ENVIRONNEMENT : LES CAUSES DE LA DEBACLE MONDIALE
L’auteur de cet article est ancien responsable du Master de droit international et
comparé de l’environnement, auteur en particulier de « Construire la paix »
,éditions de la Chronique sociale , et du « Droit international de
l’environnement » ,éditions Ellipses, auteur d’un blog sur Mediapart et d’un
site « au trésor des souffles »
L’article a été refondu fin novembre 2018.
Le péril majeur pour l’humanité ne provient pas d’un régime, d’un parti, d’un
groupe ou d’une classe. Il provient de l’humanité elle-même dans son ensemble
qui se révèle être sa pire ennemie et celle du reste de la création. C’est de cela
qu’il faut la convaincre si nous voulons la sauver. Claude Lévi-Strauss
(L’Express va plus loin avec Claude Lévi-Strauss, 25-31 mars 1971.)
L’humanité entière est confrontée à un ensemble entremêlé de crises qui, à
elles toutes, constituent la Grande Crise d’une humanité qui n’arrive pas à
accéder à l’Humanité. Edgar Morin(Le chemin de l’espérance, Stéphane Hessel,
Edgar Morin, Fayard, 2011.
Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte
d’une progression quantitative ; accéder à l’Humanité‚ suppose un saut
qualitatif. Dès lors qu’il est franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de
quoi les hommes perdraient les leurs. René Jean Dupuy (La clôture du système
international. La cité terrestre, puf 1989)
L’enjeu est dramatiquement simple : les quelques générations à venir aurontelles
le temps et les volontés de ralentir, d’enrayer puis de remettre en cause la
machine infernale des apocalypses environnementales ?
Le plus terrible de cette dégradation gravissime, de cet effondrement en
voie de généralisation, en un mot de ce que l’on peut appeler une véritable
débâcle environnementale, ce sont bien sûr les drames et les souffrances
des victimes passées, présentes et à venir, êtres humains et autres êtres
vivants. (Voir sur ce blog « Les manifestations de la dégradation mondiale de
l’environnement », « Les catastrophes écologiques », « L’assistance
écologique », « Les déplacés environnementaux », « Les générations futures et
nous ».)
(Voir aussi notre ouvrage, Jean-Marc Lavieille, écrit pour cette 4ème édition en
collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris, « Droit international
de l’environnement », Ellipses, 2018).
Beaucoup de personnes n’ont pas l’envie ou la patience ou le temps ou les
moyens de s’interroger sur les véritables causes de la débâcle écologique.
Elles les confondent d’ailleurs souvent avec les effets de cette débâcle et
pensent qu’il s’agit du réchauffement climatique, de la disparition des espèces,
de la raréfaction de l’eau, des pollutions de l’air, des sols et des océans … Or
ces effets ont des causes même si , à leur tour, ils produisent problèmes, drames
et menaces.
Pour analyser la machine infernale que constitue cette dégradation il faut
peut-être une forme de courage intellectuel , celui d’ oser regarder en face cette
machine terricide et humanicide. C’est là « le pessimisme de l’intelligence», il
est impératif de le prendre en compte si l’on veut s’attaquer aux causes (et aussi
ne pas mentir aux autres et à soi-même).Doit pouvoir l’accompagner
« l’optimisme de la volonté », il en faut beaucoup parce qu’il réduit à la
cuisson.
(Voir sur ce blog « Les fondements de la protection mondiale de
l’environnement », « Les moyens de la protection mondiale de
l’environnement.»)
« Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la
volonté ».Cette pensée de Gramsci est porteuse, pourquoi? Le pessimisme de
l’intelligence permet d’avoir les yeux, les esprits et les coeurs ouverts sur des
logiques profondes. L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains, les
coeurs et les esprits à l’ouvrage. Et finalement, avec nos forces et nos
faiblesses, ne faut-il pas essayer de faire en sorte que pessimisme de
l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte, s’interpellent,
se complètent, se soutiennent, s’inclinent l’un vers l’autre, deviennent un
couple de combat ?
Des éléments aggravants ne s’ajoutent-ils pas aux causes constituant un
ensemble de logiques très difficiles-voire impossibles ?-à démonter dans le
temps qui reste avant une multitude d’irréversibilités écologiques?
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement(PNUE), dans son
rapport GEO 2000 sur « l’avenir de l’environnement mondial », affirme : « Des
efforts sont faits pour enrayer la dégradation de l’environnement mais on
admet également qu’ils sont trop peu nombreux et bien trop tardifs(…)Les
améliorations et les progrès seront vraisemblablement réduits à néant par le
rythme et l’ampleur de la croissance économique au niveau mondial, par
l’aggravation générale de la pollution du milieu et par la dégradation accélérée
des ressources renouvelables de la planète. » Les autres rapports, par exemple
GEO 5 en 2012, vont dans le même sens.
Le directeur de la division de la mise en oeuvre des politiques d’environnement
du PNUE avait bien résumé la situation (23 octobre 2000, préparation du
programme pour le droit de l’environnement 2000-2010) : « Malgré les efforts
constructifs déployés par la communauté internationale au cours des trente
dernières années, l’environnement et la base des ressources naturelles qui
entretenaient la vie sur Terre continuent à se détériorer à une cadence
alarmante. »
Ainsi le qualificatif est clair : la rapidité de la dégradation est « alarmante ».
C’est déjà beaucoup plus « qu’inquiétant », çà n’est pas encore une rapidité
terrifiante et irrésistible mais la pente la plus forte n’y conduirait-elle pas ?
Partons d’une énumération simple et rapide, mais finalement partielle (?), des
causes qui peuvent venir à l’esprit et qui participent à la débâcle écologique,
insistons ensuite sur une vision globale plus complexe, celle d’un système qui
porte en lui des mécanismes de destruction environnementale, puis soulignons
les logiques profondes de ce système qui portent atteinte à la protection de
l’environnement, terminons enfin par les facteurs aggravants de cette débâcle
écologique, facteurs qui, pour certains d’entre eux, ont très probablement
quelque chose de terrifiant.
Nous envisagerons tour à tour quatre points :
Environnement : les explications partielles de la débâcle (I),
Environnement : la cause globale de la débâcle (II),
Environnement : les logiques profondes de la débâcle (III),
Environnement : les facteurs aggravants de la débâcle (IV).
I- ENVIRONNEMENT: LES EXPLICATIONS PARTIELLES DE LA
DEBACLE MONDIALE
Dans ces causes qui peuvent venir facilement à l’esprit nous distinguerons les
causes dominantes(A) puis les causes importantes(B).
A- Les causes dominantes de la débâcle écologique mondiale
Elles sont au moins au nombre de deux.
1-La surconsommation d’une partie de la population mondiale, une cause
dominante de la débâcle écologique
En premier lieu existe une surconsommation d’une forte minorité des habitants
de la planète (de l’ordre de 1,5 à 2 milliards ( ? ) sur près de 7,5 milliards
d’habitants).Les économies des pays développés, et déjà en partie des pays
émergents, sont dévoreuses d’énergie, de matières premières et produisent
d’énormes quantités de déchets et de polluants.
Les modes de production, de consommation, de transports n’ont pas été, à ce
jour, remis en cause massivement et radicalement. Le seul exemple des Etats-
Unis est criant: ils ont produit 20% des émissions de CO2 depuis 1850, en 2015
15% , alors que leur population représente 4% de la population mondiale. (La
Chine en 2015 représente 28% des émissions de CO2).
2- La croissance de la population mondiale, une cause dominante de la
débâcle écologique
Le taux de croissance de la population mondiale était certes de 2% il y a
cinquante ans et il est de 1% aujourd’hui. Cette croissance a donc ralenti, mais
elle continue.
Concrètement les Nations Unies (rapport 21 juin 2017) prévoient que nous
serons près de 10 milliards en 2050. L’augmentation serait donc de 30 % par
rapport aux 7,5 milliards d’aujourd’hui. En 2100 il y aurait 11,18 milliards de
terriens.
Cette croissance serait particulièrement importante en Afrique. En 2100
l’Afrique représenterait 40% de la population mondiale (en 2017 : 17%) et
l’Asie 43% (en 2017 : 60%).
Chaque jour en 2017 l’accroissement de la population mondiale (naissances
moins décès) est de l’ordre de 226.000 personnes. Cela représente une lourde
empreinte écologique si l’on en reste au productivisme.
Ce serait supportable pour l’environnement si la planète changeait
radicalement, c’est-à-dire si l’on passait du productivisme au développement
durable puis de celui-ci à une société écologiquement viable. Mais le temps est
compté, le productivisme est toujours dominant et la croissance démographique
est toujours là.
