LES MOYENS D’UN MONDE VIABLE : quelle nécessité vitale ? ( I )
Quels moyens pour un monde viable ?
En exergue cinq citations, celles d’un anthropologue, d’un sociologue, d’un juriste, d’un
philosophe, d’un penseur et praticien de la non-violence :
-« Le péril majeur pour l’humanité ne provient pas d’un régime, d’un parti, d’un groupe ou
d’une classe. Il provient de l’humanité elle-même dans son ensemble qui se révèle être sa pire
ennemie et celle du reste de la création. C’est de cela qu’il faut la convaincre si nous voulons
la sauver. » Claude Lévi-Strauss (L’Express va plus loin avec Claude Lévi-Strauss, 25-31
mars 1971.
-« L’humanité entière est confrontée à un ensemble entremêlé de crises qui, à elles
toutes, constituent la Grande Crise d’une humanité qui n’arrive pas à accéder à
l’Humanité. » Edgar Morin(Le chemin de l’espérance, Stéphane Hessel , Edgar Morin,
fayard, 2011.)
-« Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une
progression quantitative ; accéder à l’Humanité‚ suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est
franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs. »
René Jean Dupuy (La clôture du système international. La cité terrestre, puf, 1989.)
-« Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une
vie authentiquement humaine sur terre. » Hans Jonas (Le principe responsabilité, une éthique
pour la civilisation technologique, Cerf, 1979).
- « On entend dire « les moyens, après tout, ne sont que des moyens ». Moi je vous dirai
plutôt : « tout, en définitive, est dans les moyens. La fin vaut ce que valent les moyens. Il
n’existe aucune cloison entre les deux catégories » (…) Votre grande erreur est de croire qu’il
n’y a aucun rapport entre la fin et les moyens (…) Les moyens sont comme le grain et la fin
comme l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens qu’entre l’arbre et la
semence. Ceux qui, au contraire, s’abaissent à employer n’importe quel moyen pour arracher
une victoire ou qui se permettent d’exploiter d’autres peuples ou d’autres personnes plus
faibles, ceux-là non seulement se dégradent eux-mêmes, mais aussi toute l’humanité. Qui
pourrait donc se réjouir de voir l’homme ainsi bafoué ? » Mohandas Gandhi, dans l’ouvrage
posthume réunissant ses écrits « Tous les hommes sont frères » (première parution en 1969,
puis folio essais , Gallimard,1990. )
Avant-propos
1-La nature de ce texte
Ce texte dans la forme veut être une contribution à des programmes qui se veulent ou
sont souvent qualifiés de mobilisateurs. Ils viennent d’auteurs, de citoyen(ne)s,
d’associations, de partis politiques…
Ce texte sur le fond relève d’un projet de transformation radicale du système mondial
dans lequel s’est embarquée et se trouve embarquée l’humanité. C’est une utopie
créatrice qui met en avant des moyens qui se veulent conformes aux fins proposées. Cette
transformation se situe dans une analyse prospective en rupture profonde avec la société
mondiale existante.
2-Pourquoi un texte de plus ?
Plus les catastrophes se multiplient plus ce type de texte voit le jour.
Depuis des siècles l’histoire des idées a rayonné pour dénoncer partiellement ou globalement
un monde présent et penser partiellement ou globalement un monde nouveau. (Voir par
exemple par rapport à la responsabilité nos articles sur l’histoire philosophique de la
responsabilité morale).
Depuis 1945 d’immenses auteurs ont mis en cause le productivisme et avancé des idées fortes
pour le combattre. (Voir dans ce second article sur les fondements d’un monde viable les
développements relatifs aux limites des activités humaines). Parmi les plus grands les
ouvrages d’Edgar Morin , en particulier « La Voie. Pour l’avenir de l’humanité », Arthème
Fayard, collection Pluriel,2011.)
Les plates- formes se sont multipliées de 1970 à 2020, parmi les plus importantes celle du
Club de Rome de 1972, celle de la Fondation pour le progrès de l’homme de 1994…
De très nombreuses initiatives ont donné des textes importants ainsi le Manifeste de l’eau et
le contrat mondial de l’eau …
A un niveau sans comparaison beaucoup plus modeste ce texte voudrait avoir cinq aspects
qu’on est loin de toujours rencontrer :
Il se veut très global prenant en compte l’ensemble des activités humaines.
Il se veut précis prenant en compte de nombreux moyens dans chaque activité humaine,
Il se veut prenant en compte la paix, domaine négligé ou partiellement traité dans beaucoup
de plates-formes (l’auteur a eu la chance d’avoir beaucoup écrit et milité en ce domaine qui,
pense-t-il, reste un des échecs les plus terribles de sa génération),
Il se veut prenant en compte l’humanité laissée de côté ou traitée de façon partielle dans ces
plates-formes (l’auteur a eu la chance de participer à l’écriture du projet de « Déclaration
universelle des droits de l’humanité »projet envoyé par la France et qui dort depuis 2015 dans
les cartons du Secrétariat général des Nations Unies).
Il se veut nouveau pour une partie des propositions jamais faites à ce jour,
l’essentiel restant cependant bien sûr le produit de pratiques alternatives innombrables
et de textes d’auteurs anti productivistes.
3-Le destin de ce texte.
A minima c’est une soupape intellectuelle, une tempête sous le crâne de son auteur, un
texte qui passera presque inaperçu et partira à la corbeille informatique.
Entre les deux ce peut être une contribution par rapport à quelques points de débats publics ,
ou tel ou tel élément qui germera dans l’esprit de quelques personnes,
Au mieux, une prise en compte par des citoyen(ne)s, des associations ou d’autres acteurs qui
voudront s’en inspirer sur tel ou tel point, au mieux aussi la découverte de certains moyens
pratiquement inconnus.
Le texte a quelque chose à la fois
qui peut être plus ou moins porteur pour la pensée et l’action
et quelque chose de complètement dérisoire par rapport à cette entreprise gigantesque
qui consiste à soulever des montagnes.
4-Les sources de ce texte
Comment faire une synthèse qui se voudrait globale, critique et créatrice ? A partir de
trois séries de sources :
De multiples écrits de différents auteurs, institutions , organisations, associations…
De multiples pratiques à tous les niveaux géographiques, de très nombreuses alternatives
vécues par des centaines de millions d’individus, d’organisations, de collectivités locales dans
l’ensemble des domaines…
Enfin dans ce que j’ai écrit comme ouvrages et articles, dans ce que j’ai vécu au sein de la vie
associative et dans des interventions, colloques et discussions…
5-Un texte contemporain, inspirateur particulièrement remarquable.
Il y a 26 ans avait vu le jour la « Plate-forme pour un monde responsable et solidaire »,
publiée par le Monde diplomatique d’avril 1994, qui est à la fois « un état des lieux des
dysfonctionnements de la planète et une mise en avant de principes d’action pour garantir un
avenir digne au genre humain », plate-forme portée par la Fondation pour le progrès de
l’homme.
De nombreux textes l’avaient précédé et l’ont suivi, un des derniers en France est par exemple
celui intitulé « Vers des jours heureux » de Monique Chemillier-Gendreau ( 28 avril 2020
sur Mediapart).
(auteur en particulier de l’ouvrage lumineux « humanité et souverainetés » , éditions la
découverte 1995.)
6-Nous pensons que le schéma général de développements déjà en route et de
déclenchements nouveaux des moyens pour un monde viable serait probablement le
suivant : - DES RESISTANCES ET DES PRATIQUES ALTERNATIVES DE PLUS EN PLUS
NOMBREUSES A » LA BASE », par des personnes, des associations, des mouvements,
d’autres acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques
productivistes humanicides et terricides, - DES DISCOURS ET DES REMISES EN CAUSE, D’IMPORTANCES TRES
VARIABLES , AUX « SOMMETS » des différents niveaux géographiques, sous les
pressions des catastrophes et de la base,
-DES FISSURES « AU COEUR » DES LOGIQUES DU PRODUCTIVISME , celles des
marchés financiers, du marché mondial, de la technoscience…sous les pressions et des
catastrophes et de la base et du sommet ,
PEUT-ETRE , AUSSI, L’ARRIVEE DE » L’IMPROBABLE » …
Introduction
1-Les situations de l’humanité et de la planète, en ces débuts de la troisième décennie du
XXIème siècle, font éclater une vérité qui saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre .Il est
difficile de voir cette vérité en face et, comme l’écrivait René Char, « La lucidité est la
blessure la plus rapprochée du soleil. »
Cette vérité est simple à énoncer : le monde, sous l’emprise totalisante du
productivisme, va continuer à produire de multiples formes d’apocalypses qui sont
entrées, entrent et entreront en interactions de plus en plus rapides, sauf remises en
cause gigantesques.
