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Pour la création d’une organisation mondiale de l’environnement
Cette intervention a été présentée par l’animateur de ce site à la 3ème Réunion
mondiale des juristes et des associations de droit de l’environnement des
29,30septembre et 1er octobre 2011à Limoges. Elle a servi de base à l’une des
recommandations (n° 16 mise aussi sur ce site) faites par cette Réunion
mondiale à la Conférence des Etats à Rio en juin 2012.L’ensemble des
recommandations est sur le site du CIDCE (Centre international de droit
comparé de l’environnement).
Il était malheureusement prévisible que cette Conférence de Rio en appelle à
un simple « renforcement du Programme des Nations Unies pour
l’environnement »( PNUE), la création de l’OME n’a donc, pour l’instant, pas vu
le jour, elle viendra pourtant dans les prochaines années, le plus tôt sera le
mieux.
INTRODUCTION
« Le statu quo n’est plus une option. Parmi les options de réforme de la
gouvernance internationale environnementale figure l’Organisation mondiale
de l’environnement », c’est le Directeur exécutif du PNUE qui parle ainsi le 27
février 2010.
Le rappel de l’histoire de la gestation de l’idée et du projet n’est pas inutile
pour constater qu’elle avance trop lentement mais sûrement : elle avait été
soutenue par des auteurs et des ONG, puis évoquée à la Conférence de Rio,
relancée par la France en 2001, et à la Conférence de Johannesburg en 2002,
puis avec le Brésil en 2009.A Johannesburg les chefs d’Etat et de gouvernement
avaient demandé la mise en oeuvre des recommandations adoptées à
Carthagène à la septième session extraordinaire du PNUE en février 2002 et
relatives au renforcement de cet organe subsidiaire qu’est le PNUE créé par
l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1972.
En 2003, à l’initiative de la France, voit le jour un groupe de travail informel des
représentants de vingt six pays, il remet ses travaux en mars 2005 sur « la plusvalue
que pourrait apporter la transformation du PNUE en ONUE »[1].En mars
2004 est adoptée une « position commune des ONG au sujet d’une OME »,
elles l’appellent de leurs voeux.[2]
Le PNUE en 2009 crée un Groupe consultatif chargé de présenter une série
d’options pour améliorer la gouvernance de l’environnement. Les délégués de
58 pays se réunissent ainsi à Belgrade en 2009, à Nairobi et Espoo en 2010 puis
fin 2010 à Helsinki. Le rapport de ce Groupe consultatif amène le Conseil
d’administration du PNUE, réuni du 21 au 24 février 2011 en Forum ministériel
mondial sur l’environnement rassemblant 144 ministres, à transmettre
formellement au Comité préparatoire de la Conférence de Rio de juin 2012 les
recommandations ministérielles sur le renforcement de la gouvernance de
l’environnement qui « identifie notamment la création d’une OME comme
une option privilégiée ».
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Les raisons qui vont dans le sens de la création d’une OME peuvent se
ramener à quatre : d’abord c’est l’environnement qui cherche son institution, la
dégradation mondiale écologique est telle qu’il faut que cette institution soit à
la hauteur des enjeux. En rester aux améliorations des coordinations et aux
coordinations des améliorations serait écologiquement et humainement
dramatique, politiquement irresponsable, juridiquement lamentable.
Ensuite les institutions existantes souffrent de nombreuses insuffisances : la
gouvernance est faible, fragmentée, elle manque de cohérence, d’efficacité, la
prise en compte des besoins des pays en développement souffre de graves
insuffisances, les lacunes sont évidentes en matière d’expertise et d’alerte, les
sources de financement sont éparpillées et surtout dérisoires par rapport aux
besoins criants.
Troisième raison : on peut estimer que le PNUE a une structure qui n’est pas
assez démocratique, un mandat qui n’est pas assez large, des pouvoirs et des
moyens trop faibles. Il mérite mieux qu’un renforcement qui ne ferait alors que
montrer l’impuissance de replâtrages. Arrivé à son terme le PNUE laissera
devant lui son enfant qui prendra la grande relève, celle des décennies
décisives du XXIème siècle, ainsi « meurt le grain quand s’annonce l’épi. »
La quatrième raison, dans l’état actuel des rapports de force, fait l’objet de la
part de certains d’un silence considéré comme nécessaire, elle concerne le
commerce international. Il y a trois façons de se situer : certains, partisans du
libéralisme économique, souhaitent une OME, sans organe de règlement des
différends, qui « faciliterait la libéralisation commerciale et l’accès des
exportateurs aux marchés étrangers, il n’y aurait plus qu’une seule et même
norme à satisfaire. »[3] D’autres, par exemple des ONG et différents auteurs,
constatent que « l’architecture institutionnelle est polarisée par le principe de
libre-échange, que l’environnement est relégué au rôle d’éventuel supplément
d’âme, et que l’OMC pénètre la sphère environnementale en assimilant les
biens environnementaux à de simples marchandises »[4], il faut donc un contre
poids puissant qui s’appellera l’OME, dotée elle aussi d’un organe de règlement
des conflits. D’autres, enfin, pensent qu’au moins dans un premier stade, étant
donnés les rapports de force, il ne faut pas vouloir tout immédiatement , si l’on
veut faire avancer sa création l’OME ne pourra pas, au départ, remplir ce rôle.
