la mort nous
l’arrache.
Elle ne nous prend rien puisque nous aimons. Nous sommes déjà ailleurs; Et Christs.
Marc Oraison
Savoir que nous ne sommes pas emprisonnés,
Savoir qu’il y a une issue,
Et de l’air, Et de la lumière et de l’amour
Quelque part au delà de toute mort,
Le savoir sans illusion, sans fiction,
Voilà ce dont sous peine de devenir asphyxiés
Par l’étoffe même de notre être
Nous avons absolument besoin .
Teilhard de Chardin
Philosophies
La mort ne nous concerne pas car tant que nous sommes la mort n’est pas. Et quand la mort
est, c’est nous qui ne sommes plus.
Epicure
L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la
mort mais de la vie.
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Spinoza
Je veux que la mort me trouve plantant mes choux mais nonchalant d’elle et encore plus de
mon jardin imparfait.
Michel de Montaigne
La mort on peut en parler avant qu’elle ne se produise mais on ne sait rien sur elle. Après on
saurait peut être quelque chose mais on ne peut plus parler. Il reste l’instant du « mourir ».
Comment parler de la mort dans l’instant de la mort ? Il m’a fallu tout un livre pour
l’expliquer. La mort n’est pas un grand voyage, elle n’est pas semblable au sommeil. Elle
n’est pas une maladie. C’est la maladie des maladies. La mort c’est la maladie des biens
portants et des malades.
Vladimir Jankélévitch
Nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits et notre petite vie est entourée de sommeil.
William Shakespeare
Père, père, écoute… La lumière est pour les vivants le plus doux des biens et pour les morts il
n’y a plus rien.
Euripide
Il faut quitter la vie comme Ulysse quitta Nausicaa, en la bénissant et non amoureux d’elle.
Friedrich Nietzsche
La vie est une succession de séparations par lesquelles on ne cesse de grandir. A chaque
instant on meurt à soi-même, à l’autre, au monde, au temps. (…) Le deuil comme un
apprentissage, vivre malgré tout, car « vivre c’est perdre ».
André Comte- Sponville
On se réjouissait à ta naissance et tu pleurais. Vis de manière que tu puisses, au moment de ta
mort, être dans la joie et les autres dans les pleurs.
Proverbe Perse
L’homme vient au monde les mains closes, il le quitte les mains ouvertes.
Proverbe d’Inde
L’affreux en mourant c’est de disparaître sans avoir compris. Le crime de la mort n’est pas
qu’elle nous tue mais qu’en tranchant notre angoisse elle lui confère l’éternité.
Jean Rostand
Tant que je vis je suis un homme mortel Mais quand je meurs, cessant d’être un homme, je
cesse aussi d’être mortel, je ne suis plus capable de mourir.
Maurice Blanchot
La mort est ce qui transforme la vie en destin.
André Malraux
« La mort transforme la vie en destin » disait Malraux. Ce jugement n’est pas recevable par
un non-violent. Dans la non-violence la mort ne peut plus être vécue comme une impasse à la
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vie, autant injuste qu’absurde. Le fait d’assumer sa mort renouvelle et élargit l’espace de la
liberté humaine, celle de la non-violence.
Jacques Semelin
Nier sa mort dans le fil quotidien de notre vie c’est vivre en somnambule de l’existence.
Projeter sa mort sur l’autre – ennemi – c’est en venir à la violence. L’homme s’accommode
généralement de cette double duperie: celle du déni de la mort ou de sa projection sur l’autre.
La troisième attitude: l’assumer, c’est sur ce chemin que s’édifie la non-violence. Y a-t-il
démarche plus authentiquement humaine que d’assumer cette mort dans ma vie au point que
je puisse la brandir devant tous quand je ne supporte plus que la vie soit bafouée?
Jacques Semelin
(…)A mesure que l’âge m’envahit, la nature me devient plus proche. Chaque année, en quatre
saisons qui sont autant de leçons, sa sagesse vient me consoler.(,,,)
En hiver elle gémit : « Me voici, stérile et glacée. Combien de plantes, de bêtes, d’oiseaux,
que je fis naître et que j’aimais meurent sur mon sein qui ne peut plus les nourrir ni les
réchauffer. Le destin est-il donc scellé ? Est-ce, pour toujours, la victoire de la mort ? Non.
Déjà, sous mon sol inerte, un sourd travail s’accomplit. Immobile au fond des ténèbres, je
pressens le merveilleux retour de la lumière et de la vie ».