Les avertissements, en particulier internationaux, ont été nombreux à l’affirmer , cela depuis
le rapport du Club de Rome de 1970 sur « Les limites de la croissance », en passant par les
cinq rapports du GIEC sur le climat et ceux de GEO du PNUE sur l’environnement mondial,
jusqu’à l’un des derniers avertissements qui évoque même « une souffrance humaine
indescriptible » si ne voient pas le jour des changements profonds et durables (L’urgence
climatique, déclaration de novembre 2019 signée par 11000 scientifiques).
Avec d’autres nous pensons que tout n’est pas perdu, que des moyens nombreux,
multidimensionnels, radicaux, conformes aux finalités mises en avant, peuvent faire changer
de route ce monde courant vers son extinction, son autodestruction en route.
2-Le terme « viable » est fort. Il signifie apte à vivre, qui peut avoir une certaine durée de
vie, qui a les conditions nécessaires pour durer. Non viable signifie donc qui ne peut pas
vivre, on parle ici non d’un nouveau né mais d’une humanité qui sombre dans les régimes
autoritaires, les injustices, la débâcle écologique, les violences. Une humanité qui meurt
démocratiquement, socialement, écologiquement, pacifiquement, une humanité qui rend ses
derniers souffles. « Soutenable » et « durable » s’en rapprochent, le développement durable
est un concept très connu en particulier dans la Déclaration de Rio de 1992.
Le terme « vivable » est différent , il vise un lieu où l’on peut vivre, une situation que l’on
peut supporter ou le bon caractère d’une personne.
3- Cette vingtaine de séries de moyens viables , dans la troisième partie de cette analyse, est
proposée à titre indicatif, mais on peut et on doit, bien sûr, en prolonger la liste.
Notre conviction est la suivante : ces contre-mécanismes, s’ils voyaient le jour,
commenceraient à ralentir le système productiviste autodestructeur, puis à le remettre
en cause pour donner naissance, probablement en quelques décennies (?), à une
communauté mondiale humainement viable.
L’humanité pourrait à nouveau se projeter dans le futur, ceci n’est possible que si les
générations présentes conçoivent cet avenir comme un horizon de responsabilité.
Démarche proposée
-Nous partirons d’un constat, d’un diagnostic, celui de l’urgente nécessité vitale de penser et
de mettre en oeuvre les moyens d’un monde viable. C’est un temps où il faut regarder en
face l’autodestruction des êtres humains et d’une partie du vivant, convaincre, si besoin est,
qu’il s’agit bien de survie. La difficulté n’est-elle pas d’éviter une analyse partielle qui
déboucherait sur des solutions dérisoires ? (1ère partie).
-Viendra ensuite une analyse relative aux principes ,aux valeurs ,bref aux bases de ces
moyens. Ces fondements sont renversants par rapport aux logiques contraires du système
existant. C’est un temps où il faut descendre dans les profondeurs d’autres logiques
porteuses d’un autre monde. La difficulté n’est-elle pas d’entrer dans de véritables contrelogiques,
de puissants contre-mécanismes ? (2ème partie).
-Alors nous arriverons à l’utopie concrète, celle qui prend les moyens de se réaliser, celles des
priorités et des stratégies, bref celle de la mise en oeuvre de cette communauté de destin.
C’est un temps de confrontation au réel, de recherches, de stratégies, d’hypothèses pour
donner des chances à ce monde viable. La difficulté n’est-elle pas de s’en tenir à des
propositions qui seraient autant de voeux pieux, flottant dans les airs, loin des possibles,
lancées par des idéalistes loin des rapports de force, restant bien à l’abri dans leurs
convictions désincarnées ? (3ème partie).
-Ce sera le moment de proposer le contenu d’une liste indicative de moyens, de contremécanismes
pour construire une société mondiale démocratique, juste, écologique et
pacifique, un monde viable. C’est un temps où il faut imaginer, oser, proposer, articuler,
rassembler. La difficulté n’est-elle pas de passer sous silence des éléments essentiels ? (4ème
partie).
Ainsi nous envisagerons tour à tour quatre parties
1érepartie. Les moyens d’un monde viable : quelle nécessité vitale?
2ème partie.Les moyens d’un monde viable : quels fondements renversants?
3ème partie.Les moyens d’un monde viable : quelle mise en oeuvre acharnée?
4ème partie.Les moyens d’un monde viable : quels moyens titanesques?
Il aurait été plus logique de terminer par » la mise en oeuvre de ces moyens ».
Mais,soumis à une certaine épreuve, ils tomberont, à la fin, comme un fruit mûr.
Et d’une certaine façon cette liste des moyens sera en position symbolique
d’humilité. »En avançant la connaissance se convainc de son infirmité »écrivait Claude
Levi Strauss.
J’ose espérer aussi qu’en particulier les (en tous cas certains) moyens pratiquement
inconnus jusqu’alors dans la liste proposée commenceront à cheminer dans certains
esprits et peut-être à voir enfin le jour.
Et puis pendant 42 ans j’ai conseillé aux étudiants de terminer leurs copies par » la mise
en oeuvre »d’un principe,d’une idée,d’un texte de loi,d’une convention internationale,
d’un projet…Alors dans cette réflexion qui se veut « renversante » quant aux fondements
n’est-il pas symbolique d’oser mettre « la mise en oeuvre » bien avant la fin?
Plan général de la 1ère partie
Ière partie-LES MOYENS D’UN MONDE VIABLE: QUELLE NECESSITE VITALE ?
I-Pourquoi ces moyens ? Parce que le système productiviste est totalisant
II- Pourquoi ces moyens ? Parce que le système productiviste est humanicide et
terricide
III-Pourquoi ces moyens ? Parce que le productivisme est porteur d’un temps qui
s’accélère et d’un avenir qui se réduit.
IV-Pourquoi ces moyens ? Parce que le productivisme est porteur de confusions entre
les fins et les moyens
Ière partie-LES MOYENS D’UN MONDE VIABLE: QUELLE NECESSITE VITALE ?
Introduction
Les périls communs, c’est-à-dire les drames et les menaces, sont là , d’une certaine
façon sous la forme des « quatre cavaliers de l’apocalypse » :
-débâcle écologique ( dont les épidémies font partie) dépassant des seuils
d’irréversibilité,
-course aux armements (dont les armes de destruction massive) porteuse d’insécurités,
de destructions et de gaspillages gigantesques,
-inégalités nombreuses, criantes et destructrices , - techno science et marchés financiers devenant de plus en plus omnipotents et peu à peu
hors contrôle…
Il faut d’abord rappeler l’essentiel des appels face à l’urgence de la situation mondiale .Nous
les rassemblerons, ils sont connus mais nous les resituerons sous l’angle d’un système
totalisant, le productivisme (I). Si on ne le fait pas on passe à côté des possibilités de le
remettre en cause.
Ce système est autodestructeur. Humanicide, il assassine l’humanité, terricide, il
assassine la terre. (II)
Un phénomène est devenu omniprésent, celui de l’accélération de ce système mondial
(III).
Ces trois éléments devraient permettre de mieux comprendre ce qui se passe en profondeur.
Nous analyserons enfin les causes de cet état des lieux au regard des fins et des moyens.
Cette réflexion est très souvent passée sous silence au niveau global. C’est là une
gigantesque erreur d’analyse , c’est une faute politique gravissime. « Rien n’est plus
pratique qu’une bonne théorie » si l’on veut aller dans le sens de véritables remises en cause.
C’est ce que les innombrables organisations et serviteurs du productivisme ont été incapables
et/ou n’ont pas voulu prendre en compte (IV).
Ainsi nous poserons quatre fois cette question du « pourquoi ? » Les réponses voudraient
être plus que de simples avertissements supplémentaires mais des appels à résister et à
construire . « Les catastrophistes sont ceux et celles qui ferment les yeux sur les causes des
catastrophes et non ceux et celles qui essaient d’avertir, de critiquer et de proposer. »(François
Partant)
I-Pourquoi ces moyens viables ? Parce que le système productiviste est totalisant.
L’humanité et la planète se trouvent dans un système puissant omniprésent, omnipotent,
omniscient.
Le productivisme c’est un système et c’est une histoire(A),
c’est un discours et c’est une obsession(B),
ce sont des priorités et surtout ce sont des logiques profondes (C).
A- Le productivisme : un système, une histoire
1- Un système c’est la combinaison d’éléments qui vont former un ensemble.
- a) Le productivisme a quelque chose d’un système totalisant dans l’espace en ce
sens qu’il est présent, à des degrés divers, à tous les niveaux géographiques, à travers
tous les acteurs et dans toutes les activités humaines.
Il s’étale aussi dans le temps puisqu’il a, au moins, cinq siècles, qu’il est tout puissant dans
le présent et qu’il hypothèque déjà l’avenir.