Le PNUE a élaboré (4 novembre 2004) différents scénarios, nous retiendrons les
deux extrêmes. Dans le scénario du « tout libéral » la population mondiale
atteindrait 9 milliards en 2050 et le PIB mondial serait multiplié par 5, la
situation écologique serait « très dégradée », l’environnement et la société
évolueraient vers des « changements irréversibles ». Dans le scénario
« écologique » la population atteindrait 8 milliards en 2050, le PIB mondial
serait multiplié par 3, la situation écologique serait « dégradée », des
« changements irréversibles pourraient être encore évités.» Ainsi dans le
premier scénario le pire est pratiquement sûr, dans le second il est repoussé pour
un certain temps (lequel ?).
Des auteurs tels que René Dumont et Claude Levi Strauss avaient insisté sur ces
liens entre démographie et protection de l’environnement, ils sont inséparables.
Un ralentissement beaucoup plus important de la croissance
démographique est un impératif écologique.
B- Les causes importantes de la débâcle écologique mondiale
Elles sont au moins au nombre de trois.
1- L’industrialisation méga polluante des pays émergents, une cause
importante de la débâcle écologique
Elle se fait souvent dans la trajectoire productiviste des pays développés.
N’est-ce pas là une véritable cause de cette débâcle sur laquelle il faudra
s’interroger?
Les mégapoles sont ainsi le plus souvent méga polluantes, et les plus pauvres
souffrent le plus de la débâcle écologique, par exemple des pollutions de l’air,
des eaux et des sols.
Les déplacés environnementaux vont être en grand nombre, d’abord dans les
pays du Sud, ainsi par exemple il est logique que de grandes villes demain
soient évacuées parce qu’elles seront devenues complètement irrespirables.
2- La pauvreté d’une majorité des habitants de la planète, une cause
importante de la débâcle écologique
La débâcle écologique est le produit d’abord de la surconsommation mais aussi,
dans une bien moindre mesure, de la pauvreté.
Ainsi par exemple l’utilisation du bois de feu est un moyen de survie pour
beaucoup de personnes. Ainsi par exemple, de façon gravissime, il y a une
absence de moyens financiers suffisants pour remettre en cause les énergies
fossiles, d’où l’aide vitale pour « l’adaptation » des pays en développement
aux changements climatiques. Cette aide a bien des difficultés à voir
massivement le jour alors qu’il suffirait d’avoir les volontés de créer de
véritables taxations financières internationales.
3- Les guerres, une cause importante de la débâcle écologique
Depuis 1945 il y a eu plus de cinq cents conflits armés (civils et inter étatiques),
qui ont produit autant de victimes que la Seconde guerre mondiale.
L’environnement, lui aussi, en a été victime.
Les destructions environnementales ont lieu pendant les conflits armés
(l’environnement est une cible et une arme) mais aussi avant les conflits
armés (production des armements, grandes manoeuvres…) et après ces
conflits armés (les « restes » des champs de bataille ont des effets
écologiques et sanitaires désastreux.)
(Voir article de l’auteur de ce blog « Conflits armés et atteintes à
l’environnement », voir aussi JM Lavieille, « Droit de la guerre, droit de
l’environnement », colloque OMIJ Limoges, 15 et 16 décembre 2008. Actes du
colloque, Les droits de l’homme face à la guerre, sous la direction de J.P.
Marguénaud et de H. Pauliat, Dalloz, 2009).
Si l’on veut aller plus loin que l’énumération simple qui précède ne faut-il
pas mettre en avant une analyse plus complexe, celle finalement de tout un
système qui serait à l’origine de ces causes ?
Si l’on peut montrer facilement que les causes économiques qui précèdent
sont liées à un système, peut-on en dire autant des guerres et, à plus forte
raison, de la croissance démographique ?
N’est-ce pas un système gigantesque qui menace l’existence même du
vivant ?
II- ENVIRONNEMENT : LA CAUSE GLOBALE DE LA DEBACLE
MONDIALE
Qu’on soit indifférent, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, le système
international peut être défini avant tout comme un système productiviste. C’est
probablement le terme qui le qualifie le mieux dans sa globalité.
Le productivisme est un véritable système totalisant qui s’empare de la nature
(A), il repose sur une omniprésence des marchés économiques et sur la
puissance des marchés financiers dont les logiques sont le plus souvent très loin
de la protection de l’environnement(B), le développement qui l’accompagne est
mis en cause par la destruction de l’environnement(C).
A- Le productivisme, un système totalisant qui fait main basse sur la
nature
1- Le productivisme : un système totalisant
a- Le système productiviste est le système existant le plus global
Un système c’est la combinaison d’éléments qui vont former un ensemble.
Le productivisme va bien au-delà de la simple tendance à rechercher
systématiquement l’amélioration ou l’accroissement de la
productivité, celle-ci étant un rapport mesurable entre une quantité produite
(par exemple de biens) et les moyens (machines, matières premières…) mis en
oeuvre pour y parvenir.
Le productivisme est aussi plus global que le libéralisme qui est, à partir du
XVIIIème, la doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat ne
doit pas gêner le libre jeu de la concurrence.
De même le productivisme est plus global et beaucoup plus ancien que le
néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les années 1970 et qui accepte une
intervention limitée de l’Etat.
De même le productivisme, s’il a de nombreux points communs avec le
capitalisme, en tant que système économique et social fondé sur la propriété
privée des moyens de production, sur l’initiative individuelle et la recherche du
profit, est aussi probablement( ?) quelque chose de plus vaste, lié non
seulement aux dominants de la techno-science mais lié aux recherches et aux
techniques elles-mêmes qui, loin de toujours libérer les êtres humains et le
vivant peuvent contribuer aussi à les écraser.
b- Le système productiviste est totalisant dans l’espace
Il est présent, à des degrés divers, à tous les niveaux géographiques, à travers
tous les acteurs et dans toutes les activités humaines.
L’environnement va donc être logiquement atteint sur l’ensemble de la
planète, même si cela existe de façon variable ou très variable selon les
lieux, les formes, en intensité et dans le temps (destruction brutale ou
lente).
Cela ne veut pas dire que des contre logiques et des ilots de résistance ne
voient pas le jour, ils sont essentiels dans l’ensemble des activités humaines.
c- Le système productiviste est totalisant dans le temps
Son passé a au moins cinq siècles. Le productivisme est né à la fin du MoyenÂge(
XVème), il s’est développé à travers la révolution industrielle du milieu du
XVIIIème en Angleterre et du début du XIXème siècle en France, est devenu
omniprésent , omnipotent, omniscient au XXème et au début du XXIème
siècle.
Il est tout puissant dans le présent, la mondialisation est elle-même un
phénomène puissant (Voir sur ce blog nos articles sur « La mondialisation »).
Il hypothèque déjà l’avenir. Les générations futures, qui dans l’imaginaire
collectif s’étalaient sur des centaines ou des milliers d’années, sont désormais
directement menacées à court et moyen termes. Elles ne sont plus perdues dans
des lointains inaccessibles mais là, juste devant nous. Elles nous regardent et
nous disent « Que faites-vous ? ».
Le rapport sur « l’avenir de l’environnement mondial » GEO 5 du PNUE, en
2012, affirme que « plusieurs seuils critiques aux niveaux mondial, régional
et local sont sur le point d’être atteints ou ont été dépassés. »
Deux études, menées chacune par une vingtaine de chercheurs de différentes
disciplines, chercheurs travaillant dans une quinzaine d’institutions scientifiques
(Revue Nature, 7 juin 2012), font plus que tirer la sonnette d’alarme, elles
sonnent un véritable tocsin : «La biosphère est à la veille d’un basculement
abrupte et irréversible »(…) Ces études mettent en avant « l’imminence d’ici à
quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère
inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens c’est-à-dire 200.000 ans. »
d- La rencontre explosive du productivisme et de l’anthropocène
Après la dernière glaciation, les dix mille années de l’ère holocène étaient à
une température stable et relativement chaude, c’est cela qui a permis
l’apparition de l’agriculture et des civilisations.
Arrive donc l’anthropocène, nouvelle ère dominée par l’homme et liée au
productivisme, elle a près de 170 ans si on la fait commencer vers 1850.
Cette ère de l’anthropocène peut se ramener à trois éléments au coeur du
productivisme :
D’abord l’utilisation massive des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). En
1973 elles représentaient 86,7% de la consommation mondiale d’énergie
primaire (et en 2015 81,4%.) ;
Ensuite l’explosion de la population qui au XXème siècle est multipliée
par quatre , en 1900 :1,6 milliard d’habitants, en 2000 : 6,1milliards, (et fin
2018 : 7,48 milliards).
Enfin la consommation d’énergie multipliée par 8,3 , en 1900 : 0,9 milliards
de tonnes équivalent pétrole(TEP), en 2000 : 8 milliards de TEP, (et en 2015 :
13,8 milliards de TEP).
C’est un système qui produit donc une nouvelle ère. Un système totalisant n’est
peut-être ( ?) pas très loin (?) d’un système totalitaire. Ceci voudrait dire : « tout
dans le productivisme, rien contre, rien en dehors ».
