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Moyens viables- Conclusions générales
On peut avoir parcouru tout ou partie des articles précédents.
Mais, si l’on n’a ni le temps ni l’envie de lire les sept articles qui précèdent (trois
généraux et quatre sur les propositions), on peut en rester à cette synthèse de
l’essentiel sous forme de réponses à cinq questions :
Quel résumé des articles précédents ? (A)
Quels points forts des remises en cause proposées ? (B)
Quelles réponses aux objections les plus fréquentes relatives à ces
propositions ? (C)
Comment se resituer par rapport à différentes analyses ? (D)
Quel est l’état d’esprit présent de l’auteur de ces écrits? (E)
A-Quel résumé des articles précédents ?
La réflexion était organisée en quatre parties .
Ière partie- Les moyens d’un monde viable : quelle nécessité vitale ?
Il s’agissait de dresser un constat, de porter un diagnostic, celui de l’urgente
nécessité vitale de penser et de mettre en oeuvre les moyens d’un monde viable.
Deux erreurs gravissimes sont faites très souvent :
On sous-estime l’état des lieux de la planète qui a une survie pour l’ensemble
du vivant probablement de l’ordre de quelques décennies( ?) , avant de basculer
dans de nombreuses irréversibilités qui seraient celles d’une course vers une
disparition globale en quelques autres décennies( ?).
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On sous-estime la remise en cause gigantesque du système productiviste et de
ses logiques humanicides et terricides . On pense ainsi , qu’à travers la
primauté de l’économie, l’écologie doit être conçue comme une forme
supérieure de l’efficacité économique, la politique de l’environnement correspond
à des mesures plus ou moins nombreuses au coup par coup. On ne se demande pas
si la croissance économique considérée comme sacro-sainte va beaucoup, un peu
ou pas du tout dans le sens de la protection de l’environnement.
Existent d’autres logiques face au productivisme : celles d’une société
écologiquement viable. Ne faut-il pas soustraire l’environnement à l’emprise du
capital en subordonnant la liberté du commerce international à des clauses
écologiques, en considérant aussi que les biens de l’environnement ne sont pas des
marchandises, en imposant une réglementation aux firmes multinationales, en
créant de nouveaux fonds massifs fondés sur le « désarmement du pouvoir
financier » ?
C’est un temps où il a fallu regarder en face l’autodestruction des êtres humains et
d’une partie du vivant, où il faut convaincre, si besoin est, qu’il s’agit bien de
survie.
La difficulté n’était-elle pas d’éviter une analyse partielle qui déboucherait sur
des solutions dérisoires ?
La démonstration a voulu être faite en une même question qui a donné lieu à
quatre réponses :
I-Pourquoi ces moyens ? Parce que le système productiviste est totalisant.
II- Pourquoi ces moyens ? Parce que le système productiviste est humanicide
et terricide.
III-Pourquoi ces moyens ? Parce que le productivisme est porteur d’un temps
qui s’accélère et d’un avenir qui se réduit.
IV-Pourquoi ces moyens ? Parce que le productivisme est porteur de
confusions gravissimes entre les fins et les moyens.
Le système international productiviste repose sur les logiques profondes qui
s’appellent la recherche du profit, la fructification des patrimoines financiers, la
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marchandisation du monde, le développement massif d’armements de plus en plus
terrifiants, la course aux quantités, le culte de la croissance, les discours et les
pratiques de la compétition, la priorité donnée au court terme, l’accélération du
système.
Les périls communs sont là : débâcle écologique dépassant des seuils
d’irréversibilité, armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques),
épidémies catastrophiques, inégalités criantes, techno science et marchés financiers
de moins en moins contrôlés par les êtres humains…
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en
2017 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger (
guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés
financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large
partie de la place des conducteurs qu’étaient les Etats ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5
milliards de dollars partent chaque jour en 2019 vers les dépenses militaires
mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un
réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (+3°C à 6°C vers 2100
et plus d’un mètre ( voire deux ou trois ?) d’élévation du niveau des mers ?
2ème partie- Les moyens d’un monde viable : quels fondements renversants ?
C’est un temps où il a fallu descendre dans les profondeurs d’autres logiques
porteuses d’un autre monde.
La difficulté n’était-elle pas d’entrer dans ces véritables contre-logiques, de
proposer de puissants contre-mécanismes ?