Charles de Gaulle
Le fait d’avoir été est inaliénable. Le mort ne peut revenir à la vie mais celui qui a vécu ne
retombera plus jamais dans le néant prénatal: l’irréversibilité qui empêche sa résurrection,
empêche sa nihilisation. Du moment que quelqu’un est né, a vécu, il en restera toujours
quelque chose même si on ne peut dire quoi. (…)
Jusqu’aux siècles des siècles il faudra tenir compte de ce mystérieux « avoir-été ». (…) On ne
dirait pas « il n’est plus » s’il n’avait jamais été. Métaphysique est la différence entre « il n’est
plus » et « il n’est pas » ; le « plus rien » est distinct à jamais du néant pur et simple ; il est
sauvé de l’inexistence éternelle, sauvé pour l’éternité.
Vladimir Jankélévitch
L’aveu de notre ignorance, même concernant la vie future, me semble plus louable que
certaines théologies pompeuses bâties par les théologiens.
Après la mort j’ai le droit d’espérer en une vie future, mais non d’affirmer son existence.
Je me rappelle un mot de Forrow, un ami d’Emmerson. Durant son agonie de bonnes gens
espéraient une révélation du mourant. Forrow, plein d’esprit répondit simplement : One world
in the time, « un monde à la fois ». Voilà qui est honnête et courageux.
Théodore Monod
L’humanité se vivait comme infinie car elle était une abstraction. Les dangers qui la guettent
lui révèlent à la fois son existence et sa mortalité.
René Jean Dupuy
Visions globales
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Ce fut le mérite d’Edgar Morin d’avoir su tracer les grands moments historiques de
l’évolution de la mort qui s’articule en trois temps :
– Dans les sociétés archaïques les hommes répugnaient à l’idée d’une destruction définitive,
la mort n’est qu’une renaissance. D’où l’idée que les disparus vivent ailleurs de leur vie
propre, des vivants invisibles, il ne s’agit pas d’esprits, il s’agit de doubles, de spectres ayant
formes de fantômes qui accompagnent le vivant dans son existence, ses rêves, se prolongent
dans son ombre, son souffle, pouvant être aussi une partie de son corps.. C’est l’amortalité
(double) égyptienne, romaine, et aussi des hébreux et des Perses.
– Dans les sociétés métaphysiques on assiste à une séparation radicale des vivants et des
défunts. A l’intérieur du monde des morts il y a des grands morts dont certains accèdent au
titre de dieux. On en arrive à concevoir l’existence de morts jamais nés et de vivants jamais
morts. Ainsi s’épanouit du double au dieu, en passant par le mort-ancêtre-dieu, la divinité
potentielle du mort. La notion d’esprit prend peu à peu son sens, comme celle d’âme.
L’immortalité véritable (esprit) remplace l’amortalité (double). Les religions du salut prennent
dès lors naissance. L’idéal platonicien, la quête du salut des chrétiens, la recherche ascétique
du nirvâna ou de l’Un-Tout dans les systèmes de pensée orientaux illustrent cette tendance.
– Dans les sociétés modernes l’homme ne se laisse plus envahir par les doubles et les esprits.
Au nom de la science (Marx) ou plus simplement pour déborder sa propre angoisse
(Nietzsche) il proclame la mort de Dieu. Les progrès des techniques, le développement de
l’esprit critique, le déploiement de l’individualisme et de la concurrence (rentabilité, profit)
laissent l’individu seul. Le salut, s’il existe, ne peut être qu’en lui, comme la mort reste sa
mort qu’il doit affronter seul sans l’aide de Dieu. A partir de la seconde moitié du XIXe une
crise de la mort commence. Il existe une tentative de « dépassement » de cette crise qui
s’exprime de quatre façons :
Ou bien la mort sera ignorée, rejetée parce que hors des atteintes de l’énergie pratique de
l’homme (la praxis révolutionnaire n’a que faire d’elle. – Marx)
Ou bien on la reconnaîtra comme le non-sens, la négation de mes possibilités, leur
néantisation(J. P. Sartre)
Ou bien c’est dans l’acte d’assumer notre « être-pour-la-mort » que nous trouverons
l’authenticité : « L’Etre authentique pour la mort est le fondement caché de l’historicité de
l’homme ». (Heidegger)
Ou bien la peur de la mort c’est au fond celle de notre propre irréversibilité dans le temps
(Freud).
