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Violences des injustices, des révoltes, des répressions : des analyses proposées
Ayant eu la chance d’avoir écrit ouvrages et articles sur les violences, pourquoi ne pas
essayer de contribuer à la compréhension de logiques, puissantes et autodestructrices, mais
aussi de contre-logiques se voulant radicales et constructives ?
(Si l’on veut aller plus loin on peut se reporter sur ce blog aux cinq billets intitulés
« Clarifications, classifications, contenus, analyses des causes, luttes contre les causes des
violences.)
Que le titre ne soit pas trompeur, çà n’est pas un mixte informe et inacceptable de ces trois
séries de violences, c’est la volonté d’analyser leur enchainement en soulignant ce qui
entraine des révoltes et des répressions c’est-à-dire des injustices (I), c’est aussi la volonté de
montrer que la question vitale est celle des moyens, cette vérité saute aux yeux pourvu qu’on
les ouvre, elle met en cause, pour les violences comme pour d’autres domaines , l’ensemble
du système productiviste terricide et humanicide (II).
Violences des injustices, des révoltes, des répressions : des analyses proposées (I)
Nous proposons de poser cinq séries de questions :
1- Existe-t-il un « enchainement » des violences ?
2-Pourquoi dénonce-t-on souvent les violences des révoltes et celles des répressions sans
évoquer les violences des injustices qui les produisent ?
3-Que proposer comme éléments d’analyses des violences premières, celles des
injustices?
4-Que proposer comme éléments d’analyses des violences secondes, celles des
révoltes et des révolutions?
5- Que proposer comme éléments d’analyses des violences troisièmes, celles des
répressions ?
6- Que signifie « la violence paie » ? La violence paie-t-elle ?
7-Des révoltes et des révolutions peuvent-elles être non-violentes ?
1- Existe-t-il un « enchainement » des violences ?
a) La plupart des violences sont interactives, violences liées à la justice, la démocratie, la
paix, l’environnement, quatre domaines interdépendants qui au sens large couvrent
pratiquement l’ensemble des activités humaines. Ainsi parmi beaucoup d’exemples celles des
guerres et des destructions environnementales, celles des changements climatiques, des
situations de misère et des courses économiques et financières aux dominations, celles des
inégalités et du maintien de régimes autoritaires, de maladies des démocraties…
– Les liens entre injustices, révoltes et répressions constituent un exemple criant. Helder
Camara parlait de « Spirale de violence » (éditions Desclée de Brouwer, 1970).
b) Les violences premières ce sont les injustices, les violences secondes ce sont les
révoltes, les violences troisièmes ce sont les répressions.
– C’est un non-sens de qualifier les secondes (les révoltes) ou les troisièmes (les
répressions) de violences sans dénoncer et lutter contre les premières (les injustices)
qui en sont les causes principales.
– Pour casser cet enchainement il faut agir essentiellement sur les injustices. Pour éviter
ces remises en cause est souvent organisée une sorte de fausse paix, à travers manipulations,
mensonges et menaces, dans laquelle les contradictions ne font que cheminer pour éclater, tôt
ou tard, avec plus de force, de désespoirs et être réprimées plus violemment.
2-Pourquoi dénonce-t-on souvent les violences des révoltes et celles des répressions sans
évoquer les violences des injustices qui les produisent ?
a) Parce que l’on veut préserver des intérêts en tant que dominants, autrement dit on
minimise ou on nie des injustices, on refuse de véritables remises en cause.
b) Parce que des peurs et des colères, voire des haines, peuvent apparaitre contre les
violences de la révolte et/ou celles de la répression, elles vont souvent passer sous silence les
causes de ces situations.
c) Enfin parce que l’on n’arrive pas à prendre en compte une analyse globale, par exemple
celle de l’enchainement de ces trois séries de violences ainsi que de d’une question vitale
posée, celle des rapports entre les fins et les moyens. On peut être frappé par le nombre de
prises de paroles, en particulier dans une partie des mondes médiatiques, mettant en avant un
élément isolé, en général spectaculaire, sans le relier à d’autres. On passe sous silence des
interactions, le raisonnement est bloqué en aval et ne remonte pas en amont, l’esprit ne peut
intégrer des logiques profondes et reste concentré sur une partie des situations. Est privilégié
un élément avant tout dans ses manifestations, on passe sous silence ses causes secondaires et
profondes ainsi que des alternatives pouvant voir le jour.
On peut considérer que construire le sens des ensembles est devenu à la fois une exigence
pour comprendre, un enjeu de pouvoir, une conquête pour résister et une chance pour changer
ce que l’on considère comme inacceptable. Reposant sur le refus d’un discours en vase clos,
l’analyse globale voudrait replacer dans leurs contextes des connaissances, analyser un
certain nombre de points de vue, apprivoiser la complexité. « Penser c’est dialoguer avec
l’incertitude et la complexité » (Edgar Morin). Ce sens des ensembles a entre autres un
adversaire qui s’appelle l’accélération du système productiviste mondial (voir articles sur ce
blog). En effet une analyse globale demande la prise en considération des courts, moyens et
longs termes, or la dictature de l’instant a colonisé nombre de réactions aux évènements, le
travail de la pensée devient de plus en plus synonyme de résistance à cette primauté de
l’instantanéité. Précieux conseils : « Sois lent d’esprit » écrivait Michel de Montaigne, « Voir
loin et clair » écrivait Théodore Monod.
3-Que proposer comme éléments d’analyses des violences premières, celles des
injustices?
Les causes des violences premières sont nombreuses ( voir sur ce blog article),deux semblent
particulièrement dominantes, les unes sont connues, ce sont les injustices(a),les autres
beaucoup moins, ce sont les compétitions(b).
a) Les violences premières ce sont les injustices .
Injustices de toutes sortes, financières, économiques, sociales, environnementales,
culturelles… Elles peuvent exister à tous niveaux géographiques : locaux, régionaux,
nationaux, continentaux, internationaux. Elles sont les produits de dominations, c’est-à-dire
de concentrations d’avoirs, de pouvoirs, de savoirs et d’éléments environnementaux.
