QUELS DEVENIRS DU MONDE ?
Cette intervention a été faite à la Faculté de droit et des sciences économiques
de Limoges, à la demande d’une association d’étudiant(e) s, après ma retraite, en
mars 2014 et février 2015. Elle est reprise ici sans la dizaine de passages où ces
étudiant(e)s participaient sous diverses formes, par exemple, à la fin,
dérisoirement mais symboliquement et avec force , en applaudissant les
générations futures.
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En exergue proposons le titre d’un ouvrage de René Dumont : « L’utopie ou la
mort. »( l’utopie non pas celle des nuages mais celle concrète qui prend les
moyens de se réaliser, moyens respectueux des fins proclamées.)
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Dans cette Introduction posons-nous trois questions
D’abord, 1ère question, quels sont les éléments d’une analyse porteuse ?
1er élément : l’analyse doit être claire par rapport à au moins trois choix :
Analyse qui se veut claire dans le choix du type de discours, il y a ceux et
celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-à-dire qui
n’admet pas du tout le doute, ceux et celles qui choisiront le terrain de la
prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et
présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution, enfin ceux et
celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la
prospective c’est-à-dire un mélange de hasards, de nécessités et de volontés,
dans des proportions variables, discours qui admet donc une pluralité de
possibles.
Analyse qui se veut claire dans le choix par rapport au temps , il y a ceux et
celles qui privilégient le court terme, l’instant présent, les urgences, ceux et
celles qui privilégient le long terme,2030,2100 ou plus. Les premiers disent aux
seconds « vous avez le luxe de pouvoir vous occuper de fins du monde, nous on
s’ occupe de boucler nos fins de mois », les seconds disent aux premiers « après
les fins du monde il n’y aura plus de fin de mois ».Et puis il y a ceux et celles
,dont nous serons, qui articulent les réponses aux urgences du court terme et
des réponses à des politiques à long terme, les deux sont interdépendantes.
Créer des emplois dans l’écologie c’est aussi lutter contre le réchauffement
climatique. Moins on s’occupe du long terme plus on est noyé dans les urgences,
moins on s’occupe des urgences plus on fuit dans un avenir que l’on veut
radieux en faisant silence sur des présents douloureux ou invivables.
Analyse qui se veut claire dans les réponses proposées, ainsi nous pensons
qu’il y a de la place pour des remises en cause radicales mais aussi pour des
réformes plus modérées, pour des actions ayant des portées nationales,
continentales, internationales mais aussi locales, personnelles .
2nd élément : l’analyse doit approcher trois qualités : elle doit être globale,
critique, créatrice.
Quelques exemples fréquents d’analyses non globales, partielles : si l’on
demande à des citoyen(ne)s quels sont les drames du monde, la réponse
englobera rarement les aspects autoritaires, injustes, violents, et anti
écologiques, les uns évoqueront des dictatures, d’autres des injustices, d’autres
des guerres, d’autres la débâcle écologique. Bien peu ont aussi la chance de
raisonner en distinguant les différents niveaux géographiques (locaux,
nationaux, continentaux, internationaux). Même certains spécialistes de relations
internationales raisonneront essentiellement sur les relations entre Etats, oubliant
ou n’accordant que peu d’importance à d’autres acteurs tels que les firmes
multinationales, les ONG, les acteurs humains (personnes, peuples, humanité).
Bref : il faut construire des analyses globales et refuser les analyses en vase clos.
Quelques exemples d’analyses non critiques : lorsque l’on réfléchit à des
politiques de défense, de sécurité nationale, régionale, internationale, on évoque
peu certaines menaces, par exemple la dégradation écologique, et la diversité
des moyens pour y faire face. On affirme aussi que la quantité et la qualité des
armements sont des facteurs de sécurité, on fait silence sur des analyses
montrant que plus on augmente les armements plus on augmente l’insécurité, on
fait silence sur des besoins criants qui auraient pu être satisfaits par des sommes
gigantesques allant vers les préparatifs et la conduite de conflits armés. Bref : il
faut construire des analyses critiques et refuser les discours- vérités.
Quelques exemples d’analyses non créatrices : ainsi lorsque l’on évoque les
crises financières on propose des améliorations du système, plus rarement des
remises en cause tels que des moyens de taxer véritablement les transactions de
change et de mettre fin aux paradis fiscaux. Bref : il faut construire des analyses
créatrices, mettant en avant des moyens conformes aux fins proposées, et refuser
les analyses dans lesquelles tout demeure.
Ensuite, 2nd question, existe- il un critère répondant le mieux possible à ces
choix et à ces qualités ?
Nous pensons que les notions de « mécanismes » et de « contre-mécanismes »
sont opérationnelles, d’autant plus qu’elles peuvent être liées à celles du
pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté
Que signifie le mot « mécanismes » ? Ce terme met en avant d’abord la
logique profonde d’un phénomène, ce sont les couches profondes du sol, le
complexe scientifico militaro industriel des Etats-Unis ne peut pas changer du
samedi soir minuit au lundi matin six heures. Ce terme met aussi en avant et une
certaine puissance ( par exemple de mécanismes du marché mondial) et une
certaine autonomie (par exemple de mécanismes de la techno science.) et une
certaine rapidité. Si l’on s’arrête là, on est dans la fatalité des mécanismes
broyeurs, d’où l’idée forte de toujours penser et mettre en oeuvre un contremécanisme
face à un mécanisme.
L’utilisation de ces termes a deux avantages : elle contribue à faire
comprendre aux acteurs que les mécanismes en route sont puissants et que les
contre-mécanismes souhaitables sont difficiles à construire à travers des rapports
de forces. Second avantage : cette façon de raisonner s’inscrit dans la nonviolence
: respect des personnes, fermeté sur la dénonciation des mécanismes,
imagination dans la construction de contre-mécanismes, moyens conformes aux
finalités de démocratie, d’égalité, de protection de l’environnement, de paix.
Enfin 3ème et dernière question de cette introduction : qu’entend-on par «
monde » ?