On notera aussi que seul le pilier environnemental du développement durable
n’a pas une institution forte, le pilier social a l’OIT, le pilier économique a
l’OMC, avec l’OME le développement durable reposerait ainsi sur ses trois
piliers.
Cette histoire de la gestation et ces raisons de la création de l’OME étant
rappelées, nous envisagerons tour à tour deux points, l’un relatif à une OME
qui serait à la hauteur des enjeux (Première partie), l’autre relatif au processus
juridique du passage du PNUE à l’OME (Seconde partie). Ce second point sera
évoqué plus rapidement que le premier, il est pourtant utile pour penser ce
passage que beaucoup perçoivent comme confus et flou, c’est une occasion de
lever des incertitudes et de donner plus de chances à l’OME.
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Première partie-Pour une Organisation mondiale de l’environnement à la
hauteur des enjeux.
Trois questions se posent, celle des structures de l’OME(I), de ses objectifs et
de ses missions(II), enfin de ses moyens(III). Nous distinguerons, pour chacune
de ces trois questions, d’une part les choix difficiles, probables et porteurs, et
d’autre part les choix plus difficiles, plus improbables et eux aussi porteurs
pour l’environnement, ces choix plus radicaux pourraient être faits par
exemple au bout de cinq années de fonctionnement de l’OME. Il ne s’agit pas
d’être timides ou tièdes mais de donner plus de chances à des choix radicaux
qui pourraient tomber comme des fruits mûrs et il faut aussi donner une
possibilité à l’OME de mieux se projeter dans le futur.
I- Les structures de l’OME
A- En premier lieu des choix difficiles, probables à court terme, et porteurs
pour la protection de l’environnement.
Quatre propositions exprimées ici :
1- L’OME (ce que n’est pas vraiment le PNUE) serait une organisation à
vocation universelle, c’est-à-dire avec près de 200 Etats membres ayant chacun
une voix.
2- L’OME devrait ensuite tenir compte d’une plus grande équité entre les Etats
du Nord et ceux du Sud, cela dans l’ensemble des structures de l’organisation
(représentation des pays du Sud dans l’ensemble des structures, fixation
démocratique des agendas, soutien à la formation et à la participation active
dans les négociations…) L’idée serait que l’OME ait des pratiques remarquables
de démocratie écologique interétatique.
3- L’OME serait dotée des organes classiques d’une institution spécialisée des
Nations Unies (A.G, Conseil exécutif, Secrétariat dirigé par un Directeur
exécutif, Comités d’experts,Fonds pour l’environnement,Délégations
régionales…).L’originalité pourrait être mise ici sur les ONG et leurs pouvoirs
consultatifs qui serait particulièrement participatifs,il faudrait s’inspirer des
dispositions les plus intéressantes de certaines conventions, par exemple celle
d’Arrhus de 1998.
4- L’OME devrait aussi s’impliquer dans la mise en oeuvre internationale des
instruments de participation des citoyen(ne)s à travers des conférences de
citoyens,une reconnaissance d’un droit de pétition,appuyés par des campagnes
internationales d’information. Concrètement l’OME disposerait, au sein du
Secrétariat, d’un service de promotion du droit à l’information, à la
participation et au recours et d’un service de promotion de l’éducation à
l’environnement en liens étroits avec les ministères de l’éducation nationale de
ses Etats membres. L’OME témoignerait ainsi du respect des principes de la
démocratie environnementale.
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B- En second lieu : des choix très difficiles, possibles à moyen terme, porteurs
pour la protection de l’environnement.
Si l’on voulait aller plus loin dans une gouvernance mondiale plurielle, plus
démocratique ne faudrait-il pas mettre en oeuvre, par exemple au bout de cinq
ans, une nouvelle représentativité fondée sur deux bouleversements ?