(On peut voir sur ce blog nos articles relatifs aux injustices.)
Les richesses sont souvent sources d’injustices.
D’abord elles sont inégalement réparties, on dénonce ces situations souvent intolérables,
on lutte donc pour différents partages.
Mais ces richesses à tous les niveaux géographiques, ne sont qu’un élément, deux autres
existent, celui des destinations de certaines de ces richesses, celui des reconversions de
certaines productions.
En effet sont aussi en cause des destinations de richesses. Ainsi il s’agit par exemple de
réorienter une part de la finance mondiale qui va vers les énergies fossiles.
Et comment faire silence sur des productions et des recherches, formes de « richesses »,
que certains considèrent comme contraires à l’intérêt commun de l’humanité ? Ainsi par
exemple des ONG en appellent aux reconversions des complexes militaro-industriels .Nous
avons toujours insisté de façon spécifique sur les reconversions des recherches scientifiques
sur les armes de destruction massive…
( Les recherches scientifiques sur les armes de destruction massive : des lacunes du droit
positif à une criminalisation par le droit prospectif, intervention au colloque international du
RDST, mars 2011 à Paris, Article de J.M.Lavieille, J. Bétaille, S.Jolivet, D.Roets, in Droit,
sciences et techniques quelles responsabilités ? Editions LexisNexis, 2011)
Les prédations du productivisme, aggravées par l’explosion démographique mondiale,
sont des obstacles à une construction très difficile, celle des biens communs de
l’humanité. (Voir par exemple notre article dans « Les biens communs environnementaux :
quel(s) statut(s) juridique(s) ? », sous la direction de Jessica Makowiak et Simon Jolivet ,
Presses universitaires de Limoges, 2017).
b ) Les violences premières ce sont aussi les compétitions.
« Malheur aux faibles et aux exclus.» Le système productiviste est implacable, si l’on n’est
pas dans les gagnants on va vivre difficilement, survivre ou mourir dans les rangs
innombrables des perdants.
-Les tenants du libéralisme croient plus ou moins à la sacralisation de la compétition, les
tenants du socialisme croient plus ou moins à la gestion de la compétition, les tenants du
nationalisme croient plus ou moins à la nationalisation de la compétition.
Les tenants d’une société humainement viable voudraient remettre plus ou moins en cause la
compétition… Ils pensent que c’est vital, pourquoi ? Parce que, comme le disait souvent
Albert Jacquard, « la machine à gagner est une machine à exclure. », ses logiques sont
terricides et humanicides.
Le Club de Lisbonne, animé par Riccardo Petrella, dans « Les limites à la compétitivité
»(2005), dénonçait cet « évangile », « la bonne nouvelle n’existe que pour les gagnants, elle
n’est bonne que pour une infime portion de la population mondiale. Seuls une poignée
d’individus, de groupes ou de pays auront effectivement et légitimement accès à la table. » (
voir « L’Evangile de la compétitivité », Le Monde diplomatique, septembre 1991, qui soustitrait
« malheur aux faibles et aux exclus.» )
André Gorz écrivait avec sa grande lucidité « Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour
soumettre sa propre société aux exigences systématiques de la machine économique. »
Nous ajouterons qu’à long terme la compétition n’est même plus « une bonne nouvelle » pour
les dominants puisque les perspectives d’apocalypses écologiques se profilent dans un avenir
qu’on peut qualifier d’horizons d’irresponsabilités.
Les avertissements ne manquent pourtant pas : « Il ne possédait pas l’or mais l’or le
possédait » ( Jean de La Fontaine), « Les spéculateurs rendent la terre chauve et nue » ( David
Henry Thoreau).Sans oublier cette chanson de Jacques Brel, « Seul » :
( …) On est mille à s’asseoir
Au sommet de la fortune
Mais dans la peur de voir
Tout fondre sous la lune
On se retrouve seul (…)
(…)On est dix à coucher
Dans le lit de la puissance
Mais devant ces armées
Qui s`enterrent en silence
On se retrouve seul (…)
c) Injustices et compétitions marchent côte à côte
On retrouve donc cette opposition fondamentale.
Ceux et celles, nombreux, soumis à une véritable « colonisation des esprits » qui pensent que
la compétition est naturelle, qu’elle est saine, bonne, nécessaire , que de toutes façons , on
ne peut y échapper.
Ceux et celles, de plus en plus nombreux, qui pensent que la compétition est un produit de
l’histoire, donc qu’elle plus ou moins modifiable, dépassable. Finalement ceux et
celles qui pensent qu’elle est historique, qu’il y a des compétitions liées aux périodes et aux
sociétés, que le productivisme pousse à une compétition omniprésente, affirment que des
solidarités, des coopérations, des biens communs, des « vivre ensemble », constitutifs des
fraternités, peuvent se développer ou voir le jour.
La culture de compétition et d’agressivité ne doit-elle pas être remise en cause par une
conscience pacifique, juste, écologique de la fraternité ? Ne sommes-nous pas comme
l’écrivait Jean Rostand, « fraternisés par les périls communs » qui s’appellent la débâcle
écologique, les armes de destruction massive, les inégalités criantes, la techno science et les
marchés financiers devenus omniscients, omnipotents, omniprésents ?
« Etre ou ne pas être compétitifs » nous dit le système mondial, si vous n’êtes pas
compétitif (pays, région, ville, entreprise, laboratoire, université, personne) vous êtes dans les
perdants, vous êtes morts.
« Etre ou ne pas être fraternels » nous dit la vie, c’est la compétition qui est mortifère,
suicidaire. Bernard Clavel écrivait « Je ne vois pas comment la fraternité peut se développer
sous des cieux où la justice est faussée par la soif de richesse, l’appétit de gloire ou l’ivresse
du pouvoir (…) » (préface, Eclats de paix, direction. Alain Mingam, éditions Beau livre,
2004).