Il s’agit de la planète, en particulier le vivant, animaux, végétaux, êtres
humains c’est-à-dire personnes, peuples, humanité, cette dernière étant
constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures, c’est le
monde aussi jusqu’au long terme, environ2030 à 2100 et au delà…
Nous ferons silence sur le temps incommensurable puisque, d’une part, un
évènement astrophysique d’une hypothèse de disparition de la Terre entière
n’est pas exclu (la Terre avalée par un trou noir, la Terre pulvérisée par un
gigantesque objet…) , d’autre part, nous dit-on, dans un milliard d’années, à
travers un terrible sursaut, le soleil grillera le système solaire puis s’éteindra
complètement 2 milliards d’années plus tard .Voilà qui supposerait que, si les
générations futures étaient encore là, il faudrait pour survivre qu’elles aient pris
pied en dehors du système solaire dans, peut-être au plus tard, 500 millions
d’années, ce qui est beaucoup plus que la durée moyenne d’un genre, soit une
trentaine de millions d’années. Le genre Homo a deux millions d’années et a
probablement épuisé une partie(laquelle ?) de ce parcours. Les prévisions les
plus sombres existent, par exemple celle d’un grand scientifique australien
(Frank Fenner) qui déclarait en 2010: « Le destin de l’homme est déjà scellé, il
est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés humaines ne seront plus. » Il
n’était pas le premier à le dire, ni les derniers ceux qui lui répondent que l’espoir
restant est celui d’une « métamorphose de l’humanité » à travers des volontés
massives de changements massifs.
Voilà donc tout trouvé le schéma de notre annonce de plan. Ces mouvements
profonds produisent le pessimisme de l’intelligence, ce sera la 1ère partie de
l’intervention et, comme aimait le dire Antonio Gramsci, il faut avoir aussi
l’optimisme de la volonté, ce sera la 2ème partie de l’intervention.
Mais nous n’allons pas sortir deux tiroirs, voilà l’un, voilà l’autre. En fait ce que
l’on peut simplement dire c’est que, si l’ensemble des logiques continue ainsi, il
est très probable que les logiques de destruction de l’humain et du vivant
s’amplifieront et il est très probable que, si l’ensemble des contre-mécanismes se
mettait radicalement en route, ces logiques d’autodestruction seront freinées puis
peu à peu remises en cause.
Mais la prospective nous dit également que nous ne savons pas ce que vont
être les volontés, et que des imprévus sont possibles, les pires, un virus faisant
disparaitre une grande partie du vivant, un astéroïde se fracassant sur la Terre,
ou des imprévus des plus heureux, les créations de fonds internationaux
devenant gigantesques et répondant à une partie des besoins criants, une
nouvelle sécurité internationale permettant une reconversion massive des
armements. Penser, dit Edgar Morin, « c’est dialoguer avec la complexité et
l’incertitude », elles sont parties prenantes de la prospective.
Ière partie- Les devenirs du monde : trois séries de raisons
d’avoir le pessimisme de l’intelligence.
1ère série de raisons :des mécanismes puissants et des interactions dans un
système d’autodestruction.
Trois points proposés :
1er point : quels sont les mécanismes puissants du productivisme ?
Il y a au moins onze logiques profondes qui définissent le productivisme en
route .
La recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers,
avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques
spécifiques.
L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de
la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre
finalité.
Le culte de la croissance synonyme du « toujours plus », de course aux
quantités, de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères
sociaux, environnementaux, culturels, de surexploitation des ressources
naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à
s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains.
La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources
naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des
besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des habitants de
notre planète.
La conquête ou la défense des parts de marchés synonyme d’un libre-échange
tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des
faibles par les forts, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles
conquêtes de marchés.
La domination sur la nature synonyme d’ objet au service des êtres humains,
ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables,
certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la
nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même
capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de
gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et
tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus
en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins
instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux,
végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le
marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou
moins à vendre ou à acheter.
La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment
d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes
de société humainement viables, soit ne sont pas mises en oeuvre et disparaissent
dans les urgences fautes de moyens et de volontés.
L’accélération synonyme d’ omniprésence à travers, par exemple, une techno
science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des
marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération
qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, l’hypothèse la plus
probable étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde
impuissant ».Où est le ralentissement général, fruit des mouvements slow ? Ces
« oasis de décélération » ont-ils beaucoup de poids face aux réseaux rapides que
sont Facebook, Twitter, Meetic, ? Et quel poids ont les « villes lentes » face aux
grandes villes toujours aussi tentaculaires et vertigineuses ?
L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou
là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils
pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libreéchange
et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une
expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas
une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas
un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette
des organismes et des individus plus lents ?
Enfin ,onzième logique, la compétition synonyme, nous répète-t- on, d’ «
impératif naturel de nos sociétés », elle alimente les dix logiques précédentes et
elle est alimentée par ces logiques. « Se manger soi-même », tel est le sens du
mot autophagie, qui pousse de plus en plus les sociétés à s’entre-dévorer. Les
entreprises s’absorbent les unes les autres, les marchés se croquent entre eux. De
leur côté, les citoyens subissent, sous forme de pollutions généralisées et de
tragiques pandémies, les conséquences de ce recyclage devenu fou .
2nd point : ces mécanismes puissants s’amplifient à travers les interactions
Des interactions entre des éléments de l’environnement
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont
interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre,
peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des
effets plus ou moins étendus.
Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les
phénomènes de dégradation de l’environnement. De plus en plus de
scientifiques ont pensé que « les interactions entre les changements climatiques
et d’autres problèmes d’environnement pourraient être lourdes de conséquences.
»
Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de
courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des
espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone…
Des interactions entre des domaines d’activités
Ainsi par exemple les interactions entre la dégradation de l’environnement et les
guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins
connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut
contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de
la paix et la paix a besoin de l’environnement.
Des interactions entre deux grandes crises
La crise climatique et la crise énergétique, si elles se rencontraient,
provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des
désorganisations amplifiées de nos sociétés.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre
pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés
écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des
catastrophes (voir notre article « Des idées, des moyens, des volontés face aux
catastrophes écologiques. » in « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs
du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien
Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011.)
Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient
réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année
(par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie)
d’ici 2030 ; un pic de production de pétrole après 2015 puis un effondrement du
pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par
jour, autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles
représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales
(80à90%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et
financières mondiales pour développer massivement des énergies renouvelables
; enfin une absence de politiques de réductions massives des consommations
d’énergies dans les pays développés et aussi dans les pays émergents.
3ème point : Un système d’autodestruction
L’ampleur des problèmes des drames et des menaces est impressionnante :
la faim dans le monde, les maladies ( cardiovasculaires, cancers, maladies
infectieuses… ), les conflits armés, les terrorismes, la course aux armements, les
atteintes aux droits des personnes , des peuples, et déjà des générations futures,
la dégradation mondiale de l’environnement, l’urbanisation vertigineuse,
l’explosion des inégalités, la pauvreté et la misère, le chômage, l’analphabétisme
,l’endettement mondial, la criminalité financière internationale, l’explosion
démographique…
Le productivisme peut faire l’objet d’une critique radicale à partir de cinq
éléments qui montrent sa capacité d’autodestruction :
Le productivisme est un système condamnable et condamné
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en
2013 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de
danger(guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les
marchés financiers depuis 1971 ont pris une partie de la place des
conducteurs(Etats, entreprises…?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que près de 5
milliards de dollars partent chaque jour en 2013 vers les dépenses militaires
mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entrainent un
réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant,+3°C à 6°C vers
2100 et autour de 1 mètre d’élévation du niveau des mers ?
Le productivisme nous dépasse et avance dans l’autodestruction
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui
font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle
correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manoeuvres de
bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents
niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à mettre en oeuvre.
D’autre part ce système a des pentes suicidaires à travers son insécurité (par
exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre
sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier
écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.
Le productivisme ne réalise pas le bien commun
Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en
moins se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large
part autoritaire.
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation
forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de
l’environnement.
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de
violences, il est pour une large part violent.
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des
inégalités et à en créer de nouvelles, il est pour une large part injuste.
Le productivisme contribue aux confusions entre les fins et les moyens
Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en
peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rangs de moyens, plus
ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme producteurs,
dépossédés comme citoyens, « marchandisés » comme êtres vivants…
Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché
mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.
2ème série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence : les acteurs, à
ce jour, dans l’ensemble, n’ont pas les volontés globales et radicales
nécessaires
La liste des acteurs vous la connaissez : Etats, organisations internationales et
régionales, firmes multinationales, marchés financiers, banques, paradis fiscaux,
mafias, ONG, réseaux sur le net, entreprises, ministères, administrations,
professions, tribunaux, collectivités locales, générations, peuples, personnes…
De façons variables voilà des volontés étouffées , dépassées, essoufflées…
D’où trois points :
1er point : Des volontés étouffées
Des volontés ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de
mécanismes.
Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce alors à
travers l’apprentissage d’une l’obéissance omni présente, d’une soumission très
forte à de multiples hiérarchies, l’intégration très vive de la fatalité, la
déresponsabilisation qui amène à dire « je n’ai fait qu’obéir aux chefs »(quitte à
désobéir à sa conscience), le discours-vérité auquel on doit se soumettre sans
douter et sans poser de questions. Participent à ces éducations, et cela de
diverses façons, certaines familles, une partie des institutions scolaires et
universitaires, certaines formations, une partie des médias, certaines hiérarchies
professionnelles qui peuvent être pesantes ou étouffantes …
Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant, avec
obsession , le peloton de tête, l’excellence, les gagnants, le droit du plus fort, le
culte de la croissance. On étouffe des volontés qui pourraient aller dans le sens
de la coopération, de la solidarité, on oriente des volontés vers l’obsession de la
puissance, « être ou ne pas être puissants », si vous n’êtes pas puissant (personne
ou collectivité) vous êtes mort. On en arrive ainsi symboliquement à qualifier un
Etat de « puissance », le mot n’est pas neutre. L’idéologie de la puissance a
vraiment colonisé une partie des esprits.
Volontés étouffées par l’administration des peurs qui repose sur l’idéologie
sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, on élimine ou on gomme
des différences, on organise la fabrication de l’image des ennemis.
Volontés étouffées par l’appel au grand remède miracle. On fait croire qu’il
faut s’en remettre les yeux fermés à « La » solution qui va tout régler, ce remède
miracle va sauver les êtres humains de tous les malheurs. Ainsi l’homme
providentiel, l’élimination de boucs émissaires, la grande technique miracle (qui,
par exemple, va « mettre la Terre à l’ombre » et nous dispenser des politiques de
réduction des gaz à effet de serre), le grand sommet miracle (oui , un sommet
peut parfois faire avancer des éléments d’une situation mais c’est au mieux un
pas important, il en reste beaucoup d’autres.
Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de prise de
conscience des caractères destructeurs du productivisme, de dictature de
l’instant consacré au « toujours plus ». L’accélération du système international
n’est pas sans conséquences sur les décisions qui, souvent, n’ont pas le temps
d’être muries, ou bien sont repoussées à une autre date, voire dans un autre lieu,
on s’estime alors débordés par l’ampleur du dossier ou par d’autres décisions
plus urgentes.
Volontés étouffées par des oppressions politiques, économiques, sociales,
culturelles.
Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits. Il
s’agit soit de la violence d’oppression par laquelle on dicte sa loi, soit de la
violence de soumission par laquelle on exerce une violence contre soi-même par
rapport à des valeurs qui sont pour nous importantes mais que l’on enterre
provisoirement ou définitivement.
2ème point : Des volontés dépassées
Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six séries
de mécanismes.
Volontés dépassées par la complexité et la technicité du système
productiviste. La complexité est liée à un grand nombre d’acteurs, à des
interdépendances entre les activités, entre les niveaux géographiques, à une
quantité impressionnante de données fournies par de nombreuses disciplines.
Cette complexité est niée par le discours-vérité, par le discours sur le grand
remède miracle, par le discours en vase clos. La technicité du réel est liée à la
technique planétaire qui se répand, de façon inégale, à travers d’énormes
complexes scientifico-technico- industriels, elle fait sentir son poids dans les
processus de décision.