1- Une composition plurielle qui reflèterait la diversité des acteurs concernés
par la gouvernance internationale de l’environnement. Aux côtés des Etats
seraient ainsi représentés des ONG, des collectivités territoriales, des
syndicats, des entreprises…
On pourrait alors élaborer un système par exemple de type OIT( tripartite avec
les représentants des Etats,des employeurs,des employés)mais qui serait
beaucoup plus large, il y aurait ainsi au moins six collèges :les représentants des
Etats,de la société civile internationale(ONG,syndicats), du monde
économique(entreprises), des organisations internationales et régionales,des
collectivités territoriales,enfin du monde des experts . Il s’agirait bien sûr de
penser leur représentativité, leur élection, leur poids dans la votation et les
processus de décision, cela pourrait être fait la cinquième année de
fonctionnement de l’OME.[5]
2- Second bouleversement : Une représentation symbolique des générations
passées et futures. Ce serait « une première » dans les organisations
internationales, elle pourrait prendre diverses formes que l’imagination
créatrice aiderait à trouver et, par exemple, avoir voix consultative.[6]On
pense parfois aux générations futures, rarement aux générations passées,
n’ont-elles pas droit à la protection du patrimoine mondial qu’elles nous ont
laissé ?
II-Les objectifs et les missions de l’OME
-A-Les objectifs de l’OMEdoivent être clairement exprimés, la gouvernance est
un moyen au service d’une fin.
1- La gouvernance mondiale de l’environnement, dont la responsabilité
relève de l’OME, a pour objectifs la protection de la nature et les luttes contre
les pollutions dans le respect des principes de la démocratie environnementale.
2- L’OME assure cette responsabilité dans l’intérêt des générations présentes
et futures, sans oublier le respect dû aux générations passées, elle le fait aussi
dans l’intérêt de l’ensemble du vivant.
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-B-Les missions de l’OME .C’est ici un élément fondamental pour la prochaine
Conférence de Rio. Nous distinguerons les onze premières fonctions pouvant
être déterminées dès le départ et, cinq ans après, si possible trois autres
fonctions.
1 En premier lieu : des choix difficiles,probables à court terme,porteurs pour
la protection de l’environnement
a-Première fonction : Déterminer les orientations stratégiques de la
protection de l’environnement. Il s’agirait de recommandations adoptées par
l’Assemblée générale de l’OME, avec une périodicité liée au caractère à court,
moyen ou long terme de ces orientations.
Celles-ci seraient déterminées en particulier à partir des rapports sur l’état
mondial de l’environnement produits par l’OME et à partir d’une grande
diversité des sources. L’AG de l’OME pourrait s’appuyer pour le long terme sur
les travaux d’un des services du Secrétariat qui se consacrerait à cette
prospective lointaine.
b- Seconde fonction : Renforcer la cohérence et l’efficacité des accords
multilatéraux sur l’environnement.
C’est ici un élément central, en effet on doit trouver un système qui, tout en
tenant compte de l’autonomie juridique des conventions, contribue fortement à
l’effectivité de chacune et de l’ensemble de ces conventions.
Comme chaque élément de l’environnement est à la fois spécifique et
interdépendant des autres, chaque convention a sa spécificité et elle est aussi
solidaire des autres qui ont besoin d’elle et dont elle a besoin.
A partir de ces limites (autonomie des conventions) et de ces exigences
(interdépendances) on pourrait mettre en place quatre séries de mécanismes:
Des coordinations générales : elles se présenteraient, sous la forme, par
exemple, d’une réunion générale par grand domaine déterminé, au moins une
fois tous les deux ans pendant une semaine, portant sur les échanges
d’informations et les pratiques de coordination de toutes les conventions. Ces
grands domaines déterminés pourraient être, par exemple 1- L’air et les
climats,2-Les eaux douces et le milieu marin,3-Les sols, les forêts, les paysages
et la biodiversité,4- Les déchets, les produits chimiques ,la radioactivité,les
activités dangereuses 5-Les conventions portant sur la responsabilité 6-Les
autres conventions ayant des liens avec
l’environnement(commerce,travail,habitat,conflits armés…).
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Chaque réunion rassemblerait les Secrétaires exécutifs des conventions, les
Présidents des Conférences des parties, les responsables des Comités
d’experts, un représentant d’ONG par convention, les responsables
d’organisations internationales et régionales impliquées dans le domaine
considéré. Elle aurait en sa possession les informations et les propositions de
participants de terrain, celles des fonctionnaires nationaux réunis avant elle.