Riccardo Petrella écrit « La logique de la compétitivité est élevée au rang d’impératif naturel
de la société ».Autrement dit l’autre est perçu comme concurrent, adversaire, ou ennemi,
çà n’est pas un frère et cela qu’il soit vivant ou à venir. (sur les générations futures voir ce
blog).
-John Galbraith, économiste américain, dans «Le nouvel Etat industriel » (1967), montre en
particulier que beaucoup de guerres ont été et sont liées à la course aux contrôles des
matières premières, ainsi bien sûr le pétrole, à la course aux armements (Voir mes deux
ouvrages « Construire la paix »). Ces guerres sont « des formes extrêmes de la concurrence
industrielle ». Cet auteur dénonce la production de guerre comme étant « un gaspillage
nécessaire qui permet la justification des dépenses d’armements et la poursuite de la course au
profit ».
Ce contrôle des matières premières peut être une cause profonde de l’apparition d’un
conflit à travers les processus suivants : voilà un pays riche en matières premières ou en une
matière première considérée comme essentielle par le productivisme (pétrole, uranium, or, ou
diamant…) vitales écologiquement (eau) ,ce pays a une population pauvre, des groupes
sociaux essaient de contrôler ces matières premières pour devenir plus puissants, une partie de
la population pauvre peut aussi réagir, interviennent également des pays extérieurs et des
firmes multinationales qui ont pour objectif de garder ou de prendre le contrôle de ces
matières premières. La compétition peut être également un des ressorts du nationalisme
lequel en appelle à la domination sur d’autres pays voire à la haine d’autres peuples.
Injustices et dominations se tiennent embrassées dans l’autodestruction des êtres humains et
de l’ensemble du vivant.
d) Qui produit injustices et compétitions ?
Pour comprendre il faut distinguer « le coeur » et « l’armature » du système productiviste. Les
deux ont de multiples liens, par exemple les paradis fiscaux et des Etats.
– Les dominants essentiels, au « coeur » du système productiviste, ( sur ce blog nos
articles sur le productivisme), se nomment marchés financiers, firmes géantes, grands
groupes médiatiques, complexes de la techno science (civils et militaires).
-Les dominants importants, dans « l’armature » du système productiviste,s’appellent le
G8, surtout les Etats-Unis, les grands pays émergents surtout la Chine, quelques organisations
internationales (FMI, BM, OMC) et quelques organisations régionales (UE…) avec une
domination des hommes dans ce système productiviste.
Concrètement cela signifie par exemple pour les violences écologiques (voir sur ce blog
cinq articles sur les causes de la débâcle écologique) qu’il faut certes agir sur les « acteurs
importants » mais qu’une remise en cause des apocalypses écologiques-certaines existent
déjà, d’autres se préparent- ne pourra voir le jour qu’en agissant aussi sur les « acteurs
essentiels ». Ainsi par exemple en mettant au service d’une communauté mondialement
viable de gigantesques masses financières tournées aujourd’hui vers l’autodestruction. (voir
nos articles sur ce blog relatifs aux résistances, relatifs aussi aux moyens de protéger
l’environnement) (Voir aussi « La finance peut-elle sauver la planète?.( oui si on la force) »,
Politis, n° 1546 ,28 mars au 3 avril2019).
4- Comment analyser les violences secondes, celles des révoltes et des révolutions?
Elles en appellent sous différentes formes aux remises en cause des injustices et des
dominations.
Les dominants ne partagent pratiquement jamais d’eux-mêmes, ils ne le font que si des
rapports de force les y obligent. Le maintien des dominations est violent, les remises en
cause de ces dominations peuvent être violentes ou non-violentes.
De façon rarissime, très peu probable, des dominants importants et/ou essentiels peuvent se
remettre en cause eux-mêmes à travers une prise de conscience de leurs intérêts vitaux, on
peut l’imaginer par exemple pour certains éléments de l’environnement, mais autant ne pas
attendre de telles avancées, ce sont des résistances et des alternatives qui peuvent leur donner
le jour.
Les révoltes (plus ou moins larges) et les révolutions ( c’est-à-dire les remises en cause d’une
légitimité globale, par exemple celle du colonialisme, celle aujourd’hui du productivisme)
sont poussées à être plus ou moins violentes pour renverser les rapports de forces
contre des dominants qui créent, maintiennent ou aggravent les injustices.
5- Comment analyser les violences troisièmes celles des répressions ?
–Les responsables premiers de ces violences sont les donneurs d’ordre, dominants essentiels
ou importants, qui en appellent aux moyens répressifs pour maintenir l’ordre des dominants
en faisant taire les revendications de justice, en étouffant plus ou moins l’égalité, la liberté ,
la fraternité.
-Cette dernière, la fraternité, est considérée comme dangereuse lorsqu’elle pousse à la
formation de fronts communs entre des révoltés, des insurgés.
Les dominants sont plus ou moins aveugles sur le fait que c’est l’ensemble des générations
présentes qui devraient être fraternisées par les périls communs. ( voir sur ce blog « La
fraternité intergénérationnelle ».)
-Si l’on observe un acteur important qui est l’Etat, plus précisément son régime politique, on
peut affirmer que dans les régimes autoritaires, fondés sur l’absence de concurrence pour
conquérir ou garder le pouvoir, donc fondés soit sur le parti unique soit sur l’armée au
pouvoir, les arrestations arbitraires, les enlèvements politiques, la prison, la torture, les
exécutions des opposants, les ordres de tirer sur une foule… sont des pratiques inhumaines
nombreuses et dramatiques.
-Dans les régimes démocratiques, fondés sur une concurrence officielle entre des
oligarchies qui se disputent le pouvoir, lorsque des tensions sociales se transforment en
conflits et que les pouvoirs politiques et économiques ne veulent pas se remettre en cause,
certains moyens répressifs employés peuvent se rapprocher de ceux des régimes autoritaires.