Louis-Vincent Thomas
La pensée humaine n’a jamais cessé au cours des temps d’imaginer ou de concevoir des
systèmes de croyances qui aident à supporter la mort.
– La mort-renaissance : le mort humain, immédiatement ou plus tard, renaît en un vivant
nouveau, enfant ou animal (conceptions premières de la mort).
– La négation de la mort : la mort n’est rien. Tout cesse avec elle et la crainte de l’au-delà
n’est donc qu’une vaine crainte (Epicure).
– La dédramatisation de la mort : Dieu existe, donc il ne peut rien arriver de mal à l’homme
juste après sa mort. (Socrate). L’existence ici-bas est une propédeutique pour l’au-delà : un
nouveau monde nous attend (Sénèque). Cette dédramatisation est très présente dans
l’Antiquité.
– L’amortalité : est une période indéfinie mais pas nécessairement éternelle. Les morts
mangent, s’aiment (cf. Afrique noire animiste). Le double s’intériorise, et devient une âme
immortelle (à Thèbes).
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– L’immortalité : En Egypte le droit à l’immortalité est reconnu avec foi : d’abord réservé
aux pharaons, il est reconnu à tous les égyptiens en 2000 avant notre ère. L’âme, le double ne
sont pas détruits par la mort. La philosophie grecque, à son tour, fait de l’immortalité de l’âme
une idée force (cf. le Phédos de Platon). Les bouddhistes pensent que le corps de l’homme
contient une âme immortelle. Les religions du salut (islam, christianisme surtout) développent
cette croyance en l’immortalité de l’âme en y ajoutant la notion de résurrection.
– La résurrection des morts : Dans le christianisme elle réhabilite le corps et l’associe au
destin de l’âme. « Vos corps vivront » prophétisait Isaïe. Le pêché a introduit la mort mais la
rédemption (mort féconde du Christ) permet de la transcender : elle devient la transition
nécessaire pour atteindre le salut qui est la vision de Dieu. Pour l’Islam aussi : la résurrection
des corps est une idée maîtresse : chacun sera jugé. Mais il n’y a pas de rédemption et la
vision de Dieu ne constitue pas l’essence de la béatitude éternelle. Le monde moderne
retrouve à sa manière le thème de la résurrection avec la pratique encore très limitée de la
cryogénisation : des cadavres attendent dans un bain d’azote liquide le moment où on est
censé les ramener à la vie.
– La fusion dans l’Un-Tout : Dans le brahmanisme il y a identité du moi profond et du
principe fondamental de l’univers. La transmigration des âmes est en référence directe avec
les actes des existences antérieures. Le salut réside dans la libération de celles-ci puisque le
perpétuel recommencement d’existence est un perpétuel recommencement de souffrance.
Ainsi il faut attendre l’absolu véritable. Pour arriver à l’immortalité il faut détruire en soi tout
désir. Dans le Bouddhisme : alors que le brahmanisme vise la saisie de l’Etre, le bouddhisme
s’attache plutôt à l’appréhension du devenir. La sagesse ne peut être que « l’anéantissement
du désir, de la haine et de l’égarement »(nirvâna). Puisque la vie entraîne la mort et que la
renaissance réintroduit le malheur de vivre pour mourir, le nirvâna est une protestation contre
l’inévitabilité de la mort individuelle. Le torrent de l’être est arrêté, il n’y a plus de
renaissance. Brahmanisme et bouddhisme refusent donc l’existence individuelle au profit de
la grande vie cosmique.
Louis-Vincent Thomas
Pensées scientifiques et au delà
Mourir c’est pour mon corps se dissoudre. Les atomes qui le constituent poursuivront leur
aventure commencée il y a quinze milliards d’années ; cette aventure a comporté un épisode
pour eux sans importance, participer à la constitution de mon organisme, elle continuera,
aveugle, sans projet, sans signification, jusqu’à la disparition de toute matière dans un espace
étiré à l’infini ou ramené à une dimension nulle.
Mais, pour ce qui en moi est autre « chose » que ces atomes, mourir c’est échapper au temps.
Souvenons-nous de Saint-Augustin : « Ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est
qu’il tend à n’être plus ».
Plutôt que de demander à la mort où est sa victoire, il nous faut l’accueillir comme l’alliée
qui nous permet de remporter la victoire sur le temps. Evènement décisif qui peut être salué
comme l’équivalent d’un big-bang personnel.