Six fondements nous apparaissent :
I-Le principe de moyens conformes aux fins mises en avant.
II-Le choix vital anti productiviste : la détermination de limites des activités
humaines.
III- Deux choix anti productivistes : la recherche de l’unité de l’espèce
humaine et le respect des diversités.
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IV- Un respect de principes anti productivistes à chaque niveau d’action, du
local au global.
V- La globalité et la radicalité de ces moyens viables.
VI –La remise en cause de la compétition mortifère dans un monde viable.
3ème partie- Les moyens d’un monde viable : quelle mise en oeuvre acharnée ?
Nous sommes alors arrivés à l’utopie concrète, celle qui prend les moyens de se
réaliser, celles des priorités et des stratégies, bref celle de la mise en oeuvre d’une
communauté de destin des êtres humains et du vivant.
C’est un temps de confrontation au réel, un temps de recherches, de stratégies,
d’hypothèses pour donner des chances à ce monde viable.
La difficulté n’est-elle pas de s’en tenir à des propositions qui seraient autant de
voeux pieux, flottant dans les airs, loin des possibles, lancées par des idéalistes loin
des rapports de force, restant bien à l’abri dans leurs convictions désincarnées ?
Nous avons regroupé ces modalités de mise en oeuvre en cinq points :
I-Les priorités dans la mise en oeuvre de ces moyens viables.
II- Les niveaux des acteurs dans la mise en oeuvre de ces moyens viables.
III–La complexité des mécanismes des volontés pour un monde viable.
IV-Les obstacles face aux remises en cause pour un monde viable.
V- Les moyens de résister face au productivisme dans la mise en oeuvre de
moyens viables
4ème partie. Les propositions de trente deux séries de moyens démocratiques,
pacifiques, écologiques et justes.
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Est enfin arrivé le moment de proposer le contenu d’une liste indicative de
moyens, de contre-mécanismes pour construire une société mondiale
démocratique, juste, écologique et pacifique, bref : un monde viable.
C’est un temps où il faut imaginer, oser, proposer, articuler, rassembler.
Une des difficultés principales n’était-elle pas de passer sous silence des
éléments essentiels ? Nous sommes arrivés à peu près à 600 propositions :
Huit séries de moyens démocratiques , soit 150 propositions.
Huit séries de moyens pacifiques, soit 90 propositions.
Huit séries de moyens écologiques, soit 250 propositions.
Huit séries de moyens justes, soit 110 propositions.
B-Quels sont les propositions principales ?
Les trente deux séries de moyens apparaissent titanesques :
I- Huit séries de moyens démocratiques :
A- Les souffles de la démocratie dans les régimes politiques
B- Le désarmement du pouvoir financier
C-L’encadrement des firmes multinationales
D- La maitrise de la technoscience
E- La démocratisation des institutions internationales
F-Le développement de la justice internationale
G-Les créations de nouvelles formes d’organisations
H- L’avènement de la démocratie transgénérationnelle
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II- Huit séries de moyens pacifiques :
A- Les interdictions des recherches sur les armes de destruction massive
B- L’application des traités existants et les conclusions de nouveaux traités de
désarmement
C- Les suppressions des ventes d’armes
D- La création d’une sécurité collective
E- L’avènement de ministères du désarmement
F- La consécration du droit à la paix dont le droit à la sécurité
G- La protection de l’environnement et les conflits armés
H- Le développement tous azimuts d’une éducation à la paix
III-Huit séries de moyens écologiques :
A-Des programmes massifs d’accès à l’eau douce et à l’assainissement
B-Des transitions énergétiques rapides et massives
C –Des remises en cause décisives d’activités polluantes
D- Une protection radicale de la biodiversité et une agriculture écologique
E- Des réparations de régions gravement dégradées
F-De nouvelles conventions et des principes opérationnels de droit de
l’environnement
G- Des moyens juridiques et des moyens généraux de protection à créer et à
développer
H- Des créations massives d’emplois
Et même une neuvième série essentielle :
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I-Un ralentissement déterminant de l’explosion démographique mondiale
IV-Huit séries de moyens justes :
A-La réalisation de conditions de vie dignes
B-Les annulations des dettes publiques
C- La subordination du libre-échange, le développement du commerce
équitable
D-Des formes d’économie plurielle remettant en cause la primauté de
l’argent et l’omniprésence de la compétition
E-Des fiscalités justes, des salaires justes, des retraites justes
F-Des créations et des redistributions de fonds internationaux
G- Des créations massives d’emplois d’utilité sociale , écologique et pacifique
H- La reconquête du temps, la réduction du temps de travail.