Cette absence de règlement de conflits porte peu à peu atteinte à la démocratie.
On affirme que l’on veut maintenir la démocratie mais il arrive que l’on emploie des
moyens qui lui sont, en tout ou partie, contraires, ainsi certaines armes provoquant de
graves blessures. Dans une démocratie l’appel à l’armée pour servir de rempart par exemple
contre des grévistes, contre des manifestants est inacceptable par principe, cette pratique
disproportionnée relève du régime autoritaire, l’armée intervient contre une partie de la
population au même titre que contre des terroristes ou des ennemis extérieurs.
– Enfin les critères liés aux libertés publiques sont déterminants dans les régimes
démocratiques, ainsi des lois peuvent porter atteinte par exemple aux libertés de réunion,
d’expression, de manifestation au nom de la sécurité. On glisse alors, en fait et en droit, vers
le sécuritaire, des libertés sont peu à peu étouffées. « Le virage sécuritaire » de différents
pays « consiste à restreindre des droits humains pour répondre à des menaces sans pour
autant répondre à une meilleure protection des citoyens » (rapport 2016 de l’ONG Human
Rights Watch)
6- Que signifie « la violence paie » ? La violence paie-t-elle ?
a) Cette affirmation renvoie le plus couramment au fait que l’on obtient un certain
nombre de revendications en protestant par des révoltes violentes, par exemple à travers
des manifestations qui s’accompagnent de slogans radicaux, d’atteintes aux biens voire même
aux personnes.
Un régime démocratique peut alors « reculer » devant des revendications sociales et
écologiques par exemple en organisant des négociations, avec des corps intermédiaires,
négociations porteuses de véritables remises en cause d’objectifs fixés par l’ordre dominant.
Un régime autoritaire, fondé donc sur le parti unique ou l’armée, réagit le plus souvent en
accentuant les répressions face à ses remises en cause.
-L’expression « la violence paie » peut avoir une autre signification peu avouable. Le pouvoir
politique et économique ne veut pas céder et maintient des dominations. Ces blocages sont
sources de profits, ainsi protéger des citadelles financières s’avère…payant pour elles.
b) Ceux et celles, dont nous sommes, qui pensent que la violence ne paie pas avancent
généralement deux arguments.
– D’abord l’argument de l’inefficacité : il est vrai qu’il peut arriver que les dominants
cèdent, la violence contribue alors à « accoucher l’histoire ».
Mais il peut arriver, aussi et souvent, que leurs pouvoirs trouvent là une justification pour se
renforcer, les violences des répressions peuvent alors être plus dures ou plus terribles
qu’avant. C’est donc alors un argument stratégique.
-Ensuite, et c’est à nos yeux l’argument essentiel, les violences sont porteuses de
souffrances physiques, psychologiques, matérielles, environnementales.
-Il faut donc mettre en avant une méthode différente à la fois efficace et humainement
acceptable. C’est la non-violence, qui est tout sauf la passivité comme le pensent encore
beaucoup. Comme l’écrivait Jacques de Bollardière « ces méthodes mobilisent par delà le
mépris, la violence et la haine. » L’histoire de la non-violence est encore en partie méconnue,
et pourtant voilà l’Inde qui s’est libérée de la colonisation anglaise, voilà les révoltes massives
et non-violentes qui ont participé à l’effondrement des glacis totalitaires de l’Union soviétique
et des pays de l’Est, voilà aujourd’hui en route une partie de la jeunesse du monde qui met en
pratique la non-violence pour exiger des politiques radicales contre le réchauffement
climatique.
7-Des révoltes et des révolutions peuvent-elles être non-violentes ?
a) Le choix des moyens non-violents
-Certaines révoltes et révolutions voient donc le jour en tout ou partie à travers les choix de
la non-violence c’est à dire de résistances actives. Ces moyens reposent sur un cadre nonviolent
c’est-à-dire un respect de la dignité humaine, une exigence de justice, une
combativité positive (et non une agressivité) face au conflit.
-Cette méthode de règlement des conflits refuse la violence d’oppression dans laquelle
on impose sa loi, elle refuse la violence de soumission dans laquelle on renonce à ce que
l’on pense être essentiel.
–On cherche ensemble, dans le respect des personnes et la confrontation, des solutions
justes. Jacques Sémelin insiste sur « trois principes majeurs : l’affirmation de l’identité du
sujet résistant (…), la non coopération collective(…), la médiatisation du conflit c’est à dire
susciter la constitution de « tiers » qui appuient sa cause. » (Jacques Sémelin, « Du combat
non-violent » dans l’ouvrage « Résister. Le prix du refus », sous la direction de Gérald Cahen,
éditions Autrement, Série Morales n°15,1994)
b) Ces moyens, énumérés à titre indicatif, font partie des pratiques essentielles de
l’action non-violente. Il s’agit, de façon non exhaustive, de la non-coopération, de la
désobéissance civile, de l’obstruction non-violente, de l’objection de conscience, de la grève
de la faim, la grève, du sit in (s’asseoir sur la voie publique, en particulier des places), du
boycott, du refus de l’impôt sur les armements, des pétitions… (Jean-Marie Muller, Stratégie
de l’action non-violente, Seuil, 1981).
8-N’est-on pas conduit à proposer une définition des violences fondée sur les moyens ?
Parmi de nombreuses définitions l’une des plus claires, est celle proposée par François Stirn
(Violence et pouvoir, Hatier, 1978). « La violence consiste dans un emploi de la force pour
contraindre l’autre, nier son autonomie, ou son intégrité physique, ou même parfois sa
vie.(…)Elle peut donc être définie par l’emploi de moyens portant atteinte à la liberté ou à
l’existence d’individus ou de groupes(…). »
A notre sens deux critères peuvent ainsi permettre de déterminer une définition se voulant
opérationnelle.