« L’esprit est un palais formé de miroirs fécondés par une lampe solitaire qu’ils enfantent à
l’infini ». Cette définition, dont je recherche sans succès l’auteur, décrit fort bien la
conscience : l’aller et retour sans fin d’un je ne sais quoi rebondissant sur des parois à
l’étrange pouvoir (…) Le labyrinthe disparaît, dans lequel je me suis perdu, allant de reflets en
reflets, à la recherche de la lampe solitaire toujours échappée ; les miroirs se brisent et
fournissent des éléments qui en reconstituent d’autres. Qu’importe, si la lampe brille, et
participe à la lumière.
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Albert Jacquard
La vie dépense sans compter pour permettre aux espèces de survivre, d’évoluer… mais vers
quel rendez-vous ? Nous ne le savons pas. En tant qu’individus nous sommes uniques,
irremplaçables : en cela, la promesse des grandes religions est tenue.
Mais nous assistons au naufrage de l’individu pour la plus grande gloire de l’espèce. La mort
est donc un échec, d’une certaine manière, mais elle donne de nouvelles chances à la vie, par
le « recyclage » de chaque atome, de chaque molécule qui sert des milliers de fois. L’échec
est dépassé finalement par le grand dessein mystérieux de la vie.
Maurice Marois
Humour
La vie est une maladie héréditaire, sexuellement transmissible et mortelle.
Woody Allen
Il avait fait écrire sur sa tombe : « Je vous avais bien dit que je n’allais pas bien ! »
Muriel Robin
Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine
par le chêne ou le sapin .
Pierre Desproges
La mort est un manque de savoir-vivre.
Alphonse Allais.
Ce n’est pas que j’aie vraiment peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand ça
arrivera.
Woody Allen
On demanda à M. de Fontenelle mourant : « Comment cela va-t-il ? ».
« Cela ne va pas, dit-il, cela s’en va. ».
Nicolas de Chamfort
L’éternité c’est long, surtout vers la fin.
Woody Allen
A l’éternelle et triple question toujours demeurée sans réponse : « Qui sommes-nous ? D’où
venons-nous ? Où allons-nous ? », je réponds : « En ce qui me concerne personnellement, je
suis moi, je viens de chez moi et j’y retourne. »
Pierre Dac
Quelques derniers mots et quelques épitaphes sur des tombes
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Il peut s’agir des derniers mots de moments uniques, ainsi par exemple ceux de la mort.
Quelqu’un disait qu’on devrait passer une partie de sa vie à dire adieu à ceux et celles que
l’on aime. A ce propos les derniers mots attribués à des personnes qui vont mourir sont
quelquefois plus que symboliques,
« Aequanimitas », égalité d’âme, aurait dit l’empereur et philosophe Marc Aurèle (mort en
180),
« Donnez-moi une place » dit Etienne de La Boétie (mort en 1563) à Montaigne, ce qui
signifiait je veux rester avec vous dans votre vie et dans votre oeuvre.
Victor Hugo sur son lit de mort disant « C’est ici le combat du jour et de la nuit ».
« Adieu, je m’ennuie déjà » disait magnifiquement un être aimé à un autre être aimé.
« Au revoir les enfants, à bientôt »dit, dans le film du même nom, le Père Jean emmené par la
Gestapo, « au revoir mon Père » répondent peu à peu tous les enfants…
Le colonel Kurtz (incarné par Marlon Brando dans « Apocalypse Now » de Francis Ford
Coppola, film à partir du roman de Joseph Conrad « Au coeur des ténèbres » ), à la fin d’une
guerre terrifiante, meurt dans le soupir de ses derniers mots: « l’horreur…l’horreur… »
Le dernier mot du Christ sur la croix : « Père je remets mon esprit entre tes mains ».
Il y a aussi des mots de haine, de vengeance. Ils peuvent même parfois en appeler au malheur
sur les générations suivantes, ainsi selon la légende Jacques de Molay, dernier Grand Maitre
des Templiers,(mort en 1314), qui aurait, sur le bûcher, maudit le pape et les rois de France :
«Tous maudits jusqu’à la treizième génération ! »
Les derniers mots gravés sur des tombes se veulent eux aussi essentiels, par exemple
humoristiques:/ non, c’est non; / irrémédiable loupé final; / mourir est vraiment la dernière
chose à faire; / je pars sans laisser d’adresse; / enfin seul; / tu n’as pas quelque chose de
rigolo à me dire?; / Ci-git mon mari, pour son repos…et pour le mien ; / je vous avais bien
dit que je n’allais pas bien ; /
ou bien philosophiques : /ni maitre, ni dieu; / hélas; / il fut un être humain…/
ou bien sur l’après-la-mort : Omnia? Nihil!; / enfin l’infini; / poussière, poussière ; / on se
retrouvera; / à notre soeur de la nuit et du silence…/
(Voir à ce sujet le vaste site landrucimetieres.fr)
Amours
Adieu, je m’ennuie déjà.