Cette réunion préparatoire de la réunion générale serait celle des principaux
responsables de ministères (environnement, industrie, agriculture…) des Etats
parties d’un domaine considéré (partage d’informations, difficultés, idées de
coordination), elle aurait lieu peu de temps avant la réunion générale dont elle
constituerait un atout essentiel.
Des coordinations renforcées verraient le jour dans deux grands domaines
déterminés. Les critères de choix de ces domaines devraient être d’abord la
gravité des situations environnementales, ensuite une couverture
géographique si possible de tous les continents, l’importance de l’ensemble des
conventions en ce domaine, enfin une certaine volonté au départ de travailler
ensemble
On pourrait par exemple choisir un domaine relatif aux luttes contre les
pollutions, ainsi les zones côtières ou les mers régionales, et un domaine
relatif à la protection de la nature, par exemple la protection des paysages ou
la protection de la faune sauvage.
La coopération renforcée reposerait sur trois séries de moyens : il s’agirait
d’abord de réunir les principaux responsables des Secrétariats des conventions,
au moins une fois par an, pour essayer de dégager une ou deux propositions
faites par la suite aux Conférences des Etats parties, propositions relatives à
l’effectivité des conventions du domaine considéré.
Il s’agirait ensuite de concentrer un certain nombre de moyens de l’OME sur ce
type de coopération renforcée, sans pour autant hypothéquer l’ensemble des
autres missions de l’OME.Par exemple l’OME contribuerait à la diffusion
d’informations aux populations concernées par ce domaine .Par exemple l’OME
contribuerait à la formation de différents acteurs, en particulier de juges et de
représentants d’ONG, dans ces deux domaines.
Il s’agirait enfin d’organiser, une fois tous les trois ans, un forum général des
conventions considérées dans chacun des deux domaines, forum réunissant les
représentants des différents acteurs, forum qui déboucherait sur des
recommandations faites à l’Assemblée générale de l’OME .
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L’AG de l’OME ferait le bilan de cette coopération renforcée et pourrait
décider de l’étendre à d’autres domaines.
Des mises en commun : dans certains cas, déterminés par l’AG de l’OME, il
pourrait y avoir une mise en commun de certaines activités transversales, ainsi
des collectes d’informations, des analyses scientifiques, des transferts de
technologie…
Des fusions : L’AG de l’OME pourrait proposer aux Etats parties de plusieurs
conventions de fusionner,cela uniquement s’il était évident que ce processus
contribuerait clairement à une protection nettement supérieure de
l’environnement. La décision serait prise par accord entre les deux Conférences
des Etats parties. La nouvelle convention serait ensuite ouverte aux signatures
et aux ratifications.
c-Troisième fonction que nous évoquons rapidement : Gérer un certain
nombre de Secrétariats de conventions et participer au renforcement des
moyens de tous les Secrétariats des conventions.
Faut-il prendre en charge les secrétariats qu’abritait le PNUE ? Faut-il
accueillir d’autres secrétariats ? L’AG devrait dégager une politique claire face
à différentes situations en ayant certainement pour critère prioritaire les
intérêts de la protection de l’environnement.
En ce qui concerne le renforcement des personnels et des moyens financiers de
l’ensemble des secrétariats, l’AG de l’OME ne doit-elle pas sur ce point avoir
une politique de soutien, soutien massif, constant et décisif ?
d- Quatrième fonction simplement évoquée : Renforcer l’expertise
scientifique,l’alerte précoce et l’information[7].
C’est certainement un des points sur lesquels l’OME agirait contre les inégalités
entre pays et entre régions du monde.
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e-Cinquième fonction : Renforcer la gouvernance au niveau régional .
L’OME ne devrait-elle pas non seulement avoir des bureaux régionaux
renforcés mais aussi , mettre en place des Conférences régionales
environnementales réunissant les acteurs des conventions régionales
environnementales et les acteurs d’ organisations régionales liées en tout ou
partie à l’environnement.
f- Sixième fonction : Contribuer à répondre aux besoins spécifiques des pays
en développement.
Cette contribution de l’OME pour être porteuse devrait reposer sur trois
éléments :
le respect de la détermination par chaque Etat membre de sa politique
environnementale et de développement durable,le fonctionnement
démocratique de l’OME, les engagements environnementaux et financiers des
pays développés.
Le renforcement des capacités d’une OME démocratique contribuerait à établir
une confiance des pays en développement.