– D’abord cette définition devrait reposer sur le critère de la globalité qui permettrait
d’englober l’ensemble des violences, violences économiques, financières, sociales,
culturelles, écologiques…et cela à travers tous les acteurs, du local au mondial, d’englober
aussi des violences individuelles et collectives.(voir sur ce blog nos articles sur les
classifications et les contenus des violences.)
-Ensuite ne devrait-elle pas mettre en avant le critère des moyens ? « La fin est dans les
moyens comme l’arbre est dans la semence », pensée radicale et lumineuse de Gandhi.
N’écoutez pas seulement ce qu’ils disent, regardez avant tout ce qu’ils font par rapport aux
objectifs qu’ils proclament.
Les violences sont donc
-exercées contre des personnes, des groupes, des peuples, des générations (passées,
présentes, futures), contre aussi la nature,
-par l’emploi de moyens qui portent atteinte à leur existence, sous diverses formes
(physique, psychologique, matérielle, environnementale…)
– ces moyens portent aussi atteinte à la justice, la démocratie, l’environnement, la paix.
-Ces moyens, à tel ou tel niveau géographique, de façon partielle ou plus globale, modérée
ou plus radicale, personnelle et/ou collective, contribuent à nous amenervers des situations
inhumaines, c’est à dire vers des sociétés autoritaires, injustes, anti écologiques et
violentes.
-Au contraire d’autres moyens, à tel ou tel niveau géographique, de façon partielle ou plus
globale, modérée ou plus radicale, personnelle et/ou collective, contribuent à la
construction de sociétés démocratiques, justes, écologiques, pacifiques.
Violences des injustices, des révoltes, des répressions : la question vitale des moyens ( II )
On peut bien sûr passer sous silence cette question vitale, c’est alors au pire un discours-vérité
qui n’admet aucune remise en cause, au pire une fuite des responsabilités, ou …au pire
encore… une erreur d’analyse.
Nous envisagerons tour à tour :
1- Les questions soulevées par les rapports entre les moyens et les fins
2- Les confusions entre les fins et les moyens
3-La remise à leur place des moyens : la techno science et le marché mondial
4- Le respecter des fins : des êtres humains libres, debout et solidaires
5- La remise en cause vitale des moyens conformes aux fins que l’on proclame
6- Une liste indicative de vingt grandes séries de moyens (cinq dans chacun des quatre
grands domaines) contribuant à passer d’un système international productiviste
autodestructeur (qui assassine la terre et l’humanité) à une communauté mondiale
viable pour la terre et l’humanité
7-Quelques commentaires relatifs aux moyens de cette liste
1- Les questions soulevées par les rapports entre les moyens et les fins
On l’a compris : la non-violence est au coeur des rapports entre les moyens et les fins. Mais
cette question est encore plus large, on peut parler de question vitale des moyens.
Ne faut-il pas répondre ici à deux séries de questions ?
D’abord n’y a-t-il pas une confusion entre les fins et les moyens et, si c’est le cas, doit-on
y faire face et comment?
Ensuite la fin justifie-t-elle les moyens (Machiavel) ? Ou bien les moyens doivent-ils
être conformes aux finalités poursuivies (Gandhi) ?
Nous ne nous éloignons pas du point de départ : quels moyens pour remettre en cause des
injustices ? Quels moyens employés par des révoltes et des révolutions ? Quels moyens
utilisés par les répressions ?
On ne peut y voir plus clair dans ces enjeux qu’en faisant appel au sens des ensembles.
2- Quelles confusions entre les fins et les moyens ?
Le système productiviste (voir articles sur ce blog) contribue aux confusions entre les fins
et les moyens.
a) Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en
humanité, ainsi que l’ensemble des êtres vivants, sont plus ou moins ramenées aux rangs de
moyens, autrement dit plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés
comme producteurs, dépossédés comme citoyens, « marchandisés » comme êtres vivants…au
service du marché, de la techno science.
b) Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont
tendance à se transformer en fins suprêmes.
La science est source de découvertes, elle mobilise pour le meilleur mais aussi pour le pire et
ses dérives ne sont pas sans risques et sans drames.
Le marché est sources d’échanges, de besoins satisfaits mais aussi de désillusions,
d’inégalités, de misères, de gaspillages.
La technologie et le marché qui, pensaient beaucoup de personnes, devaient être au service
des êtres humains, ne sont-ils pas souvent considérés et devenus des fins en eux-mêmes ?
3- La remise à leur place des moyens,
cela signifie une techno-science et un marché au service des êtres humains et non le contraire.
a ) La remise à sa place de la techno-science
– Comme on s’en remet au marché on s’en remet souvent aussi à la techno-science. Les
recherches et les technologies aux différents niveaux géographiques, à travers des
phénomènes de concentrations et de groupes dominants (firmes multinationales,
laboratoires) ont tendance à s’auto reproduire parfois, voire souvent, indépendamment
des véritables besoins des êtres humains.
-La techno-science ne tend-t-elle pas à échapper de plus en plus aux acteurs
humains ? Après les phases de mécanisation, de motorisation, d’automatisation est venue
celle de la cybernétisation c’est-à-dire de mécanismes de régulation des machines et des êtres
vivants. La cybernétisation des technologies avancées n’amène-t-elle pas à enlever des
possibilités d’appréciation et de décision à ceux qui sont censés les contrôler ?
Dès lors une question vitale est la suivante : les acteurs humains doivent-ils, veulent-ils,
peuvent-ils mettre en oeuvre un véritable contrôle de la techno-science à tous les niveaux
géographiques ?
-Nous citerons au moins six séries de contrôles urgents, cruciaux, décisifs : la recherche
scientifique militaire sur les armes de destruction massive, les graves problèmes drames et
menaces posés par les déchets radioactifs et donc par l’énergie nucléaire, les pollutions de
l’air causées entre autres par des moyens de transports écologiquement non viables, la
marchandisation de la faune et de la flore(voir articles sur ce blog) , l’exclusion du travail par
la technique (une des grandes causes du chômage), et déjà le déploiement ici ou là, hors
encadrement juridique rigoureux ,de manipulations du génome, des nanotechnologies et de
certains projets de géo-ingénierie…Nous pourrions prolonger la liste.
