Cet article est dédié très chaleureusement à chaque visiteuse visiteur de ce
site.
Trois réflexions proposées : partir de quelques questions préalables(I), aller
voir les derniers mots de différents ouvrages(II) , construire une histoire avec
ces derniers mots , sans oublier le dernier de cette histoire elle- même.(III)
I-Quelques questions préalables relatives à ce « dernier mot est-il le bon ? »
A- Le dernier mot
Le dernier mot de qui ? La liste peut-être longue, en la simplifiant : le dernier
mot d’un amour, d’un parent, d’un ami, d’un collègue, d’un auteur,d’un
homme ou d’une femme connu(e), d’un inconnu…
En quelles circonstances ? Quotidiennes ou extraordinaires, malheureuses ou
heureuses ou dans l’entre- deux, dernier mot exprimé en privé ou en public.
A quel moment ? Entre deux moments courts où l’on va plus ou moins vite se
revoir, dans des moments de séparations plus ou moins longues ou bien
définitives.
Avec quelle importance ? Une force particulière, quelquefois très grande,
ressentie sur le moment, ou un dernier mot qui passe inaperçu et qui le
reste, ou qui prend une importance particulière après coup, à la suite de tel ou
tel évènement.
Sous quelles formes ? L a forme écrite à travers ouvrages, lettres, mails, SMS,
articles, discours…ou la forme orale à travers une conversation en présence de
l’autre, une conversation téléphonique, un texte lu, une chanson, un opéra, un
film…
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B-… est-il le bon ?
Que signifie « le bon » ? Ce mot doit être symbolique c’est-à-dire représenter
quelque chose, par exemple une relation importante, un évènement
marquant, une vie dans ce qu’elle a pu avoir d’essentiel…
Il peut s’agir de moments qui se répéteront, ainsi des couples avant de
s’endormir se diront des « je t’aime mon amour », des amis avant de partir se
diront simplement « à bientôt l’ami », un enseignant aimait dire à ses
étudiants « Que la semaine vous soit bonne ! »…
Il peut s’agir aussi de moments uniques, ainsi par exemple ceux de la mort.
Quelqu’un disait qu’on devrait passer une partie de sa vie à dire adieu à ceux
et celles que l’on aime. A ce propos les derniers mots attribués à des personnes
qui vont mourir sont quelquefois plus que symboliques, « aequanimitas »,
égalité d’âme, aurait dit l’empereur et philosophe Marc Aurèle (mort en
180), « Donnez-moi une place »dit Etienne de La Boétie (mort en 1563) à
Montaigne, ce qui signifiait je veux rester avec vous dans votre vie et dans
votre oeuvre.Victor Hugo sur son lit de mort disant « C’est ici le combat du jour
et de la nuit ». « Adieu, je m’ennuie déjà » disait magnifiquement un être aimé
à un autre être aimé. « Au revoir les enfants, à bientôt »dit, dans le film du
même nom, le Père Jean emmené par la Gestapo, « au revoir mon Père »
répondent peu à peu tous les enfants…Le colonel Kurtz (incarné par Marlon
Brando dans « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola,film à partir du
roman de Joseph Conrad « Au coeur des ténèbres » ),à la fin d’une guerre
terrifiante, meurt dans le soupir de ses derniers mots: « l’horreur…l’horreur… »
Le dernier mot du Christ sur la croix : « Père je remets mon esprit entre tes
mains ».
Il y a aussi des mots de haine, de vengeance. Ils peuvent même parfois en
appeler au malheur sur les générations suivantes, ainsi selon la légende
Jacques de Molay, dernier Grand Maitre des Templiers,(mort en 1314), qui
aurait, sur le bûcher, maudit le pape et les rois de France : «Tous
maudits jusqu’à la treizième génération ! »
Les derniers mots gravés sur des tombes se veulent eux aussi essentiels,par
exemple humoristiques (non,c’est non; irrémédiable loupé final; mourir est
vraiment la dernière chose à faire; je pars sans laisser d’adresse; enfin seul; tu
n’as pas quelque chose de rigolo à me dire?; Ci-git mon mari,pour son repos…et
pour le mien; je vous avais bien dit que je n’allais pas bien…),ou bien
philosophiques (ni maitre,ni dieu; hélas; il fut un être humain…) ou bien sur
l’après-la-mort (Omnia?Nihil!; enfin l’infini; poussière,poussière ; on se
retrouvera; à notre soeur de la nuit et du silence…(Voir à ce sujet le vaste site
landrucimetieres.fr )
Nous proposons ici de regarder ce qu’il en est de quelques ouvrages.