Un système totalisant n’est peut-être(?) pas très loin (?) d’un système totalitaire. Ceci
voudrait dire : « tout dans le productivisme, rien contre, rien en dehors ». Mais en même
temps ce système ne s’autodétruit-il pas lui-même ? Une croissance et des pouvoirs qui se
veulent infinis dans un monde fini constituent à la fois une domination totalisante et, en même
temps, comporte les logiques de destruction d’un système humanicide et terricide.
Le roi Midas avait la capacité de transformer en or tout ce qu’il touchait, même …sa nourriture
et sa boisson, de même la marchandisation et la financiarisation du monde n’ont-elles pas
tendance à transformer toute chose et le vivant- humains, animaux et plantes- en argent
? « Tout vaut tant » , c’est un des refrains du productivisme. - b) Le productivisme va donc bien au-delà de la simple tendance à rechercher
systématiquement l’amélioration ou l’accroissement de la productivité, celle-ci
étant un rapport mesurable entre une quantité produite (par exemple de biens) et les
moyens (machines, matières premières…) mis en oeuvre pour y parvenir. - c) Le productivisme est aussi beaucoup plus global que le libéralisme qui est, à
partir du XVIIIème, la doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat
ne doit pas gêner le libre jeu de la concurrence. De même le productivisme est plus
global et beaucoup plus ancien que le néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les
années 1970 et qui accepte une intervention limitée de l’Etat. Plus global aussi que
l’ultra libéralisme qui met en avant la dérèglementation des marchés et la disparition
des services publics au profit du secteur privé. - d) De même le productivisme, s’il a de nombreux points communs avec le
capitalisme, en tant que système économique et social fondé sur la propriété privée
des moyens de production, sur l’initiative individuelle et la recherche du profit, a aussi
probablement quelque chose de plus vaste, lié non seulement aux dominants de la
techno-science mais lié aux recherches et aux techniques elles-mêmes qui, loin de
libérer les êtres humains comme beaucoup de marxistes le pensent, peuvent, selon leur
modalités et leurs contenus, contribuer à les libérer ou à les écraser.
2- L’histoire du système productiviste à traversé quatre étapes.
Cette histoire est celle du capitalisme. - a) Le marché des marchands (XVème et XVIème siècles) est aux origines du
colonialisme. Des marchands de Londres, Venise, Amsterdam redistribuent en Europe
des marchandises précieuses ramenées d’Afrique et d’Asie. Ils ont peu à peu un
monopole, c’est une des premières formes de la division internationale du travail qui
s’organise, cela avec des dominants et des dominés - b) Le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860) se manifeste
par le passage de l’atelier à la fabrique industrielle, donc des structures économiques
qui changent. - c) Le marché des monopoles (1850-1914) fait apparaître des entreprises plus
importantes qui absorbent de plus petites à la suite des concurrences, des crises, des
guerres. Les monopoles sont les produits de ces trois phénomènes. - d) Enfin le marché mondial contemporain (1914 à nos jours, 2020),alliance des
mondes industriels, financiers et numériques. Il repose sur les firmes géantes, les
marchés financiers, la techno-science, les complexes médiatiques, les Etats très
inégaux, les organisations internationales et régionales, les organisations nongouvernementales,
sans oublier une urbanisation vertigineuse du monde. Ce marché
est devenu toujours industriel mais aussi de plus en plus financier et numérique.
C’est à l’intérieur de ce marché mondial que vivent, survivent et meurent les acteurs
humains (personnes, peuples, humanité).
Ainsi, le productivisme est né à la fin du Moyen- Âge(XVème), s’est développé à travers la
révolution industrielle du milieu du XVIIIème en Angleterre et du début du XIXème siècle
en France, est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au XXème et dans les deux
premières décennies du XXIème siècle, ses logiques continuent.
B- Le productivisme : un discours, une obsession
1- Le discours productiviste est, depuis ses origines, lié à la notion de développement. Le
développement joue un rôle complexe, il est synonyme ici et là de dominations mais il lui est
arrivé aussi de contribuer à des entreprises de libérations. - a) Les origines de la notion de développement se manifestent à travers quatre
phénomènes.
D’abord la colonisation qui est porteuse dans une grande partie de la « conscience
occidentale » d’une conviction : la croissance et le progrès n’ont pas de limites. Ce discours
est très enraciné encore aujourd’hui. Le pouls de la croissance locale, régionale, nationale,
continentale, mondiale est pris à chaque heure du jour et de la nuit.
Ensuite deux grands courants de pensée participent à cette idéologie. Le marxisme affirme
que le développement scientifique et économique apporte le progrès mais à une condition : il
faut qu’il remette en cause le capitalisme. L’humanisme occidental affirme que le
développement scientifique et économique apporte le progrès à une condition : il faut qu’il se
fasse dans des conditions démocratiques libérales. Cependant, pour l’immense majorité des
auteurs, le développement en tant que tel n’apporte ni incertitudes, ni dangers. Par
exemple le principe de précaution, face aux risques mal connus ou inconnus, ne commence à
être consacré que dans les années 1980- 90( Charte mondiale de la nature 1982, article 11,
Déclaration de Rio,1992,principe15.)
La troisième origine du développement est constituée par les Nations Unies qui, au
lendemain de la Seconde guerre mondiale, lancent l’opposition « pays développés pays sousdéveloppés
» (ces derniers s’appelleront ensuite pays en voie de développement puis pays en
développement) à partir de critères économiques que les dominants déterminent, le PNB est
considéré comme le hit parade des nations. Cette opposition se substitue aux précédentes
(pays civilisés-pays barbares, pays des lumières-pays obscurs, métropoles-colonies).
La quatrième origine est très puissante, il s’agit de la techno science et de son
développement continuel, elle s’accélère et se mondialise peu à peu à travers de grands
réseaux, elle a même tendance ici ou là à s’auto reproduire. Voilà également un ensemble de
théories et de techniques , l’intelligence artificielle, développant des programmes
informatiques , capable de simuler certains éléments de l’intelligence humaine. - b) La notion de développement va parcourir différentes étapes avec le
productivisme.
De 1945 à 1950 le développement est souvent perçu comme un ensemble de luttes contre le
retard de la croissance. Les pays du Tiers-Monde sont en retard par rapport aux pays
dominants, il faut donc les aider.
De 1950 à 1955 le développement est souvent perçu comme un ensemble de luttes contre
le blocage de la croissance, ces pays et ces peuples ne sont pas en retard, ils sont bloqués par
des pays dominants.
De 1955 à 1968 le développement est souvent perçu comme une entreprise de libération
politique, économique, culturelle, sociale. Les mouvements de libération se multiplient,
souvent de lutte armée. - c) A partir de 1968 on peut dire que la notion de développement entre en crise.
Les pays du Sud ne sont pas arrivés à remettre en cause l’ordre dominant, les tentatives
ont été pourtant nombreuses, citons simplement la création de la Conférence des Nations
Unies pour le commerce et le développement(CNUCED)en 1964 à Genève en réaction contre
le libéralisme économique du GATT, la Déclaration sur le nouvel ordre économique
international(NOEI) en mai 1974 à l’Assemblée générale des Nations Unies, la tentative de
création d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication(NOMIC) en
1980 à l’UNESCO…
Les pays du Nord ont eu, dans des proportions variables, tour à tour quatre vagues de
contestations : en 1968 une contestation des sociétés de consommation et de toute autorité, en
1970 l’avertissement des écologistes, en 1990 une dénonciation de l’exclusion dans les pays
du Nord, à la fin de la décennie 1990 et au début du XXIème siècle les altermondialistes qui
dénoncent la mondialisation néolibérale et sa marchandisation, « tout n’est pas à vendre », ils
affirment qu’« un autre monde est possible. ». - d) Dès lors les Etats à la Conférence de Rio en juin 1992 mettent en avant la notion de
« développement durable »à travers une Déclaration et un Agenda. Ce
développement se veut respectueux de l’environnement, mais les brouillards ne se
dissipent pas pour autant.