Ce géant est pourtant un géant aux pieds d’argile, il s’autodétruit. Une
croissance et des pouvoirs qui se veulent infinis dans un monde fini constituent à
la fois une domination totalisante et, en même temps, comporte les logiques de
destruction par un système humanicide et terricide.
On le sait le roi Midas avait la capacité de transformer en or tout ce qu’il
touchait, même sa nourriture et sa boisson. Ainsi la marchandisation et la
financiarisation du monde n’ont-elles pas tendance à transformer toute chose et
le vivant- humains, animaux et végétaux- en argent ? Tout vaut tant… (Voir sur
ce blog « La marchandisation de la nature »).
2- Le productivisme : un système qui fait main basse la nature
a- Le système productiviste est hostile à l’environnement
Il représente une forme d’expulsion de la nature : d’abord l’homme se veut
maitre et possesseur de la nature qui est à son service, ensuite les richesses
naturelles sont considérées comme plus ou moins inépuisables.
Et, même si la nature est détruite, certains pensent qu’il est possible de la
restaurer. On peut même, affirment les plus radicaux, la recréer pour une large
part artificiellement, ou même dans sa totalité. (Totalité, totalisant, totalitaire…)
Les défenseurs du système productiviste reconnaissent que l’écologie existe
mais ils la considèrent comme devant être au service de l’efficacité
économique. Le développement durable est interprété comme étant du
développement qui doit durer. On peut le teinter d’un verdissement de
l’économie, mais celui-ci ne doit en rien ralentir la bonne marche des affaires.
Etre ou ne pas être rentables, telle est, pour ce système, la seule question vitale.
b- La course au profit multiplie les formes de marchandisation de la
nature.
On comprend alors mieux les enjeux pour le capitalisme et le
productivisme. De façon plus globale Ils mettent en oeuvre au moins quatre
stratégies pour préserver les taux de profit.
La première voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous
azimuts de ressources « déjà trouvées » dans la nature. Autrement dit il
s’agit d’exploiter le plus possible les ressources existantes, c’est la course aux
quantités des gisements en route ou en bout de course. Ce que le productivisme
a emballé il l’achète et il le vend jusqu’à extinction des stocks.
La seconde voie utilisée par le productivisme est une exploitation
tous azimuts de ressources « à trouver » dans la nature. Autrement dit il
s’agit d’en découvrir de nouvelles, ainsi le gaz de schiste (avec de puissantes
pressions de la course en avant des consommations d’énergie, d’industriels qui
multiplient rapidement les forages par des moyens écologiquement
inacceptables avec un silence ou une sous-estimation les effets écologiques dans
les eaux, le sol, le sous-sol) , les richesses minérales aux pôles et d’abord en
Arctique, mais aussi des recherches de nappes phréatiques, des « terres rares »,
de gisements de pétrole offshore… Ce que le productivisme découvre il le
touche, il l’emballe, puis il le vend et l’achète.
La troisième voie utilisée par le productivisme est un marché tous azimuts
des « services » de la nature. Autrement dit on met en place des services que
l’on va échanger avec le plus de profit possible. Ce processus fait dire à des
économistes critiques (ainsi Jean Gadrey , « Adieu à la croissance », éditions
Alternatives économiques,2010) que « le capital financier veut découper la
nature en services monnayables, puis en marchés dérivés pour qu’on puisse
spéculer sur ces cours nouveaux ». Ce que le productivisme, en affirmant
faire oeuvre de protection, déclare « services » il va le découper et le
monnayer.
La quatrième voie utilisée par le productivisme est une « artificialisation »
tous azimuts de la nature. Autrement dit des entreprises, surtout des firmes
multinationales, se sont lancées dans les productions d’organismes
génétiquement modifiés, de biotechnologies, de nanotechnologies, d’utilisations
de plantes en carburants, de nouveaux marchés rentables liés au bio mimétisme
de la nature, et de plus en plus de projets de géo-ingénierie climatique…Ce que
le productivisme commence à voir il va essayer de le modifier, de le
transformer, puis il le vend et l’achète.
Ainsi à grande allure, sous de multiples formes, la pente est prise : tout
vaut tant. (Sur « La marchandisation de la nature » voir notre billet sur ce blog
et notre article in Mélanges en l’honneur de Soukaina Bouraoui, Mahfoud
Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps environnemental, PUF,
2016.)
B- Le productivisme : une omniprésence des marchés économiques et une
puissance des marchés financiers aux logiques spécifiques
1- Le productivisme, une omniprésence des marchés économiques nuisible à
l’environnement
Le productivisme a traversé quatre étapes qui correspondent à celles du
capitalisme et qui ont des effets massifs sur l’environnement.
a- Le marché des marchands (XVème et XVIème siècles)
Il est aux origines du colonialisme. Des marchands de Londres, Venise,
Amsterdam redistribuent en Europe des marchandises précieuses ramenées
d’Afrique et d’Asie. Ils ont peu à peu un monopole, c’est une des premières
formes de la division internationale du travail qui s’organise, cela avec des
dominants et des dominés. Lesmonocultures destinées à l’exportation portent
atteinte à la justice, au social et à l’écologique.
b- Le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860)
Il se manifeste par le passage de l’atelier à la fabrique industrielle, donc des
structures économiques qui changent et vont vers des concentrations qui ne
seront, elles non plus, guère sensibles au social et à l’écologique.
c- Le marché des monopoles (1850-1914)
Il fait apparaître des entreprises plus importantes qui absorbent de plus petites,
ces monopoles sont les fils des concurrences, des crises, des guerres.
Cette tendance puissante à la concentration est, avec l’accélération, une
logique très liée au productivisme, Elle est, pour une large part, mortifère.
d- Le marché mondial contemporain (1914 à nos jours)
Ses acteurs essentiels s’appellent les firmes géantes, les marchés financiers, la
techno-science, les complexes médiatiques, les deux cents Etats (très inégaux),
les organisations internationales et régionales, les organisations nongouvernementales,
tout cela dans une croissance démographique, une
urbanisation vertigineuse du monde et une consommation effrénée d’énergies
fossiles. C’est à l’intérieur de ce marché mondial que vivent, survivent et
meurent les acteurs humains (personnes, peuples, générations) et le vivant. La
santé, le social, l’écologique sont le plus souvent subordonnés aux intérêts des
acteurs essentiels et au commerce international.
Du point de vue du commerce international les négociations commerciales
s’organisent, c’est le libre-échange qui se met en place à travers l’Accord
général sur les droits de douane et le commerce (GATT, 1947) puis
l’Organisation mondiale du commerce (OMC, 1995).Ce libre-échange laisse de
côté, pour la plus grande part, les considérations sociales, sanitaires,
environnementales.
2-Le productivisme, une puissance des marchés financiers nuisible à
l’environnement
a–Un rappel de la mise en place du système financier international
La Conférence de Bretton Woods (juillet 1944) et les statuts du FMI (adoptés
en juillet 1944 et entrés en vigueur en décembre 1945) avaient mis en place un
système basé sur des parités fixes, les monnaies avaient une valeur d’échange
fixe en dollars ou en or, le dollar était convertible en or, la base était de 35
dollars pour une once d’or (28,3 grammes).Mais le déficit budgétaire des Etats-
Unis prenant de l’ampleur, cet Etat ne voulait pas que ses stocks d’or
s’effondrent, les autorités des Etats-Unis pensaient qu’ils ne pouvaient donc plus
garantir la convertibilité du dollar en or.
Il y a l’avant et l’après 15 août 1971, jour où les Etats-Unis décident de mettre
fin à la convertibilité du dollar en or.
Ainsi à partir d’août 1971 le dollar peut flotter, les spéculations sur les
monnaies se multiplient, le système bancaire devient plus puissant, les
marchés boursiers sont plus importants, les opérateurs internationaux ont
des logiques spécifiques de fructification des patrimoines financiers, ils
prennent peu à peu « la place du conducteur. »
b- Le financement multilatéral de la protection environnementale est
scandaleusement et criminellement dérisoire par rapport aux marchés
financiers, à d’autres dépenses et aux besoins criants
Ces marchés financiers comprennent six classes d’actifs : le marché actions,
le marché obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des
changes, le marché des matières premières.
Deux chiffres symbolisent de cette force : en avril 2016 les transactions
quotidiennes(!) sur le marché des changes étaient de 5100 milliards de dollars,
pour l’année 2017 le gestionnaire américain d’actifs BlackRock gérait 6000
milliards de dollars et réalisait un bénéfice de 3,7 milliards.
A titre de comparaisons le chiffre d’affaires annuel en 2017 des dix premières
entreprises du monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017
était pour 139 (sur 193) Etats inférieur à 10 milliards de dollars dont 30 inférieur
à 3. En 2017 le PIB des Etats-Unis était de 19362 milliards de dollars et celui de
la France ( cinquième dans la liste des 193 Etats) de 2574.