Quatre types de propositions reviennent souvent :
Nous en appelons souvent à la création de nouveaux fonds internationaux pour
l’environnement, la paix, la justice, la démocratie. Ce ne sont pas des remèdes
miracles mais ils sont absolument nécessaires, ils constituent des indicateurs
significatifs des remises en cause de logiques productivistes.
Nous en appelons souvent à la conclusion de nouvelles conventions
internationales pour l’environnement, la paix, la justice, la démocratie. Le
multilatéralisme, pas plus que les Etats, n’est un remède miracle mais, à ce jour, il
constitue une chance plutôt que l’unilatéralisme, plutôt que les forces du
marché mondial, plutôt que les marchés financiers livrés à eux-mêmes. Certes
çà n’est pas parce que des Etats concluent une convention que problèmes drames
et menaces sont réglés dans un domaine. Encore faut-il que le contenu de la
convention ou du traité soit consistant , que le texte ensuite soit appliqué et que
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d’autres domaines voient, eux aussi, des remises en cause en termes de moyens
viables.
Nous en appelons souvent aux actions de « la base », elles demeurent
essentielles et en elles-mêmes et pour inspirer, anticiper ou contribuer à mettre
en oeuvre des changements étatiques et interétatiques.
Nous en appelons souvent aux remises en cause interactives de plusieurs
domaines, ainsi par exemple les créations d’emplois dans l’environnement et
les reconversions d’emplois et de dépenses dans un désarmement pour la paix.
C- Que répondre aux objections les plus fréquentes relatives à ces
propositions ?
1-Vos articles sont trop longs !
C’est vrai mais il vous est possible d’y remédier.
L’auteur en a bien conscience. Mais il ne peut s’empêcher d’approfondir certaines
synthèses… et les pages défilent.
C’est un peu long parce que si l’on veut essayer de penser on entre dans la
complexité et l’incertitude. « Penser c’est dialoguer avec la complexité et
l’incertitude » écrit Edgar Morin.
Mais, on le sait, il est fréquent et heureusement plus facile de lire de petits
passages choisis à partir de titres et de sous-titres. Ou de parcourir simplement les
plans généraux.
2-Tout çà c’est de l’utopie !
Oui , mais de l’utopie créatrice.
René Dumont avait appelé son grand ouvrage « L’utopie ou la mort ! »(Seuil,
1973.) Il ne pouvait mieux dire. Si le productivisme n’est pas remis en cause ses
logiques terricides et humanicides ne s’arrêteront qu’avec la disparition de
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l’humanité et d’une large partie du vivant. Il faut donc un bouleversement
gigantesque et radical .
Ces articles relèvent d’un projet de transformation radicale du système
mondial dans lequel s’est embarquée et se trouve embarquée l’humanité. Cette
transformation se situe dans une analyse prospective en rupture profonde avec la
société mondiale existante.
Mais il ne s’agit pas d’une utopie abstraite, celle de voeux pieux, celle des
nuages. On rêve, et on en a heureusement le droit , mais rien ne change.
Il s’agit ici d’une utopie concrète, créatrice, c’est-à-dire qui propose de
prendre les moyens de se réaliser.
Cette utopie créatrice veut penser des moyens conformes aux finalités
avancées, celles de la démocratie, de la paix, de l’environnement et de la
justice.
3-C’est un discours déconnecté des rapports de forces !
Non, les rapports de forces sont très présents.
Nous partons souvent des dominations, nous analysons des stratégies, des
résistances.(Voir nos articles sur ce blog « Les résistances. »)
Nous avons conscience bien sûr du fait qu’il faut soulever des montagnes.
Nous savons également que les domaines clefs à changer, c’est-à-dire le marché
mondial, les marchés financiers, la techno science , sont aussi ceux dans lesquels
existent les acteurs les plus puissants.
4-C’est une analyse hors sol, on ne sait pas de quel territoire vous parlez !
De tous les territoires.
Nous en appelons aux actes à tous les niveaux géographiques. Ainsi le local, le
régional, le national, le continental, l’international.