Il y a donc trois types de théories et de pratiques :
le développement productiviste qui domine avec la puissance du libre-échange,
le développement durable qui s’est étendu, plus ou moins teinté d’une certaine
protection de l’environnement, mais qui reste pour une large part dans les logiques de
primauté du développement productiviste,
et une société écologiquement viable, radicale, qui gagne un certain terrain dans les
esprits mais qui, à ce jour, reste très largement perdante sur le terrain. - c) Malgré les doutes et les incertitudes, le discours du productivisme continue : le
marché est naturel, l’argent doit commander, la compétition est impérative, la
croissance est sacrée, le libre-échange doit l’emporter sur tout le reste, la technoscience
toute puissante est toujours porteuse de progrès…
2- Par dessus tout une obsession accompagne le productivisme, elle occupe de façon
permanente le coeur du coeur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition
c’est la vie. - a) Etre ou ne pas être compétitif !Nous sommes entrés dans la révolution
scientifique, il faut être novateur, notre droit à l’existence est fonction de notre
rentabilité ( !! ) « Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes
pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans
des perdants, vous êtes morts. « Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour
soumettre sa propre société aux exigences systématiques de la machine économique. »
écrivait magnifiquement André Gorz. « La logique de la compétitivité est élevée au
rang d’impératif naturel de la société » écrit aussi Riccardo Petrella qui dénonce
« l’Evangile de la compétitivité ». La compétition est un discours-vérité qui a de très
nombreux fidèles, ils sont envahis par cette obsession. On est entré dans le grand
marché, il faut donc libéraliser, dérèglementer, privatiser, peu importe le sens du
« vivre ensemble » et celui du « bien commun ».
La compétition est considérée comme sacrée, elle nous protège, il n’y a plus d’autres critères
d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité. Sainte compétition
protégez-nous !
Pauvres fous d’un système devenu fou : dévoreurs qui dévorez pensez en dévorant que vous
serez dévorés comme nous avons été dévorés…
Dans cette compétition effrénée il est vrai qu’une victime de la faim ou de l’absence d’eau
potable n’est pas tout à fait ( ! ) dans la même situation qu’une « victime » débarquée en
« parachute doré. » - b) La compétition est-elle naturelle ou est-elle liée à une histoire?
Finalement on retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de loin les plus
nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui pensent que la compétition est
naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire ,
…et ceux et celles (pour l’instant moins nombreux, mais quelque chose de minoritaire n’est
pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui pensent que la compétition est un
produit de l’histoire, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que le
productivisme pousse à une compétition omniprésente, omnipotente, omnisciente , que
les solidarités, les coopérations, les fronts communs, les biens communs, les « vivre
ensemble » peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui s’appellent la débâcle
écologique, la course aux armements, les inégalités criantes, la toute-puissance de la techno
science et des marchés financiers.
C- Le productivisme : des priorités, des logiques profondes
1-Quelles sont les priorités du productivisme ?
La recherche du profit, l’efficacité économique, le culte de la croissance, la course aux
quantités, la conquête de parts de marchés, la domination sur la nature, la marchandisation du
monde, l’expropriation des élus et des citoyens, le court terme, l’accélération, la compétition.
Ces priorités se soutiennent les unes les autres, elles correspondent à des logiques profondes.
2- Les logiques profondes du productivisme définissent ce système totalisant.
Le passage qui suit est essentiel, il montre les mécanismes, nombreux et puissants et en
interactions, de ce système, mais ces logiques, ces mécanismes ne sont pas des fatalités.
Des contre-logiques, des contre-mécanismes sont vitaux et possibles, et lorsqu’ils semblent
impossibles il faut et il faudra décupler les volontés et les imaginations. « Ils ne savaient pas
que c’était impossible alors ils l’ont fait. »
N’y a-t-il pas au moins douze logiques profondes qui définissent le productivisme ? - a) La recherche du profit est synonyme de fructification des patrimoines financiers
avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques
spécifiques. - b) L’efficacité économique est synonyme du moment où, cessant d’être au service
de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre
finalité. - c) Le culte de la croissance est synonyme du « toujours plus », de course aux
quantités, de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires,
environnementaux, sociaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de
fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à
dépasser les êtres humains. - d) La course aux quantités est synonyme d’une surexploitation des ressources
naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins
vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des habitants de notre planète qui
ne cherchent qu’à survivre. - e) La conquête ou la défense des parts de marchés est synonyme d’un libreéchange
tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des
faibles par les forts, des guerres des prix, des efforts de productivité qui poussent à
de nouvelles conquêtes de marchés. - f) La domination sur la nature fait de celle-ci un objet au service des êtres humains,
ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables, de toutes
façons certains pensent que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la
nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable,
après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets
technologiques (géo-ingénierie). - g) La marchandisation du monde est synonyme de transformation, rapide et
tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en
plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins
instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux)
décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eaux, sols,
air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter. - h) La militarisation du monde est synonyme de recherches scientifiques à des fins
militaires en particulier sur les armes de destruction massive, synonymes d’industries
d’armements, de camps militaires et de grandes manoeuvres, de régimes militaires ou
de poids de l’armée dans des régimes politiques, synonymes de territoires et d’êtres
humains victimes des guerres, synonyme de besoins vitaux non satisfaits et de
participation à des inégalités criantes. - j) La priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au détriment
d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de
sociétés humainement viables, soit ne sont pas mises en oeuvre et disparaissent dans
les urgences fautes de moyens et de volontés. - i) L’accélération n’est pas spécifique au productivisme mais elle y est omniprésente
à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation
rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes,
une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes. - k) L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à
apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une
expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la
puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par
l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité
par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses
et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des organismes et des individus plus lents ? - l) Enfin ,douzième logique, la compétition . Nous avons décrit ci-dessus cette
« obsession » du système productiviste.
La compétition alimente les onze logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques.
Il n’est donc pas étonnant que ce système soit entré dans une crise radicale.
II- Pourquoi ces moyens viables? Parce que le système productiviste est humanicide et
terricide.
Ce système, fondé sur un développement de plus en plus hors contrôle de la science et du
marché , a provoqué trois gigantesques fractures, l’une entre les Etats du Nord et du Sud de
la planète, l’autre entre les pauvres et les riches à l’intérieur des sociétés,une autre encore
entre les êtres humains et la nature transformée en marchandise.
Quelques données terribles suffisent à montrer qu’il est condamnable et condamné (A),
qu’il nous dépasse et avance dans l’autodestruction (B),
qu’il ne réalise pas le bien commun (C).
A-Le système productiviste est condamnable et condamné
1-Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2017 un
enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies,
misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 aient pris une
partie de la place des décideurs (Etats, entreprises…) ?
2-Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que 5 milliards de dollars
partent chaque jour en 2018 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par
exemple, que des activités humaines entrainent un réchauffement climatique qui menace
l’ensemble du vivant,+3°C à 6°C vers 2100 et autour de 1 mètre ( ou deux ou
plus ?) d’élévation du niveau des mers ?
B- Le système productiviste nous dépasse et avance dans l’autodestruction
1- Il tend à nous dépasser ou nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité,
trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle
correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manoeuvres de bon nombre
d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont
de plus en plus difficiles à mettre en oeuvre.
2- D’autre part ce système à des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple
liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à
l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui
baignent dans une compétition rapide et effrénée.
C- Le système productiviste ne réalise pas le bien commun
1- Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se
réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Par
exemple ces dernières années se multiplient crises démocratiques, régimes néo autoritaires,
corruptions, nationalismes, racismes, xénophobies, atteintes aux droits des femmes, aux
droits des minorités…
2- Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée
de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Par exemple
ces dernières années explosent les drames et les menaces liés au réchauffement climatique,
apparaissent des épidémies liées entre autres aux perturbations dans la nature provoquées par
le productivisme …
3- Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences,
il est pour une large part violent. Par exemple ces dernières années les pays vendeurs d’armes
alimentent toujours des conflits armés. Des terrorismes se déchainent en particulier dans des
pays d’Afrique et d’ Asie.
4- Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et il en
crée de nouvelles, il est pour une large part injuste. Par exemple ces dernières années dans de
nombreux pays du Sud et du Nord des crises sociales explosent. Le drame de la faim est
toujours là. Et face aux épidémies les inégalités sanitaires sont terribles.
III-Pourquoi ces moyens viables? Parce que le productivisme est porteur d’un temps
qui s’accélère et d’un avenir qui se réduit.
Cette accélération a une histoire (A) et des causes profondes(B), elle fonctionne de façon très
impressionnante pour l’environnement(C).
A- L’histoire de l’accélération du système mondial
Cette histoire se manifeste surtout par quatre évènements majeurs : l’explosion
démographique et l’urbanisation vertigineuse(1), l’accélération de la techno-science et du
marché mondial(2).
1) L’explosion démographique et l’urbanisation vertigineuse - a) Il a fallu 2 millions d’années pour arriver au premier milliard d’habitants en
1800, il a fallu seulement 210 ans pour avoir une population sept fois plus élevée,
sept milliards d’habitants en 2011.En mars 2020 la population mondiale est de 7,8
milliards. L’explosion continue, en 2050 il y aurait en principe ( ?) de l’ordre de 9,7
milliards d’habitants, elle ralentirait ensuite puisqu’en 2100 il devrait y avoir (?) 10
à 11 milliards de terriens.