Volontés dépassées par un processus de décision compliqué lié, entres autres,
à un grand nombre de participants à la décision. Ainsi un nombre important de
membres d’une famille, ainsi un nombre important de partenaires sociaux autour
d’un dossier, ainsi un nombre important d’Etats dans une conférence
internationale. Par exemple dans ce dernier cas il n’est pas rare que l’on
décide… que l’on décidera plus tard, ce qui peut être le cas, ce qui peut au
contraire ne pas être le cas et on reporte alors plusieurs fois les décisions qui
seront ensuite plus douloureuses à prendre si le problème, la menace ou le drame
s’est aggravé.
Volontés dépassées par la rapidité du système international liée, par exemple,
à certaines technologies, à la banalisation de la vitesse, à l’omniprésence du
court terme, aux interactions qui se développent très vite.
Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se
manifestent par de multiples concentrations de savoirs, de pouvoirs, d’avoirs.
Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent
dérisoires pour remettre en cause le productivisme, que se soit par rapport à la
dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences, aux aspects
autoritaires du système international. Moyens souvent dérisoires dans la mesure
où ils s’attaquent aux effets des problèmes des drames et des menaces et
beaucoup moins ou pas à leurs causes. Moyens souvent dérisoires, par exemple
financièrement, dans la mesure où des besoins criants ont pour réponse un
linceul de silence.
Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un
temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin de toujours
tirer la pédagogie.
3ème point : Des volontés essoufflées .
On trouve ici au moins quatre séries de mécanismes.
Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, il
peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui se voulaient
différentes ou qui étaient en rupture avec lui.
Volontés essoufflées par des échecs personnels et collectifs pour changer
l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur (personnes ou
collectivités) lorsque c’est nécessaire.
Volontés essoufflées par le sentiment de statu quo : d’une petite avancée locale
mais un statu quo global, ou bien d’une avancée globale qui ne se traduit pas
localement.
Volontés essoufflées par une érosion, par un épuisement des motivations
personnelles et/ou collectives qui poussaient à agir.
3ème série de raisons d’avoir le pessimisme de l’intelligence: l’accélération
tend à ruiner différents efforts,
Trois points proposés:
1er point : L’accélération se situe dans une crise du temps
La crise du temps liée au système productiviste aggrave aussi l’état des lieux.
Ainsi de façon globale le temps du marché et du profit à court terme se heurte
aux temps écologiques à long terme, et des pouvoirs humains se voulant infinis
se heurtent à la finitude de la Terre.
Ainsi de façon plus précise les manifestations de la crise du temps, à titre
indicatif, sont liées à l’arrivée de nouvelles technologies représentant des
échelles de temps gigantesques (déchets nucléaires, exploration spatiale) ou
miniaturisées (informatique).De même participent à cette crise du temps le stress
temporel des villes, la communication qui devient souvent une célébration de
l’immédiat, l’exclusion qui témoigne d’une difficulté à se penser dans le
temps…
2nd point : l’accélération du système international est omniprésente .
Elle se manifeste de multiples façons : une techno-science omniprésente et
toujours en mouvement, un règne de la marchandise toujours à renouveler, une
circulation rapide de capitaux, de produits, de services, d’informations qui font
de la planète une sorte de « grand village », les déplacements nombreux et
rapides des êtres humains, l’explosion démographique mondiale, l’urbanisation
accélérée du monde, les discours sur la compétition, personnelle et collective,
économique, culturelle, militaire, la prise de conscience d’une fragilité
écologique de la planète provoquée par des activités humaines productivistes…
Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se
comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de
l’environnement.
3ème point : L’accélération est une machine infernale par rapport à
l’environnement, pourquoi ? Quatre mécanismes ont quelque chose de
terrifiant :
Premier mécanisme : le système international s’accélère, on vient d’en
énumérer quelques manifestations.
Second mécanisme : Les réformes et les remises en cause pour protéger
l’environnement sont souvent lentes : complexité des rapports de force et des
négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications,
inertie des systèmes économiques et techniques sans oublier la lenteur de
l’évolution des écosystèmes.
Troisième mécanisme : l’aggravation des problèmes, des menaces et des
drames fait que l’on agit pour une part dans l’urgence : l’urgence tend à occuper
une place importante.
Dernier mécanisme : s’il est nécessaire de soulager des souffrances
immédiates, il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par
des politiques à long terme ce qui demande du temps,
…or le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines
générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en oeuvre
des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.
La pente la plus forte c’est celle de la résignation devant les rapports de
forces alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel
contient plus de possibles que l’on ne croit. Manquer de souffle, être
étouffé(e) par l’impératif du réalisme, laisser la place à des sortes d’experts
de rétrécissements d’horizons, et finalement de ne pas être à la hauteur des
défis. Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la
résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets
qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. » Jean-Paul
Sartre écrivait de même: « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce
que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »
II- Les devenirs du monde : trois séries d’autres possibles
portés par l’optimisme de la volonté
Chaque série de possibles, c’est à dire de contre-mécanismes, de contre-logiques
nécessaires, doit répondre aux mécanismes, aux logiques précédents.
1ère série d’autres possibles : penser et mettre en oeuvre des moyens pour
une communauté mondiale humainement viable
Face à la toute-puissance du productivisme il faut résister c’est-à-dire penser (ce
qui est parfois fait ici et là) et mettre en oeuvre (ce qui est fait plus rarement) des
contre-mécanismes pour lutter contre la confusion entre les moyens et les fins. Il
faut aussi construire des sociétés et une communauté mondiale à travers des
moyens justes, démocratiques, écologiques et pacifiques.
D’où trois points proposés:
1er point Résister face aux confusions entre les fins et les moyens
Il s’agit de remettre à leur place les moyens et de respecter les fins.
Résister en remettant à leur place les moyens , cela signifie une technoscience
et un marché au service des êtres humains et non le contraire.
Résister en remettant à sa place la techno-science : comme on s’en remet au
marché on s’en remet souvent aussi à la techno-science. Les recherches et les
technologies aux différents niveaux géographiques, à travers des phénomènes de
concentrations et de groupes dominants (firmes multinationales, laboratoires)
ont tendance à s’auto reproduire parfois, voire souvent, indépendamment des
véritables besoins des êtres humains.