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Certes il y a des territoires qui ont plus de poids que d’autres mais tous ont une
importance.
Parfois nous précisons le territoire, d’autres fois nous renvoyons à plusieurs
territoires.
Il peut arriver que nous ne précisions rien, ce qui donne, reconnaissons le,
effectivement une impression de flou.
Mais en fin de compte tous les territoires sont concernés .Et les responsabilités
prises par les uns et les autres, par exemple de villes et de régions, par exemple de
continents, peuvent surprendre dans l’avenir et, espérons le, dans le bon sens, celui
des remises en cause.
5-Comment y voir plus clair dans ces multiples décisions ?
-Nous pensons que le schéma général de développements déjà en route et de
déclenchements nouveaux des moyens pour un monde viable serait et sera
probablement le suivant :

  • DES RESISTANCES ET DES PRATIQUES ALTERNATIVES DE PLUS EN PLUS NOMBREUSES A » LA BASE », par des personnes, des associations, des mouvements, d’autres acteurs , cela sous
    les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques productivistes
    humanicides et terricides,
  • DES DISCOURS , DES REFORMES ET QUELQUES REMISES EN CAUSE, D’IMPORTANCES TRES VARIABLES , AUX « SOMMETS » des différents niveaux géographiques, sous les pressions et des catastrophes et de la base,
    -DES FISSURES « AU COEUR » DES LOGIQUES DU PRODUCTIVISME , celles des marchés
    financiers, du marché mondial, de la technoscience…sous les pressions et des
    catastrophes et de la base et du sommet , PEUT-ETRE , AUSSI, L’ARRIVEE DE  » L’IMPROBABLE » (voir D-3 ci-dessous) …
    6-C’est une liste où de petites remises en cause se trouvent avec les plus
    grandes !
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    C’est vrai, nous avons fait ce choix.
    Il y avait le risque de ne plus distinguer les remises en cause gigantesques et les
    petites réformes.
    Nous avons cependant mis l’accent sur les premières en ne négligeant pas pour
    autant les secondes.
    Le local correspond d’ailleurs souvent non seulement à la base mais peut prendre
    une grande ampleur et devenir même international.
    Tous les acteurs ont des remises en cause à mettre en oeuvre, dans des
    proportions très variables et avec des responsabilités très variables : Etats,
    organisations internationales et régionales, organisations non gouvernementales,
    entreprises, firmes multinationales, collectivités territoriales, réseaux scientifiques
    et technologiques, enfin les acteurs humains c’est-à-dire les personnes ,les peuples,
    l’humanité(générations passées qui ont le droit à la préservation du patrimoine
    culturel mondial, générations futures qui ont le droit que nous leur laissions des
    marges de manoeuvres pour choisir ce qu’elles voudront être, générations présentes
    qui ont droit à une société humainement viable sans compromettre les droits des
    autres générations).
    Ainsi « L’humanité doit avoir des droits faute de quoi les hommes perdront les
    leurs » écrivait René-Jean Dupuy, (« La clôture du système international », puf,
    1989).Comment passer des intérêts nationaux (ceux de chaque Etat) aux
    intérêts communs (ceux des Etats et de la société civile internationale) puis à
    l’intérêt commun de l’humanité ?
    Les droits de l’homme, des peuples, de l’humanité, du vivant, ne doivent-ils
    pas s’interpeller les uns les autres, s’appuyer les uns sur les autres, s’incliner
    les uns vers les autres?
    7-Comment les propositions se dérouleront-elles dans le temps ?
    L’auteur ne peut pas répondre à cette question.
    En effet de multiples variables interviennent et interviendront : hasards,
    nécessités et volontés, donc pour l’instant une pluralité de possibles.
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    Ainsi des catastrophes activant des remises en cause, ainsi des résistances fortes ou
    faibles et pour changer les choses et pour ne pas les changer, ainsi les interventions
    de tel ou tel acteur…
    Par contre les propositions sont pensées sur les courts, moyens, longs et très
    longs termes.
    8-Et après ces quatre listes de l’ordre de 600 propositions « au final qu’est-ce
    qu’on fait ? »
    « Et au final on fait quoi? »
  • Le « final » on ne le connait pas. Il a peu de temps pour se réaliser. De l’ordre de
    quelques décennies( ?) où des marges de manoeuvres existent , puis quelques
    décennies( ?) où elles deviendront de plus en plus réduites.