De façon peut-être plus parlante, chaque seconde en 2014 : 4,4 naissances, 1,8 décès, donc
un accroissement de 2,6 ; chaque jour approximativement 380000 naissances, 156000 décès,
donc un accroissement de 224000 personnes, (soit l’équivalent de Limoges et de son
agglomération, ou d’un peu moins que la ville de Montpellier), chaque année à peu près 139
millions de naissances, 57 millions de décès, soit un accroissement de 82 millions de
personnes de la population mondiale. En 2019 l’accroissement journalier de la population
mondiale est de l’ordre de 244000 personnes. - b) La situation mondiale de l’habitat est liée en particulier à cette explosion
démographique, le monde s’urbanise, multiplie les mégalopoles, se bidonvillise, se
fragilise. En 1900 10 % de la population mondiale vivait en ville, en 1950 30% , en
2007 50% , en 2018 il y avait 55% de citadins, en 2050 en principe( ?) 68% de
personnes vivraient en ville.
Beaucoup de situations sont porteuses d’accélération du système urbain, par exemple la
rapidité des rythmes de vies dans les mégalopoles, dans les grandes villes et, à un moindre
degré, dans les villes moyennes.
2) L’accélération de la techno-science et du marché mondial - a) La techno-science se développe lentement entre 1780 et 1850. A partir de 1880
jusqu’à 1914 elle s’accélère avec l’arrivée de la radio et celle des voitures. Elle va plus
vite entre 1914 et 1945, enfin de 1945 à nos jours elle atteint une rapidité incroyable
avec l’explosion des médias et de l’informatique, sa mondialisation est plus ou moins
rapide selon les lieux.
Une réalité symbolise cette accélération : entre l’arrivée de la radio à la fin du 19ème et sa
diffusion à 50 millions de personnes il y a eu 40 ans, par contre entre l’arrivée de la connexion
à internet et la connexion à 50 millions de personnes il y a eu 4 ans ! D’autre part le nombre
de terriens ayant un téléphone portable était de l’ordre de 75% en 2012.
L’exemple des transports est également des plus connus : il y a 150 ans il fallait trois jours
pour aller de Limoges à Paris, aujourd’hui 3 heures, il fallait quinze jours pour aller de
Limoges à Rio, aujourd’hui 7 heures. - b) Le marché mondial s’est accéléré. D’une part les firmes multinationales se sont
internationalisées à partir des années 1960, la production a été plus rapidement
disponible, la consommation a été portée très vite par la publicité, une course aux
quantités les a accompagnées.
Le marché a imposé sa rapidité, ainsi les « flux tendus » sont un des symboles de cette
accélération économique, de même la flexibilité, et dans l’espace et dans le temps, qui est
synonyme d’adaptation de l’être humain au marché « Etre ou ne pas être flexible ! » nous dit
souvent le marché.
La militarisation d’une partie de la science et de l’industrie participe à cette accélération, les
armes sont de plus en plus mobiles, rapides et puissantes.
D’autre part, après la fin de la convertibilité du dollar en or décidée par les Etats-Unis le 15
août 1971(date capitale), la spéculation sur les monnaies est devenue plus forte, il y a eu une
montée du système bancaire et des marchés boursiers, le domaine financier s’est plus ou
moins séparé de l’économie avec des logiques spécifiques de fructification des patrimoines,
les spéculateurs ont voulu gagner de plus en plus d’argent de plus en plus vite et, comble du
comble, les marchés financiers fonctionnent aujourd’hui à la seconde ou à la nanoseconde.
Certains insistent sur le fait que ces marchés « ne supportent pas le temps démocratique qui
ne va pas assez vite » (voir par exemple Patrick Viveret, entretien Mediapart, du 19-11-
2011.)Ainsi « 70% des transactions aux Etats-Unis et 50% en Europe sont réalisés par des
automates. »Lorsqu’on affirme, selon l’expression consacrée, qu’il faut « rassurer les
marchés », il serait plus proche de la vérité de dire qu’il faut « rassurer ces automates ».On
retrouve bien sûr ici la réalité de la technique qui nous échappe et qui devient autonome,
réalité très présente en particulier dans l’oeuvre de Jacques Ellul (voir par exemple « Le
système technicien », Calmann-Lévy, 1977).
Telle est, très résumée, cette histoire de l’accélération, quelles en sont les causes ?
B- Les causes de l’accélération du système mondial
Partons de la cause générale(1) pour aller vers des causes particulières(2).
1) Une cause générale: les logiques de la fuite en avant du système productiviste - a) Ces logiques s’appellent la recherche effrénée du profit, la course à la
marchandisation du monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions
d’armes conventionnelles et d’armes de destruction massive, la croissance sacrosainte,
la vitesse facteur de répartition de richesses, de pouvoirs, de savoirs, la dictature du
court terme, le vertige de la puissance, la compétition élevée au rang « d’impératif
naturel » de nos sociétés. - b) Cette fuite en avant est, aussi, celle d’une machine à gagner qui devient de plus
en plus une machine à exclure, elle fonctionne comme une lame gigantesque mettant
d’un côté ceux et celles dont les besoins fondamentaux sont plus ou moins satisfaits et,
de l’autre, ceux et celles, qui sont de très loin les plus nombreux, dont les besoins
fondamentaux restent criants.
2) Une énumération indicative des causes de l’accélération - a) Ces causes sont connues et nombreuses : la généralisation du règne de la
marchandise toujours à renouveler, une tendance à l’auto reproduction d’une technoscience
qui se dépasse continuellement, la circulation rapide d’informations, de
capitaux, de produits et de services, les déplacements de plus en plus nombreux et
rapides des êtres humains, la croissance de la population en particulier dans les
mégalopoles, l’empilement des bureaucraties qui tendent à dessaisir les citoyen(ne)s,
la prise de conscience de la fragilité du système international, les discours sur la
compétition. - b) Parmi ces causes l’arrivée des technologies de l’information et de la
communication qui ont eu un grande influence. La vitesse de circulation de
l’information entraine une généralisation de l’instantanéité et de l’immédiateté, c’est le
culte de l’urgence qui domine sur les écrans. Ces nouvelles technologies sont censées
libérer du temps, en fait elles demandent parfois voire souvent encore plus de temps
et participent ainsi à l’accélération générale.
C–L’exemple de l’environnement : l’accélération, une machine infernale
1-Cette crise du temps se manifeste par une double collision gigantesque
Collision entre une planète finie, limitée et des activités humaines se voulant infinies, à
travers une croissance se voulant illimitée…
Collision entre les temps rapides de la techno-science et du marché et ceux, plus ou moins
lents, quelquefois très lents, des écosystèmes…
2-L’accélération fonctionne ici comme une sorte de machine infernale qui comprend
quatre mécanismes
-Le système international s’accélère dans son ensemble,
- Penser et faire accepter les réformes et les remises en cause environnementales prend du
temps ,
-L’aggravation de la dégradation rend les urgences omniprésentes,
-La mise en oeuvre des politiques environnementales demande du temps
…or le système international s’accélère.
Intellectuellement et affectivement cette « machine infernale » a quelque chose de
déstabilisant, elle signifie de façon impressionnante qu’il est loin d’être sûr que les
générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour remonter la pente de la
débâcle environnementale.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement(PNUE) déjà dans son rapport GEO
2000 sur « l’avenir de l’environnement mondial » affirmait : « Des efforts sont faits pour
enrayer la dégradation de l’environnement mais on admet également qu’ils sont trop peu
nombreux et bien trop tardifs(…)Les améliorations et les progrès seront vraisemblablement
réduits à néant par le rythme et l’ampleur de la croissance économique au niveau mondial, par
l’aggravation générale de la pollution du milieu et par la dégradation accélérée des ressources
renouvelables de la planète. » Les autres rapports postérieurs du PNUE vont tous dans le
même sens.
3- Il existe un divorce très impressionnant dans ce domaine comme dans d’autres : alors
que la dégradation environnementale s’accélère et atteint ici et là des seuils d’irréversibilité,
il est fréquent de constater que des conférences internationales décident … que l’on décidera
plus tard, « A l’auberge de la décision les gens dorment bien » dit un proverbe. Cela signifie
que plus l’on attend plus les solutions devront être de plus en plus radicales et massives si
l’on veut ralentir puis remettre en cause la dégradation de l’environnement.
Rappelons, exemple hurlant, que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm qu’est évoqué
pour la première fois au niveau de tous les Etats le danger du réchauffement climatique,
qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention, 1997 pour qu’arrive son protocole, 2005
pour qu’il entre en vigueur, 2015 pour un nouvel accord qui entre en vigueur fin 2016, soit au
total 44 ans pour faire les premiers pas !