Quant au budget bi annuel des Nations Unies pour 2018-2019 il était de 5,4
milliards de dollars.
Ce sont là quelques rapports de forces financiers qui en disent longs sur cet
aspect de la vie internationale.
Quant à l’environnement pour comprendre le scandale(au regard de la mise
sous tutelle des peuples) et le crime (à l’égard de l’humanité) prenons en
compte les trois fonds multilatéraux les plus importants: le budget du PNUE
pour l’exercice biannuel 2016-2017 était de 673 millions de dollars, le budget du
Fonds pour l’environnement mondial était pour quatre ans de 2014 à 2018 de
4,43 milliards de dollars, le budget du Fonds vert pour le climat avec 10,2
milliards de dollars de promesses de contributions a débloqués 3,7 milliards en
juin 2018.
Ces sommes pour la protection environnementale sont triplement
dérisoires.
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires
d’abord par rapport aux marchés financiers ci-dessus, d’où l’importance
vitale de les taxer et de consacrer ces finances en particulier à la protection de
l’environnement,
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires
ensuite par rapport à d’autres dépenses, par exemple militaires mondiales (
en 2017 ce sont 5 milliards de dollars chaque jour, soit 35 en une semaine). On
comprend que le productivisme, pour maintenir ses taux de profit, a besoin de
renouveler ses stocks d’armements. Dans la compétition de la course aux
armements, un des moyens massifs pour le faire est la production… de conflits
armés lesquels permettent de détruire des armements et d’en expérimenter de
nouveaux.
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires
enfin par rapport aux besoins environnementaux criants en particulier par
rapport aux 100 milliards de dollars qu’il faut trouver chaque année, à partir de
2020, dans le cadre de « l’adaptation » des pays du Sud aux changements
climatiques.
C- Le productivisme : le développement en questions écologiques
Ce système productiviste est, depuis ses origines, lié aux théories et aux
pratiques de développement qui vont être interpellées par la crise
environnementale.
1- Les origines de la notion de développement se manifestent à travers quatre
phénomènes.
a- D’abord la colonisation qui est porteuse dans une grande partie de la
« conscience occidentale » d’une conviction : la croissance et le progrès n’ont
pas de limites. Ce discours est très enraciné encore aujourd’hui.
b- Ensuite deux grands courants de pensée participent à cette idéologie.
Le marxisme affirme que le développement scientifique et économique apporte
le progrès mais à une condition : il faut qu’il remette en cause le
capitalisme. L’humanisme affirme que le développement scientifique et
économique apporte le progrès à une condition : il faut qu’il se fasse dans des
conditions démocratiques libérales. Cependant, pour l’immense majorité des
auteurs, le développement en tant que tel n’apporte ni incertitudes, ni
dangers.
c- La troisième origine du développement est constituée par les Nations
Unies qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, lancent l’opposition
« pays développés pays sous-développés » (ces derniers s’appelleront ensuite
pays en voie de développement puis pays en développement) à partir de critères
économiques que les dominants déterminent, le PNB est considéré comme le
critère numéro un des nations. Cette opposition se substitue aux précédentes
(pays civilisés-pays barbares, pays des lumières-pays obscurs, métropolescolonies).
d- La quatrième origine est très puissante, il s’agit de la techno science.
Elle s’accélère et se mondialise peu à peu à travers de grands réseaux, elle a
même tendance à s’auto reproduire. Elle appelle dans son sillage à un
développement continuel et rapide à travers de multiples applications.
Des recherches ne sont pas toujours orientées vers de véritables besoins, des
technologies sont en route avant d’avoir eu le temps d’en mesurer tous les effets
et de choisir des valeurs qu’elles peuvent contribuer à porter.
2- La notion de développement va parcourir différentes étapes avec le
productivisme.
a- De 1945 à 1950 le développement est souvent perçu comme un ensemble
de luttes contre le retard de la croissance. Les pays du Tiers-Monde sont en
retard par rapport aux pays dominants, il faut donc les aider.
b- De 1950 à 1955 le développement est souvent perçu comme un ensemble de
luttes contre le blocage de la croissance, ces pays et ces peuples du Tiers-
Monde ne sont pas en retard, ils sont bloqués par des pays dominants.
c- De 1955 à 1968 le développement est souvent perçu comme une entreprise
de libération politique, économique, culturelle, sociale. Les mouvements de
libération se multiplient, souvent de lutte armée.
d- A partir de 1968 dans les pays du Sud la notion de développement entre
en crise.
Les pays du Sud, jusqu’aux années 2000, ne sont pas arrivés à remettre en
cause l’ordre dominant. Les tentatives ont été pourtant nombreuses, citons
simplement la création de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et
le développement(CNUCED) en 1964 à Genève en réaction contre le libéralisme
économique du GATT, la Déclaration sur le nouvel ordre économique
international(NOEI) en mai 1974 à l’Assemblée générale des Nations Unies, la
tentative de création d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la
communication(NOMIC) en 1980 à l’UNESCO…
A partir des années 2000, dans ces pays du Sud, les pays émergents(en
particulier la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud…) apparaissent sur la
scène commerciale et monétaire internationale. Même sur le plan militaire
le budget de la défense de la Chine, certes loin encore de celui des Etats-Unis,
devient puissant.
Mais en même temps les problèmes, menaces et drames écologiques s’y
multiplient, à l’image d’un productivisme autodestructeur. Une question
centrale devient celle, en Chine et ailleurs, du partage du « gâteau
mondial »(matières premières, commerce…) mais, aussi celle de « quel
« gâteau? » Celui d’un productivisme terricide et humanicide ou celui d’une
communauté humainement viable?
c- Les pays du Nord ont eu, dans des proportions variables, tour à
tourquatre vagues de contestations
En 1968 une contestation des sociétés de consommation et de toute autorité, en
1970 l’avertissement des écologistes selon lequel « nous n’avons qu’une seule
planète », en 1990 une dénonciation de l’exclusion dans les pays du Nord, à la
fin de la décennie 1990 et au début du XXIème siècle les altermondialistes qui
dénoncent la mondialisation néolibérale et sa marchandisation, « tout n’est pas à
vendre », ils affirment aussi qu’« un autre monde est possible. »
Les Etats, à la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement en
juin 1992, mettent en avant la notion de « développement durable » à travers
une Déclaration et un Agenda. Ce développement se veut respectueux de
l’environnement, mais les brouillards ne se dissipent pas pour autant.
d- Il y a ainsi trois types de théories et de pratiques relatives au
développement qui se dégagent aujourd’hui
Le développement productiviste avec la puissance du libre-échange, il est
toujours dominant.
Le développement durable, plus ou moins teinté d’une certaine protection
de l’environnement, mais qui ne donne lieu qu’à peu de remises en cause du
productivisme.
Enfin une société écologiquement viable, qui remet en cause le
productivisme à travers des résistances et des alternatives, qui prend une
certaine importance dans des esprits mais rencontre de nombreux
obstacles sur le terrain.
Malgré ces doutes, ces incertitudes, ces dénonciations, ces alternatives le
discours et la domination du productivisme continuent : le marché est
naturel, l’argent doit commander, la compétition est impérative, la
croissance est sacrée, le libre-échange doit l’emporter sur tout le reste, la
techno-science toute puissante est toujours porteuse de progrès…
Tel est ce système. Quelles sont les logiques qui le portent et quels effets ontelles
sur l’environnement ?
III-ENVIRONNEMENT : LES LOGIQUES DE LA DEBACLE
MONDIALE
N’y a-t-il pas au moins une dizaine de logiques profondes qui définissent le
productivisme ? (A) Une logique ne soutient-elle pas toutes les autres,la
compétition ? (B)
A- Les logiques profondes du productivisme
Chaque logique, à sa façon, ne participe-t-il pas à la débâcle écologique ?
Nous les regrouperons lorsqu’elles sont particulièrement proches.
1-La recherche du profit, la financiarisation de l’économie, l’expropriation
des élu(e)s et des citoyen(ne)s
a- La recherche du profit est un mobile puissant pour des organismes et des
personnes. Elle met de côté d’autres logiques qui ne la favorisent pas, ainsi
la protection écologique… sauf si celle-ci lui apparait rentable.
b- La financiarisation de l’économie est synonyme de fructification des
patrimoines financiers avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont
donc des logiques spécifiques.
c-L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici
ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers
n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La
primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles
pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-telle
pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’estelle
pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou
rejette des organismes et des individus plus lents ?
2- L’efficacité économique et la priorité du court terme
a- L’efficacité économique est synonyme du moment où, cessant d’être au
service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité
devient sa propre finalité.
b- La priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au
détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées
en termes de sociétés humainement viables, soit ne sont pas mises en oeuvre
et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.