    -« Au final » çà n’est probablement pas le grand soir mais des grands soirs et des
    petits matins.Nous avons précisé quels étaient les circuits des luttes en début de
    chaque article (interactions entre les bases, les sommets et les complexes du
    productivisme).
    -« Au final » il n’y a pas de remède miracle mais un ensemble de mécanismes et de
    contre-mécanismes auxquels participent les acteurs à tous les niveaux
    géographiques.
    -« Au final » aujourd’hui personnellement et à travers différents lieux (par exemple
    associations et mouvements, familles, amis, site, blog, vie quotidienne…) pour
    savoir où on en est on peut écrire quatre mots les uns sous les autres : démocratie,
    justice, écologie, paix,
    et en face de chacun on met trois colonnes : « Mes parts de reproductions », « Mes
    entre les deux », « Mes parts de ruptures ». C’est le genre de bilan qui appelle en
    général à la modestie…mais peut « relancer » pour « agir  » dans tel lieu plutôt que
    dans tel autre et si besoin autrement.
    On peut aussi construire le même tableau plus collectif d’un territoire, par exemple
    une ville, ou d’une profession ou d’un groupe de personnes…
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    -Un mot fort de cette interpellation c’est le « on ». Plenel et d’autres avec lui ont
    une expression différente et beaucoup plus forte : « Dire nous ». ( Edwy Plenel ,
    « Dire nous. Contre les peurs et les haines, nos causes communes . »Don Quichotte
    Editions, 2016.)
    Pour l’heure il faut avoir confiance dans des mouvements de jeunes, passés,
    présents et à venir, en résistance contre le réchauffement climatique, il faut les
    soutenir, ils ne suffiront pas mais sont essentiels.
    Et puis, bien sûr, de nouvelles pratiques de citoyens, citoyennes , d’associations,
    de mouvements, de villes , de villages…
    Avec les uns et les autres si quelques Etats se tournaient, sous la pression de
    populations, vers des paradis fiscaux pour les remettre en cause, se tournaient aussi
    vers une véritable taxation des transactions de change et vers un début de remise
    en cause des dépenses militaires, il est probable alors qu’une fissure structurelle se
    produirait.
    En un mot « Et maintenant on fait quoi? » On fait naitre sa révolte, on fait vivre sa
    révolte, on partage sa révolte. Pendant 42 ans à la fin de la dernière minute de
    chaque enseignement sur les grands tableaux des amphis j’écrivais : « Il n’y a
    d’humanisme que celui des hommes révoltés. »(Camus).
    D- Comment se resituer par rapport à différentes analyses ?
    1- Le choix de la prospective et non pas de la prophétie ou de la prévision
    La prospective permet de se situer par rapport à une pluralité de possibles .Elle
    peut être opérationnelle et dans les théories et dans les pratiques personnelles et
    collectives , c’est une heureuse compagne.
    L’analyse a voulu clairement choisir un des trois types de discours qui suivent.
    Il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-àdire
    qui n’admet pas du tout le doute, çà n’était pas notre choix.
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    Il y a ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours
    qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec
    telle ou telle évolution, çà n’était pas non plus notre choix.
    Enfin il y a ceux et celles, dont nous sommes, qui ont choisi une intervention
    fondée sur la prospective c’est-à-dire sur un mélange de hasards, de nécessités et
    de volontés, dans des proportions variables, discours qui admet donc une
    pluralité de possibles. Les hasards et les nécessités nous laissent peu de prises, mais
    les volontés sont là. Ce qui ne veut pas dire qu’elles aussi n’évoluent pas dans des
    marges de manoeuvres.
    2- La pédagogie de la catastrophe
    La pédagogie de la catastrophe n’est pas un remède miracle, elle n’est pas non plus
    une illusion tous azimuts.
    La catastrophe n’est pas vertueuse pédagogiquement en elle-même, on peut
    en tirer un peu, beaucoup ou pas du tout les leçons.
    Ainsi certains pensent que les leçons , celles d’une sécurité renforcée, ont été tirées
    des catastrophes nucléaires de Tchernobyl (1986) et de Fukushima(2011).
    D’autres , au contraire, dont nous sommes, pensent que de véritables plans face à
    ce type de catastrophes devraient voir le jour et qu’une sortie rapide du nucléaire
    est vitale du point de vue de la santé, de l’ écologie et des finances.