4- Ainsi la compétition et la vitesse marchent côte à côte. «La compétitivité est élevée au
rang d’impératif naturel de nos sociétés » écrit Riccardo Petrella. « Chacun évoque la
compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences de la machine
économique » écrivait André Gorz .La compétition nous fait perdre le sens du « vivre
ensemble ». Riccardo Petrella dénonçait « l’Evangile de la compétitivité. Malheur aux
faibles et aux exclus. »(Le Monde diplomatique, septembre 1991) L’hypothèse la plus
probable, pensent certains, est celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un
monde impuissant » affirme ainsi Harmut Rosa ( Accélération, La Découverte,2010).Les
générations futures auront-elles beaucoup de temps devant elles ?
IV-Pourquoi ces moyens ? Parce que le productivisme est porteur de confusions entre
les fins et les moyens.
Cette réflexion sur les moyens et les fins devrait ainsi nous permettre de trouver un fil
directeur quant aux moyens qui voudraient contribuer à penser un monde viable
Introduction
1 -Les questions relatives aux moyens et aux fins ne sont-elles pas omniprésentes ?
Elles traversent l’ensemble des activités humaines au niveau personnel et collectif. On les
rencontre à travers les temps et les lieux. Elles font l’objet de l’ensemble des disciplines.
-Mais alors comment se fait-il que cette question globale, en tant que telle, soit souvent
passée sous silence ?
Probablement parce qu’on n’en voit pas les enjeux, on la trouve trop compliquée, on n’a pas
le temps de la penser, on la ramène au « qui veut la fin veut les moyens », on croit qu’il
n’est pas souhaitable de l’évoquer au regard d’intérêts personnels et/ou collectifs qui
pourraient être mis en cause…
2 – Que désigne le terme de « moyens » ?
Il s’agit des procédés et des actions permettant d’aller vers une fin ou de la réaliser.
Ces moyens, de plus en plus marqués de nos jours par de nombreuses interdépendances,
peuvent être soulignés de façon indicative : ainsi des moyens planifiés dans le temps allant
du très court terme au très long terme, des moyens organisés dans l’espace allant du local à
l’international en passant par le régional, le national, le continental, des moyens déterminés
dans les différents domaines,
économique,financier,commercial,juridique,institutionnel,scientifique,technologique,éducatif
… Des moyens allant d’amont en aval à travers, par exemple, des actions allant de la
précaution, de la prévention jusqu’à la sanction, la réparation, des moyens relatifs aux modes
de production, de consommation, de transports …
3-Ces moyens sont déterminés et appliqués par différents acteurs : Etats, collectivités
territoriales, organisations internationales et régionales, administrations, tribunaux,
organisations non gouvernementales, firmes multinationales, autres entreprises, complexes de
la technoscience , mondes médiatiques, d’autres encore, sans oublier bien sûr les acteurs
humains .
Les acteurs puissants et dominants ont une large panoplie de moyens importants ou écrasants,
les faibles et les opprimés ont une panoplie de moyens faibles ou dérisoires mais peuvent
parfois peser en s’unissant.
Les critères personnels et collectifs pour choisir ces moyens sont le plus souvent ceux de
la facilité, on va vers le moyen le moins compliqué, et de l’efficacité, on va vers le moyen qui
aura le plus de chances d’atteindre telle fin ou de s’en rapprocher.
A cela peuvent s’ajouter d’autres critères parmi lesquels : les coûts humains, financiers,
matériels, écologiques , les effets dans le temps à court, moyen o u long terme, les effets
certains ou incertains, le processus de décision personnelle ou collective, pour choisir un
moyen, le mettre en oeuvre et en vérifier les résultats, la nécessité d’un savoir-faire faible,
moyen ou important, l’accompagnement par un faire-savoir a minima, intermédiaire ou a
maxima à travers des medias.
4- Que désigne le terme de « fins » ?
Ce terme est loin d’être évident.
On se rappelle cette citation de Camus « La fin justifie les moyens. Mais qu’est-ce qui
justifiera la fin ? ».La question se complique d’ailleurs, en effet s’y ajoute un « qui » est-ce
qui justifiera la fin ?
Le mot fin peut d’abord frapper par sa variété. On rencontre ici des expressions
philosophiques, idéologiques, politiques, des croyances religieuses, des données culturelles
nombreuses, proches, différentes ou opposées.
Les ramener à trois grandes visions a quelque chose de réducteur mais reflète une large part
de l’ensemble. Pour certains la personne est au centre de tout, pour d’autres la communauté et
les valeurs collectives sont prioritaires, pour d’autres encore les êtres humains sont une des
éléments du vivant.
Une des questions est de savoir si nous voulons rechercher une certaine synthèse respectant
l’essentiel de ces trois conceptions ? En ce sens peut-être s’agirait-il de la dignité humaine ?
Est-ce que ce ne serait pas au regard du respect de cette dignité que telle ou telle fin pourrait
être considérée comme acceptable par les uns et les autres ?
Une vie digne n’est ce pas ce bien commun qui se traduit par les trois générations des droits
de l’homme : les libertés (droits civils et politiques), les égalités (droits économiques, sociaux
et culturels), les solidarités (droit au développement, à l’environnement, à la paix) ?
Exprimé autrement : ne s’agit-il pas de la démocratie, de la justice(au sens de la lutte
contre les inégalités ), de la protection de l’environnement, de la paix ?
Toutes ces fins ne doivent-elles pas être au service des fins suprêmes qui s’appellent les
personnes, les peuples, l’humanité, le vivant (au sens de l’ensemble des espèces) ?
Humanité au sens bien sûr de générations présentes mais , aussi, passées puisque, par
exemple, existe le respect du patrimoine mondial à la création duquel elles ont participé et au
sens de générations futures puisque, par exemple, elles ont droit à une non-discrimination
environnementale.
Ces fins et ces moyens ne sont pas hors sol, ils se situent , depuis fort longtemps et plus que
jamais aujourd’hui, dans le système productiviste mondial.
5-Pourquoi analyser les fins et les moyens au regard du productivisme ?
Dans le mesure où ces priorités et ce discours ne réalisent pas le bien commun par rapport à
la démocratie, la justice, l‘environnement et la paix, le productivisme ne doit-il pas être mis
en accusation dans ses fins et dans ses moyens ?
Dès lors s’interroger sur les rapports entre les moyens et les fins n’est-ce pas contribuer à
délégitimer ce système humanicide et terricide dans lequel les acteurs humains se sont et sont
embarqués ? ( A )
Mais n’étaient-ce pas aussi les fins, elles-mêmes , et les moyens , eux-mêmes, de ce
système qu’il faut contribuer à passer au crible de la critique ? ( B )
A-Les fins et les moyens : des rapports le plus souvent confus, dramatiques et menaçants
dans le système productiviste
Un double phénomène est apparu et s’est aggravé : une transformation de moyens en fins (1)
et une utilisation de fins en moyens (2). On constate aussi que le productivisme est souvent
dans l’incohérence entre des fins acceptables qu’il affirme viser et des moyens qui leur sont
contraires, c’est le fameux adage « Qui veut la fin veut les moyens. » (3).
1- La transformation de moyens en fins dans le système productiviste
Trois moyens gigantesques, qui dominent le système et rassemblent l’ensemble des autres
moyens, se sont transformés, à travers le temps, en fins suprêmes, il s’agit de la
technoscience, du marché mondial et des marchés financiers.(a)
Ils dominent aujourd’hui les êtres humains et le vivant. (b)
a- Les évolutions des trois moyens les plus gigantesques. - La technoscience c’est l’ensemble des sciences et des techniques à tous les niveaux
géographiques. La mondialisation techno scientifique est fondée sur un développement
continuel des recherches et des technologies, elle se manifeste surtout par les réseaux
scientifiques, des plus petits aux plus grands, et par la publicité des technologies toujours à
renouveler.
La technoscience est source de découvertes, elle mobilise pour le meilleur mais aussi pour le
pire, certains choix et certaines dérives ne sont pas sans risques graves et sans drames.
Jean Rostand, devant des rescapés d’Hiroshima en juin 1964, affirmait : «Nous savions qu’en
accroissant ses pouvoirs la science dispensait tout ensemble les moyens de détruire et ceux de
construire, les moyens de tuer et ceux de guérir. Mais par le drame d’Hiroshima la science se
trouve plus directement impliquée dans le mal qu’elle ne l’avait jamais été au long de son
histoire.
Jusqu’à nouvel ordre et tant que nous n’aurons pas su établir une véritable paix, la science, le
progrès, la civilisation technique restent en accusation. Il dépendra de nous qu’ils soient ou
non disculpés, que nous les puissions absoudre ou que nous ayons à les maudire.» ( Jean
Roxtand,« Quelques discours », Club Humaniste,1970) - Le marché a traversé quatre stades : le marché des marchands (XVème et XVIème
siècles) qui est aux origines du colonialisme, le marché des manufactures (XVIIème siècle
jusque vers 1860) qui se manifeste par le passage de l’atelier à la fabrique industrielle, le
marché des monopoles (1850-1914) qui fait apparaître des entreprises plus importantes
absorbant de plus petites à la suite des concurrences, des crises, des guerres. Enfin le marché
mondial contemporain (1914 à nos jours) qui repose entre autres sur les entreprises
industrielles et commerciales mondialisés.(sur la mondialisation on peut voir nos articles sur
ce blog).