Mais il convient également de mettre en oeuvre d’importants moyens
répondants à leurs besoins spécifiques. Ainsi à titre indicatif : le renforcement
de leur capacité scientifique, les soutiens à des associations de chercheurs de
ces pays, la prise en charge de certains coûts liés aux économies d’énergie,au
tourisme durable,le soutien à l’intégration de mesuresenvironnementales dans
les politiques nationales,le renforcement des capacités et des soutiens aux
technologies propres,l’aide pour transcrire et mettre en oeuvre les dispositions
des conventions dans le droit national
g-h- Septième et huitième fonctions : Prendre l’initiative des créations d’une
Organisation mondiale d’assistance écologique(OMAE) et( huitième fonction)
prendre l’initiative de la création d’une Organisation mondiale pour les
déplacés environnementaux(OMDE)et garder des liens étroits avec ces deux
organisations mondiales.
Certains souhaiteront que l’OME aborde ces questions à un autre stade, à une
autre période, plus tard. D’autres penseront que ces questions ne sont pas de
sa compétence. Il est probable que les évènements donneront tort aux uns et
aux autres.
Les catastrophes écologiques naturelles et/ou humaines vont très
vraisemblablement semultiplier et s’aggraver tant que leurs causes sont
toujours présentes. Il est probable qu’elles seront accompagnées par des
déplacés environnementaux de plus en plus nombreux.
Il est vital que l’OME contribue à relever ces défis. Elle en a le devoir, elle doit
en avoir les moyens.
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Le plus porteur serait certainement qu’elle centralise toutes les recherches et
propositions et qu’elle prépare deux projets de conventions, l’un sur la création
d’une Organisation mondiale d’assistance écologique, l’autre sur une
Organisation mondiale des déplacés environnementaux en liens étroits avec
une Convention sur le statut international des déplacés environnementaux.
Enfantée grâce au travail en amont du PNUE, l’OME donnerait, à son tour, le
jour à deux créations juridiques, deux conventions vitales pour les générations
présentes et futures.
.i-Neuvième fonction : Prendre l’initiative de l’élaboration de nouvelles
conventions universelles de protection de l’environnement.
Appliquer le droit existant est certes essentiel mais il est non moins essentiel
de combler des lacunes criantes dans différents domaines. L’OME centraliserait
les recherches et les initiatives, elle préparerait de façon particulièrement
ouverte (consultations d’ONG comprises) des projets de conventions soumis
ensuite aux Etats.
j- Dixième fonction : Mettre en oeuvre un mécanisme d’aide relatif à
l’application des conventions[8].
k-Onzième fonction : Contribuer à organiser une écofiscalité globale
mondiale.
2-En second lieu : une simple énumération des choix très
difficiles,possibles à moyen terme,pouvant être porteurs pour la protection
de l’environnement,choix correspondant à trois fonctions :
a- Mettre en place un mécanisme de règlement des conflits.
b- Représenter la nature comme patrimoine des générations présentes et
futures,être garante de ses besoins.[9]
c-Mettre en place un mécanisme de sanction basé en particulier sur la remise
en état.
Telles sont ces quatorze fonctions, mais elles seraient mises en oeuvre à travers
quels moyens ?
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III Les moyens de l’OME
A Les moyens financiers de l’OME
1-En ce qui concerne le PNUE d’ une part son budget dépend du budget général
de l’ONU, il assure le fonctionnement de cet organe subsidiaire et de ses
bureaux annexes,il est dérisoire puisque de l’ordre de moins de cent millions de
dollars par an.
D’autre part les actions entreprises par le PNUE ou par son intermédiaire sont
financées par le Fonds pour l’environnement mondial(FEM) alimenté par les
contributions volontaires des Etats,de l’ordre de cent cinquante contributions
rassemblant prés de deux cents millions de dollars chaque année.
2-En ce qui concerne l’OME,
a- d’une part le budget de l’OME de façon classique pourrait être basé
principalement sur des contributions proportionnelles aux capacités de
paiement des Etats membres ainsi que sur d’autres ressources classiques
(certaines activités, des emprunts…)On peut toujours penser qu’il n’y aura pas
d’augmentation significative par rapport au budget du PNUE,si l’on partait sur
cette idée l’OME ne pourrait pas avoir les moyens de ses missions. On devrait
au contraire avoir la volonté d arriver en quelques années à un budget de
l’ordre de celui d’une grande institution spécialisée dépassant le milliard de
dollars par an,dix fois plus que le PNUE.
b- D’autre part le Fonds de l’OME , à destination des opérations entreprises,
devrait être à la hauteur des enjeux.