On est loin de certaines tribus d’indiens qui prenaient des décisions en essayant
de penser leurs effets sur plusieurs générations…
3- Le culte de la croissance, la course aux quantités, la conquête et la
défense des parts de marchés
a- Le culte de la croissance est synonyme du « toujours plus », de course aux
quantités, de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères
sanitaires, environnementaux, sociaux, culturels, de surexploitation des
ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance,
ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains.
b- La course aux quantités est synonyme d’une surexploitation des
ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors
que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des
habitants de notre planète.
c-La conquête et la défense des parts de marché est synonyme d’un libreéchange
tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions
des faibles par les forts, des guerres des prix, des efforts de productivité qui
poussent à de nouvelles conquêtes de marchés.
4-La marchandisation du monde et de la nature, la domination sur la
nature
a- La marchandisation du monde est synonyme de transformation, rapide
et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà
de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus
ou moins instrumentalisés au service du marché.
b-La marchandisation de la nature. Les éléments du vivant (animaux,
végétaux) sont décimés, les éléments de l’environnement sont entrés dans le
marché (eaux, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou
moins à vendre ou à acheter. (Voir « La marchandisation de la nature » voir nos
trois billets sur ce blog et notre article in Mélanges en l’honneur de Soukaina
Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps
environnemental, PUF,2016.)
c- La domination sur la nature fait de celle-ci un objet au service des êtres
humains,ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient
inépuisables, de toutes façons certains pensent que l’homme est capable de se
substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il
commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la
Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
B– La logique de compétition, puissante logique humanicide et terricide
1- La logique de compétition omniprésente
Elle alimente les logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques.
Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre
droit à l’existence est fonction de notre rentabilité ( ! ) « Etre ou ne pas être
compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région,
ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans des perdants, vous êtes
morts.
« Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société
aux exigences systématiques de la machine économique. » écrivait
magnifiquement et tragiquement André Gorz. « La logique de la
compétitivité est élevée au rang d’impératif naturel de la société » écrit
aussi avec la même force Riccardo Petrella qui dénonce « l’Evangile de la
compétitivité » (Voir « Litanies de Sainte Compétitivité », Le Monde
diplomatique, février 1994).
La compétition est un discours-vérité qui a de très nombreux fidèles, ils sont
envahis par cette obsession. On est entré dans le grand marché, il faut donc
libéraliser, dérèglementer, privatiser, peu importe le sens du « vivre ensemble »
et celui du « bien commun ». La compétition est considérée comme sacrée, elle
nous protège, il n’y a plus d’autres critères d’appréciation que la performance, la
compétitivité, la rentabilité.
Sainte compétition protégez-nous ! Pauvres fous d’un système devenu fou :
dévoreurs qui dévorez pensez en dévorant que vous serez dévorés comme nous
avons été dévorés…Dans cette compétition effrénée il est vrai qu’une victime
de la faim ou de l’absence d’eau potable n’est pas tout à fait ( ! ) dans la même
situation … qu’une « victime débarquée » en « parachute doré ».
2-La compétition pousse à la guerre donc participe à la débâcle écologique
On constate que le productivisme, pour maintenir ses taux de profit, a besoin de
renouveler ses stocks d’armements.
Dans la compétition de la course aux armements, un des moyens massifs
est la production de conflits armés. Les armements constituent une des
logiques infernales du productivisme. Ils contribuent à fabriquer l’image de
l’ennemi que l’on doit surpasser en armements. Ils contribuent à allumer des
poudrières. Ils portent atteinte dans leur production et leur utilisation aux
populations et à l’environnement. Ils enlèvent des sommes colossales pour des
besoins criants. Ils accroissent l’insécurité ce qui en appelle à de nouveaux
armements et de nouvelles compétitions.
3-La compétition pousse à la croissance démographique
Le productivisme a ici deux discours et deux pratiques.
Il affirme qu’il faut être puissant et qu’une population nombreuse est un
atout dans la compétition militaire et économique. A contrario il fabrique
l’image de l’adversaire ou de l’ennemi en dénonçant les risques d’autres
populations importantes, en particulier quant aux migrants et aux déplacés
environnementaux considérés comme de nouvelles classes dangereuses.
En fait on constate qu’une population nombreuse peut être un poids pour
l’économie et l’environnement. Tout dépend du type de développement, s’il est
productiviste ou bien si des luttes pour le partage des richesses et contre la
débâcle écologique sont engagées dans le pays en question. D’autre part les
coopérations interétatiques et les accueils bien organisés de réfugiés peuvent
contribuer à des solidarités et éloigner la fabrication d’adversaires ou
d’ennemis.
On constate aussi que « le meilleur anticonceptionnel c’est le développement »
lequel amène à avoir moins d’enfants quand on sort de la pauvreté.
Il faudrait pourtant des politiques de ralentissement de la croissance beaucoup
plus volontaires puisqu’en 2050, si tout continuait comme cela, il y aurait de
l’ordre de 10 milliards de terriens. Le productivisme y voit avant tout de
nouveaux marchés. Peu importe l’empreinte écologique, on peut toujours
réparer les destructions environnementales.
4- La compétition globale terricide et humanicide
Finalement on retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de
loin les plus nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui
pensent que la compétition est naturelle, qu’elle est saine, bonne,
nécessaire .
Et ceux et celles (pour l’instant moins nombreux, mais quelque chose de
minoritaire n’est pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui
pensent que la compétition est un produit de l’histoire, qu’il y a des
compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que le productivisme pousse
à une compétition omniprésente, omnipotente, omnisciente.
La compétition mortifère doit laisser la place aux solidarités, aux
coopérations, aux fronts communs. Les biens communs, le « vivre
ensemble » peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui
s’appellent la débâcle écologique, les armes de destruction massive, les
inégalités criantes, la toute-puissance de la techno science et des marchés
financiers, bref face à des logiques qui assassinent la Terre et l’Humanité.
( Voir notre article in « Les biens communs environnementaux : quel(s)
statut(s) juridique(s) ? », sous la direction de Jessica Makowiak et Simon Jolivet,
Pulim , Collection les cahiers du CRIDEAU, 07/2017)
A tout cela ne s’ajoutent–ils pas des facteurs aggravants , on pourrait même dire,
pour certains d’entre eux, terrifiants ?
IV- ENVIRONNEMENT : les FACTEURS AGGRAVANTS DE LA
DEBACLE MONDIALE
Existent au moins trois séries de facteurs aggravants.
Les interactions de toute sortes se sont multipliées sous l’effet principal de la
mondialisation(A).L’accélération du système est terrible pour la protection de
l’environnement(B).Face aux intérêts, face à l’ampleur de la tâche et face à la
dilution des responsabilités, les volontés ne sont-elles pas souvent en récession ?
(C).
A-Des interactions rendent complexes les actions de protection
environnementale
1-Les interactions entre des éléments de l’environnement
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont
interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre,
peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des
effets plus ou moins étendus. Cependant on ne connait pas toujours la nature
précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de
l’environnement.
De plus en plus de scientifiques pensent que les interactions entre les
changements climatiques et d’autres problèmes menaces et drames
environnementaux pourraient être lourdes de conséquences. Ainsi des
interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants
océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre
les changements climatiques et la couche d’ozone. Ainsi la fonte des glaciers a
désormais pour effet la montée du niveau des mers. Ainsi l’accélération des
fontes de l’Arctique et maintenant de l’Antarctique agissent aussi sur ce niveau
des océans, sur la circulation de l’océan global, sur les évènements climatiques
extrêmes…
2- Les interactions entre des domaines d’activités
Deux séries d’exemples relatifs à la guerre et aux inégalités
a- Interactions entre environnement, paix et conflits armés
Ainsi, par exemple, les interactions entre la dégradation de l’environnement
et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est
moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut
contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin
de la paix et la paix a besoin de l’environnement.
b- Interactions entre environnement, égalités, inégalités
Ainsi par exemple les interactions entre les inégalités environnementales et
les inégalités dans les autres domaines. Par exemple la « justice climatique »
est aussi impérative que complexe, elle traverse les rapports entre les pays du
Nord et du Sud, entre les pays du Sud et les pays émergents, entre l’ensemble
des pays et les pays les moins avancés ainsi que les iles menacées par la montée
des eaux.
3- Les interactions entre deux grandes crises
a- La crise climatique et la crise énergétique
Si elles se rencontraient ces deux crises provoqueraient de multiples
problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées
des sociétés.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre
pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés
écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des
catastrophes (voir l’article sur ce site : « Des idées, des moyens, des volontés
face aux catastrophes écologiques. »)
Mais la catastrophe n’est pas vertueuse pédagogiquement en elle-même, on peut
en tirer un peu, beaucoup ou pas du tout les leçons. (Voir Actes du colloque,
Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit, sous la
direction de Jean- Marc. Lavieille, Julien Bétaille, Michel. Prieur, éditions
Bruylant, 2012.)
b- Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq
éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne
chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence
internationale de l’énergie) d’ici 2030 ; un effondrement important du pétrole
vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour,
autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles
représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales (
de l’ordre de 80%) à la même période ; l’absence de volontés politiques,
économiques et financières mondiales pour développer massivement des
énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques de réductions massives
des consommations d’énergies dans les pays développés et les pays émergents.