La gravité des menaces, la complexité des défis, les souffrances causées par divers drames
exigent une techno-science ramenée au rang de moyen au service des êtres humains.
-Il y a ainsi au moins deux grands axes pour mettre en oeuvre un contrôle de la technoscience
ou , de façon plus radicale, pour la remettre à sa place.
Le premier axe se situe en termes de priorités c’est-à-dire que les efforts de recherches et de
nouvelles technologies doivent être orientés en fonction des priorités liées à l’intérêt
commun de l’humanité, les activités de la techno-science doivent s’inscrire dans des contrats
à tous les niveaux géographiques, contrats mettant en avant ces priorités et décidés par des
processus démocratiques.
Le second axe se situe en termes d’interdictions : la sacro-sainte liberté de la recherche
scientifique doit être remise en cause quand elle menace la dignité des personnes ou l’intérêt
commun de l’humanité.
b) La remise à sa place du marché
-Face à l’économisme triomphant, à la recherche du profit, à la société du marché qui a
tendance à occuper toute la place, un certain nombre d’auteurs, d’organisations non
gouvernementales (ONG), de citoyen(ne)s, et d’autres acteurs proposent ou contribuent à
mettre en oeuvre ici ou là une « économie plurielle ».
-Face au libre-échange généralisé, face aux logiques de guerre économique et de compétition,
il s’agit de remettre le marché à sa place et de créer ou de développer des logiques de
coopération.
-Il y a ainsi au moins quatre grands axes pour mettre en oeuvre ce contrôle du marché ou, de
façon plus radicale, pour remettre le marché à sa place.
Il est nécessaire de subordonner le libre-échange à ce qui deviendrait la primauté de la
protection de l’environnement et de la santé.
Il est nécessaire que soient créés ou se développent des éléments de « l’économie
plurielle » c’est à dire des formes d’économie solidaire et sociale, des entreprises
coopératives, des services publics, des systèmes d’échanges locaux (à travers des
associations dont les membres échangent des biens et des services, hors du marché),des
pratiques de commerce équitable et des mécanismes de juste-échange, des pratiques
d’économie collaborative en matière de transports(covoiturage)de logements(
colocation) de nourriture, d’éducation…
Le troisième axe consiste à « désarmer le pouvoir financier » en adoptant entre autres une
taxe massive sur les transactions financières et en remettant en cause les paradis fiscaux, les
trois contre-mécanismes à créer sont connus mais les rapports de force sont à renverser, c’est
un combat gigantesque mais vital.
Le quatrième axe est constitué par le fait que certaines productions du marché sont, par
nature, plus ou moins nuisibles aux acteurs humains. Dans l’économie plurielle,
lesreconversions – par exemple des industries d’armements – contribuent à l’avènement d’un
monde responsable et solidaire, reconversions socialement et écologiquement porteuses.
Remettre à leurs places les moyens et aussi respecter les fins.
4- Le respect des fins : des êtres humains libres, debout et solidaires
a) Il s’agit de consacrer,encore mieux et à tous les niveaux géographiques, les trois
générations de droits humains : les droits civils et politiques (libertés), les droits
économiques sociaux et culturels (égalités), le droit à l’environnement, le droit au
développement et le droit à la paix (solidarités).
b ) Il s’agit de préparer la consécration d’une quatrième génération de droits, ceux des
personnes par rapport à la techno science, par exemple l’interdiction de recherches sur les
armes de destruction massive comme portant atteinte à la dignité humaine, par exemple les
droits des personnes par rapport aux robots…Cette quatrième génération a commencé à voir
le jour dans le domaine de la biologie, par exemple à travers la Déclaration( texte donc non
contraignant) universelle sur le génome humain et les droits de l’homme(11-11-1997).
c) Il s’agit bien sûr, aussi et surtout, de mettre en oeuvre ces générations de droits, de les
faire Résister c’est dire non à l’inacceptable, à toutes les formes d’atteintes à la dignité
humaine. Les rôles des juges, des ONG, des réseaux, des citoyen(ne)s, certes différents, sont
ici essentiels. Ainsi le droit à l’environnement est indirectement appliqué par de plus en plus
de tribunaux qui obligent des Etats à respecter leurs engagements internationaux de mise en
oeuvre de politiques contre les émissions de gaz à effet de serre.
5- La remise en cause vitale de moyens conformes aux finalités
-La fin justifie les moyens : depuis le fond des âges ces théories et ces pratiques sont
omniprésentes.
Par rapport au sujet traité cela signifie que peu importe les souffrances des dominés et des
exploités pourvu que les profits soient là. Cela signifie que peu importe des moyens plus ou
moins violents dans les révoltes et les répressions pourvu qu’on arrive à ses fins.
-Or on peut penser que la légitimité d’une cause n’implique pas la légitimité de tous les
moyens pour la faire triompher. S’il était oh combien légitime de lutter contre le
totalitarisme nazi, certains, dont nous sommes, penseront qu’il n’était pas légitime d’envoyer
les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (avec d’ailleurs pour objectif de montrer sa
force face à l’Union soviétique).
-On peut ainsi penser qu’aucun moyen n’est neutre par rapport aux objectifs proclamés.
Gandhi, dans l’ouvrage posthume ( première parution en 1969, réunissant ses écrits « Tous
les hommes sont frères »( folio essais) affirme de façon radicale et lumineuse « On entend
dire « les moyens, après tout, ne sont que des moyens ». Moi je vous dirai plutôt : « tout, en
définitive, est dans les moyens. La fin vaut ce que valent les moyens. Il n’existe aucune
cloison entre les deux catégories » (…) Votre grande erreur est de croire qu’il n’y a aucun
rapport entre la fin et les moyens (…) Les moyens sont comme le grain et la fin comme
l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens qu’entre l’arbre et la
semence. Ceux qui, au contraire, s’abaissent à employer n’importe quel moyen pour arracher
une victoire ou qui se permettent d’exploiter d’autres peuples ou d’autres personnes plus
faibles, ceux-là non seulement se dégradent eux-mêmes, mais aussi toute l’humanité. Qui
pourrait donc se réjouir de voir l’homme ainsi bafoué ? »
-Nous soulignerons quelques illustrations de pratiques massives illustrant l’utilisation de
moyens contraires aux finalités proclamées.