Soit on en reste à des contributions obligatoires et/ou volontaires des Etats
membres, ainsi que celles d’autres acteurs qui resteraient à déterminer. Ce
serait une récession de la volonté.
Soit, en partant modestement du système précédent, on y ajoute peu à peu de
nouvelles ressources, devenant progressivement massives, fondées sur une éco
fiscalité globale et /ou sur une part des taxes sur les transactions financières.
On imagine mal ces ressources dégagées, elles ont été calculées par des
experts d’Etats et d’ONG, elles sont impressionnantes.
B Les moyens juridiques de l’OME
L’OME disposerait de trois types de pouvoirs juridiques :
1-Une activité normative faite d’actes juridiques variés (résolutions de
l’Assemblée Générale, accord de siège, élaboration du règlement intérieur,
adoption de mesures financières, création d’organes subsidiaires, autres actes
juridiques destinés à appliquer les principes et les règles contenus dans l’acte
constitutif, possibilités de conclure des traités avec des Etats et des
organisations internationales et régionales…)
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2-Des compétences opérationnelles pour l’assistance sous diverses formes aux
Etats, pour la représentation diplomatique, pour des actions sur le terrain.
3-Une compétence de contrôle par laquelle l’OME surveillerait l’application par
les Etats membres de leurs obligations découlant de l’acte constitutif, en
attendant qu’un jour elle ait un pouvoir de sanctions qui resterait à préciser.
C Les personnels de l’OME
Sur quelques années, pour répondre aux besoins, il est vraisemblable et
vivement souhaitable que le nombre de fonctionnaires du Secrétariat et des
bureaux régionaux de l’OME passerait de quelques centaines, comme le PNUE,
à plusieurs milliers, comme une grande institution spécialisée des Nations
Unies.
D Les autres moyens de l’OME
L’OME aurait bien sûr son siège à Nairobi, ce serait la première institution
spécialisée des Nations Unies dans un pays en développement, il aura fallu
attendre la seconde décennie du XXIème siècle. Les sièges régionaux seront
renforcés.
Les conférences à distance seraient parfois utilisées pour éviter des
empreintes écologiques trop conséquentes.
Mais comment pourrait se dérouler le processus juridique du passage du PNUE
à l’OME ?
Deuxième partie- La transformation juridique du PNUE en Organisation
mondiale de l’environnement
L’OME, institution spécialisée des Nations Unies(I), ne serait pas créée
parallèlement au PNUE mais par une transformation du PNUE, elle serait
accompagnée de quelques changements dans le système onusien(II). Ce
passage de l’un à l’autre a une certaine complexité mais est tout à fait
réalisable, un calendrier indicatif peut être avancé(III), cela avec de
gigantesques défis, ceux d’une gouvernance environnementale à la hauteur
d’enjeux vitaux.
I L’OME, une institution spécialisée des Nations Unies
A-Des exemples de changements dans le système des Nations Unies
1-Des situations variables. Ces différentes formes de changement se font par
un accord conclu entre l’ancienne organisation et les Nations Unies.[10]
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Telle ou telle organisation internationale d’avant 1945 devient institution
spécialisée (l’UPU créée en 1874 devient une institution spécialisée en 1948,
l’OIT créée en 1919 le devient en 1946, de même la FAO créée en 1943 le
devient elle aussi en 1946).
Une institution spécialisée peut changer de nom (l’Organisation consultative
de la navigation maritime de 1948 devient l’OMI en 1982).
Une organisation internationale devient une institution spécialisée (l’OMS
créée en 1946 le devient ainsi en 1948, de même l’OMPI créée en 1967 et qui
venait des Bureaux internationaux pour la protection de la propriété
intellectuelle de 1875, devient institution spécialisée en 1974.)
Une ancienne ONG de 1873 devient l’OMM en 1947 puis une institution
spécialisée en 1951.
2-Le cas de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel
(ONUDI) est le plus proche de la situation qui nous préoccupe par rapport à
l’OME.
En effet l’ONUDI était à l’origine, comme le PNUE, un organe subsidiaire de
l’Assemblée Générale des Nations Unies qu’elle avait créée par sa résolution
2152(XXI) du 17 novembre 1966 . Ensuite ce statut a été modifié par une
convention du 8 avril 1979 qui a transformé l’ONUDI en organisation
internationale autonome qui, à l’entrée en vigueur de cette convention, le 21
décembre 1985, est devenue institution spécialisée des Nations Unies.