Une seule donnée soulignée ici montre que la rencontre entre les deux
crises est en route. Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2017
les énergies fossiles continuaient à fournir l’essentiel de la consommation
d’énergie primaire mondiale, soit 85,5 %, plus précisément 33 ,5 % pour le
pétrole, 28 % pour le charbon, 24 % pour le gaz naturel.
B- Un facteur aggravant et terrifiant : l’accélération du
système international.
1-L’accélération mondiale se manifeste de multiples façons
a- L’histoire de l’accélération se déroule en quatre évènements majeurs : les
deux accélérations celle de la techno science et celle du marché mondial,
l’explosion démographique (avec un accroissement-les naissances moins les
décès- de la population mondiale de 226.000 personnes chaque jour ),
l’urbanisation vertigineuse (plus de la moitié des générations présentes
aujourd’hui vivent dans les villes).
b- Les causes de l’accélération s’appellent les logiques des fuites en avant du
système productiviste, la généralisation du règne de la marchandise, la
circulation rapide d’informations, de capitaux, de services, de produits et
de personnes, l’arrivée des technologies de l’information et de la
communication…
c- Les manifestations de l’accélération se traduisent par une accélération
des techniques, des rythmes de vie, par des accélérations sociales,
culturelles, environnementales, politiques. L’urgence est devenue une
catégorie centrale du politique, or moins on élabore de politiques à long terme
plus on se trouve submergé par les urgences.
d-Les effets de l’accélération sur les sociétés : elle porte atteinte à la
démocratie,Paul Virilio écrit tragiquement : « Quand il n’y a plus de temps à
partager il n’y a plus de démocratie possible. ». L’accélération a aussi des
effets sur le travail, sur les contrôles, elle augmente le poids de l’urgence au
détriment du long terme, elle contribue au développement des inégalités, elle
a des effets sur l’argent- le temps c’est de l’argent et l’argent c’est du temps- elle
a des effets sur les actualités, elle contribue à l’administration des peurs, enfin
compétition et accélération se tiennent embrassées.
e-Les effets de l’accélération sur les personnes : les rencontres sont souvent
plus rapides, le présent est comprimé, compressé, existe également un certain
effacement de la diversité des tâches, les rencontres du virtuel et du réel sont en
situations d’accélération, le temps « mange l’espace » écrit Paul Virilio , il y
aussi une augmentation du nombre d’actions par unité de temps et une réduction
de chaque épisode de vie, enfin sont souvent présents un stress et une nervosité,
sans oublier une atteinte à la capacité de comprendre.
(Voir sur ce blog les quatre articles sur « L’accélération du système mondial »,
réflexions que nous avons présentées aussi dans des universités du troisième
âge)
(Parmi les ouvrages à souligner : ceux de Paul Virilio, l’un des plus grands
penseurs de la vitesse dans nos sociétés, voir par exemple « Vitesse et
politique », (Galilée,1977), ou aussi Le Grand Accélérateur, Galilée,2010), Jean-
Pierre Dupuy, « Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible devient
certain. (Seuil,2002), Jean Chesneaux, « Habiter le temps »,(Bayard,1996),
Harmut Rosa « Accélération », (La Découverte,2010), Nicole Aubert, « Culte
de l’urgence. La Société malade du temps. » ( Flammarion, 2013), Lamberto
Maffei, « Hâte-toi lentement » (FYP, 2016)
Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se
comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de
l’environnement.
2) L’accélération, une machine infernale par rapport à l’environnement
Pourquoi ? Parce que quatre mécanismes semblent, en théorie et en pratique,
terrifiants, le mot n’est pas trop fort.
Les quelques lignes, qui s’inscrivent dans ces quatre petits paragraphes qui
suivent, sont intellectuellement particulièrement éprouvantes,
déstabilisantes, terribles à intégrer dans les raisonnements.
Beaucoup de personnes, en particulier de décideurs de toute nature, n’osent pas
les mettre en avant et les passent sous silence, elles ont peur d’avouer leur
impuissance ou peur de délégitimer leur action.
Nous pensons qu’il vaudrait mieux additionner de véritables faiblesses, les
comprendre et essayer ensemble de faire face , mesurer et faire connaitre les
chemins restant à parcourir, plutôt que de se draper dans de faux semblants, des
orgueils mal placés ou de fausses victoires vite balayées.
a- Le premier mécanisme est général : le système international s’accélère.
On vient d’en énumérer quelques manifestations. Cette accélération est une
vérité incontournable. Si l’auteur de ces lignes avait plus de force il aurait créé
avec quelques amis une « internationale de la lenteur » qui coordonnerait les
ONG pensant et agissant en ce sens. (Voir article plus haut cité sur ce blog). Ce
ne serait pas un remède miracle mais un moyen pouvant être porteur. « Sois lent
d’esprit » écrivait Montaigne.
L’environnement est emporté dans cette accélération générale.
b-Second mécanisme : penser et mettre en oeuvre les réformes et les
remises en cause environnementales prend du temps
Pourquoi ? Pour des raisons particulièrement nombreuses.
A cause de l’introduction du long terme, de la complexité des interactions, de l’
enchevêtrement des ordres juridiques, de l’ inertie de systèmes économiques,
des obstacles financiers, institutionnels, éducatifs, psychologiques et juridiques,
à cause aussi des mises en oeuvre de textes ,des actions trop tardives, des
difficultés des remises en cause personnelles et collectives, de la complexité
des rapports de force et des négociations, des retards dans les engagements, des
obstacles dans les applications, de l’ inertie des systèmes économiques et
techniques, sans oublier de la lenteur de l’évolution des écosystèmes, enfin par
dessus tout, à cause de la puissance des logiques productivistes.
c- Troisième mécanisme : on agit pour une large part dans l’urgence
L’aggravation des problèmes, des menaces et des drames de la dégradation
environnementale rend les urgences omniprésentes, l’urgence devient une
« catégorie centrale » du politique, elle fait d’ailleurs corps avec le court terme
qui constitue une des logiques profondes du productivisme (voir sur ce blog les
trois billets sur « Le productivisme ».). Il faut soulager des souffrances
immédiates à la suite de catastrophes écologiques et de découvertes de
scandales sanitaires et écologiques.
d- Quatrième mécanisme : élaborer des politiques à long terme demande
du temps
S’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates, il est aussi non
moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme,
ce qui demande du temps,
Un des exemples les plus criants est celui des déplacés environnementaux. Ce
silence scandaleux dans l’Accord de Paris de 2015 sur le climat en dit long sur
ce qui constitue déjà, aux yeux de certains, de nouvelles classes dangereuses en
voie d’explosion dans les décennies à venir et qu’il faudra contenir au besoin,
par tous les moyens, même les pires ( ! ).
Il faudrait d’ores et déjà adopter et appliquer un statut international, celui par
exemple élaboré par des universitaires de Limoges qui est considéré comme l’un
des plus porteurs.
Aujourd’hui il y a 15 à 20 millions de déplacés environnementaux, vers 2100
on en attend au moins 150 millions. Des estimations vont maintenant jusqu’à 1
à 2 milliards dans la mesure en particulier où des mégapoles deviendraient
irrespirables. (Voir sur ce blog « Les déplacés environnementaux »).
Et on revient au premier mécanisme :
… le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines
générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en oeuvre
des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.
Ajoutons à cela que, pour compliquer les situations en matière
environnementale (comme dans tel ou tel autre domaine), il y a de
véritables bombes à retardement.Elles mettent du temps à se préparer mais
elles peuvent soit continuer sous la forme de pollutions diffuses soit exploser
violemment et basculer dans l’urgence, ainsi très vraisemblablement par
exemple de véritables Tchernobyls sous-marins qui sont en route.
3-L’exemple du réchauffement climatique
« Qui délibère trop oublie de vouloir.» C’est ce qui s’est passé face au
réchauffement climatique.
Il existe ainsi un divorce très impressionnant entre, d’une part , des données
scientifiques, des avertissements d’auteurs de diverses disciplines et de militants
d’ONG et, d’autre part, les temps de réactions, de décisions et
d’applications de nombreux autres acteurs. Alors que la dégradation
environnementale s’accélère et atteint ici et là des seuils d’irréversibilité, il est
fréquent de constater que des conférences internationales décident, selon les
cas, pour une part, pour une large part ou pour la totalité … que l’on décidera
plus tard.
Cela signifie que plus l’on attend plus les solutions devront être radicales
et massives.
Sans remonter à l’avertissement du scientifique suédois Arrhénius en 1896,
rappelons, exemple criant , que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm
qu’est évoqué pour la première fois au niveau de tous les Etats le danger du
réchauffement climatique, qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention,
1997 pour qu’arrive son protocole, 2005 pour qu’il entre en vigueur, 2015 pour
un nouvel accord qui est entré en vigueur en 2016, soit au total 44 ans !