On affirme que l’on veut assurer la paix et on le fait en particulier par le développement des
armements. Voilà un exemple de l’une des violences les plus gigantesques. Non seulement
elle augmente l’insécurité en plongeant de multiples acteurs dans une compétition
humanicide, non seulement elle aggrave des tensions et des conflits armés, non seulement
elle participe à la destruction de la nature mais, et on ne le dénonce que de façon dérisoire,
elle enlève des sommes énormes qui pourraient répondre à des besoins criants, ainsi le droit à
l’eau et à l’assainissement n’est toujours pas assuré pour une partie de la population
mondiale.
On affirme que la protection de l’environnement doit être au service de l’efficacité
économique, de la bonne marche des affaires. Voilà une autre violence gigantesque. Le
marché n’est pas remis à sa place, il est devenu une fin en lui-même et non pas ramené au
rang de moyen, on ne réduit pas et on n’élimine pas, ou si peu, les modes de production et de
consommation écologiquement non viables.
On affirme qu’il faut lutter contre des inégalités criantes sur la planète. Pour les réduire on
soutient qu’il faut être dans le peloton de tête qui entrainera tout le monde. Finalement on
retrouve cette foi dans la compétition, être ou ne pas être compétitifs nous dit le marché
mondial. Etre ou ne pas être fraternisés par les périls communs nous dit la vie sur terre.
On affirme que l’on veut préserver la démocratie mais on n’opère que des régulations a
minima des marchés financiers. Du point de vue du système financier international il y a
l’avant et l’après 15 août 1971, jour où les Etats-Unis décident de mettre fin à la
convertibilité du dollar en or. Ainsi le dollar a pu flotter, les spéculations sur les monnaies se
sont multipliées, le système bancaire est devenu plus puissant, les marchés boursiers plus
importants, les opérateurs internationaux ont des logiques spécifiques de fructification des
patrimoines financiers, ils prennent peu à peu « la place du conducteur. »,les démocraties sont
d’ailleurs trop lentes pour décider, les automates des marchés financiers agissent à la seconde.
Si l’on veut construire des sociétés démocratiques il faut penser et mettre en oeuvre des
moyens démocratiques,
Si l’on veut construire des sociétés justes il faut penser et mettre en oeuvre des moyens
justes,
Si l’on veut construire des sociétés pacifiques il faut penser et mettre en oeuvre des
moyens pacifiques
Si l’on veut penser des moyens écologiques il faut penser et mettre en oeuvre des moyens
écologiques.
D’où la liste suivante…construite à partir de certains auteurs, de nombreuses luttes en
particulier associatives et de nos propres réflexions.
6– Liste indicative de vingt grandes séries de moyens (cinq dans chacun des quatre
grands domaines) contribuant à passer d’un système international productiviste
autodestructeur (qui assassine la terre et l’humanité) à une communauté mondiale
viable pour la terre et l’humanité
a / D’un système international pour une large part autoritaire à une communauté
mondiale démocratique :
-Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières, impôt mondial
sur les capitaux, suppressions des paradis fiscaux, suppression des évasions fiscales,
orientations contraignantes de la finance vers la protection de l’environnement…)
-Encadrement des firmes multinationales (respects de la santé, du social, de
l’environnement, de la culture…)
-Démocratisation des institutions internationales (réformes du Conseil de sécurité et de
certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place légitime des pays du Sud,
promotion des ONG…)
–Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux, continentaux,
internationaux) et non-cumul généralisé des mandats des élu(e)s dans tous les Etats,
création et développement des processus de représentation(représentativité
démocratique, modes d’élections plus démocratiques )et des processus de participation
(référendums encadrés par les droits de l’homme, conférences de citoyens…), lancements des
premiers référendums mondiaux sur les générations futures …
-Créations d’organisations nouvelles (composées d’Etats, d’ONG, de collectivités
territoriales …), rencontres institutionnalisées des organisations internationales, régionales et
sous-régionales, développement de réseaux de solidarités, de coordinations, de fronts
communs d’ONG… (par exemple celles allant dans le sens d’un ralentissement du système.),
création d’une internationale de la lenteur fédérant les ONG et d’autres acteurs agissant
en ce sens…
-…
b/ D’un système international pour une large part injuste à une communauté
mondiale juste :
–Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre, revenu
déconnecté du travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)…
–Annulations, organisées équitablement, des dettes publiques (celles des Etats, des
collectivités territoriales, des organisations internationales…)
–Priorités données au juste échange et au commerce équitable (le libre échange leur sera
subordonné), développement massif de l‘économie sociale et solidaire, de
l’économie collaborative …
–Mise en place d’agricultures durables et autonomes (respect de l’environnement, statut
international des matières agricoles, souveraineté alimentaire)
–Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement du pouvoir
financier et liées aux activités polluantes, redistribuées vers des besoins criants en santé, en
protection sociale, en éducation, en environnement, en emplois…)
– …
c/ D’un système international pour une large part anti écologique à une communauté
mondiale écologique :
–Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de
production, de consommation, de transport écologiquement non viables)
–Programmes massifs les plus rapides possibles d’accès à l’eau (effectivités du droit à l’eau
potable et du droit à l’assainissement)
–Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les
niveaux géographiques, créations massives d’emplois )
–Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables, économies
massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire), mise en oeuvre d’un ralentissement de
l’explosion démographique mondiale
–Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation
mondiale de l’environnement, convention sur les droits des déplacés environnementaux,
convention créant une Organisation mondiale et régionale d’assistance écologique,
conventions de protection des sols, convention de protection des forêts, convention contre les
pollutions telluriques …) et de nouveaux protocoles(en particulier de réductions massives et
radicales des gaz à effet de serre)
Les actions environnementales qui précèdent , combinées au revenu universel d’existence,
aux réductions du temps de travail et à de grands travaux communs pacifiques, sociaux et
écologiques , contribueraient à donner le jour à des créations massives d’emplois dans le
bâtiment, les énergies renouvelables, l’agriculture, les transports, la revitalisation de régions
dégradées, les travaux contre des effets de la montée des eaux, l’assistance aux catastrophes
écologiques, l’éducation à l’environnement…
-…
d/ D’un système international pour une large part violent à une communauté
mondiale pacifique :
–Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction massive(déclarées
contraires à l’intérêt commun de l’humanité.)
–Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces
d’interposition envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention
internationalisées)
–Remises en cause des ventes d’armes (restrictions, taxations, interdictions, reconversions),
créations de ministères du désarmement.
–Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes de destruction
massive en particulier nucléaires ) , application des traités qui existent déjà.
–Mise en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans de multiples
lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non violent des conflits.)
-…
7-Quelques commentaires relatifs à ces moyens
a– Le système productiviste est condamnable et condamné.
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2016 un enfant
sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies, misère…)
et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 ont pris une large partie
de la place des conducteurs (Etats…) ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 5 milliards de
dollars partent chaque jour en 2017 vers les dépenses militaires mondiales(4,239 par jour), et
du seul fait, par exemple, que des activités humaines entrainent un réchauffement climatique
qui menace l’ensemble du vivant,+3°C à 6°C vers 2100 et autour de 1 à 2 mètres, voire plus
, d’élévation du niveau des mers ?
b- Cette vingtaine de moyens est proposée à titre indicatif, on peut bien sûr prolonger la
liste. Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système
productiviste auto destructeur (voir sur ce blog quatre « billets » sur « Le productivisme ») et
à le remettre en cause pour donner naissance en quelques décennies (? Le temps est
compté…) à une communauté mondiale humainement viable.
c- La liste proposée n’est pas celle du Discours Vérité, ce sont des convictions mais des
erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime, dangereux, inefficace,
irréalisable…Ne pas oublier qu’existent deux sortes d’utopies, celles de voeux pieux non
réalisés, celles des utopies concrètes qui prennent les moyens de se réaliser.
d- Certains de ces moyens ont des débuts d’application cependant en général trop
timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du
système productiviste implique la mise en oeuvre de moyens nombreux et radicaux. Nous
avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble particulièrement
radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces cinq moyens sont
très critiqués par certains. Ainsi pour leurs pourfendeurs le revenu universel d’existence est
synonyme d’institutionnalisation de la paresse et d’impossibilité financière de le réaliser,
l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive est synonyme d’atteintes à
la liberté de la recherche scientifique, le désarmement financier est synonyme de faillite
généralisée, les remises en cause des modes de production et de consommation non viables
sont synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité…
e- Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice, environnement, paix) sont
interdépendants pour le pire et le meilleur. Ainsi des mécanismes produisant des injustices
produisent des violences. Ainsi des contre-mécanismes porteurs de justice sont ensuite
porteurs d’éléments pacifiques. Les interactions sont multiples dans chaque domaine et entre
les domaines. Les problèmes de coordinations de tels moyens seront massifs mais moins
gigantesques…que les séries de drames et de menaces liés au productivisme.
f- Penser et mettre en oeuvre ces contre-mécanismes dépend surtout (même si le hasard
peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives (voir
sur ce blog « Les volontés politiques », voir aussi les quatre « billets » sur la démocratie,
surtout le 3ème).
Ces moyens pour voir le jour doivent et devront surmonter des obstacles nombreux et
puissants mais pensons, exemple gigantesque, au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans,
par s’effondrer, « l’histoire est sortie de ses gonds ». Des ONG, des alternatives sont souvent
porteuses d’espoirs.
-Si l’on pense que
-le village, la ville, la région c’est notre terroir
-le pays c’est notre patrie,
-le continent c’est notre matrie,
-la terre c’est notre foyer d’humanité
… alors tous les acteurs, aux différents niveaux géographiques, à travers des
responsabilités très variables, ont des remises en cause à entreprendre, des alternatives
auxquelles participer.
Il est clair que plus l’acteur est puissant et se trouve au coeur du système productiviste
plus la remise en cause sera difficile.
J’aimais rappeler aux étudiant(e)s cette citation de Montesquieu, connue, claire et terrible
dans sa fin, dans ses liens entre un continent et le genre humain :
« Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille je le
rejetterais de mon esprit.
Si je savais quelque d’utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie je chercherais à
l’oublier.
Si je savais quelque chose d’utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe
ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain je le regarderais comme un
crime. »
g- Enfin réaffirmons, encore et toujours, que les moyens proposés doivent être
conformes aux fins que l’on met en avant :
pour des fins démocratiques des moyens démocratiques.
pour des fins justes des moyens justes,
pour des fins écologiques des moyens écologiques,
pour des fins pacifiques des moyens pacifiques…
Remarque terminale
Après avoir traversé une partie des analyses des mondes des violences nous proposerons
pour cette remarque terminale deux citations peu connues, deux citationsmettant en avant le
mot tendresse que certains d’entre nous affectionnent particulièrement. (voir sur ce blog « Le
dernier mot est-il le bon ? ») :
-« La violence c’est le négatif de la tendresse. » (André Gorz).
-et une pensée d’Emile Zola ( article publié dans Le Figaro du 16 mai 1896, deux ans avant
son autre article célèbre « J’accuse ») :
: « ( …) Le rêve final sera de ramener tous les peuples à l’universelle fraternité, de
les sauver tous le plus possible de la commune douleur, de les noyer tous dans une
commune tendresse. »