La techno-science ne tend-t-elle pas à échapper de plus en plus aux acteurs
humains ? Après les phases de mécanisation, de motorisation, d’automatisation
est venue celle de la cybernétisation c’est-à-dire de mécanismes de régulation
des machines et des êtres vivants. La cybernétisation des technologies avancées
n’amène-t-elle pas à enlever des possibilités d’appréciation et de décision à ceux
qui sont censés les contrôler ?
Dès lors une question vitale est la suivante : les acteurs humains doivent-ils,
veulent-ils, peuvent-ils mettre en oeuvre un véritable contrôle de la technoscience
à tous les niveaux géographiques ?
Nous citerons au moins six séries de contrôles urgents, cruciaux, décisifs : la
recherche scientifique militaire sur les armes de destruction massive, les graves
problèmes posés par les déchets radioactifs et donc par l’énergie nucléaire, les
pollutions causées par des moyens de transports écologiquement non viables, la
marchandisation de la faune et de la flore, l’exclusion du travail par la technique
(une des grandes causes du chômage), et déjà le déploiement ici ou là hors
encadrement juridique rigoureux des manipulations du génome, des
nanotechnologies et de certains projets de géo-ingénierie…Nous pourrions
prolonger la liste. La gravité des menaces, la complexité des défis, les
souffrances causées par divers drames exigent une techno-science ramenée au
rang de moyen au service des êtres humains.
Il y a ainsi au moins deux grands axes pour mettre en oeuvre un contrôle de la
techno-science ou , de façon plus radicale, pour la remettre à sa place.
Le premier axe se situe en termes de priorités c’est-à-dire que les efforts de
recherches et de nouvelles technologies doivent être orientés en fonction des
priorités liées à l’intérêt commun de l’humanité, les activités de la technoscience
doivent s’inscrire dans des contrats à tous les niveaux géographiques,
contrats mettant en avant ces priorités.
Le second axe se situe en termes d’interdictions : la sacro-sainte liberté de la
recherche scientifique doit être remise en cause quand elle menace la dignité des
personnes ou l’intérêt commun de l’humanité.
Résister en remettant à sa place le marché : face à l’économisme triomphant,
à la recherche du profit, à la société du marché qui a tendance à occuper toute la
place, un certain nombre d’auteurs, d’organisations non gouvernementales
(ONG), de citoyen(ne)s, et d’autres acteurs proposent ou contribuent à mettre en
oeuvre ici ou là une « économie plurielle ».
Face au libre-échange généralisé, face aux logiques de guerre économique et de
compétition, il s’agit de remettre le marché à sa place et de créer ou de
développer des logiques de coopération.
Il y a ainsi au moins quatre grands axes pour mettre en oeuvre ce contrôle du
marché ou, de façon plus radicale, pour remettre le marché à sa place.
Il est nécessaire de subordonner le libre-échange à ce qui deviendrait la
primauté de la protection de l’environnement et de la santé.
Il est nécessaire que soient créées ou se développent des formes d’économie
plurielle : économie solidaire et sociale, des entreprises coopératives, des
services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des associations
dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché), des
pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange. Se
mettent aussi en place des pratiques d’économie collaborative en matière de
transports (covoiturage)de logements( colocation) de nourriture, d’éducation…
Le troisième axe consiste à désarmer le pouvoir financier en adoptant entre
autres une taxe sur les transactions financières et en remettant en cause les
paradis fiscaux (banques, firmes multinationales).
Le quatrième axe est constitué par le fait que certaines productions du marché
sont, par nature, plus ou moins nuisibles aux acteurs humains. Dans
l’économie plurielle, les reconversions – par exemple des industries
d’armements – contribuent à l’avènement d’un monde responsable et solidaire,
reconversions socialement et écologiquement porteuses.
2ème point : Résister en respectant les fins : des êtres humains libres,
debout et solidaires
Il s’agit de consacrer, encore mieux et à tous les niveaux géographiques, les
trois générations de droits humains : les droits civils et politiques, les droits
économiques sociaux et culturels, les droits de solidarité (droit à
l’environnement, droit au développement et droit à la paix).
Il s’agit de préparer la consécration d’une quatrième génération de droits,
ceux des personnes par rapport à la techno science (par exemple l’interdiction de
recherches sur les armes de destruction massive comme portant atteinte à la
dignité humaine, par exemple les droits des personnes par rapport aux robots…)
Il s’agit bien sûr, aussi et surtout, de mettre en oeuvre ces générations de droits,
de les faire respecter. Résister c’est dire non à l’inacceptable, à toutes les formes
d’atteintes à la dignité humaine. Les rôles des juges et des ONG, certes
différents, sont ici essentiels.
3ème point : Construire : Voici une liste indicative de cinq grands moyens
par grand domaine pour contribuer à passer d’un système international
productiviste autodestructeur à une communauté mondiale humainement
viable.
D’un système international pour une large part autoritaire à une
communauté mondiale démocratique :
-Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières,
impôt mondial sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux…)
-Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de
l’environnement, de la culture…)
-Démocratisation des institutions internationales ( réformes du Conseil de
sécurité et de certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place
légitime des pays du Sud, promotion des ONG…)
-Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux,
continentaux, internationaux) et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s
dans tous les Etats.
-Créations d’organisations nouvelles (composées d’Etats, d’ONG, de
collectivités territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations
internationales, régionales et sous-régionales, développement de réseaux, de
coordinations, de fronts communs d’ONG (par exemple celles allant dans le sens
d’un ralentissement du système.)