    La pédagogie des catastrophes pense et agit en aval pour prendre en compte les
    effets des drames, elle pense et agit en amont pour s’attaquer aux causes des
    drames.
    Cette pédagogie des catastrophes on la retrouve dans l’article de l’auteur sur ce
    blog : « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. »
    (Voir aussi Actes du colloque international, Les catastrophes écologiques et le
    droit, échecs du droit, appels au droit, sous la direction de Jean- Marc Lavieille,
    Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2012.)
    3- « L’arrivée de l’improbable ? »
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    Terminons enfin par une surprise, celle d’une analyse peu connue, celle de «
    l’arrivée de l’improbable. »
    -L’improbable peut survenir
    Cette idée lumineuse est, une fois de plus, celle en particulier d’Edgar Morin qui
    l’exprime souvent. «(…) Le pire n’est pas sûr, l’improbable peut advenir(…) »
    Ce penseur prend, entre autres, l’exemple du grand tournant de la Seconde guerre
    mondiale, la bataille de Stalingrad qui, le 2 février 1943, voit la victoire de l’Union
    soviétique sur l’Allemagne nazie.
    Nous pourrions prendre aussi l’exemple de la chute du mur de Berlin du 9
    novembre 1989.
    Certes les premiers coups de butoir avaient vu le jour bien avant, dans les
    résistances de Hongrie en 1956 et de Tchécoslovaquie en 1968, grâce aussi aux
    dissidents soviétiques et à la politique d’ouverture à l’Est de l’Allemagne de
    l’Ouest.
    Mais l’hypothèse de « La » grande cause de la détente est une nouvelle équipe,
    celle de Gorbatchev, arrivant au pouvoir à Moscou en mars 1985, qui veut alléger
    le poids de la course aux armements ce qui permettrait de dégager des marges de
    manoeuvres militaires, économiques, politiques.
    La détente se met en route à travers de gigantesques changements structurels en
    Union soviétique et dans les pays de l’Est , elle prépare la fin des blocs et les
    grandes retrouvailles Est- Ouest.
    En septembre 1989 la Hongrie décide d’ouvrir sa frontière avec l’Autriche et le 10
    septembre 10.000 allemands de l’Est vont en RFA.C’est en octobre 1989 que 8000
    réfugiés Est allemands, venant de Prague et de Varsovie, arrivent en Allemagne de
    l’Ouest à bord « des trains de la liberté ». Le 9 novembre 1989 les autorités
    d’Allemagne de l’Est décident l’ouverture de la frontière, les allemands se
    déplacent librement.
    On peut dire des résistants non-violents des peuples des pays de l’Est « Ils ne
    savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
    Le 9 novembre 1989 c’est la chute du mur de Berlin, M. Gorbatchev écrira : «
    L’histoire est sortie de ses gonds », expression très forte. F. Mitterrand affirmera «
    16
    Comme un fleuve entre dans son lit, l’Europe est rentrée dans son histoire et sa
    géographie ».
  • Quels caractères devrait avoir l’improbable ?
    Certains insisteront sur un caractère plus ou moins imprévu (voire imprévisible ?)
    de l’improbable. Il est donc inutile, dérisoire, vaporeux d’épiloguer dessus.
    Nous pensons au contraire qu’il peut être intéressant de le faire et qu’on peut
    toujours imaginer qu’il voit le jour de telle ou telle façon, à travers tel ou tel
    moyen.
    Nous pensons qu’il devrait être volontaire , même s’il n’est pas exclu qu’il
    parte cependant de l’involontaire.
    Pourquoi volontaire ? Prenons l’exemple de la crise du coronavirus à partir de
    février 2020.Elle a vraisemblablement pour cause profonde le peu de place laissé
    par l’homme à la nature et l’effondrement de la biodiversité qui a suivi.
    Ainsi à partir de logiques du productivisme se produisent des effets involontaires :
    des pandémies. Il est très vraisemblable qu’une fois la crise passée le productivisme
    continue dans ses logiques , à quelques exceptions près dans tel ou tel
    domaine ,ainsi celui des relocalisations de certaines productions par exemple. Mais
    il ne s’agit pas de remises en cause volontaires du productivisme lui-même qui
    reprend son cours.
    -D’où l’improbable pourrait-il venir ?