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II- Les derniers mots de différents ouvrages sont-ils les bons ?
A-Quels ouvrages proposer ?
1- Les limites de la démonstration.
Notre recherche n’a pas vocation scientifique, elle n’est faite que sur un petit
échantillon. Elle montre seulement que, sur une liste d’ouvrages qui tiennent
au coeur et à l’esprit d’une personne, les derniers mots peuvent être
symboliques.
2-Les critères des choix.
Le premier choix était simple, prendre sur une étagère, qui rassemble la
cinquantaine de livres qualifiés de « bien aimés », ceux auxquels l’auteur de ce
site est très attaché et qu’il garde précieusement à travers ces dernières
décennies.
Le second choix a été confié au hasard. Comme la cinquantaine aurait peutêtre
été un peu longue, une vingtaine a été prise, simplement ceux qui sont
arrivés les premiers dans les mains. La démonstration aurait été intéressante
pour les autres aussi.
Le troisième choix a été celui fait à l’intérieur de quelques ouvrages, lorsqu’il
s’agissait par exemple de poèmes nous avons choisi un des préférés, ne
recopiant le dernier mot qu’après avoir choisi le poème.
B- Les derniers mots des ouvrages choisis
1-Quels sont les derniers mots ?
Ces derniers mots sont donc les suivants :
« Maintenant, / Temps, je t’enroule, / Je te dépose dans ma/ Boîte sylvestre/
Et je m’en vais pêcher/ Avec ta longue ligne/ Les poissons de l’aurore. » (Pablo
Neruda, Troisième livre des odes, ode à l’âge, Gallimard, 1978, p133.) ( le /
signifie bien sûr qu’il faut aller à la ligne.)
« ( …) ou dans le clin d’oeil alourdi de patience, de sérénité, de pardon
réciproque, qu’une entente involontaire permet parfois d’échanger avec un
chat. »(Claude Lévi Strauss, Tristes tropiques, Terre Humaine, Plon, 1955, p
480.)
« A l’éternel et triple question toujours demeurée sans réponse : « Qui
sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? », je réponds : En ce
qui me concerne personnellement je suis moi, je viens de chez moi et j’y
retourne. » (Pierre Dac, Les Pensées, Seghers,1977,p156)
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« Ainsi parla Zarathoustra et il quitta sa caverne ardent et fort comme un
soleil du matin au sortir de sombres montagnes. » (Friedrich Nietzche, Ainsi
parlait Zarathoustra, 10-18, 1958, p309.)
« Sur les rivages de mondes sans fin est le grand rendez-vous de l’enfance. » (
Rabindranath Tagore, Le Jardinier d’amour, Gallimard,1980,p199.)
« Le symbole du triomphe sur le sous-développement sera la victoire sur la
faim.» (Josué de Castro, Géographie de la faim, Seuil, 1964 , p300)
« Il a ma voix mourante, dis-le lui, avec les évènements qui nous ont menés-le
reste est silence. » (William Shakespeare, Hamlet, Pocket, 1998, p118.)
« Oui. Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone vous auriez tous été bien
tranquilles. » (Jean Anouilh (dans le sillage de Sophocle)Antigone,
Pocket,1989, p125)
« Très peu m’eut suffi s’il eût été pur. » (Jean Rostand, Pensées d’un biologiste,
Stock,1978, p234)
«Et le bruit de la terre qui s’endort doucement. » (Jacques Brel, OEuvre
intégrale, chanson Il nous faut regarder, Robert Laffont, 1982, p106.)
« Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! » (Charles Baudelaire, Les
Fleurs du Mal, Gallimard, 1996, poème sur La Beauté, p49.)
« Sous peine de mort lente il faudra se battre contre un monde intolérable. »
(René Dumont, L’utopie ou la mort, Seuil, 1974, p188.)
« Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts… » (Marguerite Yourcenar,
Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1977, p303.)
« Le réveil intellectuel appelle une pensée en questions. » ( Edgar Morin, Les
intellectuels-La pensée anticipatrice, Arguments 3, 10/18,1978, p144.)
« La lutte elle-même suffit à remplir un coeur d’homme. Il faut imaginer
Sisyphe heureux. »
(Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1972, p166.)
« Chaque homme et chaque femme est le gardien de sa dignité et de sa liberté.
Cette protection est possible même si le monde entier se retourne contre celui
qui est seul à résister. » (Mahatma Gandhi, Tous les hommes sont frères, vie et
pensées de Gandhi d’après ses oeuvres, Gallimard, 1969, chapitre sur le peuple
et la démocratie, p254.)
« Pars donc de bonne grâce pour répondre à la bonne grâce de qui te libère. »
(Marc Aurèle, Pensées, Club des libraires de France, 1955, p332.)
« Ce n’est pas l’éternel retour. C’est l’éternelle relance. » (René Jean Dupuy,
La clôture du système international, puf, 1989, p159.)
« (…) à la recherche de valeurs communes. (Monique Chemillier-Gendreau,
humanité et souverainetés, La Découverte, 1995, p328.)
« Une autre économie s’ébauche au coeur du capitalisme, celle qui inversera le
rapport entre production de richesse marchandes et production de richesses
humaines. » (André Gorz, Ecologica, Galilée, 2008, p159.)
« ( …) Ils peuvent empoisonner une société conviviale, ils ne pourront pas
conquérir la société conviviale. » (Ivan Illich, La convivialité, Seuil, 1973 p158.)
« Cette veille de fin des temps peut-elle encore se transformer en aube
d’humanité ? »(la plupart des ouvrages de l’auteur de ce site se terminent par
cette interrogation).(par exemple Jean-Marc Lavieille ( JML), Construire la paix,
éditions Chronique sociale,1988 .JML, Relations internationales, Ellipses,2004.
JML, Droit international de l’environnement, Ellipses, 3ème édition,2010.)
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III- Une histoire avec les derniers mots des vingt deux ouvrages ci-dessus
A-Quelle histoire ?
En vingt minutes environ, assez rapidement pour laisser place à une certaine
spontanéité, (mais après tout on peut aller beaucoup plus lentement)l’auteur
de ce site a placé tous ces derniers mots dans l’ordre ci-dessus ce qui a donné
une histoire, elle aussi, symbolique, la voilà :
Dès l’aurore
Avec un chat
Je retourne
Sur les montagnes
De mon enfance.
J’ai faim
De silence
De tranquillité
De pureté
D’une terre qui s’endort doucement
De clartés éternelles
Mais, face à un monde intolérable,
Les yeux grands ouverts
Les pensées en questions
Il faut imaginer un monde heureux
Donc résister
Et se libérer
C’est l’éternelle relance
Pour des valeurs communes
Pour des richesses humaines
Pour une société conviviale
Pour une aube d’humanité.
B- Et le dernier mot de cette histoire ?
Humanité, dernier mot de la plupart des ouvrages, des cours, des
interventions, des articles de l’auteur de ce site, et symboliquement
apparaissant comme première expression écrite et orale de ce site.
Avant 1986 je ne mettais pas de point d’interrogation : « Cette veille de fin des
temps peut encore se transformer en aube d’humanité. »
Après 1986 j’ai considéré que le drame de Tchernobyl était probablement un
des derniers avertissements que l’humanité se donnait à elle-même, et j’ai
ajouté symboliquement le point d’interrogation : « Cette veille de fin des temps
peut-elle encore se transformer en aube d’humanité ? »
JML