D’un système international pour une large part injuste à une communauté
mondiale juste :
-Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre,
revenu déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)
-Annulation de la dette publique (celles des Etats, des collectivités territoriales,
des organisations internationales…)
-Priorités données au juste échange et au commerce équitable (le libre échange
leur sera subordonné), développement de l‘économie sociale et solidaire, de
l’économie collaborative…
-Mise en place d’agricultures durables et autonomes (respect de
l’environnement, statut international des matières agricoles, souveraineté
alimentaire)
-Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement
du pouvoir financier et liées aux activités polluantes, redistribuées vers des
besoins criants en santé, en protection sociale, en éducation, en environnement,
en emplois…)
D’un système international pour une large part anti écologique à une
communauté mondiale écologique :
-Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes
de production, de consommation, de transport écologiquement non viables)
-Programmes massifs d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau potable et du
droit à l’assainissement)
-Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous
les niveaux géographiques)
-Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables,
économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire)
-Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une
Organisation mondiale de l’environnement, convention sur les droits des
déplacés environnementaux, convention créant une Organisation mondiale et
régionale d’assistance écologique, conventions de protection des sols,
convention de protection des forêts, convention contre les pollutions telluriques
…) et de nouveaux protocoles(en particulier de réductions massives et radicales
des gaz à effet de serre) L’ensemble de ces actions environnementales donnerait
le jour à des créations massives d’emplois dans le bâtiment, les énergies
renouvelables, l’agriculture, les transports, la revitalisation de régions dégradées,
les travaux contre des effets de la montée des eaux, l’éducation à
l’environnement…
D’un système international pour une large part violent à une communauté
mondiale pacifique :
-Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction massive
(déclarées contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
-Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces
d’intervention internationalisées)
-Remises en cause des ventes d’armes (restrictions, taxations, interdictions,
reconversions),créations de ministères du désarmement.
-Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes de
destruction massive en particulier nucléaires ) , application des traités qui
existent déjà.
-Mise en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans
de multiples lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non
violent des conflits.)
Quels commentaires généraux relatifs à ces moyens ?
1-Cette vingtaine de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr
prolonger la liste. Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à
ralentir ce système autodestructeur et à le remettre en cause pour donner
naissance en quelques décennies (?) à une communauté mondiale humainement
viable.
2-La liste proposée n’est pas celle du Discours Vérité, ce sont des convictions
mais des erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime,
dangereux, inefficace, irréalisable…
3- Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en
général trop timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un
pas, mais l’accélération du système productiviste implique la mise en oeuvre de
moyens nombreux et radicaux. Nous avons mis symboliquement en tête à
chaque fois un moyen qui nous semble particulièrement radical par rapport au
système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces cinq moyens sont très
critiqués par certains. Pour leurs pourfendeurs, ainsi le revenu universel
d’existence qui est synonyme d’institutionnalisation de la paresse et
d’impossibilité financière de le réaliser, ainsi l’interdiction des recherches sur
les armes de destruction massive synonyme d’atteintes à la liberté de la
recherche scientifique, ainsi le désarmement financier synonyme de faillite
généralisée, ainsi les remises en cause des modes de production et de
consommation non viables synonymes d’actes suicidaires face à la
compétitivité…
4-Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice,
environnement, paix) sont interdépendants pour le pire et le meilleur. Ainsi des
mécanismes produisant des injustices produisent des violences. Ainsi des contremécanismes
porteurs de justice sont ensuite porteurs d’éléments pacifiques. Les
interactions sont multiples dans chaque domaine et entre les domaines.
5-Penser et mettre en oeuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même
si le hasard peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations
personnelles et collectives. Certains moyens pour voir le jour devront surmonter
des obstacles nombreux et puissants mais pensons, exemple gigantesque, au mur
de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans, par s’effondrer, « l’histoire est sortie de
ses gonds ».
6-Enfin réaffirmons que les moyens proposés doivent être conformes aux
fins que l’on met en avant, à fins pacifiques des moyens pacifiques, à fins
justes des moyens justes, à fins écologiques des moyens écologiques, à fins
démocratiques des moyens démocratiques.
2ème série d’autres possibles : faire naitre les déterminations de l’ensemble
des acteurs
Face aux volontés étouffées,dépassées,essoufflées,trois séries de contremécanismes
proposées:
1er point : Face aux volontés étouffées des volontés naissances.
Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance c’est-à-dire la
formation à l’esprit critique, à l’autonomie, à la prise de conscience des
responsabilités personnelles et collectives.
Volontés naissantes à travers l’éducation à la solidarité, cela à tous les niveaux
géographiques et d’abord avec les plus faibles dans chaque société.
Volontés naissantes à travers le principe de non-discrimination, fondé sur la
mise en oeuvre des égalités et sur le respect des différences. Nous naissons «
égaux en dignité et en droits »(art.1 DUDH), il faut lutter pour préserver et
conquérir ces égalités, et nous sommes différents ;
Volontés naissantes à travers les apprentissages des responsabilités,
apprentissages adaptés aux âges, aux lieux de vie, aux situations.
Volontés naissantes à travers la prise de conscience des aspects destructeurs
du productivisme, c’est-à-dire de ses aspects autoritaires, injustes, antiécologiques,
violents.
Volontés naissantes à travers la gestation de libérations politiques,
économiques, sociales, culturelles.
Volontés naissantes à travers l’apprentissage du règlement non-violent des
conflits, cela de la maternelle à l’université et dans d’autres lieux de vie. Ce
règlement repose sur la résistance puisqu’on se montre assez fort pour être
reconnu par les autres, il repose aussi sur la solidarité et la justice puisque l’on
veut, ensemble, dans le respect des personnes, trouver des solutions justes.
2nd point : Face aux volontés dépassées, on retrouve des volontés
résistantes
Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle
des techniques, de façon plus globale les remises à leurs places de la techno
science et du marché mondial.
Volontés résistantes à travers la prise en compte d’un nombre important de
participants à la décision. D’abord la démocratie en appelle à la
reconnaissance et au respect de tous les participants. Ensuite l’efficacité de la
décision face à des problèmes, des drames et des menaces en appellent à des
processus porteurs de décisions. Il s’agit ici non seulement d’alliances entre les
participants pour avancer, mais de possibilités laissées à certains, dont les
décisions sont mûres, d’avancer avec d’autres, en attendant que tous les
participants fassent de même.
Volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme. On est
débordé par les urgences parce que l’on n’a pas pris en compte le long terme .Il
faut arriver à la fois à répondre aux urgences et à élaborer des politiques à long
terme.
Volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en commun de
divers acteurs. L’imagination politique relative aux types d’alliances et aux
types de stratégies ne devrait-elle pas se développer ? Existe également une idée
forte selon laquelle, pour construire ces visions stratégiques, il ne faut pas
seulement s’interroger sur les forces des adversaires mais aussi sur ses propres
faiblesses qui freinent ou empêchent ces regroupements, ces visions alternatives
et ces mises en oeuvre parfois communes de moyens .
Volontés résistantes à travers la capacité de propositions relatives aux moyens
de remettre en cause ici et là le productivisme.
Volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes répondant non
seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes de ces catastrophes.
3ème point : Face aux volontés essoufflées des volontés à la recherche de
nouveaux souffles , on trouve ici au moins quatre séries de contremécanismes
:
Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des
politiques agissant sur les faiblesses et sur les contradictions du système
productiviste.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer de tirer
les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et
de nouveaux moyens.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas mais aussi
en sous estimant pas les avancées du « local » et celles du « global », sans
oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard.
Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les
autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à
s’éteindre. En ce sens existent au moins (il y en a d’autres !) deux
motivations qui peuvent être porteuses : le fait d’être fraternisés par des
périls communs, le fait de vouloir donner aux générations futures la chance
de vivre et d’aimer.
3ème série d’autres possibles : reconquérir le temps
Trois points proposés ici :
1er point Les objectifs des réponses volontaristes face à l’accélération
Trouver ou retrouver des besoins fondamentaux. Il s’agit de trouver ou de
retrouver le calme, la lenteur. Concrètement cela peut signifier de « savoir lâcher
prise » à certains moments, de ne pas vouloir tout contrôler, d’apprendre à
désobéir à des sollicitations et des demandes dérisoires…
Fixer des limites au coeur des activités humaines. Jacques Ellul demandait «
Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? ».
On peut à ce sujet donner deux exemples, le premier peu connu, le second un
peu plus connu.
Il s’agit d’abord des limites physiologiques de l’espèce humaine. Une équipe de
l’Institut de recherche biomédicale du sport (étude rapportée dans Le Monde du
6 février 2008) affirme qu’en 2027 « les records du monde auront atteint leurs
limites », on ne pourra plus les dépasser.
Second exemple : la SNCF rêve de lancer ses TGV à 400Km/h mais, au-delà
d’un certain seuil, la grande vitesse peut se transformer en handicap sous l’effet
des contraintes environnementales, techniques et économiques, ainsi « le train
peut aller plus vite…il arrivera à la même heure »(article de Gilles Bridier ,Le
Monde 19 juillet 2008),cela à cause de ces contraintes et, d’autre part, il est
probable que l’on sera obligé de « diminuer la vitesse des trains pour en faire
circuler plus. » Tout cela sans oublier les accidents qui risquent d’être de plus
grande ampleur, voire plus fréquents, car qui dit très grande vitesse dit matériels
et voies « à toute épreuve ».
De façon plus globale déterminer les limites d’une société c’est remettre à
leur place la techno-science et le marché mondial qui ont tendance à occuper
toute la place, à devenir des fins suprêmes et à transformer les êtres humains en
moyens. Les principes de précaution, de prévention, de réduction et de
suppression des modes de production, de consommation et de transport
écologiquement non viables sont au coeur de ce concept, celui de détermination
de limites ,concept décolonisateur de la pensée productiviste( cf Jean-Marc
Lavieille, Droit international de l’environnement, Ellipses,3ème
édition,2010,p153 à 156, avec aussi une bibliographie .
2nd point : Prendre en compte des théories et des pratiques de
décroissance, de société post-croissance :
Une économie soutenable çà n’est pas un simple verdissement du
capitalisme financier, c’est une économie s’éloignant du culte de la
croissance, s’attaquant aux inégalités criantes dans les sociétés et entre
sociétés du Nord et du Sud, c’est une société qui désarme peu à peu le
pouvoir financier.
Est vital le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en
avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation,
leur mode de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter des pratiques de
frugalité, de simplicité. Il s’agit d’aller, au Nord et au Sud de la planète, vers des
sociétés écologiquement viables qui mettront en avant une relocalisation des
activités, une redistribution des richesses à partir de fonds internationaux issus
des taxes sur les marchés financiers et les activités polluantes.
Dans cette perspective une vie simple commence aussi sans doute par un
ralentissement du rythme frénétique de nos vies. « Sois lent d’esprit »
écrivait Montaigne, la lenteur aide à ouvrir le chemin de la sagesse, « la hâte
détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto.
Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) « Nous avons à
enrichir le temps libéré pour que celui-ci ne soit ni temps vide ni temps
marchand, mais créativité personnelle, convivialité sociale et curiosité toujours
en route ».
Différencier l’urgent de l’important. Dans nos vies professionnelles et
privées, on a tendance à donner la priorité à l’urgence. Ne faudrait-il pas donner
la priorité à l’essentiel ? En ce sens, concrètement, ne faudrait-il pas avoir l’art
de savoir remettre au lendemain le détail et le secondaire, cela s’appelle la
procrastination ((Kathrin Passig et Sacha Lobo, « Demain c’est bien aussi »,
Anabet .))
Arriver à faire dialoguer passé, présent, avenir. L’individu se trouve projeté
dans l’ivresse d’une course où, pour vivre avec son temps, il doit plus ou moins
« abandonner la maîtrise de sa vie à la dictature de l’urgence, à
l’instrumentalisation de l’instant. » Jean Chesneaux (« Habiter le temps »,
Bayard, 1996) affirme « que l’individu est plus ou moins coupé de tout projet
comme de tout héritage, il éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans
le temps ».
La question qui se pose est donc la suivante : « Comment renouer un dialogue
entre le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme
horizon de responsabilité ? ». Le temps citoyen(ne) doit affirmer sa capacité
autonome face au temps de l’Etat, face au temps du marché, face au temps
de la techno science. Mais à travers quels moyens ?