Le marché est sources d’échanges, de besoins satisfaits mais aussi de désillusions,
d’inégalités, de misères, d’atteintes environnementales et sanitaires, de gaspillages. - Les marchés financiers représentent l’acteur le plus récent des trois .
Du point de vue du système financier international il y a l’avant et l’après 15 août 1971, jour
où les Etats-Unis décident de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La Conférence de
Bretton Woods (juillet 1944) et les statuts du FMI (adoptés en juillet 1944 et entrés en
vigueur en décembre 1945) avaient mis en place un système basé sur des parités fixes, les
monnaies avaient une valeur d’échange fixe en dollars ou en or, le dollar était convertible en
or, la base était de 35 dollars pour une once d’or (28,3 grammes).
Mais le déficit budgétaire des Etats-Unis prenant de l’ampleur, cet Etat ne voulait pas que ses
stocks d’or s’effondrent, les autorités des Etats-Unis pensaient qu’ils ne pouvaient donc plus
garantir la convertibilité du dollar en or.
Ainsi à partir d’août 1971 le dollar peut flotter, les spéculations sur les monnaies se
multiplient, le système bancaire devient plus puissant, les marchés boursiers sont plus
importants, les opérateurs internationaux ont des logiques spécifiques de fructification des
patrimoines financiers.
Les marchés financiers sont synonymes d’investissements nombreux mais surtout sont
synonymes de mécanismes spéculatifs.
Ces marchés financiers ont pris peu à peu la place des conducteurs c’est-à-dire des Etats et
des entreprises.
b- La domination de ces trois moyens sur les fins
Beaucoup de personnes pensaient que la technoscience, le marché mondial, les marchés
financiers devaient être au service des êtres humains. Ce fut en partie le cas.
Mais on peut constater que, surtout depuis 1945 et encore plus depuis les années 1960, à
travers une mondialisation compétitive et irresponsable, de plus en plus loin de ce qui aurait
dû être une autre mondialisation solidaire et responsable, ces trois moyens, pour une large
part, sont considérés et devenus des fins en eux-mêmes. - La technoscience s’impose comme prétendant apporter des solutions à tout et le progrès en
tout. Il existe peu à peu une croyance très forte dans le pouvoir libérateur de la science et de la
technique.
Pourtant apparaissent aussi inquiétudes, critiques, condamnations , il y a des recherches et des
productions néfastes pour les êtres humains, ainsi par exemple celles sur les armes de
destruction massive, et des techniques qui, au lieu de contribuer à libérer l’homme,
contribuent à l’aliéner.
Ajoutons à cela que la thèse de l’autonomie de la technique, analysée entre autres par Jacques
Ellul, montre que celle-ci a ses propres logiques liées aux découvertes et aux techniques
antérieures et non à une finalité déterminée, celle par exemple de besoins vitaux des acteurs
humains. - Le marché mondial, tel le destin , distribue aux humains bonheurs et malheurs, liés par
exemple à l’emploi. Quant à l’argent il peut tout convertir ou presque, quant à la marchandise
elle exerce une forme de « dictature » qui peut nous rendre moins disponibles aux autres.
Eduardo Galeano écrit : « Etre c’est avoir » dit le système. Et le piège consiste en ce que celui
qui a le plus désire le plus et que, tous comptes faits, les personnes finissent par appartenir
aux choses et travailler à leurs ordres. » - Les marchés financiers ont plus de la moitié de leurs opérations réalisées par des
automates, ces marchés n’aiment ni la démocratie ni l’incertitude. L’informatique et les
mathématiques dominent les transactions financières, la seconde n’est pas assez rapide, la
nanoseconde est aux commandes.
Ainsi comme on s’en remet à des médecins ou des experts on s’en remet à la technoscience,
au marché mondial, aux marchés financiers.
On va même jusqu’à les considérer comme des sortes de divinités.
Sainte technoscience conduis- nous, nous te faisons confiance,
saint marché surprends-nous, nous sommes à ton écoute,
saints marchés financiers votre immédiateté n’a d’égale que votre immatérialité, votre
permanence n’a d’égale que votre universalité, c’est à vous qu’appartiennent le règne, la
puissance et la gloire.
2-L’utilisation de fins en moyens dans le système productiviste
Quel est le processus général? (a)
Quelles sont les formes de cette utilisation ? (b)
a- Le processus général de cette absence de respect des fins
Les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, ainsi que
l’ensemble des êtres vivants, ne tendent-ils pas à être plus ou moins ramenés à l’état
d’instruments, au rang de simples moyens au service de la technoscience, du marché
mondial, des marchés financiers ?.
b- Les formes du processus général de cette absence de respect des fins
Plus ou moins selon les lieux, les activités, les moments, les acteurs, les rapports de forces,
ne sommes-nous pas technicisés, marchandisés, monétarisés ? - La liste indicative des manifestations de ces confusions est impressionnante : personnes,
peuples, générations plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme
producteurs, dépossédés comme citoyens, marchandisés comme êtres vivants, pressurisés
comme contribuables, fichés comme militants, contrôlés ou expulsés comme étrangers…
Dans cette compétition tous azimuts voilà une jungle de dominants et de dominés,
d’agresseurs et d’agressés, de discriminés sous de multiples formes. Nous voilà souvent
contre les autres, au dessus d’eux ou sans eux, « il faut tuer ou être tué », renvoyés à des
solitudes dans la société de communication.
Nous voilà témoins, victimes ou acteurs d’un ou plusieurs phénomènes qui s’appellent
instrumentalisation des rapports humains, colonisation de vécus intérieurs, robotisation de
comportements, standardisation des conduites, anonymats à travers bureaucraties et
mégapoles, dégradations de la qualité de vie, exclusions de la protection sociale.
On le sait le respect des êtres humains est piétiné sous de multiples formes, le cortège de la
souffrance humaine est immense, c’est bien sûr celui des affamés, des réfugiés, des victimes
des guerres, des génocides, de la misère, de la débâcle écologique, c’est aussi celui des
déportés, des disparus, des exécutés, des torturés…
Le productivisme n’en a pas eu historiquement le monopole mais il y a puissamment
contribué. Il y ajoute, maintenant et demain, ses victimes environnementales et ses foules de
déplacés environnementaux fuyant des mégapoles devenues invivables ou des littoraux
envahis par la montée des océans. - Mais une grande partie des mondes médiatiques nous promet que les lendemains
radieux arrivent.
Un nouveau destin nous jette
dans les bras d’une technoscience qui mettra la Terre à l’ombre par la géo ingénierie-miracle
ou qui nous rapprochera de l’immortalité,
dans les bras du marché qui nous libèrera de toutes les aliénations,
tout cela sous la direction des marchés financiers qui ressentent tout ou presque et
s’autorégulent pour le meilleur d’eux-mêmes.
3- L’emploi de moyens inacceptables pour des fins acceptables
Le voici donc l’adage « La fin justifie les moyens. » (a) Sa pratique peut-être problématique,
menaçante ou dramatique. (b)
a- On affirme, on répète, on proclame, à travers les temps et les lieux, que « la fin justifie
les moyens ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Cette formule, souvent attribuée à Machiavel, signifie qu’une personne ou une collectivité est
prête à tout, même à faire usage de moyens discutables, condamnables ou inacceptables pour
atteindre un but.
La seule évocation du but doit faire taire toute objection liée à un moyen que l’on hésiterait à
employer.
On sera même conduit à agir contre sa conscience et plus on est intégré dans une structure
plus on peut être amené à appliquer des ordres que l’on juge « en son âme et conscience »
moralement indéfendable. L’obéissance peut être ainsi une grande pourvoyeuse de
violence.(voir notre article sur les analyses des causes de la violence).
b- Nombre de moyens ont été et sont contraires aux fins proclamées.
Les exemples sont innombrables, nous en soulignerons quelques-uns particulièrement
massifs relatifs à la démocratie, la justice, l’environnement, la paix..
On laisse tous les moyens à un parti unique, contraire de la démocratie, et donné libre cours
à des présents massacreurs pour des lendemains radieux, cela au nom de la démocratie.
(voir nos articles sur la démocratie)
On protège les plus riches en affirmant que leur fortunes ruisselleront vers les plus pauvres,
on donne en fait libre cours à l’aggravation des inégalités, cela au nom de la justice. ( voir
nos articles sur la justice)
On développe ou on laisse subsister un moyen, le nucléaire, loin des émissions de gaz à effet
de serre mais porteur de drames passés et à venir et de gouffres financiers, cela au nom de la
protection de l’environnement plus précisément contre les émissions de gaz à effet de serre.