Derniers mots d’une personne à une autre
A l’heure de l’adieu, en partant loin de toi, mes yeux se sont vidés tout d’un coup de lumière,
et je suis resté aveugle à force de pleurer.
Hafez(poète persan)
Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C’est ainsi, il est déjà beau que nos vies
aient pu si longtemps s’accorder.
Simone de Beauvoir
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Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l’autre. Nous nous sommes souvent dit
que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la vivre ensemble.
André Gorz (Lettre à D.)
Un soir fait de rose et de bleu mystique
Nous échangerons un éclair unique
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux.
Charles Baudelaire
Place-moi comme un sceau sur ton coeur,
comme un sceau sur ton bras ,
car l’amour est fort comme la mort(…)
Cantique des Cantiques, L’Ecclésiaste
Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Charles Baudelaire
Poèmes
Qui maintenant meurt quelque part dans le monde
Sans raison meurt dans le monde
Me regarde
Rainer Maria Rilke
Puis je regarderai
Le haut de la colline
Qui danse qui se devine
Qui finit par sombrer
Et dans l’odeur des fleurs
Qui bientôt s’éteindra
Je sais que j’aurais peur
Une dernière fois.
Jacques Brel
Pourquoi nous disputer la montagne ou la plaine
Notre tente est légère, un vent va l’enlever.
La table où nous rompons le pain est encore pleine
Que la mort, par nos noms, nous dit de nous lever!
Alphonse de Lamartine
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Ma poésie infortunée
Aura-t-elle mes yeux pour voir ?
Garderai-je odeurs et couleurs
Lorsque, détruit, je dormirai ?
Pablo Neruda
Elle est retrouvée !
Quoi ? – L’Eternité .
C’est la mer allée
Avec le soleil .
Arthur Rimbaud
La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver
Et le siècle couler, sans qu’amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.
Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil, je la voyais s’asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l’enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?
Charles Baudelaire
Tous ceux enfin dont la vie un jour ou l’autre ravie
Emportent une part de nous
Semblent dire sous la pierre: vous qui voyez la lumière
De nous vous souvenez-vous?
Brassens
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Il est temps que parte l’oiseau. Le refuge bientôt sera vide. Le chant réduit au silence, le nid
abîmé dans la poussière par le balancement des branches.
Avec les feuilles mortes les fleurs fanées je m’envolerai au crépuscule dès l’aube dans le vide
sans bornes par delà les rives du couchant.
Que longtemps cette opulente terre m’offrit l’hospitalité, tantôt du prodigue printemps je
reçus l’invite, capiteuse senteur des bourgeons des manguiers, la fleur d’ashoka me fit signe
en demandant des airs que j’infusai d’amour; quelquefois sous l’orage battant de Baishakha,
le sable brûlant m’étrangla la voix, me figea l’aile – de tout cela je suis heureux en hommage
à la vie.
Lorsque s’interrompt le périple épuisé de cette rive, me retournant le temps d’un instant d’un
humble salut en adoration devant le Seigneur de cette existence, je m’en irai.
Rabindranath Tagore
Il nous faut vivre d’amour, d’amitié, de défaites
Donner à perte d’âme, éclater de passion
Pour qu’on puisse écrire à la fin de la fête
Quelque chose a changé pendant que nous passions.
Serge Reggiani
Soyez comme l’oiseau
Posé un instant
Sur des rameaux
Trop frêles
Qui sent plier
La branche
Et qui chante
Pourtant
Sachant qu’il a
Des ailes.
Victor Hugo
Je suis parvenu sur le bord de l’éternité, d’où jamais rien ne se dissipe – nul bonheur, nul
souvenir de visage entrevu à travers des larmes. Oh ! Trempe dans cet océan ma vie creuse,
plonge-la dans le sein de cette plénitude, et que cette caresse perdue, je la ressente dans la
totalité de l’univers.
Rabindranah Tagore
Toute la masse d’arôme de ces fleurs pour rendre sereine la nuit qui tombe sur nos larmes.
René Char