B- L’initiative de la création de l’OME et ses fondements juridiques
1-L’initiative de la création d’une institution spécialisée relève de l’AG des
Nations Unies ou de son Conseil économique et social ( Article 60 de la
Charte),l’Article 59 affirme aussi « L’Organisation provoque,lorsqu’il y a lieu,des
négociations entre les Etats intéressés(…) ». Il parait logique que ce soit ici l’AG
puisque c’est elle qui avait créé le PNUE et, vu l’importance de la future
institution spécialisée, l’ensemble des Etats voudra participer à l’initiative. On
pourrait même imaginer que les deux organes le fassent l’un après l’autre pour
symboliser l’importance de cette création, ce serait conforme à l’Article
60(« L’Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil économique et
social (…) »), ce serait hautement symbolique si le Conseil était devenu entre
temps « Conseil économique, social et environnemental »des Nations Unies.
2-Les fondements juridiques de la création de l’OME reposent sur trois
éléments :
d’une part la Charte des Nations Unies,plus précisément le fait que,selon
l’Article 59 toute nouvelle institution spécialisée est créée « pour atteindre les
buts énoncés à l’Article 55 ».Or ces objectifs,même si on ne trouve pas
nommément le terme « environnement »(nous étions en 1945),englobent
celui-ci, par exemple dans la disposition du b. de cet Article55 puisqu’il vise «la
solution des problèmes internationaux dans les domaines
économique,social,de la santé publique et autres problèmes connexes(…).
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D’autre part le second fondement est constitué tout simplement par la
pratique constante des Nations Unies d’intervention en ce domaine à travers
conférences, déclarations, conventions, programmes, stratégies…
Enfin le développement durable, consacré et porté en particulier par les
Nations Unies , comprend deux piliers,le développement économique et le
développement social « indissociables et interdépendants »du troisième,la
protection de l’environnement.
C- Les implications juridiques de la création de l’OME
1-Les caractères essentiels des institutions spécialisées des Nations Unies
L’institution spécialisée est autonome, elle a ses propres objectifs, organes et
moyens, elle est régie par son acte constitutif, elle a la capacité d’accomplir
tous les actes de droit international (conclusion de traités avec les Etats et les
organisations internationales,présentation d’une réclamation,entretien de
relations diplomatiques,bénéfices des privilèges et immunités
diplomatiques,accord de siège avec l’Etat d’accueil).
Elle a la personnalité juridique internationale, ses attributions internationales
sont celles de son acte constitutif, enfin elle est rattachée aux Nations Unies à
la fois par l’initiative de la création et par l’accord de liaison.
2-L’accord de liaison entre l’OME et les Nations Unies
Il intervient après l’acte constitutif, il est conclu entre l’institution spécialisée et
le Conseil économique et social, il est ensuite soumis à l’approbation de
l’Assemblée générale des Nations Unies(Article 63).
Le régime de liaison crée une coordination qui passe par le Conseil lequel met
en oeuvre les recommandations de l’AG et assure celles de l’institution
spécialisée.
II L’OME et son arrivée dans le système onusien
Il faudra faire une analyse de toutes les institutions du système onusien, nous
ne poserons ici que quelques questions.
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A Des institutions à supprimer ou à rattacher ?
Ne faudrait-il pas supprimer la CDD ? Le suivi de Rio 1992 serait alors assuré
par l’OME.
Ne faudrait-il pas supprimer le FEM dont la Banque Mondiale est dépositaire et
dont elle assure la tutelle, FEM qui n’a pas la personnalité juridique ? On
pourrait alors le rattacher à l’OME, le nouveau fonds pourrait avoir le même
type de structures (assemblée, conseil, secrétariat), la personnalité juridique
serait celle de l’OME.
B Des institutions à créer ?
De façon vitale dans les années à venir l’OMAE (assistance écologique) et
l’OMDE(déplacés environnementaux).
Il n’est pas exclu que, dans les années et les décennies à venir, l’OME soit aussi
amenée à créer des organes subsidiaires pour remplir ses missions.
III Un calendrier indicatif du relai du PNUE par l’OME
Les deux calendriers juridiques devraient s’articuler, en voici un schéma indicatif
et partiel possible.
Les incertitudes quant à l’étalement dans le temps restent nombreuses. On
peut cependant réduire certaines d’entre elles, par exemple le problème du
nombre de ratifications pour l’entrée en vigueur de l’acte constitutif de l’OME
est très important.
Si on exige beaucoup de ratifications elle sera plus longue, si on en exige moins
elle sera plus rapide mais moins représentative et dotée de moins de moyens.