On maintient des programmes d’armements et on vend des armes, accroissant l’insécurité
générale, engloutissant des sommes gigantesques qui ne vont pas vers des besoins criants,
cela au nom de la paix.
La fabrication, la désignation, l’élimination du bouc émissaire est d’ailleurs un des exemples
les plus terrifiants de ce mécanisme celui du tous contre un. Jean Rostand dénonçait à sa façon
cette fin qui justifie les moyens : « Eternel refrain de l’humanité, encore un massacre et tout
ira mieux demain. »(voir nos articles sur les analyses des causes de la violence.)
Ainsi les rapports entre les moyens et les fins dans le système productiviste font l’objet
le plus souvent de confusions.
Ces confusions se manifestent sous trois formes : une transformation de moyens en fins,
une utilisation de fins en moyens, un emploi de moyens contraires aux fins proclamées.
Ces confusions s’aggravent et sont porteuses de problèmes, de menaces et de drames.
Mais qu’en est-il des fins et des moyens eux-mêmes dans ce système productiviste ? On
imagine que leurs rapports confus ne seront pas sans effets sur ces contenus.
B- Les fins et les moyens : des contenus le plus souvent inacceptables dans le système
productiviste
Nous examinerons les moyens et les fins du productivisme qui sont le plus souvent
inacceptables. (1)
Nous soulignerons ensuite leurs effets pour montrer l’impérieuse nécessité de condamner ce
système qui assassine l’humanité et la planète, cela à travers ses cohérences destructrices. (2)
1-Des moyens inacceptables pour des fins inacceptables
On peut être sous le choc les logiques profondes du productivisme, elles sont puissantes et
nombreuses. Elles se confondent avec ses fins et ses moyens. (a)
Une logique est omniprésente, c’est l’obsession de ce système : la compétition. (b)
a- Les logiques du productivisme, ses fins et ses moyens
Chaque logique de ce système correspond a une finalité productiviste qui implique un
ensemble de moyens pour la mettre en oeuvre.
La recherche du profit est synonyme de fructification des patrimoines financiers avec des
opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.
L’efficacité économique est synonyme du moment où, cessant d’être au service de la
satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.
Le culte de la croissance est synonyme du « toujours plus », de course aux quantités, de
mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, environnementaux,
sociaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une
techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains.
La course aux quantités est synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de
surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas
satisfaits pour la grande majorité des habitants de notre planète.
La conquête ou la défense des parts de marchés est synonyme d’un libre-échange toutpuissant
qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des
guerres des prix, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de
marchés.
La domination sur la nature fait de celle-ci un objet au service des êtres humains, ses
ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables, de toutes façons
certains pensent que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une
artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de
« mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
La marchandisation du monde est synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de
l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités
transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du
marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement
qui sont entrés dans le marché (eaux, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est
plus ou moins à vendre ou à acheter.
La militarisation du monde est synonyme de recherches scientifiques à des fins militaires en
particulier sur les armes de destruction massive, synonymes d’industries d’armements, de
camps militaires et de grandes manoeuvres, de régimes militaires ou de poids de l’armée dans
des régimes politiques, synonymes de territoires et d’êtres humains victimes des guerres,
synonyme de besoins vitaux non satisfaits et de participation à des inégalités criantes.
La priorité du court terme est synonyme de dictature de l’instant au détriment
d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés
humainement viables, soit ne sont pas mises en oeuvre et disparaissent dans les urgences
fautes de moyens et de volontés.
L’accélération n’est pas spécifique au productivisme mais elle y est omniprésente à travers,
par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux,
des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de
multiples effets sur les sociétés et les personnes.
L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à
apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une
expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des
firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La
compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La
vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou
rejette des organismes et des individus plus lents ?
fausses solutions-injustes dangereuses et inefficaces-prônées par certains :géo-ingénierie,
OGM, agro-carburants, marchés carbone, mécanismes de compensation ,nucléaire etc…,
b- La compétition, fin et moyen puissamment mortifère
Cette douzième logique alimente les dix précédentes et elle est alimentée par ces logiques.
Par dessus tout une obsession accompagne le productivisme, elle occupe de façon
permanente le coeur du coeur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition
c’est la vie. - Etre ou ne pas être compétitif nous dit le productivisme
Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à
l’existence est fonction de notre rentabilité ( !! )
« Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays,
région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les perdants, vous êtes morts.
« Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences
systématiques de la machine économique. » écrivait magnifiquement André Gorz.
De façon plus globale le Club de Lisbonne, animé par Riccardo Petrella, dans « Les limites à
la compétitivité. Vers un nouveau contrat mondial », (Edition Boréal,1995) », dénonce «
l’évangile de la compétitivité ». « La bonne nouvelle » n’existe que pour les gagnants, la
machine à gagner devient de plus en plus une machine à exclure, elle est donc productrice de
violences. « La logique de la compétitivité est élevée au rang d’impératif naturel de la
société » écrit aussi Riccardo Petrella.
La compétition est un discours-vérité qui a de très nombreux fidèles, ils sont envahis par cette
obsession. On est entré dans le grand marché, il faut donc libéraliser, dérèglementer,
privatiser, peu importe le sens du « vivre ensemble » et celui du « bien commun ». (Voir le
Monde diplomatique, L’évangile de la compétitivité, Riccardo Petrella, septembre 1991)
La compétition est considérée comme sacrée, on pense qu’elle nous protège, il n’y a plus
d’autres critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité. Sainte
compétition protégez-nous !
Pauvres fous d’un système devenu fou : dévoreurs qui dévorez pensez en dévorant que vous
serez dévorés comme nous avons été dévorés…
Dans cette compétition effrénée il est vrai qu’une victime de la faim ou de l’absence d’eau
potable n’est pas tout à fait ( !! ) dans la même situation qu’une « victime » débarquée en «
parachute doré. »
John Galbraith, économiste américain, dans « Le nouvel Etat industriel »(1967), montrait en
particulier que beaucoup de guerres ont été et sont liées au contrôle des matières premières,
ainsi par exemple le pétrole. Ces guerres sont « des formes extrêmes de la concurrence
industrielle ». Cet auteur dénonce la production de guerre comme étant « un gaspillage
nécessaire qui permet la justification des dépenses d’armements et la poursuite de la course au
profit ».
La compétition peut être un des ressorts du nationalisme lequel en appelle à la domination sur
d’autres pays voire à la haine d’autres peuples. - La compétition est-elle naturelle ou est-elle liée à une histoire?
Finalement on retrouve cette opposition fondamentale entre ceux et celles ( de loin les plus
nombreux avec une véritable « colonisation des esprits ») qui pensent que la compétition est
naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire. C’est ce que leur demande le système
productiviste.
…et ceux et celles (pour l’instant moins nombreux, mais quelque chose de minoritaire n’est
pas faux pour autant…c’est simplement minoritaire) qui pensent que la compétition est un
produit de l’histoire, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux sociétés, que le
productivisme pousse à une compétition omniprésente, omnipotente, omnisciente , que
les solidarités, les coopérations, les fronts communs, les biens communs, les « vivre
ensemble » peuvent et doivent l’emporter face aux périls communs qui s’appellent la débâcle
écologique, les armes de destruction massive, les inégalités criantes, la toute-puissance de la
techno science et des marchés financiers.
2- Le productivisme et ses cohérences souvent destructrices.
a- Des cohérences souvent infernales entre fins et moyens
Ainsi de différentes façons, à des degrés très variables on constate que
Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se
réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Voilà
des moyens autoritaires pour des fins autoritaires
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et en crée
de nouvelles, il est pour une large part injuste. Voilà des moyens injustes pour des fins
injustes,
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il
est pour une large part violent. Voilà des moyens violents pour des fins violentes,
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de
la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Voilà des moyens
anti écologiques pour des fins anti écologiques.
b- Le système productiviste nous dépasse et avance dans l’autodestruction
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la
fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression
profonde selon laquelle les marges de manoeuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des
politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à
mettre en oeuvre.
D’autre part ce système à des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à
la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur
de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une
compétition rapide et effrénée.
Concevoir et mettre en oeuvre un système qui se voudrait viable n’est-ce pas d’une part
résister face aux confusions entre les moyens , n’est-ce pas là un des fondements de
moyens d’un monde viable ?
Au regard des autres mécanismes du productivisme qui se veut sans limites n’y a-t-il
pas un autre fondement lié justement à l’idée de limites ? Si c’est le cas on peut qualifier
ces fondements de « renversants » par rapport à ce qui existe. (2ème partie relative aux
fondements renversants d’un monde viable).