    Nous pensons que l’improbable, pour être déterminant, devrait se produire
    dans un lieu essentiel de la puissance du système productiviste.
    Il n’est cependant pas exclu qu’il parte d’une simple fissure du système et
    devienne rapidement une fracture puis une remise en cause gigantesque.
    Pourquoi un lieu privilégié de la puissance de ce système ? Parce que, même si les
    autres domaines ont leur place dans les remises en cause, ce sont les domaines
    17
    scientifiques, techniques et financiers qui sont déterminants, qui constituent
    « le coeur » du productivisme. Nous l’avons montré il y a trente deux ans dans
    deux ouvrages sur la course aux armements (« Construire la paix », éditions La
    Chronique sociale,1988), comment elle fonctionne avec ce « coeur des
    mécanismes » et tout le reste constitué par cette « armature des mécanismes »,à
    savoir les rouages politiques, idéologiques, psychologiques, éducatifs,
    institutionnels, militaires.
    Le financier fait donc partie du coeur du productivisme, en particulier les paradis
    fiscaux.
    -Une possibilité de l’improbable, laquelle ?
    Peut-être l’un des lieux les plus puissants et secrets du productivisme ? La
    soixantaine ( ?) (entre 25 et 60 selon les listes établies) de paradis fiscaux de ce
    système autodestructeur ?
    Les sommes sont vertigineuses . Selon une étude publiée en 2012 par le groupe de
    pression Tax Justice Network, entre 21.000 et 32.000 milliards de dollars, (soit
    17.000 à 25.500 milliards d’euros), continueraient à être dissimulés dans les zones
    défiscalisées du globe. Difficilement imaginables, ces montants représentent une
    somme supérieure au PIB combiné des États-Unis et du Japon…En 2020 on trouve
    des estimations de l’ordre de 30.000 à 70.000 milliards de dollars, sommes
    titanesques.
    Dans l’Union européenne , environ 1000 milliards d’euros «perdus chaque année.»
    En France, entre 30 à 60 milliards d’euros de manque à gagner chaque année .Dans
    un livre publié en 2012, Antoine Peillon chiffrait à 600 milliards le montant des
    avoirs français dissimulés à l’étranger, dont environ 250 milliards détenus par des
    particuliers et le reste par des entreprises.
    -Sous quelle forme pourrait se dérouler cet improbable ?
    S’il était involontaire on peut imaginer différents types de scénarios mais ils ne sont
    pas évidents. Par exemple on peut penser qu’une épidémie ne suffirait pas à
    provoquer une telle remise en cause pensée et organisée.
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    S’il était volontaire on peut penser qu’il se produirait dans plusieurs paradis
    fiscaux ,cela de l’intérieur et /ou de l’extérieur, par des coups portés venant
    d’Etats , d’ONG, d’organisations internationales et régionales, de tribunaux et de
    citoyen(ne)s…voire de certaines banques( ?).
    Ne peut-on pas peut penser que de petites remises en cause (listes noires, débuts de
    formes de transparences ) de ces paradis correspondraient ou ont correspondu à de
    premiers coups de butoirs, les véritables remises en cause faisant ensuite boules de
    neige ou… boules de paradis fiscaux ?
    Le capitalisme financier serait ainsi attaqué dans une de ses forteresses, comme
    dans ces films où le monstre des monstres est finalement terrassé.
    La suite restant essentielle à organiser, celle de ces sommes redistribuées vers les
    besoins criants.
    -Le miracle et le réel.
    Nous ne surveillons pas l’arrivée de l’improbable comme le Messie ou le Grand
    Remède Miracle mais comme ce qui pourrait être une heureuse possibilité qui
    verrait le jour.
    Pourtant , si besoin était, un proverbe nous rappelle aux luttes : « En attendant
    l’eau du ciel arrose toujours. »
    E- Quel est l’état présent de l’ esprit de l’auteur de ces écrits ?
    Penser aux générations immédiatement à venir.(1)
    Se demander qu’elle est « La » question la plus vitale aujourd’hui.(2)
    Mettre en avant la pensée de Gramsci sur l’intelligence et la volonté.(3)
    En appeler à un dialogue imaginaire entre des auteurs préférés sur le monde à
    venir.(4)
    1-Les trois fois trois générations
    -Nous avons reçu de trois générations passées ( 1850 à 1945 environ), un
    environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en
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    marche sous les logiques du productivisme (en route en fait depuis le XVème
    siècle) et de l’anthropocène en route voilà près de 170 ans à travers les explosions
    des énergies fossiles et de la démographie.