3ème point : Pour des moyens à penser et à mettre en oeuvre face à
l’accélération
Des mouvements de ralentissements de la vie quotidienne :
Il s’agit de créer des sortes de lieux de décélération dans différents domaines :
villes, alimentation, éducation…
Ainsi le réseau international des « villes lentes », né en Italie en 1999, a
aujourd’hui 140 villes de 24 pays qui adhèrent à une Charte, il s’agit de villes de
moins de 60.000 habitants, en Europe, en Australie, au Canada, aux Etats-
Unis…En France on trouve par exemple Segonzac en Charente… La gestion
municipale est centrée sur la qualité de la ville, sur « une vie qui est bonne », sur
l’économie de proximité, le respect des paysages. Concrètement ces villages et
ces villes reposent sur des rues piétonnes et cyclables, un retour du petit
commerce, un marché de producteurs locaux, des espaces verts, des
équipements urbains adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux
handicapés…
Les réseaux de l’alimentation lente « slow food », pour contrer les « fast food
», reposent sur l’éducation au goût, le temps donné aux repas, la défense de la
biodiversité des cultures, ce réseau comprend de l’ordre de 1500 antennes
locales dans 150 pays.
De façon plus globale on trouve le « Slow production » qui met en avant des
productions durables, le « Slow travel » qui veut des touristes prenant leur temps
pour rencontrer personnes et monuments, le « Slow parenting » qui est un réseau
de parents voulant prendre du temps pour leurs enfants…De même on trouve le
« débranchement régulier » (Unplay challenge) qui éloigne un moment les
accrocs de leurs écrans.
La revue Politis titrait ainsi « C’est l’heure du slow » (novembre-décembre
2011). Il est très probable que ces mouvements vont apparaitre ou se développer
dans de multiples domaines et lieux de la planète. L’imagination ne doit-elle pas
se déchainer pour développer les théories et les pratiques de l’éloge de la lenteur
?
Des moyens de réintégrer le temps :
Réintégrer le temps, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre culture, dans
notre art de vivre, pourrait être mis en oeuvre à travers les moyens suivants
proposés à titre indicatif et qui sont parfois partiellement en route :
Un respect des droits des générations futures fondé sur les principes de
prévention, de précaution, et sur le principe de non-régression des acquis
environnementaux essentiels (voir « La non régression en droit de
l’environnement », sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo,
Bruylant, 2012),
Un respect du patrimoine mondial culturel des générations passées fondé ,
entre autres , sur l’attribution de fonds massifs pour leur entretien ,
Une partie du temps qui serait libérée, grâce à un revenu universel
d’existence attribué à chaque être humain, accompagné de revenus d’activités,
Une prise en compte des « droits du temps humain », évoqués par Jean
Chesneaux dans son ouvrage déjà cité « Habiter le temps », par exemple dans
une « charte mondiale » disait-il, donc juridiquement non contraignante,
incitative, puis un jour, pourrait-on ajouter, dans une convention internationale.
Des déplacements repensés dans l’urbanisation à tous les niveaux
géographiques,
Une désacralisation de la vitesse, en particulier dans l’éducation de la
maternelle à l’université, et donc la désacralisation de la compétition,
A titre de « travaux pratiques » à l’échelle internationale nous proposons la
création d’une Fédération mondiale d’ONG agissant pour le ralentissement
du système international productiviste, une sorte d’internationale de la
lenteur. Il ne s’agirait ici que de traiter un élément du système international
productiviste mais un élément essentiel.
Remarques terminales:
1-Pourquoi ne pas essayer de vivre inspiré(s) entre autres par cette pensée de
Gramsci, « Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme
de la volonté » ? Le premier permet d’avoir les yeux et les esprits ouverts sur
des logiques profondes .Le second permet d’avoir les mains, les esprits et les
coeurs à l’ouvrage. Et finalement avec nos forces et nos faiblesses, pessimisme
de l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte,
s’interpellent, se complètent, se soutiennent, s’inclinent l’un vers l’autre,
deviennent un couple de combat.
2-Pourquoi lorsque, dans nos vies personnelles et/ou collectives, existent la
grisaille, les brouillards, les ombres, l’obscurité ou les ténèbres de certains
instants présents, ne pas essayer, autant que faire se peut ( ?!…), de les resituer
dans la perspective de l’espérance de l’humanité ? Difficile à exprimer, mais
encore plus difficile à vivre…et, pourtant, ce peut être une force possible.
L’ espérance de l’humanité ce sont les vies de ceux et celles qui nous ont
précédés à travers ces témoins d’humanité, connus et inconnus, luttant contre
des forces de mort, c’est ce patrimoine culturel qu’ils nous laissent avec une
immense chance, un grand bonheur de le découvrir et de le partager,
ce sont les vies de ceux et celles qui sont présents aujourd’hui , ces
générations vivantes qui, si elles arrivent à penser et à mettre en oeuvre des
moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, porteront un projet
d’humanité, alors, oui, il les portera à son tour,
ce sont les vies de ceux et celles qui vont nous suivre et qui peuvent nous
dire : notre confiance en vous nous la risquons à nouveau. Essayez, nous vous
les prêtons, d’aimer le monde avec les coeurs et les esprits de ceux et celles qui
vont arriver, et puis n’oubliez pas de nous laisser la liberté de devenir ce que
nous voudrons être.
3-Jean Rostand, biologiste, ardent défenseur du désarmement, grand pessimiste
de l’intelligence et grand optimiste de la volonté, avait une vision porteuse par
rapport à cette interrogation sur les devenirs du monde, il écrivait « Il n’est pas
plus insensé de s’abandonner à un espoir, celui de la survie de l’humanité,
que de le repousser au nom d’un prétendu réalisme qui n’est qu’un
consentement défaitiste au suicide de l’espèce. »
4- Enfin , ne l’oublions pas : s’il y a le sens de l’abime(pessimisme de
l’intelligence), s’il y a le souffle d’une espérance possible(optimisme de la
volonté), n’existe-t-il pas, aussi, tout simplement une invitation à l’essentiel,
par exemple celle exprimée par un peuple au coeur d’une catastrophe écologique,
à travers cette chanson du peuple Inuit : « Et pourtant il y a une chose qui est
grande, c’est dans la cabane, sur le bord du chemin, de voir venir le jour, le
grand jour et la lumière qui emplit le monde. »