Quarante quatre ans (1972-2016) pour faire les « premiers pas » !
Certes un chemin de mille pas commence par quelques pas, mais quel est le
temps qui reste pour construire cet intérêt commun de l’humanité ?
Les réformes et les remises en cause pour casser cette machine infernale
doivent être tellement titanesques qu’il n’est pas sûr que nos générations et les
prochaines aient beaucoup de temps devant elles pour éviter, si faire encore se
peut, un nombre de plus en plus important d’irréversibilités.
Les grands « vainqueurs », à ce jour (août 2018), sont le réchauffement et, de
façon plus globale, la débâcle écologique.
Si l’Accord de Paris (2015) sur le climat était appliqué en l’état
l’augmentation de la température serait de l’ordre de 3,5°C vers la fin du siècle.
Situation encore gravissime.
Si l’Accord de Paris n’était pas appliqué le réchauffement serait de 4°C à 6°C,
voire plus, vers 2100.Autant dire que la sixième extinction des espèces (humains
compris) serait en voie d’effacer le vivant ou la plus grande partie du vivant.
Si l’Accord de Paris contribuait à donner le jour à de nouveaux engagements,
radicaux, massifs et appliqués, le vivant aurait alors probablement ( ?) des
chances de survie.
Interactions, accélérations…Le troisième facteur aggravant est lié aux volontés.
C-Les récessions des volontés
1-Les manifestations des récessions des volontés
Des résistances modérées ou radicales ne voient pas le jour ou sont faibles, cela
pour au moins quatre séries de raisons.
a- L’indifférence, personnelle ou collective, face aux remises en cause
environnementales
Elle prend différentes formes qui peuvent s’additionner : mauvaise ou sousinformation,
insouciance de la prévention, manque de vigilance, lâcheté et
passivité devant des injustices, acceptation parfois aveugle du pouvoir et de
l’argent, fuite en avant, absence de courage… habitudes qu’on ne peut plus et
ne veut plus faire bouger .« Le silence des pantoufles est plus dangereux que le
bruit des bottes » écrivait un pasteur protestant, Martin Niemoller , envoyé en
camp de concentration, Einstein lui-même soulignait que le monde est
dangereux à vivre par ceux qui font le mal et par ceux qui regardent et laissent
faire. Rainer Maria Rilke, dans son poème « Heure grave», demandait : « Qui
meurt quelque part dans le monde, /Sans raison meurt dans le monde, /Me
regarde. »
b- Le sentiment d’impuissance, au niveau personnel ou collectif, face aux
remises en cause environnementales
Autrement dit la difficulté d’agir. Ce sentiment est vécu de plusieurs façons.
Le nombre d’acteurs favorables au productivisme et leur puissance peut
décourager, les montagnes des habitudes personnelles et collectives trop
difficiles à soulever, le fait que « le local » bouge parfois mais que « le global »
semble immobile, enfin les interactions entre les atteintes qui sont très
nombreuses,
c- La faiblesse, au niveau personnel ou collectif, dans les actions de
protection environnementale
Une des faiblesses à tous les niveaux géographiques est de ne pas essayer
encore et encore de rassembler des forces, par exemple autour de « fronts
communs. »
d-Enfin les « contraintes » face aux remises en cause environnementales
Elles sont souvent financières par manque de moyens et aussi juridiques dans la
mesure où les marges de manoeuvres sont liées aux possibilités que laissent les
textes aux différents niveaux géographiques. Il n’est pas évident de les faire
évoluer ou de les changer, qu’il s’agisse d’ une association dans un pays ou
d’un Etat dans une organisation régionale, l’Union européenne par exemple.
Ces contraintes peuvent être soit un alibi pour ne pas changer grand chose
soit une réalité que l’on doit affronter. Un proverbe, au niveau personnel
comme collectif, a une part de vérité : « Qui veut faire quelque chose trouve un
moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse. »
2- La puissance de certains adversaires du productivisme
a- Il faut rappeler quels sont les dominants du système productiviste
Il s’agit des marchés financiers, des grandes banques et des banques centrales,
des firmes multinationales, des complexes scientifico-militaro-industriels, des
grands groupes médiatiques, des Etats du G8 et de quelques autres dont la Chine
et l’Inde, de certaines organisations régionales (Union européenne, Mercosur et
de quelques autres…),de certaines organisations internationales (OMC,FMI,
Banque mondiale…) …sans oublier les dominations des hommes.
Deux remarques relativisent cette puissance :
D’une part il ne faut pas oublier que les logiques générales du système mondial
sont des logiques d’autodestruction, ainsi d’une part certaines de ces
puissances sont menacées par la compétition et tôt ou tard peuvent être
absorbées, d’autre part les catastrophes produites par ce système peuvent se
multiplier et s’aggraver, en particulier les catastrophes écologiques (voir sous la
direction de JM Lavieille, J Bétaille, M Prieur, ,Les catastrophes écologiques et
le droit : échecs du droit, appels au droit, éditions Bruylant, 2012.)
D’autre part il faut entrer en résistance en pensant que chaque acteur ne
constitue pas toujours un bloc .Il peut avoir des contradictions, des fissures,
des fractures. Le problème est de les trouver, d’agir dessus, d’y appliquer des
leviers pour soulever des montagnes.
Combien de gouvernements sont fragilisés par des désaccords qui les traversent,
combien de multinationales, lorsque certaines de leurs pratiques sont dévoilées,
traversent alors des périodes où des réformes voire des remises en cause peuvent
voir le jour.
Parmi les moyens pouvant faire face à des acteurs puissants les recours
juridiques peuvent être précieux. Ainsi ceux d’ONG face à des firmes
multinationales, ceux de citoyen(ne)s face à leur Etat qui par exemple
n’applique pas l’Accord de Paris, ceux demain d’ONG et de personnes
poursuivant tel ou tel décideur, par exemple un chef d’Etat, pour crime
écologique contre l’humanité.
3- Petits schémas relatifs aux morts et aux vies des volontés
a- Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être étouffées ou, au
contraire, naissantes
(Voir article sur ce blog : « Les volontés politiques »)
Des volontés ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de
mécanismes. Volontés étouffées par une éducation à la soumission, par une
éducation à la compétition, par l’administration des peurs, par l’appel au grand
remède miracle, par la fuite en avant, par des oppressions, par des pratiques de
règlement violent des conflits.
Des volontés sont nées ou peuvent naitre, elles répondent aux logiques qui
étouffent des volontés, là aussi existent sept séries de contre mécanismes.
« Eclore est une fracture, naitre est un effort » écrivait Shakespeare .
Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance, à travers l’éducation à
la solidarité, à travers le principe de non-discrimination, à travers les
apprentissages des responsabilités, à travers la prise de conscience des aspects
destructeurs du productivisme, à travers la gestation de libérations, à travers
l’apprentissage du règlement non-violent des conflits,
b- Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être dépassées ou, au
contraire, résistantes
Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six
séries de mécanismes. Volontés dépassées par la complexité et la technicité du
système productiviste, par un processus de décision compliqué par un grand
nombre de participants à la décision, par la rapidité du système mondial, par
la puissance des intérêts productivistes, par l’absence de moyens ou des moyens
souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme, par l’arrivée de
catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés.
Face aux logiques qui amènent des volontés à être dépassées, on retrouve des
volontés résistantes qui peuvent répondre aux six logiques précédentes par six
séries de contre mécanismes. « La volonté est ce pouvoir de surmonter qui
est tout l’homme.» ( Emile Chartier, dit Alain.)
Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des
techniques, volontés résistantes prenant en compte un nombre important de
participants à la décision, volontés résistantes à travers l’élaboration de
politiques à long terme, volontés résistantes à travers les regroupements et les
actions en commun de divers acteurs, volontés résistantes à travers les capacités
de propositions relatives aux moyens de remettre en cause ici et là le
productivisme,volontés résistantes à travers une pédagogie des
catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes
de ces catastrophes.
c- Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être essoufflées ou, au
contraire, à la recherche de nouveaux souffles
On trouve ici au moins quatre séries de mécanismes.
Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, par
des échecs personnels et collectifs, par le sentiment d’une petite avancée locale
mais d’un statu quo global, ou bien d’une avancée globale qui ne se traduit pas
localement, par une érosion, par un épuisement des motivations personnelles et
collectives qui poussaient à agir.
Face aux logiques précédentes on trouve ici au moins quatre séries de contremécanismes.
« C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut
commencer à espérer. » ( Jacques Ellul).
Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des
politiques agissant sur les faiblesses et sur les contradictions du système
productiviste. Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à
essayer de tirer les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de
nouvelles stratégies et de nouveaux moyens. Volontés à la recherche de
nouveaux souffles en ne surestimant pas mais aussi en sous estimant pas les
avancées du « local » et celles du « global », sans oublier leurs interpellations
réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard. Volontés à la recherche de
nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour
« rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre.
d-D’autres éléments relatifs aux volontés en questions
Tous les acteurs ont-ils des chemins (réformes, remises en cause) à
parcourir ?
Nous pensons qu’ils doivent tous mettre au monde des volontés naissantes,
résistantes, à la recherche de nouveaux souffles.
Dans cette mise en oeuvre des volontés il y a bien sûr des acteurs plus
importants ou beaucoup plus importants que d’autres. Plus l’acteur est
puissant et proche du productivisme, plus les réformes et les remises en cause
sont nécessaires et difficiles.
Il ne faut cependant pas sous-estimer les réformes ou les remises en cause des
acteurs plus modestes, par exemple ils peuvent faire preuve d’une imagination
très vive qui peut être reprise par des acteurs plus puissants.
Les volontés communes peuvent-elles donner plus de force ?
Stratégies communes, alliances, fronts communs, mises en commun de
moyens peuvent être porteurs d’autres possibles. Pour des rencontres d’ONG,
pour des conférences internationales d’Etats il y a là des avancées qui peuvent
voir le jour.
Vient un moment où il faut commencer le chemin, ou tracer d’autres
chemins, on connait cet autre proverbe : « même un chemin de mille pas
commence par un pas. »
Vient un moment où il faut continuer le chemin, « la volonté suit la ligne de
la plus grande résistance » disait William James ( psychologue et philosophe
américain).
Quels sont les risques pouvant accompagner des volontés ?
D’une façon générale risque et prudence se retrouvent souvent face à face, on
bascule d’un côté ou de l’autre, il arrive aussi qu’ils cheminent côte à côte, on
veut être à la fois courageux et prudent.
. Il n’empêche que, dans des moments personnels et collectifs, il peut arriver
que se pose un retournement plus ou moins important de la question du
risque. Au lieu de se demander « qu’est-ce que je risque si je veux intervenir
dans telle ou telle situation ? » on est amené à se demander « qu’est-ce que
l’Autre (famille, amis, population proche ou lointaine, générations futures…)
risque (risques secondaires, importants ou vitaux) si je ne veux pas être à ses
côtés, à leurs côtés ? »
Qu’en est-il des limites des volontés ?
Nous avons voulu identifier des obstacles à lever pour que des volontés
naissent, résistent, trouvent de nouveaux souffles. Mais, même lorsque des
volontés sont en route, la réforme ou la remise en cause n’est pas
complètement sûre, pourquoi ?
Parce que cette analyse se veut claire dans le choix du type de discours, il y
a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-àdire
qui n’admet pas du tout le doute, ceux et celles qui choisiront le terrain de la
prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et
présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution, enfin ceux et
celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la
prospective c’est-à-dire un mélange de hasards, de nécessités et de volontés,
dans des proportions variables, discours qui admet donc une pluralité de
possibles.
Nietzsche écrivait : « Nous autres nains malins avec nos volontés et nos fins,
nous sommes molestés, renversés et souvent piétinés à mort par ces géants
imbéciles, les hasards. »(…) « Nous luttons pied à pied avec le géant hasard. »
Il y a donc une certaine pluralité de possibles : des pires, des entre-deux, des
meilleurs.
Même avec nos volontés nous sommes loin de maitriser complètement un
changement modeste, (nous le savons dans certains de nos vécus sous
différentes formes), à plus forte raison le changement d’un système puissant.
Mais ce système a ses faiblesses et, loin de maitriser lui aussi son avenir, le
voilà devenu un géant aux pieds d’argile dans la mesure où ses logiques
d’autodestruction sont en marche.
C’est une raison de plus pour unir nos faiblesses, « s’unir ou périr » disait
Einstein. Nous voilà peu à peu fraternisés par les périls communs, dans
l’obligation de les surmonter ensemble.
Et les volontés intergénérationnelles ?
C’est une force de penser et de rendre un hommage concret aux volontés des
générations qui nous ont précédés, lorsqu’elles ont lutté pour des sociétés
démocratiques, justes, écologiques, pacifiques. Une des volontés ici est celle du
respect, de la préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel
mondial qu’elles nous laissent.
C’est une force de penser et de rendre un hommage anticipé aux volontés des
générations qui vont nous suivre lorsqu’elles lutteront pour une société
humainement viable.(Voir les billets sur ce blog « Les générations futures », »La
fraternité intergénérationnelle».)
Mais ce sont nos volontés que l’on attend, celles des générations présentes,
vivantes. Et ce sont nos volontés qui nous attendent.
Remarques terminales
1) Le sens de l’abîme.
Ces vérités sur les causes de la débâcle environnementale sautent aux yeux
pourvu qu’on les ouvre.
Elles appellent à des remises en cause massives et radicales qui donnent le
vertige.
Le remède miracle n’existe pas, les faux semblants et les remèdes dérisoires
ne feront que laisser la machine infernale multiplier les apocalypses entrant
déjà en interactions.
L’optimisme de la volonté il en faut beaucoup, non seulement parce qu’il
réduit à la cuisson mais, surtout, parce que le pessimisme de l’intelligence a
une réserve redoutable.
Il trouve de quoi s’alimenter dans l’accélération de ce système
productiviste autodestructeur qui a quelque chose d’incontrôlable, un
système, diraient même certains, devenu fou et dont nous ne serions plus
que les fous d’un fou.
Or il faut du temps, même si des événements tels que des crises ou de
grandes crises peuvent accélérer des prises de conscience, des réformes,
voire des remises en cause de théories et de pratiques, il faut du temps pour
que des idées , des moyens , portés par des volontés aux différents niveaux
géographiques, à travers des rapports de forces, voient le jour, grandissent
et deviennent de véritables contre-logiques, contre-mécanismes pour
construire des sociétés viables.
Avoir ce que l’on peut appeler « le sens de l’abime » c’est avoir
l’impression profonde de se trouver souvent,
d’ une part, devant la construction difficile de digues fragiles de la
protection de l’environnement et de la lutte contre les catastrophes
écologiques
et, d’autre part, devant l’arrivée, sans cesse renouvelée, de puissants
fleuves de la dégradation de l’environnement et de catastrophes
écologiques passées, présentes et très vraisemblablement surtout à venir.
2) Le souffle d’une espérance possible.
Pablo Neruda fait dire à tous les peuples qui sombrent dans les drames, en
particulier ceux des dictatures, à tous les peuples martyrs de notre Terre, dans un
cri de douleur terrible, de résistance acharnée et d’espoir fou «Aucune agonie
ne nous fera mourir! »
Voilà donc ces moments où il peut ne plus y avoir d’espoir et où, si on en trouve
la force, il faut commencer à espérer. Ces moments existent, entre autres, au
coeurs des catastrophes écologiques.
Ainsi voilà des survivants d’une catastrophe environnementale, une personne,
une famille, la population d’un Etat, d’une ville, d’une région, qui trouvent des
forces au delà de leurs forces et qui arrivent à se remettre debout.
Lorsque, dans nos vies personnelles et/ou collectives, existent la grisaille, les
brouillards, les ombres, ou l’obscurité de certains instants présents, ne pouvonsnous
pas essayer-autant que faire se peut ( ?!…) et quelquefois c’est impossiblede
les resituer dans la perspective de l’espérance de l’humanité ?
Difficile à exprimer, mais encore plus difficile à vivre…et, pourtant, ce peut
être une force possible que celle d’entrer dans cette espérance de l’humanité.
(Voir sur ce blog »L’espérance de l’humanité. », « La fraternité trans
générationnelle », »Les générations futures »).
La dégradation de l’environnement est massive, multiforme, rapide. Ses
logiques, dans le sillage de l’autodestruction du système productiviste,
assassinent le Vivant et la Terre.
Une « métamorphose de l’humanité » (expression mise au monde en
particulier par Edgar Morin) en appelle à des moyens démocratiques pour des
fins démocratiques, à des moyens justes pour des fins justes, à des moyens
pacifiques pour des fins pacifiques, à des moyens écologiques pour des fins
écologiques.
Nous avons reçu de trois générations passées ( 1850 à 1945 environ), un
environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en
marche sous les logiques du productivisme et de l’anthropocène.
Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ) ont produit un
environnement pour une large part détruit et plongeant dans des
apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides.
Les trois générations qui viennent juste après nous (2030 à 2110 environ)
se trouvent donc devant une question vitale : cette veille de fin des temps
peut-elle encore, à travers quelles volontés et quels moyens, se transformer
en aube d’humanité ?
———————————————————————————————-
(Voir articles du blog de Mediapart ( Jean-Marc Lavieille ) et sur le site
« au trésor des souffles » pour les deux séries d’analyses :
« Les fondements de la protection mondiale de l’environnement.»
« Les moyens de la protection mondiale de l’environnement.»)