Le choix n’est pas évident, on peut cependant miser sur le premier en pensant
que les débuts de fonctionnement de l’OME amèneront de nombreux Etats à en
devenir membres. Un chemin de mille pas commence par un pas.
A Un calendrier juridique indicatif et partiel de la création de l’OME
Peut-être pourrait-on voir au mieux se succéder tour à tour :
1-l’adoption du principe de la création à la Conférence de Rio de juin
2012,cette première étape est loin d’être sûre,un échec en ce domaine est à
prévoir,mais cette étape n’est pas nécessaire.
2-l’initiative de la création de l’AG des Nations Unies et /ou du CES des Nations
Unies,ce serait une étape décisive de lancement du processus,
3- la mise en place et les travaux d’un Comité d’experts
4- la mise en place et les séances d’un Comité intergouvernemental de
négociations,
5-l’adoption de l’acte constitutif,
6- l’ entrée en vigueur de l’acte constitutif
7-l’élaboration, l’adoption et l’entrée en vigueur de l’accord de liaison ONUOME
8- Première AG de l’OME, nomination du Directeur exécutif …
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B Le calendrier juridique indicatif et partiel de la participation du PNUE à la
création de l’OME
1-Après Rio(juin 2012)ou après plus probablement le lancement par l’AG des
Nations Unies( 2015,2016 ?) : création d’un groupe de travail n°1 sur les
missions inchangées, renforcées, nouvelles…de l’OME par rapport au PNUE,et
consultations par le PNUE de l’ensemble des acteurs(ONG,collectivités
territoriales,entreprises,syndicats,organisations internationales et
régionales,fonctionnaires de ministères de l’environnement experts…)
2 -Au moment du lancement de la création : création d’un groupe de travail
n°2 sur l’organisation de l’OME et les changements institutionnels du PNUE et
d’un groupe de travail n°3 sur les moyens financiers.
3-Echanges organisées entre des membres du Secrétariat du PNUE des trois
groupes de travail avec le Comité d’experts.
4-Consultations du PNUE par le Comité intergouvernemental de négociations
5-Préparation de la Conférence d’adoption de l’acte constitutif
6-En attendant l’entrée en vigueur préparations multiples (préparation de la
création du nouveau secrétariat, de l’accord de liaison… sans oublier
l’agrandissement -écologique- du siège du PNUE)
7-Transfert des biens du PNUE à l’OME
8-Le PNUE a terminé sa mission, l’OME prend la grande relève pour la
protection de l’environnement.
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Remarques terminales :
A la veille de la Conférence de Rio on peut penser que, même si on allait vers
un simple renforcement du PNUE, ce qui est l’hypothèse la plus probable,
l’OME finira par voir le jour parce que les évènements l’imposeront.
Sans doute faudra-t-il quelques années pour que l’OME soit véritablement en
route, mais ce qui compte surtout c’est ce que seront effectivement ses
missions et ses moyens.
L’OME n’est pas un remède miracle pour arrêter la dégradation de
l’environnement mais c’est un moyen institutionnel qui est devenu et qui
deviendra de plus en plus nécessaire puis vital.
Les conférences à venir seront-elles celles de « la résignation, vertu du
malheur »ou celles du courage ? « Il faut commencer par le commencement et
le commencement de tout c’est le courage ».[11]
[1] Groupe de travail informel sur la transformation du PNUE en ONUE. Résumé
de la présidence. Mission permanente de la France aux Nations Unies,8 mars
2005,document de 10 pages.
(2)Position commune des ONG au sujet d’une OME, mars 2004, document de
5pages.
[3] Esty Daniel, Université de Yale, vers une OME ?
http://www.courrierdelaplanete.org/55/article1.php
[4] Texte d’ONG, Créons l’OME, l’environnement n’est pas une marchandise,
Bulletin Réagir,juillet 2003,4pages
[5] Lavieille Jean-Marc, Droit international de l’environnement,Ellipses,3ème
édition,2010,p123
[6] Idem, p153
[7] Voir groupe de travail cité en note 1
[8] Sur les difficultés des sanctions en DIE voir Lavieille,DIE , déjà cité,p139
[9] Beurier Jean-Pierre, Droit international de l’environnement, Pedone, 4ème
édition, 2010 p557
[10] Tabrizi Ben Salah, Institutions internationales, Armand Colin, 2001, p377-
408
[11] Les deux citations sont respectivement de Tchekhov Anton et de
Jankélévitch Vladimir.