    -Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ), ont produit un
    environnement pour une large part détruit et plongeant dans des apocalypses
    écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides, en particulier à
    travers le réchauffement climatique et les atteintes à la diversité biologique.
    -Les trois générations qui ont commencé à voir le jour et qui viennent (2030 à
    2110 environ) se trouvent donc devant une question vitale : cette veille de fin
    des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés, quels moyens, quelles
    marges de manoeuvre, se transformer en une forme d’aube d’humanité ?
    2-« La » question des questions sans réponse à ce jour ?
    Nous pensons qu’il est peu probable que dure longtemps (au-delà de la fin du
    siècle ?) une situation intermédiaire, faite d’apocalypses et de tentatives pour en
    sortir.
    La question des questions apparait donc clairement :
    les quelques générations futures qui arrivent auront-elles assez de temps pour
    que ces moyens viables voient le jour ?
    Les volontés ? Elles peuvent les avoir .
    Les moyens ? Ils existent , il faut s’en emparer.
    Les marges de manoeuvres ? Celles-ci vont-elles longtemps exister ? En 2020
    nous pensons qu’on ne peut pas répondre à cette question.
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    Si ça n’est pas le cas l’humanité plongera dans des formes de fin des temps, des
    horloges d’ apocalypses multiples sonneront…
    Si c’est le cas ce monde viable peut ouvrir une forme de nouvelle aube
    d’humanité…
    3-Le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté
    Plus que jamais la pensée d’Antonio Gramsci devrait être présente dans les
    pensées, les actes et les projets des résistances : « Il faut avoir à la fois le
    pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. »
    Le pessimisme de l’intelligence permet d’avoir les yeux, les esprits et les coeurs
    ouverts sur des logiques profondes terricides et humanicides.
    L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains, les esprits et les coeurs à
    l’ouvrage pour éviter l’irréparable.
    Avec nos forces et nos faiblesses, personnelles et collectives, ne faut-il pas faire
    en sorte que pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté
    marchent côte à côte,
    s’interpellent,
    se complètent,
    s’inclinent l’un vers l’autre ,
    deviennent un couple de combat ?
    4-Un dialogue imaginaire entre des auteurs bien-aimés peut-il nous aider ?
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    Tour à tour évoquons sur l’avenir du monde Jean Rostand , Albert Camus, Edgar
    Morin, Antonio Gramsci, Jacques Ellul…et Pierre Dac …
    « Il n’est pas plus insensé de s’abandonner à un espoir, celui de la survie de
    l’humanité, que de le repousser au nom d’un prétendu réalisme qui n’est que le
    consentement défaitiste au suicide de l’espèce. »(Jean Rostand)
    « J’ai toujours pensé que l’homme qui espérait dans la condition humaine était un
    fou et que celui qui désespérait des évènements était un lâche. » (Albert Camus)
    « Le désespoir révèle les limites de l’espoir et l’espoir les limites du désespoir.
    Mais le désespoir correspond à la face inerte de la réalité et l’espoir à l’action. Dans
    ce sens l’espoir est plus vrai que le désespoir. » (Edgar Morin)
    « Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté.
    »(Antonio Gramsci)
    « Lorsque n’existe aucun espoir raisonnablement acceptable l’espérance doit jouer.
    C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut commencer à espérer. »
    (Jacques Ellul)
    « Tant que l’espoir demeure au niveau de l’espérance il n’y a pas lieu de désespérer
    puisque rien de ce qui est fini n’est jamais totalement achevé tant que tout n’est pas
    totalement terminé. » (Pierre Dac).
    La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers
    drames en appellent à penser et à mettre en oeuvre ces moyens viables .
    Ces remises en cause , si les prochaines générations futures en ont le temps,
    verraient ainsi le jour.
    Si ces moyens viables , et d’autres allant dans ce sens, ne sont pas mis en
    oeuvre nous pensons que les fleuves de souffrances et de désespoirs grossiront
    encore.
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    Si l’avenir donne le jour à ces moyens viables, nous croyons que des
    ruisseaux de joies et d’espoirs chanteront.
    Et dans la rosée du matin ceux et celles qui nous suivront cueilleront alors des souffles du monde.